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Décisions

Cass. 3e civ., 21 janvier 1998, n° 95-19.109

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Dupertuys

Avocat général :

M. Weber

Avocat :

SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde

Bastia, du 27 juin 1995

27 juin 1995

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 27 juin 1995), que le 15 octobre 1941, Mme Marie-Rose Z... a acquis de Mme Z..., veuve X..., une parcelle de terre sur la commune d'Aullène, cadastrée n° 745 ; que M. Jean B..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire de M. Vincent Y... et de Mme Marie-Rosine Y..., a assigné Mme Marie-Rose Z... en revendication de la propriété de cette parcelle ;

Attendu que M. B... fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en sa qualité de mandataire de M. et Mme Y..., en sa demande en revendication, alors, selon le moyen : 1° que l'arrêt attaqué ne pouvait déclarer que la vente du 15 octobre 1941 avait fait sortir l'immeuble litigieux du patrimoine de Mme X... et partant, que les consorts Y..., ses ayants droit, n'avaient jamais été propriétaires dudit immeuble sans s'être prononcé préalablement sur la validité contestée de cette vente, qu'il est donc dépourvu de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil ; 2° que le droit de propriété ne se prescrit pas par le non-usage, que l'action en revendication dure autant que le droit réel qu'elle protège et est donc imprescriptible ; que la cour d'appel qui déclare irrecevable l'action en revendication parce qu'exercée plus de trente ans après la signature de l'acte du 15 octobre 1941, a violé, par fausse application, l'article 2262 du Code civil ; 3° qu'en outre et en tout état de cause, la prescription ne pouvant commencer à courir à compter d'un acte nul, l'arrêt attaqué, qui ne s'est pas prononcé sur la validité de l'acte susvisé que les demandeurs avaient contesté, n'est pas justifié au regard de l'article 1315 du Code civil ; 4° qu'en déclarant inopérant et sans intérêt le moyen selon lequel l'autorisation préfectorale du 29 mars 1941 préalable à la vente, l'exception déduite de la mauvaise foi ne pouvant même plus être opposée au bénéficiaire du contrat et trente ans s'étant écoulés depuis la vente, l'arrêt attaqué qui ne s'est pas prononcé sur la validité de cette vente est entaché d'un défaut de base légale au regard du même texte ; 5° que la cour d'appel qui a laissé sans réponse les conclusions de M. B... qui faisait valoir que la signature de l'acte de vente était intervenue dans des conditions suspectes, qu'il comportait de très graves irrégularités, que les actes déposés à la conservation des hypothèques n'étaient pas conformes au document notarié, que l'acte était donc entaché de nullité, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 6° qu'au surplus, conformément aux dispositions de l'article 12 du nouveau Code de procédure, le juge a l'obligation de trancher le litige conformément aux règles de droit qui régissent la matière ; qu'alors même que le demandeur n'aurait pas visé le texte de loi sur lequel repose son action ; qu'en se dispensant de rechercher si la législation subordonnait les transactions passées à une autorisation préfectorale d'acquérir entraînait la nullité de l'acte, en l'absence de précision sur cette législation, laquelle découlait de la loi du 16 novembre 1940, la cour d'appel a donc violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'intention de vendre de Mme X... résultait suffisamment de sa signature dont M. B... ne démontrait pas qu'elle fût contrefaite et que la parcelle litigieuse était sortie du patrimoine de Mme X..., la cour d'appel, abstraction faite de motifs surabondants, qui n'était pas tenue de suivre M. B... dans le détail de son argumentation ni de procéder à une recherche inopérante sur la validité de l'acte de vente du 15 octobre 1941 au regard des dispositions de l'acte dit loi du 16 novembre 1940, annulé par ordonnance du 2 novembre 1945, a pu retenir que l'acte de vente était régulier et en déduire que les consorts Y... n'avaient pas la qualité de propriétaires de la parcellle revendiquée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner M. B... à payer des dommages-intérêts à Mme A..., l'arrêt retient que les nombreuses procédures qui se sont succédé pour que soit reconnu le droit de Mme A... à la propriété des biens litigieux ont été pour elle génératrices de soucis et de dépenses, constitutifs d'un préjudice justement réparé par les premiers juges ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne caractérisent pas une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a condamné M. B... à payer des dommages-intérêts à Mme A..., l'arrêt rendu le 27 juin 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.