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Décisions

Cass. com., 24 mai 2017, n° 15-21.633

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Rousseau et Tapie

Reims, du 19 mai 2015

19 mai 2015

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims,19 mai 2015), que la société Arbatax, dont le président était M. X... depuis le 11 mai 2007, est une holding qui, avec plusieurs de ses filiales dont la société Piscine Magiline, la société Magiline succursales et la société La Manufacture des piscines, constitue le groupe Piscine Magiline, spécialisé dans la fabrication et la commercialisation de piscines haut de gamme et dont l'actionnaire majoritaire est le fonds commun de placement à risques Perfectis II, représenté par la société de gestion Perfectis Private Equity (la société Perfectis) ; que les statuts de la société Arbatax stipulaient qu'une révocation du dirigeant, sans juste motif, ouvrirait droit à indemnisation ; que le 27 août 2012, M. X... a été convoqué par le comité de surveillance de la société Arbatax qui l'a informé de sa révocation de ses fonctions de dirigeant ; que, reprochant aux sociétés Arbatax et Perfectis de l'avoir révoqué dans des conditions abusives et vexatoires, M. X... les a assignées en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire que sa révocation est motivée et de rejeter sa demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que le juste motif de révocation doit être caractérisé et ne saurait reposer sur un motif hypothétique ; qu'en s'étant fondée sur le fait qu'il avait été indiqué, lors d'une réunion du comité de direction du 11 juillet 2012, que les résultats de l'exercice en cours des sociétés du groupe Arbatax « se situeraient » à un niveau inférieur au scénario le moins optimiste du budget 2012, sans se prononcer de manière catégorique sur les résultats de l'exercice, la cour d'appel a statué par un motif hypothétique et imprécis et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la simple perte de confiance à l'égard du dirigeant ne constitue pas un juste motif de révocation en l'absence de faute de gestion prouvée ; qu'en s'étant fondée sur la défiance des principaux cadres à l'égard de M. X..., tout en constatant par ailleurs que les déclarations de M. Y... sur la gestion catastrophique des distributeurs actuels et le recrutement aléatoire des futurs distributeurs avaient été relativisées par celles du président du comité de surveillance, la cour d'appel a violé l'article L. 223-25 du code de commerce ;

3°/ que ne constitue un juste motif de révocation que le comportement du dirigeant de nature à compromettre l'intérêt social ou révélateur d'une faute de gestion ; qu'en ayant imputé à faute à M. X... la perte de quinze concessionnaires, sans expliquer en quoi cette perte lui était imputable ni en quoi la baisse du nombre de concessionnaires, de 103 à 88, compromettait suffisamment les intérêts de la société au point de justifier la révocation du dirigeant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-25 du code de commerce ;

4°/ que la cour d'appel, qui s'est fondée sur le rejet du contrat de partenariat par une quarantaine de sociétés membres, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce contrat de partenariat n'avait pas été imposé par la société Perfectis, qui avait également participé à son élaboration et à toutes les réunions lors de sa rédaction, a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 223-25 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt constate, d'abord, que la note jointe au courrier de convocation à la réunion du comité de surveillance de la société Arbatax appelé à se prononcer sur la proposition de révocation de M. X... mentionnait que le niveau des résultats de l'exercice en cours des sociétés du groupe, inférieur aux prévisions les moins optimistes, avait été évoqué lors de précédentes réunions des organes de direction et de surveillance et que l'existence entre la direction générale et l'encadrement de véritables dissensions, ayant une influence sur le climat social de l'entreprise ainsi que sur les relations de cette dernière avec ses distributeurs, était apparue au cours de ces réunions ; que l'arrêt relève, ensuite, qu'un rapport sur la situation du groupe avait révélé la nécessité d'opérer un changement radical d'orientation au regard d'une productivité insuffisante ainsi que d'appréciations négatives sur un défaut d'efficacité de l'organisation des concessions et de l'animation de celles-ci, comme sur les perspectives insuffisantes de développement commercial, contribuant à l'émergence d'un climat négatif ; que l'arrêt constate, encore, qu'un procès-verbal du comité de surveillance du 1er août 2012 établissait la défiance des principaux cadres à l'encontre de M. X... et une détérioration du climat social à la suite de la volonté manifestée par le directeur administratif et financier de la société ainsi que par le responsable administratif et comptable de quitter l'entreprise en raison, selon le cas, de la mauvaise gestion du système de distribution ou de doutes sur la légitimité de la direction ; que l'arrêt relève, enfin, non seulement que la proposition d'un nouveau contrat de partenariat faite par M. X... n'avait pas été comprise par les membres du réseau, lequel avait subi depuis 2008 la perte de quinze concessionnaires, mais encore qu'une quarantaine de sociétés membres avaient rejeté ce contrat et, faute de dialogue, exprimé leur perte de confiance envers le président de la société Arbatax ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée par la quatrième branche ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui n'a pas statué par un motif hypothétique, a pu déduire que la révocation de M. X... reposait sur un juste motif et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de décider que sa révocation ne présentait aucun caractère vexatoire et de rejeter sa demande de dommages-intérêts de ce chef alors, selon le moyen :

1°/ que la révocation du dirigeant intervenue de manière brusque et vexatoire ouvre droit à réparation à son profit ; qu'en se bornant à retenir que la perte d'accès au serveur et à l'adresse électronique, la demande de restitution du véhicule, l'interruption de la ligne téléphonique et l'obligation de quitter rapidement le logement de fonction constituaient des mesures inhérentes à la cessation de l'exercice des fonctions, sans rechercher concrètement en quoi il était utile que les clés du véhicule fussent restituées sur le champ, sans possibilité de récupérer ses affaires personnelles, que l'appartement dût être quitté en quelques jours sans possibilité matérielle pour l'intéressé de récupérer tous ses meubles, ou encore que l'accès aux distributeurs et au personnel lui fût strictement interdit, ni en quoi cette précipitation et cette disproportion ne laissaient pas croire à l'existence de fautes comme des malversations, portant gravement et inutilement atteinte à la réputation, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ que la révocation brutale du dirigeant ouvre droit à indemnisation même en l'absence d'intention de nuire ; qu'en conditionnant le droit à réparation de M. X... à la preuve de l'intention de nuire de la part des sociétés Arbatax et Perfectis II, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 1382 du code civil ;

3°/ que les juges ne peuvent débouter une partie de ses demandes sans procéder à une analyse, même sommaire, des documents versés par elle aux débats ; qu'en s'étant bornée à énoncer que les copies des courriers électroniques et des attestations émanant de MM. Z... et A..., versées aux débats en cause d'appel par M X..., n'emportaient pas la conviction de la cour d'appel, sans procéder à une analyse même sommaire de ces documents, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que la perte d'accès du dirigeant à son serveur et à son adresse électronique et la demande de restitution de son véhicule ainsi que l'interruption de sa ligne téléphonique et l'obligation de quitter son logement de fonction dans le délai d'un mois étaient inhérentes à la cessation de ses fonctions, dont il avait été informé plusieurs jours auparavant, la cour d'appel, qui n'a pas subordonné le droit à réparation de M. X... à la preuve de l'intention de nuire de la part de la société qu'il dirigeait et de son actionnaire, a effectué la recherche prétendument omise ;

Et attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur probante des éléments de preuve soumis au débat contradictoire que la cour d'appel a constaté que M. X... ne démontrait pas que sa révocation était intervenue dans des circonstances portant une atteinte injustifiée à sa réputation et à son honneur ;

D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.