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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch.z 3-2, 9 septembre 2021, n° 21/03003

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

SAS LINA

Défendeur :

Maître (E) V.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Michèle LIS-SCHAAL

Conseillers :

Marie-Pierre FOURNIER, Muriel VASSAIL

Avocats :

Me Pascal A., Me François G.

AIX EN PROVENCE, du 18 Février 2021

18 février 2021

Par jugement du 25 mai 2014, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la Sas Lina qui explotait un commerce de restaurant et débit de boissons sous l'enseigne « Le Duplex » à Aix-en-Provence.

Par jugement du 10 novembre 2015, le tribunal a arrêté un plan de redressement qui prévoyait notamment un apurement de 100% du passif en huit ans par versements mensuels de 2.210 euros. Maitre Eric V. a été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par requête du 7 octobre 2019, Maître V. a demandé au tribunal de prononcer la résolution du plan de redressement et d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire de la société.

Le bail commercial ayant été résilié le 13 janvier 2020, la société a quitté le local commercial et bénéficié d'une indemnité de résiliation. Par jugement du 2 juin 2020, le tribunal a modifié le plan et dit que l'indemnité de résiliation de 310.000 euros devait être affectée au règlement du passif et versée entre les mains du commissaire à l'exécution du plan.

Par requête du 26 novembre 2020, la débitrice a sollicité la clôture de la procédure de redressement judiciaire au motif que le plan avait été soldé.

Par jugement du 18 février 2021, le tribunal a joint les deux instances, déclaré le plan de continuation résolu, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Lina et désigné Maître V. en qualité de liquidateur.

Les premiers juges ont constaté que le plan était toujours en cours d'exécution et que la mission du commissaire à l'exécution du plan n'avait pas pris fin, que le montant des créances post-plan étant largement supérieur aux fonds disponibles dans le cadre de la procédure collective, l'état de cessation des paiements était avéré et que la société était actuellement sans activité à la suite de la résiliation de son bail commercial. Au visa de l'article L 626-27 du code de commerce, le tribunal a prononcé la résolution du plan, la société en cours d'exécution du plan ne pouvant pas faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

La société Lina a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 26 février 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et signifiées par Rpva le 1er mars 2021, la société Lina demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que la requête de Maître V. aux fins de résolution du plan n'a plus d'objet et que Maître V. n'a plus qualité à agir, de le débouter de toutes ses demandes et de mettre fin à la procédure de redressement judiciaire.

L'appelante soutient que la dernière échéance du plan de redressement a été payée, que tous les créanciers ont été désintéressés et que le plan conformément aux dispositions de l'article L 628-28 du code de commerce n'était plus en cours d'exécution le 18 février 2021, date à laquelle le tribunal a prononcé sa résolution. La société Lina fait observer à la cour que sa mission ayant pris fin à la date du désintéressement des créanciers du plan, Maître V. n'avait plus qualité à agir et que sa requête aux fins de résolution du plan était devenue sans objet. La société Lina affirme que la plupart des dettes post-plan visées par les premiers juges ne sont ni certaines, ni liquides ni exigibles et que l'actif disponible, constitué de l'indemnité d'éviction versée entre les mains de Maître V., , s'élève à la somme de 235.946 euros tandis que le passif exigible s'élèverait à la somme de 132.229 euros.

Maître Eric V., aux termes de ses dernières conclusions déposées et signifiées par Rpva le 25 mai 2021, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.

Le liquidateur soutient que sa mission a été fixée pour toute la durée du plan qui devait s'achever en novembre 2023 date de la dernière échéance fixée par le tribunal, et que sa requête aux fins de résolution du plan, déposée le 7 octobre 2019, soit avant le désintéressement des créanciers, était recevable. Il soutient qu'au cours de l'exécution du plan, il est apparu que la société Lina se trouvait en état de cessation des paiements. Elle n'aurait pas réglé des dettes post-plan d'un montant de 257.608 euros ( Urssaf, services fiscaux, fournisseurs, salariés...).

Par avis signifié à toutes les parties par Rpva le 26 mai 2021, le ministère public s'en est rapporté à la décision de la cour.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2021 et l'affaire fixée au 30 juin 2021.

Motifs:

Par jugement du 10 novembre 2015, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la sarl Lina. Après avoir dit que le passif à apurer dans le cadre du pln s'élevait à la somme de 212.112 euros, le tribunal a jugé que le plan devrait être exécuté de la manière suivante:

- paiement immédiat des créances minimes et de la créance superprivilégiée

- apurement de 100% du solde du passif sur 8 ans par versements mensuels de 2.210 euros

- reprise du remboursement du crédit gricole selon les modalités initialement prévues.

Maître Eric V. a été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement du 2 juin 2020, le tribunal a modifié le plan de continuation et dit que l'indemnité de résiliation anticipée du bail commercial perçue par la société LINA sera affectée au règlement du passif et versée entre les mains de Maître V..

Par courrier du 26 octobre 2020, Maître Eric V. a écrit: « Sur l'indemnité de 310.000 euros, il a été adressé aux créanciers le solde du plan de redressement, soit la somme de 74.053,35 euros. »

La débitrice estime que le plan ayant été soldé ainsi qu'en atteste le courrier de Maître V. du 26 octobre 2020, elle est fondée à demander à la cour de dire que le plan a été exécuté et de mettre fin à la procédure de redressement judiciaire ouverte à son égard.

Le commissaire à l'exécution du plan fait observer qu'en cours d'exécution du plan est apparue la cessation des paiements de la débitrice, la trésorerie disponible ' 239.797,82 euros - ne permettant pas d'apurer toutes les dettes, le passif postérieur au plan s'élevant à la somme de 257.608,81 euros.

Selon la sarl Lina, le désintéressement des créanciers du plan en octobre 2020 a mis fin non seulement à l'exécution du plan, de sorte que le plan n'était plus en cours d'exécution à la date à laquelle le tribunal l'a déclaré résolu, mais aussi a mis fin à la mission de Maître Eric V. de sorte qu'il avait perdu qualité à agir pour demander la résolution du plan, demande d'ailleurs devenuec sans objet.

L'article L 626-28 du code de commerce, applicable au redressement judiciaire, dispose: « lorsqu'il est établi que les engagements énoncés dans le plan ont été tenus, le tribunal constate que l'exécution du plan est achevée ».

Contrairement à ce que soutient la société Lina, ce n'est pas le désintéressement des créanciers qui met fin à l'exécution du plan et par suite à la mission du commissaire au plan mais le jugement par lequel le tribunal constate l'achèvement de l'exécution du plan. Selon l'article L 626-28, le tribunal peut être saisi à la requête du débiteur ou du commissaire au plan, ce qui démontre que l'exécution du plan et la mission du commissaire au plan se poursuit jusqu'à la décision du tribunal statuant sur l'achèvement du plan.

Maître V. a donc qualité à agir pour solliciter la résolution du plan, lequel est en cours d'exécution jusqu'à son terme ' en 2023 ' à moins qu'avant cette date le tribunal ait constaté son achèvement.

Un plan de redressement peut être résilié en cas d'inexécution par le débiteur de ses engagements et doit être résilié si en cours d'exécution du plan est apparue la cessation des paiements.

Il reste donc à déterminer si à la date où la cour statue, la sarl Lina est en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

L'actif disponible n'est pas contestable. L'indemnité de résiliation anticipée du bail perçue par la société Lina, après apurement du passif arrêté dans le cadre du plan de redressement, s'élève à la somme de 239.797,82 euros.

Le passif exigible né postérieurement à l'adoption du plan est discuté par les parties.

Pour la sarl Lina, il s'élève seulement à la somme de 132.229 euros. La créance de 20.988,67 euros de la sarl JMW distribution est à écarter car elle fait double emploi avec la créance de la société Promocash, la SCI Mg, ancien bailleur, a consenti un abandon de 68.501 euros sur sa créance de 104.389 euros et l'action engagée devant la juridiction prud'homale ne saurait être considérée comme une créance exigible.

Pour le commissaire à l'exécution du plan, il s'élève à la somme de 257.608,81 euros, en ce non compris les demandes formées par un des salariés devant la juridiction prud'homale.

L'appelante justifie de ce que dans le décompte du passif exigible présenté par le liquidateur, la créance de 20.988,67 euros de la sarl JMW distribution est à écarter car elle fait double emploi avec la créance de la société Promocash, nom commercial de la société JMW distribution. En revanche, elle ne justifie pas de l'abandon de créance que l'ancien bailleur aurait consentie alors pourtant qu'elle verse aux débats l'accord transactionnel conclu avec ce dernier et portant sur la résiliation anticipée du bail.

Le passif exigible s'élève donc à la somme de 236.620,14 euros.

L'actif disponible étant de 239.797,82 euros, la société Lina peut acquitter son passif exigible avec son actif disponible.

Son état de cessation des paiements n'est pas caractérisé et Maître V. sera donc débouté de sa demande tendant à prononcer la résolution du plan et la liquidation judiciaire de la sarl Lina.

Il sera en revanche fait droit à la demande de la sarl Lina tendant à constater l'achèvement de l'exécution du plan.

La demande tendant à mettre fin au redressement judiciaire sera rejetée: En application de l'article R 631-43 du code de commerce, la procédure fait l'objet d'une ordonnance de clôture rendue par le président du tribunal lorsque le compte-rendu du rapport de fin de mission de l'administrateur et du mandataire judiciaire ont été approuvés par le juge-commissaire.

PAR CES MOTIFS:

Par arrêt contradictoire et rendu publiquement,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que le commissaire à l'exécution du plan n'a pas perdu sa qualité à agir pour solliciter la résolution du plan,

Constate que l'exécution du plan est achevée conformément à l'article L 626-28 du code de commerce,

Déboute la sarl Lina du surplus de ses demandes,

Déboute Maitre Eric V. ès qualités de ses demandes,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.