Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 5 juillet 2016, n° 15/17274

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roy-Zenati

Conseillers :

Mme Bouvier, Quentin de Gromard

TI Bobigny, du 30 juin 2015, n° 14/00141…

30 juin 2015

Par acte sous seing privé du 22 décembre 2010, à effet au 2 janvier 2011, la SCI Assurécureuil P. 8 a consenti à Mme Corinne H. un bail portant sur des locaux à usage d'habitation au rez-de-chaussée d'un immeuble sis [...], moyennant un loyer mensuel de 1.200 euros, payable d'avance le 1er jour du terme, outre les charges provisionnées à concurrence de 112 euros par mois.

Le 19 mars 2014, la bailleresse a fait délivrer à son cocontractant un commandement de payer la somme de 6.429,36 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés à cette date, outre les sommes de 642,90 euros en exécution de la clause pénale, 200 euros de frais, et 177,57 euros du coût de la sommation, visant la clause résolutoire.

Les causes du commandement n'ont pas été acquittées dans les 2 mois de sa délivrance.

Le 28 mai 2014, la SCI Assurécureuil P. 8 a fait assigner Mme Corinne H. en référé afin d'obtenir notamment la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du bail liant les parties, faute de paiement de son prix, l'expulsion de Mme H., sa condamnation au paiement d'une provision de 7.823,86 euros au titre des loyers et charges impayés au 20 mai 2014, ainsi qu'au paiement de 782,38 euros en exécution de la clause pénale insérée au bail.

Par ordonnance contradictoire du 30 juin 2015, le juge des référés du tribunal d'instance de Bobigny a :

- écarté l'exception de nullité du commandement de payer du 19 mars 2014 ;

- constaté la résiliation du contrat de bail à compter du 19 mai 2014 ;

- ordonné l'expulsion de Mme Corinne H. ;

- dit que le sort des meubles sera alors réglé selon les dispositions des articles R. 433-5 et R. 433-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné Mme Corinne H. à verser à la SCI assurécureuil P. 8 la somme de 27.672,33 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges et indemnités d'occupation égales au montant du loyer et charges normalement dus, arrêtés au 27 mai 2015, ce terme inclus, augmentés des intérêts au taux légal dès le 19 mars 2014 sur 6.343,71 euros, dès le 2 juin 2015 pour le surplus ;

- condamné Mme Corinne H. au paiement par provision d'une indemnité d'occupation à compter du 19 mai 2014 jusqu'à la libération effective des lieux, égale au montant des loyers et charges normalement dus en l'absence de résiliation du bail ;

- dit irrecevables les demandes de la SCI Assurécureuil P. 8 en exécution des clauses pénales ;

- débouté m Mme Corinne H. de ses demandes de délais de grâce et d' indemnité de procédure ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;

- condamné Mme Corinne H. au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Mme Corinne H. a interjeté appel de cette décision le 11 août 2015.

Par ses conclusions transmises le 17 mai 2016, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau de :

- donner pleine application aux dispositions de l'article 47 du code de procédure civile eu égard à sa profession d'avocat au barreau de Paris et se déclarer incompétente pour traiter du litige et le renvoyer à une autre juridiction ;

- in limine litis, constater la nullité du commandement de payer délivré le 19 mars 2014 ;

- a titre subsidiaire, dire n'y avoir lieu à référé ;

- à défaut ordonner une expertise des comptes produits par la bailleresse à ses frais pour les années 2014, 2015 et 2016 ;

- a titre infiniment subsidiaire, suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder les plus larges délais de paiements à Mme Corinne H. pour apurer son arriéré locatif ;

- en tout état de cause, condamner la société Assurécureuil P. 8 au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

A titre principal, elle fait état de la violation d'une formalité substantielle singulière, en reprochant à la sommation l'ajout de sommes exogènes au compte, s'agissant de frais et de la clause pénale, et l'amalgame au compte de la taxe foncière, qu'elle dit indue; que le commandement de payer est nul et les demandes en justice subséquentes de la société Assurécureil irrecevables.

Subsidiairement, elle soutient qu'il existe une contestation sérieuse évinçant la compétence du juge des référés pour constater l'acquisition de la clause résolutoire, le décompte des sommes réclamées par la bailleresse étant injustifié et contestable en ce qui concerne notamment les charges d'ascenseur, de gardiennage, de désengorgement des canalisations, des frais de géomètres, des honoraires de gestion, des impôts et taxes ainsi que du caractère singulièrement élevé et progressif des charges réclamées ; qu'à tout le moins, cette contestation justifie une expertise des comptes au frais de la bailleresse.

A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la réduction de l'arriéré locatif et la suspension des effets de la clause résolutoire compte tenu de ses difficultés financières.

Elle fait valoir qu'elle a libéré définitivement les lieux le 18 avril 2016 et qu'à compter de cette date, elle n'est plus redevable d'aucune indemnité d'occupation

Elle soutient que l'article 41 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 répute non écrite toute clause qui autorise le bailleur à percevoir des amendes en cas de non respect des clauses contractuelles; qu'à ce titre, la demande de condamnation au titre de la clause pénale sera rejeté.

Par ses conclusions transmises le 6 mai 2016, la société Assurécureuil P. 8, intimée, demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise et de :

- condamner Mme Corinne H. au paiement de la somme de 45.154,97 euros au titre des loyers, indemnités d'occupation et charges impayés selon décompte du 25 avril 2016, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 19 mars 2014 sur la somme de 6.429,36 euros et à compter des présentes pour le surplus ;

- ordonner la capitalisation des intérêts, en application de l'article 1154 du code civil ;

- condamner Mme Corinne H. au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir que depuis sa déclaration d'appel Mme Corinne H. n'a pas conclu et que son recours devra donc être rejeté.

Elle précise que si l'expulsion de Mme H. est intervenue le 20 avril 2016, cette dernière n'a réglé aucune somme et reste devoir la somme de 45.154,97 euros selon décompte du 25 avril 2016.

SUR CE, LA COUR

Considérant que l'article 47 du code de procédure civile dispose que 'Lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe.

Le défendeur ou toutes les parties en cause d'appel peuvent demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions.' ;

Considérant que Mme Corinne H. est avocate inscrite au barreau de Paris ; qu'elle a formé une demande de renvoi devant une juridiction limitrophe devant le juge d'instance de Paris qui a fait droit à sa demande mais a saisi le tribunal d'instance de Bobigny, alors que le ressort dans lequel l'avocat exerce ses fonctions, pour les avocats au barreau de Paris, comprend les tribunaux de grande instance de Bobigny, Créteil et Nanterre ; que de ce fait, Mme H., appelante, est fondée à solliciter le renvoi devant une cour d'appel limitrophe, sans qu'il puisse être considéré qu'elle ait renoncé à faire valoir le droit qu'elle tire de l'article 47 précité ;

PAR CES MOTIFS

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, juridiction limitrophe de la cour d'appel de Paris ;

Réserve les frais et les dépens.