Cass. 3e civ., 11 juillet 2019, n° 18-16.993
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 20 mars 2018), qu'un arrêt du 1er décembre 2005 a constaté que les rapports contractuels entre la société Pierre et vacances, locataire depuis le 1er juin 1993 d'un ensemble immobilier cédé par la société civile immobilière La Volonté (la SCI) à la société en nom collectif Avoriaz coeur de station (la SNC), et cette dernière avaient été volontairement soumis au statut des baux commerciaux et que la locataire était fondée à obtenir paiement d'une indemnité d'éviction après le refus de la bailleresse de renouveler le bail ayant pris fin le 31 octobre 2008 ; qu'après expertise, les parties ont demandé respectivement la fixation de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation jusqu'à libération des lieux, le 30 mai 2014 ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu que la SCI et la SNC font grief à l'arrêt de fixer le montant de l'indemnité d'éviction à une certaine somme et de les condamner in solidum au paiement ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'arrêt du 1er décembre 2005 avait déclaré la société Pierre et vacances recevable et bien fondée en sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction, c'est sans méconnaître l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision que la cour d'appel, devant laquelle la SCI et la SNC ne prétendaient pas à l'inexistence d'un fonds de commerce lorsqu'elles discutaient le montant de l'indemnité d'éviction, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :
Attendu que la société Pierre et vacances fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation des SCI et SNC à lui rembourser les trop-perçus d'indemnité d'occupation, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a exactement retenu que l'obligation de rembourser résultait, de plein droit, de la réformation du montant de l'indemnité d'occupation fixé par la décision de première instance ;
Attendu, d'autre part, que le moyen dénonce en réalité une omission de statuer sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident :
Vu l'article L. 145-14 du code de commerce ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société Pierre et vacances en paiement d'une indemnité au titre des frais de réinstallation, l'arrêt retient que, selon l'expert judiciaire, il serait difficile de retenir des frais de réinstallation lors de la perte d'un fonds de commerce qui n'engendre, par définition, aucune réinstallation, que la jurisprudence citée concerne l'hypothèse du remplacement du fonds de commerce comme celle de son déplacement, de sorte qu'elle ne saurait trouver application en l'espèce et qu'il convient donc de s'en tenir à l'opinion de l'expert pour débouter la société Pierre et vacances de sa demande de ce chef ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le bailleur est tenu d'indemniser des frais de réinstallation le preneur évincé d'un fonds non transférable, sauf s'il établit que le preneur ne se réinstallera pas dans un autre fonds, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les SCI et SNC rapportaient la preuve que la société Pierre et vacances ne se réinstallerait pas dans un autre fonds, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société Pierre et vacance en paiement d'une indemnité au titre des frais de réinstallation, l'arrêt rendu le 20 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.