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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 9 mars 2022, n° 19/03259

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

DOUG (SCI)

Défendeur :

FORME PESSAC (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme PIGNON

Conseillers :

Mme FABRY, Mme GOUMILLOUX

Avocat :

SCP CABINET LEXIA

BORDEAUX, du 11 juin 2019

11 juin 2019

Par acte du 14 août 2014, la SCI Doug a donné à bail à la société Forme Pessac un local commercial de 1045 m² à usage commercial situé [...] (33), ainsi que 65 emplacements de parking extérieurs, moyennant un loyer annuel de 72 000 euros, hors taxes et hors charges pour une prise d'effet 'au 1er septembre 2014 au plus tôt'.

Par acte du 10 octobre 2014, la société Daste a cédé à la société Forme Pessac son fonds de commerce de salle de sport et de fitness qu'elle exploitait dans les locaux objets du bail susvisé pour la somme de 135 000 euros.

La société Forme Pessac s'est plainte à son bailleur de ce que le parking ne comportait que 45 places et non 65 comme prévues contractuellement. En outre, ces places étaient utilisées par les clients des salles de squash et de badminton situées dans le même immeuble, ce qui empêchait sa propre clientèle de se garer.

Le 22 novembre 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Forme Pessac.

Arguant d'une perte de son chiffre d'affaires causée par la perte de jouissance des places de parking, la société Forme Pessac a fait ensuite assigner à jour fixe, selon autorisation du 3 juillet 2018, par acte du 10 août 2018, la SCI Doug devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir condamner celle-ci au paiement de:
- la somme de 129 150 euros à titre principal au titre de la réduction rétroactive du prix du loyer du 1er septembre 2014 au 31 août 2018 et, à titre subsidiaire, en indemnisation de son indemnité de jouissance,
- la somme de 48 000 euros en indemnisation de son préjudice financier.

Elle sollicitait en outre la réduction du loyer à la somme annuelle de 34 200 euros jusqu'à la parfaite délivrance des 65 places de parking.

Par jugement contradictoire du 9 mai 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
- déclaré régulière et recevable la demande de la société Forme Pessac,
- condamné la société Doug à payer à la société Forme Pessac une somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- débouté les parties du surplus de leurs chefs de demande,
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,
- condamné la société Doug aux dépens ainsi qu'à payer à la société Forme Pessac une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 11 juin 2019, la société Doug a interjeté appel de cette décision à l'encontre de certains des chefs qu'elle a expressément énumérés, intimant la société Forme Pessac.
Par jugement du 26 juin 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a converti la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la société Forme Pessac en liquidation judiciaire et a désigné la SELARL M.-P.-L.-D., devenue Philae, en qualité de liquidateur judiciaire.

PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 6 janvier 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Doug demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu en date du 9 mai 2019 par la 5 ème chambre du tribunal de grande instance de Bordeaux,

- juger l'action de société Forme Pessac irrecevable pour défaut de mise en cause du mandataire judiciaire, la société M.-P.-L.-D., sur le fondement des articles L.621-4 et suivants du code de commerce et L.622-22 et suivants du même code,

- juger l'action engagée par société Forme Pessac prescrite au sens de l'article L.145-60 du code de commerce,

- sur le fond, réformant de la même façon et réduire le jugement du 9 mai 2019 à néant et :

- juger que le tribunal n'avait en aucune façon les pouvoirs de modifier l'économie du contrat du bail dont s'agit au sens de l'article ancien 1134 alinéa 1, devenu 1103, 1104, 1193 du code civil sur la dénaturation des clauses, ainsi que 1135 ancien du code civil, devenu 1194 sur l'interprétation du contrat qui doit être distinguée de la détermination de ses effets,

- juger qu'il est de jurisprudence constante et en fonction des textes cités ci-dessus que le pouvoir souverain du juge du fond ne permet pas de dénaturer les obligations qui résultent du bail du 14 août 2014 et d'en modifier les stipulations qu'il renferme (Cass. 1 er civ., 15 janv.1976, n° 74-13.287 ' Juris data n° 1976-00001 ; Cass Com. 31.01.1995 ' n° 92-16.308 ' JCP 1995, II, 22.385 et Cass. 1 er civ. 23.01.2007, n° 05-12.722 : Dalloz 2007- p.510),

- juger, en réformant le jugement du tribunal, que le pouvoir souverain du juge du fond ne lui permet pas de compléter le contrat en se substituant aux parties, en désaccord, pour fixer les modalités : Cass. 3 ème civ. , 8 fév. 2006, n° 05-10.724- Juris Data n° 2006/03.2070,

- juger que la société Philae pour la société Forme Pessac ne rapporte aucune preuve de non-délivrance des 65 places de stationnement, sur le fondement des articles 9,15 et 16 du code de procédure civile, qu'à contrario, la société Doug rapporte la preuve de l'existence des 65 places querellées,

- juger que la société Philae pour la société Forme Pessac ne rapporte aucune preuve de ce que le bail prévoirait l'exclusivité des places de stationnement à son bénéfice sur les mêmes fondements juridiques ci-dessus,

- juger que le bail du 14 août 2014 mentionne la prise de possession des locaux par le preneur, la société Forme Pessac, depuis mai 2014 pour avoir eu connaissance des lieux et que la société Forme Pessac n'a manifesté aucune protestation quant à l'exclusivité des places de stationnement ou le nombre de places de stationnement mises à sa disposition dans le bail du 14 août 2014 ayant accepté l'exonération de loyer jusqu'à décembre 2014, mais aussi aucune protestation ni remarque quant aux places de stationnement dans l'avenant du 7 septembre 2016 ayant prévu une diminution de loyer en fonction de la diminution de surface (15 m²) du local où l'activité s'exerçait à l'intérieur du bâtiment et ce, jusqu'à la délivrance de l'assignation introductive de l'instance,

- juger que la société Philae au nom de la société Forme Pessac a accepté l'article 2 page 3 du bail commercial en ce qu'il a déclaré bien 'connaître les lieux pour les avoir visités, sans qu'il soit fait une ample désignation aux conditions particulières et les a acceptés tels qu'ils existaient, s'étendaient, avec toutes les dépendances associés à l'article 2, page 3, sur le fait qu'aucune erreur dans la désignation, dans la consistance ou dans la superficie des lieux loués ne pourrait justifier une augmentation ou une diminution de loyer ou une indemnité de part et d'autre',

- débouter la société Philae au nom de la société Forme Pessac de toutes ses demandes quant à tous dommages et intérêts sollicités au titre de la délivrance des places, au titre du trouble de jouissance, au titre préjudice économique et frais irrépétibles et dépens,

- condamner la société Philae et la société Forme Pessac à payer à société Doug, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 20 000 euros en réparation des frais engagés tant en première instance que devant la cour d'appel,

- condamner la société Philae et la société Forme Pessac aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La SCI Doug fait notamment valoir que :

- le débiteur en redressement judiciaire ne pouvait intenter une action en justice,

- l'action exercée par la preneuse est une action en réduction du montant du loyer, qui à ce titre est soumise à la prescription biennale et qui est donc prescrite;

- le premier juge a dénaturé les termes clairs du bail qui ne fait pas état d'un usage exclusif du parking; qu'il n'y a pas de loyers spécifiques prévus pour ces places; que le preneur ne règle pas les taxes locales afférentes à ces places,

- il y a eu un accord verbal entre les parties, que la preneuse n'ignorait pas à la date du bail que les places de parking seraient partagées avec la société Steda; que le bail précédant faisait état d'un parking commun.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 14 septembre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Philae, anciennementM.-P.-L.-D., ès-qualités de liquidateur de la société Forme Pessac, demande à la cour de:

- sur la recevabilité :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré régulière et recevable la demande de la société Forme Pessac désormais représentée par son liquidateur judiciaire ès qualités,

- déclarer recevables et fondées les demandes présentées par la société Philae, anciennement dénommée M.-P.-L.-D., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Forme Pessac,

- sur le fond :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Doug de ses demandes,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Doug aux dépens de première instance, ainsi qu'à payer à la société Forme Pessac, désormais représentée par son liquidateur judiciaire ès qualités, la somme de 1 500 euros au titre des frais de première instance,

- réformer le jugement déféré pour le surplus, et statuant à nouveau :

- débouter en conséquence la société Doug de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- sur le préjudice de jouissance :

- condamner la société Doug à payer à la société Philae, anciennement dénommée M.-P.-L.-D. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Forme Pessac, la somme de 47 250 euros à titre de dommages et intérêts venant réparer le manquement du bailleur à son obligation de délivrance des places de parking litigieuses entre les mois de septembre 2014 et mai 2016 inclus,

- assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2018, date de la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe,

- condamner la société Doug à payer à la société Philae, anciennement dénommée M.-P.-L.-D. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Forme Pessac la somme de 120 900 euros à titre de dommages et intérêts venant réparer le manquement du bailleur à son obligation de délivrance des places de parking litigieuses entre les mois de juin 2016 et août 2019 inclus,

- assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2018, date de la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe,

- subsidiairement, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Doug à payer à la société Forme Pessac, désormais représentée par son liquidateur judiciaire ès qualités, la somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2018, date de la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe,

- sur le préjudice économique :

- condamner la société Doug à payer à la société Philae, anciennement dénommée M.-P.-L.-D. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Forme Pessac la somme de 84 000 euros à titre de dommages et intérêts venant réparer la perte d'exploitation directement liée au manquement à l'obligation de délivrance du bailleur,

- assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2018, date de la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe,

- condamner la société Doug à payer à la société Philae, anciennement dénommée M.-P.-L.-D. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Forme Pessac, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts venant réparer le trouble de jouissance subi durant les travaux,

- assortit cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2018, date de la requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe,

- en tout état de cause :

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société Doug à payer à la société Philae, anciennement dénommée M.-P.-L.-D. ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Forme Pessac la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Philae fait notamment valoir que le débiteur en redressement judiciaire n'est pas dessaisi de ses droits et qu'il peut agir seul en justice lorsqu'aucun administrateur judiciaire n'a été nommé. Elle ajoute que la demande, qui est indemnitaire, n'est pas une demande en révision du loyer et n'est ainsi pas soumise à la prescription biennale.

Elle soutient, qu'à défaut de stipulations contraires, la jouissance des places de parking était nécessairement exclusive; qu'il y a bien eu un défaut de délivrance qui lui a causé un préjudice de jouissance qui doit être indemnisé, ainsi qu'un préjudice économique.

Par acte en date du 13 août 2019, la société Doug a fait assigner la société Forme Pessac devant la cour d'appel de Bordeaux, avec dénonciation de la déclaration d'appel et des conclusions. La société Forme Pessac n'a pas constitué avocat et n'a pas déposé de conclusions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2022 et le dossier a été fixé à l'audience du 9 février 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

1) sur les fins de non-recevoir soulevées par le bailleur :
1.1- sur le défaut de qualité à agir de la société Forme Pessac :
La SCI Doug soutient que l'action de société Forme Pessac est irrecevable pour défaut de mise en cause du mandataire judiciaire, la société M.-P.-L.-D., sur le fondement des articles L.621-4 et suivants du code de commerce.

En vertu des dispositions de l'article L 622-3, le débiteur, en sauvegarde, mais également en redressement judiciaire par renvoi des textes, continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur.

En l'espèce, aucun administrateur n'ayant été nommé, le débiteur exerce seul l'ensemble des actes le concernant, sans qu'il y ait lieu pour lui de se faire assister par le mandataire judiciaire, représentant les seuls créanciers.

La décision de première instance sera confirmée sur ce point.
1.2- sur la prescription :
La SCI Doug soutient que l'action est prescrite sur le fondement de l'article L 145-60 du code de commerce.

L'article L 145-60 dispose que toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans.

Le chapitre est intitulé ' Du bail commercial'
La prescription susvisée ne s'applique qu'aux actions formées au titre du statut dérogatoire des baux commerciaux tel qu'issu du décret du 30 septembre 1953. Elle n'est pas applicable aux actions formées comme en l'espèce sur le fondement du droit commun, en l'occurence le manquement à l'obligation de délivrance de la chose louée, étant précisé que la réduction sollicitée au titre du loyer formée en première instance ( et qui a été remplacée par une demande d'indemnisation du préjudice de jouissance en appel) n'est pas fondée sur les dispositions des articles L 145-33 et suivants du code de commerce.

Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point également.

2) sur le fond :
L'article 1709 du code civil définit le bail comme « un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer ».

Aux termes de l'article 1719, « le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° de délivrer au preneur la chose louée (...)
3° d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail » .

La charge de la preuve de l'obligation de délivrance pèse sur le bailleur.

2-1 sur le caractère exclusif ou partagée de la jouissance des places de parking :
Le bail comme l'acte de cession du fonds de commerce reprenant les énonciations du bail portent la mention suivante : description des lieux loués: local commercial de 1045 m² sis à [...] à usage de salle de sport et 65 emplacements de parking extérieur.

L'appelante soutient que le juge de première instance a dénaturé les clauses claires du contrat en jugeant que la jouissance des 65 places de parking était exclusive, alors que le bail ne le mentionne pas et qu'il n'y a pas de loyer spécifique prévu pour ces places.

Contrairement à ce qu'affirme l'appelante la jouissance d'une chose donnée à bail est par principe exclusive sauf preuve contraire.

En l'espèce, le bail objet de ce litige ne mentionne pas que la jouissance des places de parking serait partagée avec les autres occupants de l'immeuble contrairement au bail conclu avec le précédent locataire qui portait la mention 'parking commun en façade et à l'arrière de l'immeuble'. Le parking n'est pas non plus décrit comme une partie commune de l'immeuble donné à bail.

Le fait que le bail ne prévoit pas un loyer spécifique pour les places de parking et qu'aucune déclaration spécifique n'ait été faite aux services des impôts ne suffit pas à établir le caractère partagé de la jouissance de ces places.

Le bailleur n'établit pas enfin, par les pièces produites et notamment les mails échangés avant la conclusion du bail puis de l'acte de cession du fonds de commerce par les parties assistées de leur notaire, que celles-ci auraient d'un commun accord convenu d'une jouissance partagée desdites places.

Le juge de première instance a ainsi pu, sans dénaturer les clauses claires du bail, juger que la jouissance des places de parking était exclusive à défaut de stipulations contraires.
2-2 sur le nombre de places délivrées :
Le preneur soutient que :

- il n'y avait qu'une quarantaine de places de parking lors de la signature du bail, ce qu'elle n'a pas pu vérifier lors de la signature du fait de l'absence de marquage au sol,

- le nombre de place a été réduit à compter de juin à octobre 2016 du fait de la réalisation de travaux d'extension du site réalisés par le bailleur,

- le nombre de places à terme ne sera plus que de 23 du fait de l'obligation imposée au bailleur de créer des espaces verts.

Le bailleur maintient qu'il y avait bien 66 places à la date de signature du bail et que le permis de construire faisait état des places 'longitudinales' alors que de fait elles ont été utilisées 'en épi' par les clients. Il affirme avoir fait constater par un huissier de justice que le parking comportait 77 places.
Le bailleur affirme que le stationnement était possible même pendant les travaux, qui ont été limités à 5 mois en plein été pour en limiter l'impact.

A la suite des travaux, le nombre de places a été augmenté selon le bailleur et a été porté ainsi à 77 places.

Il ressort de la demande de permis de construire déposée par le bailleur que le parking comprenait 41 places de stationnement avant les travaux et devait en comprendre 21 à l'issue ( dont deux places handicapées) et un garage à vélo.

Le bailleur soutient que les pièces 6,7 et 8 qu'il verse aux débats établissent que le nombre de places utilisables était conforme au bail.

La pièce 6 est constituée d'une photographie des différents parkings sans que le nombre de places ne soit apparent.

La pièce 7 concerne l'aménagement intérieur de l'immeuble.

La pièce 8 qui est un plan établi par la SCI DOUG elle-même ne vaut pas preuve de l'existence des 65 places de parking dans la mesure où des véhicules sont stationnés sur l'espace public et d'autres le long du bâtiment à des endroits qui n'ont pas vocation à servir de places de stationnement.
Il sera relevé enfin que :

- aucune pièce ni déclaration du preneur n'établit, contrairement à ce qui est soutenu, que celui-ci ait entendu renoncer à la délivrance des 65 places de parking,

- la clause selon laquelle le preneur prend les lieux en l'état n'exonère pas le bailleur de son obligation de délivrance conforme.
Il sera jugé ainsi que la SCI DOUG, qui n'explique la raison pour laquelle elle a fait mentionner 41 places de stationnement sur sa demande de permis de construire si celui-ci en comportait 65, n'apporte pas la preuve que le parking comportait 65 places. Elle a donc manqué à son obligation de délivrance.
Il ressort en outre du procès-verbal dressé par huissier de justice le 14 juin 2016 à la demande du preneur qu'une vingtaine de places de parking ont été inaccessibles pendant les travaux.

Après les travaux en revanche, le bailleur justifie par la production d'un nouveau procès-verbal dressé à sa demande que le parking comporte 77 places. L'intimée soutient qu'un grand nombre de places seront supprimées du fait de l'obligation de créer des espaces verts. Dans la mesure où elle a cessé son activité du fait de sa liquidation, ce moyen est inopérant.

***

Il sera ainsi jugé que la société Forme Pessac n'a pas pu jouir des 65 places de parking prévues par le bail :

- d'une part, parce que les clients des autres commerces utilisaient le parking,

- d'autre part, parce que le nombre de places disponibles n'étaient que de 41 places, puis d'une vingtaine avant d'être conforme au bail à compter d'octobre 2016 mais toujours partagés avec les autres activités du bâtiment.

2-3 sur la sanction du manquement à l'obligation de délivrance :
Lorsque le bailleur n'exécute pas son obligation de délivrance, le preneur peut à son choix demander au juge l'exécution forcée, la résiliation du bail , un réduction des loyers correspondant à la privation de jouissance, ou l'octroi de dommages et intérêts à condition qu'une mise en demeure ait été adressée au bailleur afin qu'il effectue son obligation.

En l'espèce, le preneur qui n'exploite plus les lieux ne sollicite plus une réduction de loyer mais uniquement l'indemnisation de son préjudice de jouissance et de son préjudice économique.
* sur le préjudice de jouissance :
Le preneur sollicite la somme de 47 250 euros pour la période allant de septembre 2014 à mai 2016, puis la somme de 120 900 euros pour la période allant de juin 2016 à août 2019 sur la base d'une valeur locative de 50 euros par mois et par emplacement.
La société Forme Pessac ne justifie pas avoir été autorisée à poursuivre son activité après son placement en liquidation judiciaire le 26 juin 2019. Son préjudice n'a donc pas pu courir au delà de cette date.

Le loyer annuel du bail est de 72 000 euros HT et HC . La valeur proposée par la locataire reviendrait à un loyer pour le seul parking de 39 000 euros , soit plus de la moitié du coût du loyer, ce qui apparaît excessif, même si comme le note l'expert amiable commis par la locataire, l'avantage de disposer d'un parking attenant à un local commercial est important.
Le principe du droit à indemnisation du preneur sera donc retenu mais limité dans son principe à la somme de 70 000 euros telle qu'arbitrée par le premier juge, qui sera ainsi confirmé, sauf à actualiser ce montant pour tenir compte de la période écoulée depuis la clôture des débats de première instance intervenue le 6 mars 2019 jusqu'au 26 juin 2019.
Il sera ainsi alloué la somme de 71 000 euros au preneur.
* sur le préjudice économique :
Le bailleur verse 12 attestations de clients du club de gym, de squash ou de badminton qui attestent n'avoir jamais rencontré de difficulté pour se garer devant l'immeuble, même en soirée ou le week-end.

La preneuse produit 8 attestations de ses adhérents en sens contraire.
L'un des adhérents atteste avoir changé de club en raison des difficultés de parking.
Si l'intégralité de la baisse du chiffre d'affaires de la preneuse ne peut être corrélée avec certitude avec le manquement à l'obligation de délivrance des places de parking, l'impact des travaux réduisant drastiquement le nombre de places conjugué avec un afflux supplémentaire de clients des activités de squash-badminton du fait de l'extension du centre a nécessairement fait perdre une chance à la société Forme Pessac de développer son activité, ou à tout le moins de la pérenniser alors que la possibilité de se garer à proximité du lieu d'activité était l'un de ses arguments marketing.
Il sera ainsi alloué à la société Forme Pessac à ce titre la somme forfaire de 25 000 euros pour toute la période assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé de cette décision.
La décision de première instance qui a débouté le preneur de ce chef de demande sera infirmée.

4) sur les autres demandes :
Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts échus pour une année au moins.
La SCI Doug sera condamnée à verser la somme de 4000 euros à la Selarl Philae, es qualité de liquidateur de la société Forme Pessac au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera condamnée aux dépens de cette instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 9 mai 2019 sauf :

- à actualiser le montant alloué au titre du préjudice de jouissance,

- en ce qu'il a débouté la société Forme Pessac de sa demande d'indemnisation de son préjudice économique (financier)
et statuant à nouveau
Condamne la Sci Doug à verser à la Selarl Philae, es qualité de liquidateur de la société Forme Pessac, la somme de 71 000 euros en indemnisation du préjudice de jouissance subi par cette dernière du fait du manquement à l'obligation de délivrance des places de parking, sur toute la période, y compris celle de réalisant des travaux, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision de première instance sur la somme de 70 000 euros et du prononcé de cette décision pour le surplus,
Condamne la Sci Doug à verser la Selarl Philae, es qualité de liquidateur de la société Forme Pessac, la somme de 25 000 euros en indemnisation du préjudice économique, sur toute la période, y compris celle de réalisant des travaux, assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé de cette décision,
y ajoutant
Ordonne la capitalisation des intérêts,
Condamne la Sci Doug à verser à la Selarl Philae, es qualité de liquidateur de la société Forme Pessac, la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sci Doug aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme Fabry, faisant fonction de présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.