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Décisions

Cass. com., 31 mars 2021, n° 19-12.057

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

Me Le Prado, SCP Thouin-Palat et Boucard

Basse-Terre, du 12 nov. 2018

12 novembre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 12 novembre 2018), le capital de la Sarl [...] (la société Fimar), dont le siège social est à [...] (971), est détenu, à concurrence de 50,04 %, par M. C... Y..., et à concurrence de 49,96 %, par son frère, M. R... Y....

2. MM. C... et R... Y... étaient cogérants de la société jusqu'à ce qu'une assemblée générale, réunie le 21 mars 2016 à Paris sur la convocation de M. C... Y..., décide la révocation de M. R... Y... de ses fonctions de gérant et, par la même occasion, l'octroi d'une prime exceptionnelle à M. C... Y....

3. Contestant ces décisions, M. R... Y... a assigné la société Fimar et M. C... Y..., principalement, en annulation de cette assemblée et en rétablissement dans ses fonctions de cogérant, avec tous les attributs y afférents.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. M. R... Y... fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses prétentions, alors « que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ; que, dans ses écritures d'appel, M. Y... a fait valoir que la précipitation de son frère à convoquer l'assemblée du 21 mars 2016 et sa volonté de l'évincer de la société, s'expliquaient par l'action en justice introduite par sa soeur, Mme S... Y..., en vue de contester les conditions dans lesquelles les parts sociales de la société Somaf avaient été transférées par son père à M. C... Y..., le magistrat de la mise en état ayant, par ordonnance du 3 mars 2016, écarté les fins de non-recevoir soulevés par ce dernier ; qu'il a souligné que c'était la première fois que l'assemblée n'était pas convoquée au siège social de la société, ce qui l'obligeait à se déplacer dans l'urgence à Paris, dans le seul but d'entraver sa participation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer sur ces points établissant la nullité de l'assemblée des associés, convoquée à Paris, pour entraver la participation de M. R... Y... à la décision collective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Dans le silence des statuts, le lieu de réunion des assemblées générales d'une société à responsabilité limitée est fixé par l'auteur de la convocation, cette décision ne pouvant être remise en cause que si elle constitue un abus de droit.

6. Après avoir relevé que M. C... Y... savait, par un courriel qui lui avait été adressé par son frère le 16 mars 2016, que M. R... Y... serait en métropole dans la semaine du 21 mars 2016, pour un motif personnel, l'arrêt retient que M. R... Y... ne justifie pas de la réalité d'une indisponibilité le jour de la réunion de l'assemblée générale et qu'il ne démontre pas que son frère a voulu sciemment l'empêcher d'assister à cette assemblée. En déduisant de ces seules constatations et appréciations, procédant de l'exercice de son pouvoir souverain, que la demande d'annulation de l'assemblée générale fondée sur sa tenue en métropole n'était pas justifiée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. M. R... Y... fait le même grief à l'arrêt, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'article 23-3 des statuts de la société Fimar prévoit que "les décisions relatives à la nomination ou à la révocation de la gérance doivent être prises par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, sans que la question puisse faire l'objet d'une seconde consultation à la simple majorité des votes émis" ; qu'il résulte de cette stipulation, claire et précise, qu'un associé, même majoritaire, ne peut, seul, révoquer un co-gérant, la présence d'au moins deux associés étant requise ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel, qui a dénaturé cette stipulation, a violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

8. Après avoir énoncé qu'aux termes de l'article L. 223-25 du code de commerce, le gérant d'une société à responsabilité limitée peut être révoqué, par décision des associés, dans les conditions de l'article L. 223-29, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte et que, selon ce dernier article, dans les assemblées ou lors des consultations écrites, les décisions sont, sur première convocation, adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales, l'arrêt, relevant qu'en l'espèce, l'article 23-3 des statuts de la société Fimar dispose, s'agissant de la révocation des gérants, que « les décisions relatives à la nomination ou à la révocation de la gérance doivent être prises par des associés représentant plus de la moitié des parts sociales, sans que la question puisse faire l'objet d'une seconde consultation à la simple majorité des votes émis », retient, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de ces stipulations statutaires, que l'ambiguïté de leurs termes rendait nécessaire, qu'il est communément admis que la décision de révocation d'un gérant minoritaire associé d'une société à responsabilité limitée, lorsqu'elle ne comporte que deux associés, peut résulter du seul vote de l'associé possédant plus de la moitié des parts sociales et que le terme « des associés », figurant à l'article 23-3 précité, devait être compris comme faisant référence de manière générique à « un ou plusieurs associés » ayant pris part au vote et non comme imposant, pour ce vote, la présence des deux associés.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

10. M. R... Y... fait le même grief à l'arrêt, alors « que seules les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales échappent aux exigences de l'article L. 223-19 du code de commerce ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que M. C... Y... a participé au vote de l'assemblée lui octroyant une prime exceptionnelle, convention ne pouvant correspondre à une opération courante ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 223-19 et L. 223-20 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

11. Après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 223-19 du code de commerce relatives à la procédure d'approbation des conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et l'un de ses gérants associés, qui prévoient que l'associé ou le gérant ne peut prendre part au vote et que ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité, et relevé que l'article 21-2 des statuts de la société Fimar reprend ces dispositions, c'est à bon droit que la cour d'appel, abstraction faite du motif critiqué par le moyen, selon lequel l'octroi d'une telle prime est une opération courante qui peut être votée par décision ordinaire des associés, a retenu que l'allocation d'une prime exceptionnelle au gérant ne s'analyse pas en une convention passée entre ce dernier et la société mais en la fixation d'un élément de sa rémunération et que celui-ci peut donc prendre part au vote.

12. Le moyen est donc inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.