Cass. 3e civ., 21 avril 2022, n° 21-11.404
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Rapporteur :
M. David
Avocat général :
Mme Morel-Coujard
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Waquet, Farge et Hazan
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 13 février 2020), le 26 avril 1995, Mme [H] a donné en location à M. [M] des locaux à usage commercial.
2. Une clause autorisant la cession du bail, sous réserve du consentement préalable et par écrit du bailleur, a été insérée au contrat.
3. Le 23 décembre 2014, Mme [H] a cédé l'immeuble à la société BP Immo qui, le 12 novembre 2015, l'a vendu à M. [V].
4. Le 28 septembre 2016, la société [U], se présentant comme cessionnaire du bail, suite à la cession de bail qui lui aurait été consentie, a assigné la société BP Immo et M. [V] en nullité de la vente du 12 novembre 2015 pour non-respect de son droit de préférence.
5. La société BP Immo a appelé en garantie M. [X], notaire rédacteur de l'acte de vente, et la société civile professionnelle [E], [X], [W], [P] et [D] (la SCP).
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi principal, sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident de la société BP Immo et sur le moyen, pris en sa sixième branche du pourvoi incident de M. [X] et de la SCP, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, sur le premier moyen du pourvoi incident de la société BP Immo et sur le moyen du pourvoi incident de M. [X] et de la SCP, pris en leurs deuxièmes et troisièmes branches, rédigés de manière identique
Enoncé des moyens
7. M. [V], la société BP Immo, M. [X] et la SCP font grief à l'arrêt de déclarer la société [U] bénéficiaire du bail du 26 avril 1995, et donc recevable en son action, de constater en conséquence la violation du droit de préemption du preneur et de prononcer la nullité de la vente, alors :
« 2° / que l'acquiescement du bailleur à la cession du bail, postérieur à une cession irrégulière, suppose des actes manifestant sans équivoque sa reconnaissance du cessionnaire comme son locataire et ne peut résulter du seul encaissement des paiements opérés par ce dernier au titre des loyers et charges, ni d'une demande isolée formée à ce titre ; qu'en l'espèce, en déduisant de ce que Mme [L] [H] avait perçu des loyers de la société [U], postérieurement à la date de renouvellement du bail initialement fixée au 30 mai 2004 et de ce qu'elle lui avait réclamé, par l'entremise de son conseil, des régularisations de charges, qu'elle avait acquiescé à la cession du bail commercial intervenue au profit de la société [U], la cour d'appel a violé les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1717 du code civil ;
3° / que l'acquiescement du bailleur à la cession du bail, qui suppose des actes manifestant sans équivoque sa reconnaissance du cessionnaire comme son locataire, ne peut résulter d'appels de loyers dont le destinataire ne peut être précisément identifié ; qu'en l'espèce, en déduisant de ce que la société BP immo avait procédé auprès de la "Librairie [Z]" simple enseigne –des fonds- à des appels de loyers et provisions pour charges pour la somme mensuelle de 435,58 euros, d'avril à octobre 2015, qu'elle avait acquiescé à la cession du bail commercial intervenue au profit de la société [U], la cour d'appel a violé les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1717 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1717 du code civil :
8. Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
9. Selon le second, le preneur a le droit de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite.
10. Pour retenir l'acquiescement des propriétaires successifs de l'immeuble à la cession du bail, l'arrêt retient que Mme [H] a, par virements sur un compte ouvert dans les livres de la Banque postale au nom de « [U] », perçu des loyers de la société [U] et lui a, par l'entremise de son conseil, adressé une demande de régularisation de charges.
11. Il ajoute que la société BP Immo a procédé auprès de la « Librairie El-Azhar » à l'appel de loyers et provisions pour charges.
12. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser, d'une part, l'accord de Mme [H] à la cession du bail à la société [U] et, d'autre part, la connaissance par la société BP Immo de l'identité réelle du preneur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.