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Décisions

Cass. soc., 16 février 2011, n° 10-16.423

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Rapporteur :

Mme Deurbergue

Avocat général :

Mme Taffaleau

Avocats :

SCP Baraduc et Duhamel, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Peignot et Garreau

Versailles, du 23 févr. 2010

23 février 2010

Vu leur connexité, joint les pourvois n° G 10-16.423 et D 10-16.534 ;

Sur le moyen unique des pourvois :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 février 2010), que M. X... a été engagé à compter du 13 avril 1989 par la société d'exploitation du parking Paillon devenue la société d'exploitation de stations services d'autoroutes (Sessa) aux droits de laquelle vient la société Shell ; que la société Sessa a cédé son activité, avec effet au 18 octobre 2007, à la société Gasolina ; que cette société a repris le contrat de travail de M. X... à compter du 18 octobre 2007 et l'a convoqué le jour même à un entretien préalable en vue de son licenciement ; que M. X... a été licencié le 14 novembre 2007 pour motif économique ; qu'il a cité devant le conseil de prud'hommes de Nanterre la société Sessa, qui avait son siège social dans le ressort de cette juridiction, et la société Gasolina pour demander leur condamnation in solidum à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement sans motif réel et sérieux ; que le conseil de prud'hommes de Nanterre s'est déclaré territorialement incompétent pour statuer sur les demandes de M. X... et a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Trouville-sur-Mer, dans le ressort duquel la société Gasolina avait son siège social ; que M. X... a formé un contredit de compétence à l'encontre de cette décision ;

Attendu que les sociétés Shell et Gasolina font grief à l'arrêt d'avoir dit que le conseil de prud'hommes de Nanterre était compétent pour connaître des demandes de M. X... et d'avoir ordonné la transmission de l'affaire à ce même conseil de prud'hommes, alors, selon le moyen, pris en ses première et deuxième branches de la société Shell :

1°/ que la prorogation de compétence territoriale prévue à l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile ne peut faire échec à des règles de compétence d'attribution d'ordre public ; que l'article R. 1412-1 du code du travail, qui pose des règles de compétence d'attribution d'ordre public, rappelle que le conseil de prud'hommes territorialement compétent pour connaître des différends opposant un salarié à son employeur est soit celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail, soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié et que le salarié peut également saisir les conseils de prud'hommes du lieu où l'engagement a été contracté ou celui du lieu où l'employeur est établi ; qu'en retenant la compétence territoriale du conseil de prud'hommes de Nanterre, dans le ressort duquel se trouvait le siège social de la société Sessa au motif que l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile offre une option au demandeur lorsqu'il existe une pluralité de défendeurs cependant que la prorogation de compétence territoriale prévue à l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile ne peut faire échec à des règles de compétence d'attribution d'ordre public, la cour d'appel a violé les articles R. 1412-1 et R. 1451-1 du code du travail, ensemble l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2°/ qu'en toute hypothèse, un demandeur ne peut se prévaloir de la prorogation de compétence territoriale prévue à l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile que s'il exerce une action directe et personnelle contre chacune des parties assignées et si la question à juger est la même pour toutes, quelle que soit la mesure en laquelle chacune peut être engagée ; qu'en se bornant à retenir la compétence du conseil de prud'hommes de Nanterre, dans le ressort duquel la société Sessa avait son siège social aux motifs qu'il existait une option au profit du demandeur en présence d'une pluralité de défendeurs sans même constater que la question à juger était la même pour Sessa et Gasolina tandis qu'il s'agissait de juger en ce qui concernait la société Gasolina du caractère réel et sérieux du licenciement et pour la société Sessa de l'existence d'une collusion frauduleuse, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile ;

et alors, selon le moyen pris en ses première et deuxième branches de la société Gasolina :

1°/ que, les dispositions de droit commun du code de procédure civile, et notamment celles régissant la compétence territoriale, ne s'appliquent en matière prud'homale que si elles n'ont pas pour effet de contredire les règles spéciales d'ordre public édictées par le code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré qu'il pouvait être fait application de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile et que le conseil de prud'hommes dans le ressort duquel son ancien employeur, la société Sessa, avait son siège social pouvait être reconnu territorialement compétent, bien que les dispositions spéciales de l'article R. 1412-1 du code du travail ne lui permettent de saisir que celui dans le ressort duquel se trouvait soit l'établissement dans lequel le salarié avait travaillé, soit le lieu où son engagement a été contracté, soit celui du lieu où l'employeur est établi ; qu'en déclarant ainsi compétent un conseil de prud'hommes qui ne l'était pas en application des règles spéciales d'ordre public régissant la compétence en matière prud'homale, la cour d'appel a violé l'article R. 1412-1 du code du travail, ensemble les articles R. 1451-1 du code du travail et 42, alinéa 2, et 749 du code de procédure civile ;

2°/ que, subsidiairement, la prorogation de compétence ouverte en cas de pluralité de défendeurs par l'alinéa 2 de l'article 42 du code de procédure civile suppose que la question soumise au juge soit identique pour tous les défendeurs ; qu'en l'espèce, M. X... imputait à titre principal à la société Sessa, son ancien employeur, d'avoir commis une fraude en transférant son contrat de travail, tandis qu'il reprochait à titre subsidiaire à la société Gasolina, dont il admettait qu'elle était son seul employeur au moment du licenciement, son licenciement abusif ; qu'en faisant cependant application de l'article 42, alinaé 2, sans vérifier si la question de droit posée au juge était unique pour les deux défenderesses, ce qui n'était manifestement pas le cas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article R. 1451-1 du code du travail et de l'article 749 du code de procédure civile que sous réserve des dispositions du code du travail la procédure devant les juridictions prud'homales est régie par les dispositions du livre premier du code de procédure civile ; qu'aux termes de l'article 42, alinéa 2, de ce code, lorsqu'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux ;

Attendu qu'après avoir constaté que la société Sessa avait cédé son activité à la société Gasolina et lui avait transféré le contrat de travail de M. X..., l'arrêt relève que le salarié conteste la régularité du transfert de son contrat de travail effectué "de manière fictive et en fraude de ses droits" et du licenciement dont il a fait l'objet, et forme une demande de condamnation in solidum des deux employeurs de sorte que le salarié peut se prévaloir de la prorogation de compétence de l'article 42, alinéa 2, du code de procédure civile ; que la cour d'appel en a exactement déduit que le conseil de prud'hommes de Nanterre, lieu du siège social de la société Sessa, était territorialement compétent pour connaître des demandes de M. X... et qu'il y avait lieu de renvoyer l'affaire devant cette juridiction ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen pris en ses autres branches dont aucune n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.