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Décisions

Cass. soc., 10 mai 2006, n° 03-46.593

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sargos

Rapporteur :

Mme Perony

Avocat général :

M. Allix

Avocat :

Me Copper-Royer

Aix-en-Provence, du 24 juin 2003

24 juin 2003

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 2003), Mlle X..., de nationalité nigériane, alors âgée de vingt-deux ans, a été engagée en qualité d'employée de maison par M. Y..., de nationalité britannique, en vertu d'une convention rédigée en langue anglaise et passée le 13 octobre 1994 à Lagos (Nigéria) ; qu'elle a abandonné son emploi alors qu'elle se trouvait à Nice (Alpes-Maritimes) et qu'elle a fait convoquer M. Y... devant le conseil de prud'hommes pour avoir paiement d'un rappel de salaires et de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé ;

Sur les deux premiers moyens réunis :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'incompétence des juridictions françaises et fait application de la loi française aux relations établies avec Mlle X..., et de l'avoir condamné à payer à celle-ci des salaires et indemnités, alors, selon le premier moyen :

1 / que Mlle X..., de nationalité nigériane, a été autorisée par ses auteurs et son frère, nigérians, à travailler, par contrat conclu au Nigéria, avec M. Y..., britannique, autorisé à résider au Nigéria et travaillant pour une société nigériane, au domicile de cet employeur, à Lagos ; que le lieu d'exécution habituel du contrat se situait au Nigéria, Mlle X... ayant la possiblité de voyager avec M. Y... à l'étranger ; que la loi nigériane régissait donc le contrat Mlle X... accomplissant normalement son travail au domicile de M. Y... ; que les séjours temporaires effectués à Nice avec ses employeurs, constituaient une simple possiblité d'exécution du contrat sans incidence sur le lieu habituel de cette exécution fixé à Lagos ; qu'en retenant l'application de la loi française, la cour d'Aix-en-Provence a dénaturé les clauses du contrat liant les parties et violé l'article 1134 du Code civil ;

2 / qu'elle n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard des articles L. 121-1 du Code du travail, 3 du Code civil, 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, selon, le second moyen :

1 / que la loi applicable au contrat était celle du Nigéria et qu'en faisant abstraction de cette législation en ce qui concerne les règles de compétence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 121-1, R. 517-1 du Code du travail ;

2 / qu'en tout état de cause, le contrat de travail prévoyait que Mlle X... devait travailler au domicile de son employeur à Lagos et qu'en écartant ce lieu d'exécution expressément prévu par les parties, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a violé l'article R. 517-1 du Code du travail ;

3 / qu'elle devait, à tout le moins, analyser les termes du contrat et répondre aux conclusions de M. Y... ; qu'en s'abstenant de le faire, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / que les attestations de M. Z... et de Mme A..., la déclaration de Mme Y... faisaient état de la présence de Mlle X... aux côtés de ses employeurs lors de leurs séjours à Nice ;

que les attestations des employés des époux Y..., de MM. B... et C... étaient claires sur le travail de Mlle X... à Lagos ; que les attestations de Mmes D... et E... sur leurs rencontres de Mlle X... à Nice ne contredisaient pas celle du Consul général de France à Lagos sur la réalité de l'existence de Mlle F... au Nigéria, en qualité d'employée de maison, et que la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en niant l'exercice de ses fonctions à Lagos par la salariée qui les prolongeait en accompagnant M. et Mme Y... à Nice, n'a pas tiré des documents qui lui étaient soumis, les conséquences qui en découlaient nécessairement ; qu'en s'attachant exclusivement à l'appartement de Nice comme lieu d'exécution du contrat, la cour d'appel a violé l'article R. 527-1 du Code du travail ;

Mais attendu que l'ordre public international s'oppose à ce qu'un employeur puisse se prévaloir des règles de conflit de juridictions et de lois pour décliner la compétence des juridictions nationales et évincer l'application de la loi française dans un différend qui présente un rattachement avec la France et qui a été élevé par un salarié placé à son service sans manifestation personnelle de sa volonté et employé dans des conditions ayant méconnu sa liberté individuelle ; que tel est le cas en l'espèce, dés lors qu'il résulte des constatations des juges du fond que Mlle X..., qui a pu s'enfuir de son travail alors qu'elle se trouvait en France où M. Y... résidait, avait été placée par des membres de sa famille au service de celui-ci, avec l'obligation de le suivre à l'étranger, une rémunération dérisoire et l'interdiction de revenir dans son pays avant un certain temps, son passeport étant retenu par l'épouse de son employeur ; que par ces motifs substitués à ceux de la cour d'appel, après avertissement donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait, alors, selon le moyen :

1 / que M. Y... et Mlle X... ont conclu des contrats de travail au Nigéria qui y ont été régulièrement exécutés, en respectant les formalités requises ; que la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en retenant un travail dissimulé, sans s'attacher aux documents qui relataient l'exécution de M. Y... de ses obligations vis-à-vis des autorités nigérianes, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 324-10, L. 324-11-1 du Code du travail ;

2 / que les prétendus manquements imputés à M. Y... ne révélaient pas sa volonté délibérée de dissimuler l'existence de la salariée, les déclarations accomplies au Nigéria prouvant le contraire ;

que la cour d'appel a violé les articles L. 324-10, L. 324-11-1 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait travaillé en France sans avoir été déclarée aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, a exactement fait application des dispositions d'ordre public de l'article L. 324-11-1 du Code du travail, peu important que l'employeur ait accompli ou non des formalités équivalentes dans un autre Etat ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.