CA Versailles, 12e ch., 8 décembre 2015, n° 14/01783
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Combustibles De Boulogne (SARL)
Défendeur :
Grenelle Finance (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
M. Leplat, Mme Soulmagnon
Vu les appels respectivement interjetés le 6 mars 2014, par la Sci Rouquier 55 (n°14/01783) et la société Grenelle Finance (n°14/01788) d'un jugement rendu le 6 février 2014 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :
* constaté l'intervention volontaire de la Sci Rouquier 55 en tant qu'acquéreur de l'immeuble loué par acte du 24 octobre2012,
* condamné la société Grenelle Finance à verser à la société Combustibles de Boulogne au titre de l'indemnité d'éviction la somme de 779.738 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
*dit que les intérêts échus pour une année produiront eux-mêmes intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code de procédure civile,
* condamné la société Combustibles de Boulogne à verser à la société Grenelle Finance, puis à compter de son acquisition à la Sci Rouquier au titre de l'indemnité d'occupation due à compter du 1er janvier 2009 et jusqu'à la libération des lieux la somme de 19.000 euros hors taxes et hors charges par an,
* condamné la société Grenelle Finance à payer à la société Combustibles de Boulogne la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;
Vu l'ordonnance rendue le 2 septembre 2014 par le conseiller de la mise en état de la présente chambre qui a ordonné la jonction des procédures inscrites au répertoire général sous les n°14/01788 et 14/01783
Vu les dernières écritures en date du 19 octobre 2015, par lesquelles la Sci Rouquier 55 demande à la cour de:
* infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Combustibles de Boulogne à la somme de 19.000 euros par an en principal,
- statuant à nouveau,
* dire que seule la société Combustibles de Boulogne est tenue de l'obligation de remise en état du site telle que prévue par l'article R.512-66-1 du code de l'environnement,
* dire que l'indemnité d'éviction ne sera due que sur justification par la société Combustibles de Boulogne du récépissé de la préfecture des Hauts de Seine prévu à l'article R. 512-66-1 du code de l'environnement,
* dire que l'indemnité d'éviction sera séquestrée jusqu'à l'obtention par la société Combustibles de Boulogne du récépissé de la préfecture des Hauts de Seine prévu à l'article R. 512-66-1 du code de l'environnement,
* débouter la société Combustibles de Combustibles de Boulogne de ses demandes;
* condamner la société Combustibles de Boulogne au paiement de la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;
Vu les dernières écritures en date du 6 octobre 2015, aux termes desquelles la société Combustibles de Boulogne prie la cour de:
* confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
* condamner solidairement les sociétés Rouquier 55 et Grenelle Finance au règlement de l'indemnité d'éviction pour un montant de:
- à titre principal:
- 420.000 euros : indemnité principale,
- 360.982 euros : indemnités accessoires n'incluant pas les travaux de dépollution qui resteront à la charge du bailleur et indemnités de licenciement non définitives,
- 780.982 euros : total,
- à titre subsidiaire:
- 420.000 euros : indemnité principale,
- 429.862 euros : indemnités accessoires incluant les travaux de dépollution qui resteront à la charge du bailleur et indemnités de licenciement non définitives,
- 849.862 euros : total,
* dire que le versement de ces sommes ne sera subordonné à aucune condition,
* à titre subsidiaire, si la cour venait à désigner un séquestre, dire que seule la Carpa sera désignée en qualité de séquestre des sommes dues,
* dire que toutes les sommes dues devront être affectées au taux légal outre l'anatocisme,
* dire que l'indemnité d'occupation due devra être fixée à 19.000 euros,
* condamner solidairement les sociétés Rouquier 55 et Grenelle Finance au versement de la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure;
Vu les dernières écritures en date du 18 avril 2014, par lesquelles la société Grenelle Finance demande à la cour de:
* infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Combustibles de Boulogne à la somme de 19.000 euros par an en principal,
- statuant à nouveau,
* à titre principal, la mettre hors de cause,
* à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où une quelconque condamnation serait prononcée à son encontre, condamner la Sci Rouquier 55 à la garantir de toute condamnation en principal, frais et intérêts,
* fixer le montant de l'indemnité d'éviction due à la société Combustibles de Boulogne à la somme de 482.000 euros,
* condamner la société Combustibles de Boulogne au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il convient de rappeler que :
* par acte sous seing privé des 18 et 19 septembre 2000, Jacques S. a renouvelé au profit de la société Combustibles de Boulogne un bail commercial portant sur des locaux situés [...], [...], pour une durée de 9 années à compter du 1er janvier 2000,
* l'activité exercée dans les lieux est celle de distribution de carburants, lubrifiants, combustibles liquides, huiles et graisses, graissage, lavage et réparation automobiles,
* par acte extrajudiciaire du 12 septembre 2008, la société Combustibles de Boulogne a sollicité de la société Grenelle Finance, venant aux droits de Jacques S., le renouvellement du bail,
* le 11 décembre 2008, la société Grenelle Finance a fait délivrer un refus de renouvellement avec offre d'une indemnité d'éviction,
* par jugement du 24 février 2011, le tribunal de grande instance de Nanterre a désigné Mme M.-G. en qualité d'expert avec pour mission d'évaluer les indemnités d'éviction et d'occupation,
* l'expert a déposé son rapport le 15 décembre2011, concluant à une indemnité d'éviction de 482.000 euros et à une indemnité d'occupation de 19.000 euros par an en principal,
* en coursde procédure, le 24 octobre2012, l'immeuble a été vendu par la société Grenelle Finance à la Sci Rouquier 55,
* cette Sci est intervenue volontairement à l'instance,
* c'est dans ces circonstances, qu'est intervenu le jugement déféré;
********************
Considérant que ne sont pas en débats devant la cour les dispositions du jugement entrepris qui ont fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Combustibles de Boulogne à la somme de 19.000 euros par an en principal; que la décision déférée sera confirmée sur ce point;
Sur la mise hors de cause de la société Grenelle Finance:
Considérant que la société Grenelle Finance, qui rappelle avoir par acte notarié du 24 octobre 2012, vendu ses droits attachés à l'ensemble immobilier dans lequel se trouve le fonds de commerce de la société Combustibles de Boulogne, sollicite sa mise hors de cause;
Qu'elle fait valoir qu'il résulte de l'acte de vente que les parties sont expressément convenues que le paiement de l'indemnité d'éviction incomberait à la Sci Rouquier 55;
Considérant que la Sci Rouquier 55, qui se reconnaît bailleur et débiteur de l'indemnité d'éviction, ne s'oppose pas à cette demande;
Que la société Combustibles de Boulogne s'en remet à la sagesse de la cour sur ce point;
Considérant qu'il ressort de la copie de l'acte de vente du 24 octobre 2012, produit en intégralité devant la cour, que le vendeur déclare (...) Qu'il existe une procédure en cours introduite par la société Combustibles de Boulogne (...) L'acquéreur déclare avoir parfaite connaissance de la situation d'occupation des biens et de la procédure en cours et déclare vouloir en faire son affaire personnelle sans recours contre le vendeur; toutes conséquences de cette procédure postérieures à ce jour, seront supportées par l'acquéreur en sa qualité de subrogé dans tous les droits et obligations du vendeur à ce sujet;
Qu'il en résulte, qu'infirmant le jugement entrepris sur ce point, la société Grenelle Finance sera mise hors de cause;
Sur l'indemnité d'éviction:
Sur l'indemnité principale:
Considérant que la Sci Rouquier 55 ne conteste pas le montant principal de l'indemnité d'éviction retenu par le premier juge à hauteur de la somme de 420.000 euros, mais soutient que l'allocation de cette indemnité est subordonnée au récépissé par la préfecture des Hauts de Seine de la notification par la société Combustibles de Boulogne des mesures prises pour procéder à la dépollution du site;
Considérant que la société Combustibles de Boulogne, qui relève que les parties s'accordent sur le montant conforme à l'évaluation faite par l'expert et retenue par le tribunal pour une somme de 420.000 euros, soutient que la prétention formée par la Sci Rouquier 55 ne saurait être recevable, au fondement de l'article 564 du code de procédure civile, pour être présentée pour la première fois en appel;
Mais considérant que la demande formée par la Sci Rouquier ne constitue, au sens de l'article 566 du code de procédure civile, que l'accessoire de la demande originaire, de sorte qu'elle est recevable en cause d'appel;
Considérant que la Sci Rouquier rappelle que selon les dispositions de l'article R. 512-66-1 du code de l'environnement, le dernier exploitant d'une installation classée doit notifier au préfet d'une part, la cessation de son activité, d'autre part, les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site;
Qu'elle souligne qu'il incombe au locataire dernier exploitant de prendre toutes les dispositions utiles pour cette dépollution; qu'elle soutient que le preneur n'est réputé avoir restitué les lieux qu'une fois qu'il se sera acquitté de son obligation de dépollution;
Qu'elle prétend ainsi que l'allocation de l'indemnité d'éviction doit être subordonnée au récépissé par la préfecture des Hauts de Seine de la notification des mesures prises pour procéder à la dépollution du site;
Qu'elle demande en conséquence à être autorisée à séquestrer la somme de 420.000 euros dans l'attente de l'obtention de ce récépissé;
Considérant que la société Combustibles de Boulogne réplique qu'en lui demandant de déclarer sa cessation d'activité à la préfecture, la bailleresse veut la contraindre à fixer une date pour arrêter son exploitation alors qu'elle est en droit de la poursuivre jusqu'à ce qu'elle perçoive son indemnité d'éviction;
Considérant que l'article R. 512-66-1 du code de l'environnement dispose que:
I-Lorsqu'une installation classée soumise à déclaration, est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant notifie au préfet la date de cet arrêt un mois avant celui-ci. Il est donné récépissé de cette notification.
II-La notification prévue au I indique les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site;
Considérant que selon les dispositions de l'article L. 145-28 du code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré;
Considérant qu'il ne saurait être reproché à la société Combustibles de Boulogne, à ce stade de la procédure, de ne pas avoir fait une déclaration de cessation d'activité auprès de la préfecture alors qu'elle a droit jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction au maintien dans les lieux moyennant le paiement d'indemnités d'occupation;
Que force est de constater que la société Combustibles de Boulogne ne conteste pas devoir notifier au préfet la date de l'arrêt de son exploitation et les mesures prises ou prévues pour assurer la mise en sécurité du site lors de son départ des lieux, mais indique seulement qu'elle ne peut, en l'état, faire une déclaration de cessation à la préfecture alors qu'elle est toujours dans les lieux et poursuit son exploitation;
Qu'ainsi la société Combustibles de Boulogne, qui ne maîtrise pas la fin de la procédure diligentée par la bailleresse, ne fait pas preuve de mauvaise foi;
Que si lorsque la procédure judiciaire d'éviction en cours aura pris fin, la société locataire sera tenue de déclarer sa cessation d'activité, il n'en demeure pas moins qu'au stade de la présente procédure, la Sci Rouquier 55 ne démontre aucunement s'exposer au risque que le preneur se soustrait aux obligations prescrites par l'article R. 512-66-1 du code de l'environnement;
Que par voie de conséquence, la Sci Rouquier 55 ne justifie pas de circonstances particulières permettant de craindre une résistance injustifiée de la locataire à s'acquitter de ses obligations, de sorte qu'il n'y a pas lieu, en l'état, d'ordonner la séquestration du montant de l'indemnité d'éviction;
Sur les indemnités accessoires:
Considérant que la Sci Rouquier 55 conteste un certain nombre d'indemnités accessoires fixées par le tribunal; que ne sont pas contestées les indemnités allouées par le tribunal concernant les frais de remploi à hauteur de la somme de 45.000 euros, le trouble commercial pour 14.000 euros;
Sur les frais de déménagement et de réinstallation:
Considérant que la société Rouquier 55 conteste l'indemnité de 245.000 euros allouée par le premier juge au titre des frais de déménagement et de réinstallation, faisant valoir que l'expert judiciaire a refusé de prendre en compte une quelconque indemnité, que le tribunal s'est uniquement fondé sur des estimations prévisionnelles, qu'à supposer que la locataire ait l'intention de se réinstaller pour exploiter à nouveau une station-service, il est exclu que puissent être engagés des frais de déménagement et de réinstallation dès lors que la reprise d'une telle activité s'effectue en l'état et qu'aucune installation, aucun matériel n'est sujet à être déplacé;
Considérant que la société Combustibles de Boulogne réplique que s'il n'y a pas lieu à indemnisation pour déménagement, en revanche il est nécessaire de prendre en compte les frais de réinstallation, que l'acquisition d'un commerce équivalent, quel que soit le secteur, comporte des frais de réinstallation très lourds compte tenu de l'activité exercée;
Qu'elle ajoute qu'elle envisageait de verser aux débats une facture pour justifier de ses frais réels de réinstallation mais qu'elle a dû renoncer à son projet d'acquisition d'un fonds de commerce de station-service dans la mesure où par ordonnance du 30 mai 2014, le Premier président de la cour d'appel de Versailles a arrêté l'exécution provisoire ordonnée par le premier juge et que n'ayant pas perçu de ce fait l'indemnité d'éviction, elle ne disposait pas des fonds nécessaires;
Considérant que la société Combustibles de Boulogne produit aux débats un devis de l'entreprise Mich chiffrant les frais de réinstallation à la somme arrondie de 387.000 euros et un rapport d'expertise amiable de Mr R. évaluant ces frais, compte tenu des nouvelles normes à respecter en matière de station service, à la somme de 245.000 euros;
Considérant que l'indemnité pour réinstallation ne peut être exclue que s'il est établi que le preneur n'a pas l'intention de se réinstaller; que tel n'est pas le cas en l'espèce, de sorte que confirmant la décision déférée, il sera alloué à la société Combustibles de Boulogne la somme de 245.000 euros;
Sur les réfactions diverses:
Considérant que la Sci Rouquier 55 expose que le tribunal, entérinant les conclusions de l'expert, a fixé à un montant de 2.500 euros l'indemnité pour réfactions diverses correspondant au coût d'inscriptions modificatives, qui n'est justifiée par aucune pièce;
Mais considérant qu'il n'est pas démenti que la perte du fonds de commerce est susceptible d'entraîner divers coûts d'inscriptions modificatives ou de radiation, qui seront effectuées après le déménagement; que ce poste n'a pas été surestimé par le tribunal et sera confirmé;
Sur les indemnités de licenciement:
Considérant que la Sci Rouquier 55 soutient que le tribunal a fixé le montant des indemnités de licenciement à la somme de 53.438 euros en ne se basant sur aucun justificatif valable; qu'elle sollicite l'infirmation de la décision sur ce point et le débouté de la demande en paiement de la société Combustibles de Boulogne au titre des indemnités de licenciement, cette demande n'étant pas plus fondée devant la cour sur un justificatif;
Considérant que la société Combustibles de Boulogne rappelle que son expert comptable a évalué ce poste au 31 décembre 2011 à un montant de 53.438 euros, a réévalué ce poste au 31 octobre 2015 à la somme de 54.482 euros, que deux salariés ont déjà fait l'objet d'un licenciement à la date du 20 février 2014 mais que compte tenu de l'abandon du projet d'acquisition d'un nouveau fonds de commerce, les autres salariés sont encore à leur poste jusqu'à la fermeture de la station, que le montant attesté par l'expert comptable est provisionnel;
Considérant que force est de constater que les déclarations annuelles des données sociales sont anciennes (2010 et 2011), qu'aucun élément ne corrobore le tableau provisionnel établi par l'expert comptable de la société Combustibles de Boulogne qui n'est, au demeurant pas signé; qu'il s'ensuit, infirmant le jugement déféré, que les indemnités de licenciement en raison de la cessation de l'exploitation de l'entreprise seront versées par la Sci Rouquier 55 sur justificatifs produits par la société Combustibles de Boulogne;
Sur les coûts de dépollution:
Considérant que la société Combustibles de Boulogne rappelle que la cessation de l'activité de vente de carburants peut entraîner une mise en sécurité du site conformément à l'article R.512-66- 1 du code de l'environnement;
Qu'elle soutient que cette mise en sécurité est à distinguer de la dépollution des sols qui ne peut incomber qu'au propriétaire des locaux ou à l'exploitant d'origine puisque ce site était antérieurement affecté à cet usage, que la mise en sécurité consiste à sabler les cuves et poser une clôture autour de la station;
Qu'elle précise qu'elle agira en ce sens lors de son départ des lieux et adressera une notification de cessation d'activité avant ce départ, qu'elle n'a pour seule obligation que de restituer les lieux dans un parfait état d'entretien, qu'elle n'a pas à assumer le changement de destination des locaux qu'elle a loués pour un usage destiné à l'exploitation d'une station-service, que seul le bailleur, s'il souhaite changer d'activité, doit assumer les frais consécutifs à ce changement;
Qu'elle ajoute que si la cour venait à considérer que la dépollution doit être mise à sa charge, il devrait être ajouté pour mémoire les frais de la dépollution au titre des indemnités accessoires à hauteur de la somme de 68.880 euros estimée selon devis de la société Izeo;
Considérant que la société Rouquier 55 réplique que la société Combustibles de Boulogne entend indûment se faire rembourser les frais de dépollution au titre des indemnités accessoires alors que le coût de dépollution d'un site n'incombe qu'au dernier exploitant, que la remise en état du site résulte d'une obligation légale mise à la charge du locataire;
Considérant que l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site prescrite par les dispositions de l'article R. 512-6-1 du code de l'environnement est une obligation légale particulière imposée au preneur à bail d'une installation classée soumise à déclaration, tenu comme dernier exploitant, dont la finalité est la protection de l'environnement et de la santé publique, de sorte qu'elle incombe à la société Combustibles de Colombes et non pas au propriétaire du bien;
Considérant que s'il appartient au preneur de respecter ces obligations légales, il convient toutefois de relever en l'espèce :
*que le site était antérieurement affecté à l'usage de distribution de carburants, lubrifiants, combustibles liquides, huiles et graisses, graissage, lavage et réparation automobiles,
*que la société Combustibles de Boulogne qui a sollicité le renouvellement du bail le 12 septembre 2018 s'est vue délivrer un refus de renouvellement par le bailleur le 11 décembre 2018, de sorte que cette locataire doit supporter les frais de mise en sécurité ou de dépollution qui lui sont imposés par l'attitude du bailleur;
Considérant que le preneur qui signifie son congé ne saurait prétendre à une indemnité au titre des travaux de mise en sécurité ou de dépollution puisqu'il prend l'initiative de mettre fin à l'exploitation;
Qu'en revanche, lorsque le bailleur est à l'origine de la cessation d'activité du preneur ce qui impose à celui-ci de mettre en oeuvre la mise en sécurité ou la dépollution du site, l'indemnité d'éviction doit alors couvrir l'entier préjudice subi par le preneur du fait du défaut de renouvellement du bail et ainsi comporter, à titre d'indemnité accessoire, les frais de mise en sécurité ou de dépollution qui sont directement liés à l'éviction;
Que la société Combustibles de Boulogne verse aux débats un devis de dépollution des sols établi par la société Izeo à hauteur de la somme de 68.880 euros; que si la société Rouquier 55 souligne que seul un devis est produit par le preneur, il n'en subsiste pas moins qu'elle ne justifie nullement l'impossibilité d'en faire établir un autre avant l'ordonnance de clôture, alors qu'il est constant que l'appel a été interjeté au mois de mars 2014 et que cette ordonnance n'est intervenue que le 29 octobre 2015;
Que l'indemnité d'éviction due par la société Sci Rouquier doit prendre en compte la somme de 68.880 euros à titre d'indemnité accessoire;
Sur le montant de l'indemnité d'éviction:
Considérant par voie de conséquence que le montant des indemnités accessoires dues par la Sci Rouquier 55 s'élève à la somme de 45.000 + 14.000 +245.000 + 2500 + 68.880 = 375.380 euros, outre frais de licenciement justifiés;
Que le montant de l'indemnité d'éviction mise à la charge de la Sci Rouquier 55 doit être fixé à la somme de 420.000 + 375.380 = 795.380 euros, outre les frais de licenciement sur justificatifs;
Que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 779.738 euros et à compter du présent arrêt pour le surplus;
Que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil;
Sur les autres demandes:
Considérant que la société Grenelle Finance étant mise hors de cause, la décision déférée sera infirmée sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Qu'en vertu de ce texte, il y a lieu de faire droit aux prétentions de la société Combustibles de Boulogne, au titre de ses frais irrépétibles exposés à l'occasion de ce recours, contre la Sci Rouquier 55 qui succombe et doit supporter la charge des dépens de première instance et d'appel;
Contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- fixé l'indemnité d'occupation due par la société Combustibles de Boulogne à la somme de 19.000 euros à compter du 1er janvier 2009 et jusqu'à libération des lieux, hors taxes et hors charges,
- fixé à la somme de 420.000 euros l'indemnité principale d'éviction,
- fixé à la somme de 45.000 euros les frais de remploi,
- fixé à la somme de 14.000 euros le trouble commercial,
- fixé à la somme de 245.000 euros l'indemnité accessoire de réinstallation,
- fixé à la somme de 2.500 euros l'indemnité accessoire pour réfactions diverses,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Grenelle Finance à verser à la société Combustibles de Boulogne au titre de l'indemnité d'éviction la somme de 779.738 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement, la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Infirme le jugement en ce qu'il a retenu la somme de 53.438 euros au titre des indemnités de licenciement du personnel
Infirme le jugement sur le montant de l'indemnité d'éviction,
Statuant à nouveau,
Met hors de cause la société Grenelle Finance,
Dit que les indemnités de licenciement en raison de la cessation de l'exploitation de l'entreprise seront versées par la Sci Rouquier 55 sur justificatifs produits par la société Combustibles de Boulogne,
Dit que l'indemnité d'éviction doit comporter comme accessoire la somme de 68.880 euros,
Condamne la Sci Rouquier à payer à la société Combustibles de Boulogne une indemnité d'éviction de 795.380 euros, outre les frais de licenciement sur justificatifs,
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 779.738 euros et à compter du présent arrêt pour le surplus;
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil;
Y ajoutant,
Déboute la Sci Rouquier 55 de sa demande de séquestre,
Condamne la Sci Rouquier 55 à payer à la société Combustibles de Boulogne la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la Sci Rouquier aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.