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Décisions

Cass. com., 13 avril 2010, n° 09-11.885

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Potocki

Avocat général :

M. Bonnet

Avocats :

Me Balat, SCP Tiffreau et Corlay

Rouen, du 24 avr. 2008

24 avril 2008

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suivant connaissement n° 7600054508 établi à Lagos (Nigeria) le 27 mai 2003, la société Mitsui Osk Lines (la société Mitsui) a pris en charge à Apapa (Nigeria), sur le navire «Mol Oueme», huit conteneurs, dans lesquels étaient empotés 1 600 sacs de fèves de cacao, à destination de Pasir Gudang (Malaisie) ; que lors de la livraison, il a été constaté qu'un certain nombre de ces sacs étaient avariés par mouille ; que selon deux autres connaissements n° 754073137 et n° 754073120 délivrés au Havre le 5 avril 2003, la société Mitsui a chargé à San Pedro (Côte d'Ivoire), sur le navire «CEC Force», respectivement 3 080 et 1 540 sacs de fèves de cacao, placés dans seize conteneurs, également à destination de Pasir Gudang, où une avarie par mouille a aussi été relevée ; que les compagnies d'assurance Fortis Corporate Insurance marine et autres (les assureurs), ayant indemnisé le destinataire, ont fait assigner la société Mol-Europe (la société Mol) et la société Mitsui pour les voir condamner à leur payer la contre-valeur en euros de la somme de 15 243,88 GBP au titre de la première expédition et de celle de 19 283,14 GBP au titre de la seconde ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les assureurs font grief à l'arrêt d'avoir déclaré le tribunal de commerce du Havre incompétent pour juger de la demande concernant les marchandises chargées sur le navire «Mol Oueme» et transportées par la société Mitsui sous le connaissement n° 7600054508 et renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant le tribunal de Tokyo (Japon) dont dépend la résidence de la compagnie de transport Mitsui, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en matière de compétence internationale, s'il y a plusieurs défendeurs sérieux à une demande, le demandeur peut saisir à son choix, la juridiction où demeure l'un d'eux ; qu'il suffit que le demandeur ait une action personnelle et directe à l'encontre de chacun des défendeurs, peu important leur part de responsabilité respective ; qu'il est constant en l'espèce que, s'agissant des connaissements n° 754073137 et n° 754073120, la société Mol dont le siège est au Havre était commissionnaire de transport auprès duquel le vendeur CAF français a soigné le fret et qu'en tant que tel sa responsabilité était engagée ; qu'en disant que les assureurs n'avaient pas d'action personnelle et directe à l'encontre de la société Mol au regard du seul connaissement n° 7600054508, les compagnies d'assurance n'ayant pas démontré que cette société agissait pour ce connaissement en tant qu'agent ou commissionnaire de transport, sans avoir égard à l'ensemble de la demande qui portait bien sur les trois connaissements, la cour d'appel a violé l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble les principes de compétence internationale ;

2°/ qu'en matière de compétence internationale, s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur peut saisir à son choix, la juridiction où demeure l'un d'eux dès lors que les diverses demandes, dirigées contre les différents défendeurs, sont dans un lien étroit de connexité ; que la cour d'appel a bien constaté la compétence du tribunal de commerce du Havre pour le litige relatif au transport à bord du navire «CEC Force», soit pour les connaissements n° 754073137 et n° 754073120 en raison du domicile de la société Mol au Havre ; qu'en l'espèce, il apparaissait concernant le connaissement n° 760054508 en date à Lagos (Nigeria) du 27 mai 2003 à bord du navire «Mol Oueme» et les connaissements n° 754073137 et n° 754073120 en date au Havre du 5 avril 2003, qu'étaient communs aux deux voyages les parties au contrat de transport, les parties aux contrats de vente, le fondement contractuel du recours, la marchandise et son empotage par le transporteur, la région de chargement, le port de déchargement, la saison des expéditions, la nature et la cause des dommages, les experts intervenus au déchargement, les assureurs ; qu'en ne recherchant pas s'il existait une indivisibilité entre ces demandes justifiant qu'elles soient jugées ensemble, la cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble les principes de compétence internationale ;

Mais attendu que la prorogation de compétence prévue par l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile, applicable dans l'ordre international, ne permet pas d'attraire devant une juridiction française un défendeur demeurant à l'étranger lorsque la demande formée contre lui et un codéfendeur domicilié en France ne présente pas, à l'égard de ce dernier, un caractère sérieux, fût-elle connexe à une autre demande dirigée contre les mêmes défendeurs ; qu'ayant retenu que les assureurs ne disposaient, pour le transport effectué sur le navire «Mol Oueme», d'aucune action personnelle et directe à l'encontre de la société Mol, domiciliée au Havre, et que celle-ci n'apparaissait pas à leur égard et pour le transport en question comme un défendeur sérieux, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche évoquée à la seconde branche, en a déduit que les juridictions françaises n'étaient pas compétentes pour juger des demandes présentées au titre de ce transport ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire que le tribunal de commerce du Havre n'était saisi que du litige concernant les marchandises chargées sur le navire «CEC Force» sous le connaissement n° 754073137 à l'exclusion de celui concernant les marchandises chargées sous le connaissement n° 754073120, l'arrêt retient que les assureurs ont sollicité la réparation du préjudice résultant des marchandises transportées sous les trois connaissements qu'elles ont produits devant le tribunal, joints à leurs conclusions récapitulatives, que toutefois, leur assignation initiale ne visait que le connaissement n° 754073137, que leurs dernières conclusions ne contiennent pas l'indication que la réclamation concerne également les marchandises transportées sous le connaissement n° 754073120 et enfin que le litige était ainsi déterminé devant le tribunal par les prétentions telles que formulées devant lui par la référence faite par les assureurs à leurs dernières conclusions visées par le greffier qui ne contiennent aucune référence écrite au connaissement n° 754073120 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de se prononcer sur la demande de condamnation de la société Mitsui et de la société Mol à leur payer la somme de 34 527,02 GBP présentée par les assureurs, qui constituait l'objet du litige, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré le tribunal de commerce du Havre incompétent pour juger de la demande concernant les marchandises chargées sur le navire «Mol Oueme» et transportées par la société Mitsui Osk Lines sous le connaissement n° 760054508 et renvoyé les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt rendu le 24 avril 2008, rectifié par arrêt du 18 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée.