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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 11 mai 2022, n° 18/08341

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SHD-IMMO (Sté)

Défendeur :

Société Générale (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Champion

Conseillers :

Mme Parent, Mme Hauet

Avocats :

Selarl Aseven, Selarl PFB Avocats

CA Rennes n° 18/08341

10 mai 2022

Par acte sous seing privé du 31 juillet 2001 la société Saint Herblain Distribution, désormais dénommée SHD IMMO, a donné à bail à la Société Générale un local commercial dépendant du [...], pour une durée de douze années à compter du 5 novembre 2001 pour se terminer le 4 novembre 2013.

Par acte d'huissier en date du 9 avril 2013, la Société SHD-IMMO a fait délivrer à la Société Générale un congé sans offre de renouvellement avec offre d'indemnité d'éviction pour le 4 novembre 2013.

La société SHD IMMO a saisi, par acte du 21 mars 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes, aux fins de voir désigner un expert avec mission de donner son avis, tant sur l'indemnité d'occupation que sur l'indemnité d'éviction.

L'expert judiciaire commis a déposé son rapport d'expertise le 22 octobre 2015 dans lequel il a proposé de fixer l'indemnité d'éviction en remplacement à 2 477 000 euros, en déplacement dans la galerie à 790 000 euros et en déplacement hors de la galerie à 946 500 euros et de fixer l'indemnité annuelle d'occupation à 88 100 euros.

La société SHD IMMO a fait signifier par acte extrajudiciaire du 28 octobre 2015 son droit de repentir et a notifié à la Société Générale son accord pour le renouvellement du bail aux charges et conditions du bail du 30 juillet 2001, sauf à porter le montant du loyer à 1 213 euros hors taxes par m².

Par acte d'huissier du 3 novembre 2015, la société SHD IMMO a assigné la Société Générale devant le tribunal de grande instance de Nantes.

Par jugement en date du 15 novembre 2018, le tribunal a :

- fixé l'indemnité d'occupation annuelle due par la Société Générale à la société SHD-IMMO à la somme de 93 268,80 euros hors taxes hors charges du 5 novembre 2013 au 28 octobre 2015,

- condamné la société SHD-IMMO à payer à la Société Générale la somme de 55 701,86 euros au titre des montants payés en trop sur la période du 5 novembre 2013 au 28 octobre 2015 avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2016,

- s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande additionnelle de fixation du loyer du bail renouvelé qui est recevable,

- fixé le loyer du bail renouvelé au 29 octobre 2015 à la somme de 100 703,96 euros hors taxes hors charges par an,

- condamné la société SHD-IMMO à rembourser à la Société Générale les sommes trop perçues depuis le 29 octobre 2015 avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2017 pour les loyers échus à cette date puis à compter des échéances postérieures et avec capitalisation des intérêts par années entières,

- condamné la société SHD-IMMO à payer à la Société Générale la somme de 33 062,12 euros au titre des frais et honoraires en vertu de l'article L. 145-58 du code de commerce et la somme de 7 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres prétentions plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société SHD-IMMO aux dépens avec autorisation de recouvrement direct donnée à Me Arnaud F., avocat au barreau de Nantes dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le 21 décembre 2018, la société SHD-IMMO a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 19 septembre 2019, elle demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes en date du 15 novembre 2018, sauf en ce qu'il ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande de fixation du prix du bail renouvelé,

Et, statuant à nouveau,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation annuelle due par la Société Générale à la Société SHD-IMMO, depuis le 5 novembre 2013 jusqu'au 28 octobre 2015, à la somme de 141 241,72 euros hors taxes, hors charges, sauf à parfaire,

- condamner la Société Générale à lui payer les compléments d'indemnité d'occupation dus depuis le 5 novembre 2013 et correspondant à la différence entre le loyer effectivement payé et l'indemnité d'occupation fixée par la cour,

- condamner la Société Générale, en application de l'article 53 du bail commercial en date du 30 juillet 2001, à lui payer les intérêts « de retard au taux d'escompte de la Banque de France, majoré de quatre points » sur les compléments d'indemnité d'occupation dus depuis le 5 novembre 2013, à compter de chaque échéance et jusqu'à parfait paiement,

- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- fixer le prix du bail renouvelé, à compter du 29 octobre 2015, au montant de 141 241,72 euros hors taxe, hors charge par an, sauf à parfaire, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail commercial en date du 30 juillet 2001 demeurant inchangées,

- condamner la Société Générale à lui payer les compléments de loyers dus depuis le 29 octobre 2015 et correspondant à la différence entre le loyer effectivement payé et loyer fixé par la cour,

- condamner la Société Générale, en application de l'article 53 du bail commercial en date du 30 juillet 2001, à lui payer les intérêts « de retard au taux d'escompte de la Banque de France, majoré de quatre points » sur les compléments de loyers dus depuis le 29 octobre 2015, à compter de chaque échéance et jusqu'à parfait paiement,

- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- débouter la Société Générale de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la Société Générale au paiement de la somme de 10 000 euros au profit de la Société SHD-IMMO en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la Société Générale aux entiers dépens en ce compris les frais

d'expertise, dont distraction au profit de Me Virginie J., conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 30 mars 2021, la Société Générale demande à la cour de :

- débouter la société SHD IMMO de son appel,

- déclarer la Société Générale bien fondée en son appel incident,

- infirmer le jugement des seuls chefs critiqués dans les motifs de ses écritures,

- juger qu'il convient de fixer l'indemnité d'occupation annuelle à la somme 88 100 euros hors taxes et hors charges,

- juger qu'il en résulte à son profit un trop-perçu de 117 289,41 euros et en conséquence, condamner la société SHD IMMO à lui payer ladite somme avec intérêts au taux légal à compter de la date de chaque versement et ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause,

- juger que le dépôt de garantie devra être ramené à une somme égale à trois mois de loyer en principal,

- débouter la société SHD IMMO de sa demande en paiement d'intérêts, qu'ils soient simples ou majorés,

- juger que la société SHD IMMO doit supporter les frais qui ont été exposés par la Société Générale à l'occasion de l'instance devenue sans objet tendant à la fixation de l'indemnité d'éviction,

- la condamner en conséquence à lui payer la somme de 49 177,54 euros au titre desdits frais,

- juger que cette somme produira intérêts en application de l'article 1153-1 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, à compter de chacune des dates à laquelle ils ont été exposés,

- juger que l'article L. 145-58 du code de commerce, d'ordre public, renvoie exclusivement aux dispositions de la partie réglementaire du code de commerce s'agissant de la fixation du prix du nouveau bail résultant de l'exercice du droit de repentir du bailleur, sans que puisse être invoqué un mode de fixation contractuel,

- juger que les droits d'entrée versés au bailleur, fussent-ils qualifiés de supplément de loyer ne peuvent être décapitalisés pour être ajoutés au loyer fixe afin de déterminer les loyers de référence,

- juger qu'il convient de fixer le prix du bail renouvelé à la date du 28 octobre 2015 à la somme annuelle de 82 905,28 euros en principal, hors taxes et hors charges,

- condamner en conséquence la société SHD IMMO à lui rembourser le trop-perçu avec intérêts au taux légal à compter de la date de chaque versement et ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause,

- condamner la société SHD IMMO aux dépens tant de première instance que d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile qui pourront être recouvrés directement contre elle en application de l'article 699 du même code, par PFP Avocats, maître Arnaud F., avocat postulant soussigné, et la condamner au paiement de la somme de 7 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, la cour rappelle que les demandes tendant à voir dire et juger ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile de sorte que la cour n'en est pas saisie.

Sur l'indemnité d'occupation

La société SDH IMMO demande à la cour de réformer le jugement sur ce point et de fixer l'indemnité d'occupation annuelle due par la Société Générale du 5 novembre 2013 au 28 octobre 2015 à la somme de

141 241,72 euros hors charges et hors taxes.

Pour ce faire elle se réfère à la valeur locative de renouvellement qui selon elle doit s'entendre du prix moyen des nouveaux loyers évaluée par l'expert à 1 213 euros HT/m2, et s'oppose à tout abattement pour précarité, en l'absence de préjudice pour la locataire, qui a connu de très bons résultats financiers sur la période considérée.

La Société Générale conclut à la valeur locative fixée par le tribunal, conforme à l'estimation de l'expert de 890 euros/m2 HT et HC, et demande de retenir un abattement pour précarité de 15 %, faisant valoir la situation d'incertitude dans laquelle se trouve le preneur durant cette période, et que le motif selon lequel son activité a évolué favorablement n'a pas à être pris en considération.

Le congé avec refus de renouvellement mettant fin au bail, le preneur n'est plus redevable d'un loyer.

En cette hypothèse, il convient de faire application des dispositions suivantes de l'article L. 145-28 alinéa 1 du code de commerce :

Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation.

L'indemnité d'occupation due par le locataire, statutaire, distincte de l'indemnité d'occupation due en cas d'occupation sans droit ni titre, en cas d'exercice du droit de repentir, comme en l'espèce, est due pour la période de cessation du bail à son renouvellement, à savoir du 5 novembre 2013 au 28 octobre 2015. Elle est fixée par référence à la valeur locative.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire de M. L. que les locaux loués sont situés dans le centre commercial Atlantis, qui est le plus grand centre commercial régional de l'Ouest, regroupant 151 enseignes, dont 31 restaurants, un apple Store, un magasin Hollister, IKEA, un hypermarché E.Leclerc, deux cinémas et de nombreux services ; ils s'établissent au rez-de-chaussée du centre commercial, sur une surface pondérée de 116,44 m2, ce dont les parties conviennent. Cette pondération proposée par l'expert, conforme à la Charte de l'expertise, sera dès lors retenue.

L'expert a procédé à la détermination du loyer des locaux considérés par référence au prix du voisinage et conclut à une somme de 890 euros /m2 pondéré (soit une valeur locative annuelle de 103 632 euros). Au titre des éléments de comparaison, la cour constate qu'il retient dix références de surfaces commerciales de surfaces différentes, toutes très proches les unes des autres, ayant une visibilité similaire et bénéficiant de la même commercialité.

Le prix moyen des nouveaux loyers indiqué par l'expert de 1 213 euros/m2 pondéré, correspondant à la valeur de marché, ne peut être celle définie par l'article L 145-28 précité. L'expert a conclu que l'indemnité d'occupation correspondait à la valeur locative des locaux dans leur état actuel. Cette analyse doit être approuvée, de sorte que le premier juge à raison retient, comme proposé par l'expert la valeur de 890 euros/m2 pondéré pour fixer la valeur locative annuelle servant de base à la détermination de l'indemnité d'occupation.

L'incertitude économique dans laquelle s'est trouvée la Société Générale du fait du congé avec refus de renouvellement pendant la période entre la date d'expiration du bail du fait du congé et l'exercice du droit de repentir par la bailleresse, justifie de fait un abattement de précarité, contrairement à ce que soutient la société SDH IMMO, sans qu'il soit nécessaire pour le preneur d'établir l'existence d'un préjudice.

L'expert a proposé un abattement de précarité de 15 % et se réfère pour cela à la seule moyenne des abattements pratiqués en jurisprudence qu'il indique être entre 10 et 20 %, sans précision supplémentaire particulière ; la Société Générale pour sa part n'établit pas l'existence de circonstances exceptionnelles pouvant justifier de pratiquer un abattement supérieur à celui habituellement pratiqué de 10 % qui tient compte de la précarité inhérente à la délivrance d'un congé privant le locataire de pouvoir investir et/ou céder son fonds, abattement qui sera retenu par la cour.

Sur ces bases, indemnité d'occupation annuelle de 103 632 euros et abattement pour précarité de 10 %, c'est donc par une juste appréciation que le premier juge a fixé l'indemnité d'occupation annuelle pour la période du 5 novembre 2013 au 28 octobre 2015 à la somme de 93 268,80 euros. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur le compte entre les parties au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 5 novembre 2013 au 28 octobre 2015

Le montant des sommes versées par la Société Générale durant cette période est estimé par les parties au regard du montant du loyer annuel HT et en considération du nombre de jours correspondant à la période du 5 novembre 2013 au 28 octobre 2015.

Les parties sont d'accord pour considérer ainsi qu'en 2014, le loyer annuel étant de 121 464,40 euros, cette somme a été payée par le preneur ; de même pour 301 jours en 2015, sur la base du même montant de loyer annuel, la somme de 100 166,53 euros a été réglée.

Pour 57 jours en 2013, le loyer annuel étant de 120 512,84 euros, c'est une somme de 18 819,81 euros qui a été payée par la Société Générale et non

celle de 21 131,02 euros, telle que calculée par erreur par celle-ci.

Le compte entre les parties est donc le suivant :

 

2013

( 57 jours)

2014

2015

( 301 jours)

total

Loyer versé

18 819,81

121 464,40

100 166,53

240 450,74

Indemnité d'occupation

93 268,80 : 365 x 57 =

14 565,26

93 268,80

93 268,80 : 365 x 301 =

76 914,82

184 748,88

Il s'ensuit, comme justement calculé par le premier juge, un trop perçu de 55 701,86 euros. La cour confirme le jugement qui condamne la société SHD IMMO à payer à la Société Générale la somme dont s'agit avec intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2016, date de conclusions signifiées à cette date, valant demande en paiement, et capitalisation des intérêts par année entière et rejette par voie de conséquence les prétentions contraires de la société SHD IMMO.

Sur le montant du loyer renouvelé

Les parties ne discutent plus de la compétence de la juridiction pour statuer sur ce point.

La société SHD IMMO, au soutien de ses demandes, considère que le prix moyen des nouveaux loyers de 1 213 euros/m2 doit être retenu, l'expert précisant qu'il est plus proche de la réalité et correspond à ce que devrait débourser le locataire pour disposer d'un local équivalent.

Elle estime que les références utilisées de l'expert pour ce calcul doivent être validées. Elle fait valoir notamment que dès lors que les parties sont convenues du versement d'un droit d'entrée à titre de supplément de loyer, il y a lieu à réintégration de ce montant pour le calcul de la valeur locative. Elle estime également qu'il ne peut y avoir une quelconque déduction de charges, tant au titre de la taxe foncière car toutes les références locatives mettent la taxe foncière à la charge des preneurs, qu'au titre d'autres charges, supportées également par l'ensemble des preneurs, ce qui est habituel dans un centre commercial en raison des contreparties offertes.

La Société Générale demande à la cour de fixer le prix du bail renouvelé à la somme de 82 905,28 euros, hors taxes et hors charges.

Prenant pour base le prix de voisinage de 890 euros/m2 pondéré proposé par l'expert, elle demande de retenir valeur locative de 712 euros/m2 en appliquant un abattement pour charges de 20 % en raison des restrictions de jouissance supportées, selon elle constituées par la taxe foncière supportée par le preneur, qui est une charge exorbitante, le transfert sur la société locataire des travaux de mise en conformité, le transfert des travaux visés par l'article 606, le droit de préférence consenti au bailleur en cas de cession du fonds de commerce, et le transfert du coût des assurances du bailleur.

Elle s'oppose à ce qu'il soit retenu le loyer proposé de 1 213 euros /m2 pondéré, qui tient compte de la décapitalisation du prix d'acquisition du droit au bail, alors que selon elle, il n'y a pas lieu pour la recherche des éléments de référence tendant à la fixation du prix du bail renouvelé de prendre en compte la décapitalisation de droit d'entrée ou de prix d'acquisition de droits aux baux.

Il n'est pas contesté que l'exercice du droit de repentir le 28 octobre 2015 par la bailleresse la société SDH IMMO a donné naissance à un nouveau bail, dont le loyer doit être fixé à la valeur locative, conformément aux articles L. 145-33 et suivants du code de commerce.

L'expert n'a pas eu pour mission précisément de rechercher le prix de loyer du bail renouvelé mais recherchant la valeur du droit au bail, il a établi :

- le montant du loyer annuel du bail si ce dernier avait été renouvelé c'est-à- dire le prix dit de 'voisinage',

- la valeur locative des locaux vacants ou nouvellement reloués c'est-à- dire le 'prix du marché'.

Pour obtenir le prix de voisinage, l'expert s'est basé sur dix références : H&M, Du Pareil au Même, Grand Optical, Histoire d'Or Bijoux, Jacqueline R., IKKS Junior, Baby Shoes, IKKS, Rêves de pompes et Vancouver.

Pour obtenir le prix de marché, il se réfère à six références : Morgan, Kusmi Tea, Claire's, Du Pareil au Même, IKKS Junior, et Brice.

La Société Générale ne peut valablement opposer le moyen selon lequel le calcul du prix du marché est à exclure au motif qu'il repose, pour deux références (Morgan et Kusmi Tea), sur une évaluation du loyer avec intégration du droit d'entrée, tout en demandant à la cour de valider le calcul du prix de voisinage, dont la cour constate qu'il repose sur une analyse de dix loyers de références dont cinq comportent une même décapitalisation des droits d'entrée, l'expert précisant, en réponse à un dire, y avoir procédé selon des coefficients distincts selon la durée des baux.

La cour constate ensuite que l'expert souligne que sur les 6 enseignes retenues pour le calcul du prix de marché, la moitié seulement bénéficie d'une commercialité similaire, l'autre moitié disposant d'une commercialité légèrement supérieure voire bien meilleure. À raison, le premier juge constate que les différences de situation conduisent ainsi l'expert à appliquer plusieurs pondérations.Ce résultat plus incertain de son étude ne peut donc être retenu par la cour.

En revanche, les références retenues pour le calcul du prix de voisinage correspondent selon l'expert à des surfaces commerciales très proches des locaux loués par l'intimée, ayant toutes une visibilité similaire et la même commercialité. Une seule observation est formulée par l'expert s'agissant de la cellule 20 (h&m) qui bénéficie d'une plus grande visibilité, mais qui est déportée par rapport à l'enseigne alimentaire, moteur de la galerie commerciale, ce qui compense finalement cette différence.

Il convient donc de privilégier la méthode de calcul du prix de voisinage, davantage cohérente et donc le prix de 890 euros/m2 pondéré.

S'agissant des abattements sollicités au titre de charges supportées par le preneur et restrictions de jouissances invoquées (taxe foncière, travaux de l'article 606 du code civil, travaux de mise en conformité, assurances, droit de préférence du bailleur en cas de cession de fonds), la cour relève que l'ensemble des baux des dix surfaces de référence, versés aux débats, met à la charge des preneurs concernés les mêmes charges, lesquelles apparaissent donc avoir un caractère usuel au sein de ce centre commercial au regard très vraisemblablement de l'attractivité commerciale bénéficiant aux locaux commerciaux qui s'y trouvent.

Il n'est donc pas justifié de procéder à un quelconque abattement pour des charges exorbitantes de droit commun, dès lors que dans leur majorité et à tout le moins les locataires des locaux de référence supportent les mêmes charges.

La cour infirme en conséquence le jugement en ce qu'il fixe le prix du bail renouvelé à 100 703,96 euros, le premier juge ayant à tort déduit le montant annuel de la provision pour taxe foncière et fixera celui-ci à 103 632 euros HT et HC.

L'existence d'un trop perçu par le bailleur au titre du loyer du bail renouvelé en résultant, la cour confirme le jugement condamnant la société SHD IMMO à rembourser à la Société Générale les sommes dont s'agit dans les termes du jugement déféré et déboute en conséquence la société SHD IMMO de sa demande de condamnation à un complément de loyers et à des intérêts majorés sur un arriéré de loyer, qui n'est pas caractérisé en l'espèce.

Sur les frais de l'instance

La société SDH IMMO fait grief au premier juge d'avoir accueilli la demande de la Société Générale à hauteur de 33 062,12 euros au titre du remboursement des frais, faisant valoir que le montant réclamé est excessif, et qu'elle ne saurait supporter le charge des frais d'expertise privée, de certification de comptes, extrêmement élevés.

La Société Générale pour sa part critique le jugement entrepris qui a refusé de prendre en compte le coût de la facture de Me F. de 600 euros, au motif qu'elle porte une date postérieure au droit de repentir, alors qu'elle correspond à des diligences antérieures, et qui a ramené les honoraires de l'avocat de la locataire à 10 000 euros toutes taxes comprises en l'absence de convention d'honoraires et de factures ; elle précise qu'elle verse désormais aux débats les factures correspondantes et entend obtenir la condamnation de la société SDH IMMO à lui payer une somme de

49 177,54 euros au titre des frais.

Les frais réclamés par la Société Générale sont :

- droit de plaidoirie ordonnance de référé : 13 euros

- honoraires Me F. : 960 euros

- honoraires Me F. : 600 euros

- honoraires Ernst et Young (certification des comptes) : 19 200 euros

- honoraires Cabinet M.-G. et G. (estimation de l'indemnité d'éviction) : 6 000 euros

- honoraires du cabinet B., S. et Associés et frais : 22 404,54 euros.

Suite au congé délivré le 4 février 2013, la bailleresse a saisi le 21 mars 2014 le juge des référés en vue d'une expertise, laquelle a été ordonnée par ordonnance du 26 juin 2014. L'expert a déposé son rapport le 22 octobre 2015 et la société SHD IMMO a exercé son droit de repentir le 28 octobre 2015. Elle a ensuite saisi le tribunal de grande instance de Nantes par exploit du 3 novembre 2015.

Il résulte des dispositions de l'article L. 145-58 du code de commerce que l'exercice du droit de repentir entraîne l'obligation pour le bailleur de supporter les frais de l'instance, c'est-à-dire l'ensemble des frais, qu'ils soient constitués de frais taxables ou d'honoraires d'avocat, exposés par le locataire jusqu'au terme de l'instance pendant laquelle le repentir est exercé.

Les frais dont le preneur peut demander le remboursement sont ceux liés à l'instance.

En l'espèce, la Société Générale produit aux débats les factures d'honoraires établies par ses conseils les 5 mai 2014 (960 euros), 23 mai 2014 (960 euros), 17 juillet 2014 (600 euros), 14 novembre 2014 (600 euros), 20 janvier 2015 (600 euros), 5 février 2015 (444,54 euros), 23 mars 2015

(4 800 euros), 30 avril 2015 (3 600 euros), 22 mai 2015 (3 600 euros) et 25 novembre 2015 (600 euros). Elle justifie donc des honoraires d'avocat qu'elle a dû régler dans le cadre de l'instance en fixation de l'indemnité d'éviction ; la cour constate en effet que les dates des notes établissent qu'elles sont, pour les neuf premières, directement liées à la procédure d'éviction, et qu'en ce qui concerne la dernière facture du 25 novembre 2015 de Me F., ce dernier précise dans un courrier du 3 juin 2019 qu'elle correspond à des diligences entreprises dans le cadre de la procédure de référé engagée par la société SDH IMMO le 21 mars 2014.

Il ne saurait être considéré ces frais comme étant excessifs, la cour constatant notamment que l'expertise a donné lieu à une réunion avec visite des lieux le 4 février 2015, puis à 6 dires de Me B. à l'expert.

La demande de remboursement du droit de plaidoirie n'est pas constestée.

La société SDH IMMO ne peut discuter valablement les honoraires d'une certification des comptes réclamée à la Société Générale par l'expert M. L. et qui sont justifiés par une facture du 13 août 2015. Il en est de même des honoraires du cabinet d'expertise M.-G. et G., aux fins d'estimation de l'indemnité d'éviction, ayant donné lieu à facture du 30 avril 2014 ; la cour relève en effet que le rapport d'estimation a été communiqué à l'expert et a donc été étudié au cours de la mesure d'instruction. L'appelante ne démontre pas le caractère disproportionné des sommes réclamées au titre des différents honoraires comparé au travail accompli.

En conséquence, la cour fait droit à l'entière demande à ce titre, infirme le jugement, et condamne la société SHD IMMO à payer à la Société Générale la somme de 49 177,54 euros au titre des frais, outre intérêts à compter de la présente décision.

Sur les autres demandes

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Société Générale et la société SHD IMMO sera condamnée à lui payer une somme de 7 500 euros de ce chef et supportera les entiers dépens d'appel, distraits au profit de Me F. conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; la cour confirme par ailleurs les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé le loyer du bail renouvelé au 29 octobre 2015 à la somme de 100 703,96 euros hors taxes et hors charges par an, et en ce qu'il a condamné la société SHD IMMO à payer à la Société Générale la somme de 33 062,12 euros au titre des frais et honoraires en vertu de l'article L. 145-58 du code de commerce ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

Fixe le loyer du bail renouvelé au 29 octobre 2015 à la somme de 103 632 euros hors taxes et hors charges par an ;

Condamne la société SHD IMMO à payer à la Société Générale la somme de 49 177,54 euros au titre des frais et honoraires en vertu de l'article L145-58 du code de commerce outre intérêts à compter de ce jour,

Y ajoutant,

Condamne la société SHD IMMO à payer à la Société Générale la somme de 7 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SHD IMMO aux dépens d'appel, distraits au profit de Me F. conformément à l'article 699 du code de procédure civile.