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Décisions

Cass. 2e civ., 3 mai 1974, n° 72-14.559

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. DROUILLAT

Rapporteur :

M. LEMERCIER

Avocat général :

M. BOUTEMAIL

Avocat :

MM. VIDART.

Paris, du 16 mai 1972

16 mai 1972

ATTENDU, SELON L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE, QUE, DE NUIT, SUR UNE PORTION RECTILIGNE D'UNE ROUTE A TROIS VOIES, SABIRON, CONDUISANT L'ENSEMBLE ROUTIER SEMI-REMORQUE DE FOUGNET SON EMPLOYEUR, ENTRA EN COLLISION AVEC L'ARRIERE DU CAMION DE VASSEUR, LEQUEL, CIRCULANT DANS LE MEME SENS QUE SABIRON, AVAIT ARRETE SON VEHICULE AU BORD DE LA CHAUSSEE POUR CHANGER UNE ROUE ET SE TROUVAIT SUR LA ROUTE A COTE DE CELUI-CI;

QUE LE SEMI-REMORQUE SE DEPORTA SUR LA GAUCHE ET SE RENVERSA;

QUE VASSEUR FUT TUE ET SABIRON BLESSE;

QUE LES DEUX VEHICULES, AINSI QUE LES MARCHANDISES TRANSPORTEES SUBIRENT DES DEGATS;

QUE FOUGNET ET LES ASSUREURS DE SON DOMMAGE, LA SOCIETE LA DEFENSE MONDIALE ET LA SOCIETE LA PROVIDENCE, ONT ASSIGNE VEUVE VASSEUR, EN QUALITE D'AYANT CAUSE DE SON MARI ET D'ADMINISTRATRICE LEGALE DE LEURS ENFANTS MINEURS, ET SA COMPAGNIE D'ASSURANCE, LA CORDIALITE, POUR OBTENIR REPARATION DE LEURS PREJUDICES MATERIELS;

QUE LES DEFENDEURS ONT FORME UNE DEMANDE RECONVENTIONNELLE EN REPARATION DE LEUR DOMMAGE MATERIEL ET MORAL, ET L'ONT DIRIGEE EGALEMENT CONTRE SABIRON, INTERVENU A L'INSTANCE POUR SE FAIRE INDEMNISER DU PREJUDICE CORPOREL NON REPARE PAR LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CHARENTE-MARITIME, LAQUELLE A DEMANDE LE REMBOURSEMENT DE SES DEBOURS;

QUE LA COMPAGNIE CAISSE GENERALE ACCIDENTS, QUI ASSURAIT LA RESPONSABILITE CIVILE DE FOUGNET EST EGALEMENT INTERVENUE A L'INSTANCE;

ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR PARTAGE LA RESPONSABILITE DU DOMMAGE ENTRE SABIRON ET VASSEUR EN RAISON DE LEURS FAUTES RESPECTIVES, ALORS QUE CELLE RETENUE A LA CHARGE DU PREMIER, AVOIR ROULE EN FEUX DE CROISEMENT A UNE VITESSE EXCESSIVE, AURAIT ETE DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE EXCLUSIVE, QUE LE DEFAUT DE PRESIGNALISATION REGULIERE REPROCHE AU SECOND NE RESULTERAIT QUE DE LA DECLARATION D'UN TEMOIN QUI N'ETAIT PAS AFFIRMATIF, ET ENFIN QUE LES PARTIES SE SERAIENT MISES D'ACCORD POUR RECONNAITRE QU'EN RAISON DE LA NATURE DU SOL, IL ETAIT IMPOSSIBLE A VASSEUR DE FAIRE STATIONNER SON CAMION SUR L'ACCOTEMENT, DE SORTE QU'EN LUI IMPUTANT A FAUTE ET D'OFFICE, LE FAIT DE N'AVOIR PAS, POUR LE REPARER, RANGE CE VEHICULE SUR LE BAS COTE, L'ARRET AURAIT MECONNU LES DROITS DE LA DEFENSE ET DENATURE LES TERMES DU LITIGE;

MAIS ATTENDU QUE LES JUGES DU FOND NE MODIFIENT PAS LES TERMES DU LITIGE ET NE MECONNAISSENT PAS LES DROITS DE LA DEFENSE EN PRENANT EN CONSIDERATION, MEME SI ILS N'Y ONT PAS ETE SPECIALEMENT INVITES PAR LES PARTIES, DES ELEMENTS DE FAIT RESULTANT DE L'EXAMEN DES DOCUMENTS PRODUITS;

ET ATTENDU QUE, SANS DENATURER LES CONCLUSIONS PRISES, ET EN APPRECIANT SOUVERAINEMENT LA VALEUR ET LA PORTEE DES CONSTATATIONS FAITES ET DES DECLARATIONS RECUEILLIES PAR LES GENDARMES APRES L'ACCIDENT, ILS ONT PU EN DEDUIRE QUE VASSEUR N'AVAIT PAS OBSERVE LES PRESCRIPTIONS REGLEMENTAIRES TOUCHANT LA PRESIGNALISATION ET QU'IL DISPOSAIT DE BAS-COTES PRATICABLES SUR LESQUELS SON VEHICULE AURAIT PU FACILEMENT TROUVER PLACE;

QUE, RELEVANT ENSUITE, DANS LA VITESSE EXCESSIVE DE SABIRON, L'UNE DES CAUSES DE L'ACCIDENT, ILS ONT PU ESTIMER QUE LES FAUTES DES DEUX CONDUCTEURS AVAIENT CONTRIBUE A LA REALISATION DU DOMMAGE DANS UNE MESURE QU'ILS ONT SOUVERAINEMENT APPRECIEE;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE;

SUR LE TROISIEME MOYEN :

ATTENDU QU'IL EST EGALEMENT FAIT GRIEF A L'ARRET DE S'ETRE PRONONCE EN DEHORS DU CADRE DU LITIGE EN SE FONDANT, POUR LE TRANCHER, SUR LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL, ALORS QUE LE JUGEMENT ET LES CONCLUSIONS D'APPEL AVAIENT INVOQUE CELLES DE L'ARTICLE 1384, ALINEA 1ER, DU MEME CODE;

MAIS ATTENDU QU'EN PREMIERE INSTANCE, COMME EN APPEL, LES PARTIES SE SONT PREVALUES A LA FOIS DES REGLES REGISSANT LA RESPONSABILITE DU FAIT DE L'HOMME ET DE CELLES CONCERNANT LA RESPONSABILITE DU FAIT DES CHOSES;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN MANQUE PAR LE FAIT MEME QUI LUI SERT DE BASE

SUR LE QUATRIEME MOYEN :

ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE A L'ARRET DE S'ETRE CONTREDIT EN ENONCANT, D'UNE PART, QUE LA FAUTE DE VASSEUR NORMALEMENT IMPREVISIBLE ETAIT LA CAUSE GENERATRICE DU DOMMAGE ET, D'AUTRE PART, QUE CELLE DE SABIRON AVAIT EGALEMENT CONTRIBUE A SA REALISATION;

MAIS ATTENDU QU'UNE FAUTE POUVANT ETRE QUALIFIEE DE CAUSE GENERATRICE D'UN DOMMAGE SANS EN ETRE LA SEULE CAUSE, LES JUGES D'APPEL NE SE SONT PAS CONTREDITS EN STATUANT COMME ILS L'ONT FAIT;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE;

MAIS SUR LE PREMIER MOYEN :

VU L'ARTICLE 445 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE, ENSEMBLE L'ARTICLE 1351 DU CODE CIVIL,

ATTENDU QU'IL RESULTE DU PREMIER DE CES TEXTES QUE LES JUGES D'APPEL NE PEUVENT AGGRAVER LES CONDAMNATIONS PRONONCEES CONTRE UN APPELANT SUR SON SEUL APPEL ET EN L'ASENCE DE L'APPEL INCIDENT DE L'INTIME;

ATTENDU QUE LES JUGES DU PREMIER DEGRE AVAIENT DECIDE QUE LES CIRCONSTANCES DE L'ACCIDENT DEMEURANT INDETERMINEES, LE GARDIEN DE CHAQUE VEHICULE DEVAIT REPARER L'ENTIER DOMMAGE SUBI PAR L'AUTRE QUE, SUR L'APPEL PRINCIPAL.DE VEUVE VASSEUR ET DE SON ASSUREUR, FOUGNET A CONCLU A LA CONFIRMATION DU JUGEMENT QUI METTAIT A SA CHARGE DES SOMMES BEAUCOUP PLUS IMPORTANTES QUE CELLES DEVANT REVENIR SOIT A LUI-MEME, SOIT AUX ASSUREURS DE DOMMAGE SUBROGES DANS SES DROITS;

QU'EN OPERANT UN PARTAGE DE RESPONSABILITE ENTRE LES DEUX CONDUCTEURS SUR LA BASE DE L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL ET EN RETENANT CELLE DE FOUGNET EN QUALITE DE COMMETTANT, LES JUGES D'APPEL ONT, PAR VOIE DE CONSEQUENCE ET DANS LA PROPORTION DU PARTAGE AINSI ADMIS, REDUIT LE MONTANT DES SOMMES QUE CELUI-CI DEVAIT IN SOLIDUM AVEC LA CAISSE GENERALE ACCIDENTS, VERSER AUX AYANTS DROIT DE VASSEUR EN VERTU DU JUGEMENT;

QU'EN SE PRONONCANT AINSI, ALORS QUE FOUGNET, DONT L'OBLIGATION AVAIT UNE CAUSE DIFFERENTE DE CELLE DE SON ASSUREUR, NE POUVAIT SE PREVALOIR DE L'APPEL INCIDENT INTERJETE PAR CE DERNIER, LES JUGES D'APPEL ONT MECONNU LA PORTEE DES TEXTES SUSVISES ET LES ONT DONC VIOLES;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, DANS LA MESURE DU MOYEN ADMIS, L'ARRET RENDU LE 16 MAI 1972, ENTRE LES PARTIES, PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS;

REMET, EN CONSEQUENCE, QUANT A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL D'ANGERS