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Décisions

CE, 3e et 8e ch. réunies, 22 juillet 2022, n° 436274

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Guyane Ruiling (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Goulard

Rapporteur :

M. Le Coq

Rapporteur public :

Mme Merloz

Avocats :

Me Bauer et Violas, Me Feschotte et Desbois, Me Sebagh, Me Matuchansky, Me Poupot, Me Valdelievre

CE n° 436274

21 juillet 2022

Vu la procédure suivante :

1° Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 novembre 2019, 27 février 2020, 2 mars 2021 et 21 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société commerciale Guyane Ruiling (SCGR) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 19-DCC-180 de l'Autorité de la concurrence du 27 septembre 2019 relative à la prise de contrôle exclusif de la société NDIS par la société antillaise frigorifique (SAFO) ;

2°) d'enjoindre à l'Autorité de la concurrence de produire les engagements alternatifs souscrits par la société SAFO ;

3°) de mettre à la charge des sociétés NDIS et SAFO la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 6 avril 2020 et le 6 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SCGR demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 février 2020 par laquelle la présidente de l'Autorité de la concurrence a agréé la société Sainte-Claire et Cie comme repreneur du fonds de commerce exploité par la société NG Kon Tia ;

2°) de mettre à la charge des sociétés SAFO, NDIS et NG Kon Tia la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ; Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique  :

- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

 La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la société commerciale Guyane Ruiling, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société antillaise frigorifique et de la société NDIS ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la société antillaise frigorifique (SAFO), spécialisée dans le secteur de la distribution alimentaire, principalement active dans la région Antilles-Guyane, exploite en Guyane un magasin de distribution au détail à dominante alimentaire, sous l'enseigne Carrefour Market, à Remire-Monjoly, commune limitrophe de Cayenne. Elle exploite dans la même commune un commerce de produits surgelés à l'enseigne Picard. Elle exerce également une activité   de gestion d'affiliés dans le cadre de contrats de licence d'enseigne Proxi et de contrats de franchise 8 à Huit, ces deux enseignes appartenant au groupe Carrefour. Elle a notifié à l'Autorité de la concurrence, le 8 juillet 2019, la prise de contrôle exclusif par elle de la société NDIS, qui exploite un hypermarché sous l'enseigne Super NKT à Cayenne, et de sa filiale, la société NG Kon Tia, qui est active dans le secteur de la distribution en gros de produits alimentaires et non- alimentaires. Par une décision n° 29-DCC-180 du 27 septembre 2019, l'Autorité de la concurrence a autorisé cette opération sous réserve de la mise en oeuvre d'engagements proposés par la société SAFO, consistant, d'une part, à conclure avec le groupe Carrefour, un " corpus " contractuel spécifique à l'hypermarché cible de l'opération, de nature à préserver son autonomie commerciale et, d'autre part, à céder l'activité de grossiste-importateur de NG Kon Tia à un opérateur approprié. Par une décision du 4 février 2020, la présidente de l'Autorité de la concurrence a agréé la société Sainte-Claire et Cie   comme repreneur du fonds de commerce exploité par la société NG Kon Tia. La société commerciale Guyane Ruiling (SCGR) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir ces deux décisions.

2. Les deux requêtes de la SCGR présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur la décision d'autorisation de concentration :

En ce qui concerne la motivation de la décision attaquée :

3. Par une mesure supplémentaire d'instruction, le Conseil d'Etat a ordonné la communication, pour être versé au débat contradictoire, du texte de l'engagement alternatif prévu pour remédier aux effets de l'opération sur le marché aval de la distribution au détail à dominante alimentaire, dès lors que cet engagement constitue, tout comme l'engagement auquel il est, le cas échéant, appelé à se substituer, un élément de la décision d'autorisation, qui ne saurait, sans qu'il soit porté atteinte à la possibilité de contester la légalité de celle-ci devant le juge de l'excès de pouvoir, rester confidentiel.

4. Il ressort de la motivation, partiellement occultée, de la décision publiée que l'Autorité de la concurrence a estimé que cet engagement alternatif, consistant pour la société SAFO à conclure un accord avec une autre enseigne nationale que  Carrefour, System U ou Leader Price pour l'exploitation du magasin cible, poursuivait le même objectif que l'engagement principal, à savoir la suppression de tout chevauchement d'activités au niveau de l'enseigne Carrefour et le maintien de trois enseignes d'hypermarché concurrentes et, par suite, de la structure concurrentielle du marché qui prévalait avant l'opération,  et était suffisant pour écarter tout risque d'atteinte à la concurrence. La circonstance que certains éléments de la motivation relative à l'appréciation du caractère approprié de cet engagement alternatif ont été occultés dans la décision publiée n'est   pas, eu égard à la portée limitée de ces occultations, qui n'empêchent ni les tiers ni le juge d'apprécier la portée et le bien- fondé de la décision attaquée, de nature à entacher cette dernière d'irrégularité. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait, pour ce motif, insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 430-5 du code de commerce.

5. D'autre part, après avoir précisé le périmètre des activités des parties et justifié la délimitation des marchés pertinents, l'Autorité de la concurrence a précisément analysé les effets concurrentiels de l'opération sur chacun des marchés qu'elle a considérés comme étant affectés par l'opération, afin d'apprécier si les engagements proposés par les parties permettaient de remédier aux préoccupations de concurrence. Ce faisant, elle a suffisamment motivé sa décision au regard des exigences de l'article L. 430-5 du code de commerce.

En ce qui concerne la délimitation des marchés pertinents :

 6. Aux termes du 3 de l'annexe 4-3 du livre IV de la partie réglementaire du code de commerce : " Un marché concerné se définit comme un marché pertinent, défini en termes de produits et en termes géographiques, sur lequel l'opération notifiée a une incidence directe ou indirecte. / Un marché pertinent de produits comprend tous les produits ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés. Des produits, sans être substituables au sens de la phrase précédente, peuvent être regardés comme relevant d'un même marché, dès lors qu'ils requièrent la même technologie pour leur fabrication et qu'ils font partie d'une gamme de produits de nature à caractériser ce marché ".

7. La société requérante conteste la délimitation du marché aval de la distribution au détail à dominante alimentaire retenue par l'Autorité de la concurrence consistant à distinguer six catégories de commerces suivant leur taille et leur   positionnement (hypermarché ayant une surface de vente supérieure à 2 500 m², supermarché ayant une surface de vente entre 400 et 2 500 m², commerce spécialisé, petit commerce de détail ou supérette, maxi discompteurs, magasins d'une    autre catégorie) tout en distinguant deux marchés lorsque le magasin cible de l'opération examiné est un hypermarché, à savoir une zone primaire de 30 minutes en voiture autour du magasin comprenant uniquement les hypermarchés et une zone secondaire de 15 minutes en voiture autour du magasin comprenant les supermarchés et les autres formes de  commerces équivalentes (hypermarché, maxi discompteur et magasin populaire) à l'exclusion des supérettes et petits commerces.

8. La société requérante critique le fait que l'Autorité n'ait pas retenu, au titre de la zone secondaire correspondant à un marché élargi à d'autres formes de commerces que les hypermarchés, les supérettes et petits commerces de moins de 400 m² et notamment les magasins exploités sous les enseignes Proxi ou 8 à Huit, appartenant au groupe Carrefour. Cependant, elle ne produit aucun élément probant de nature à remettre en cause la délimitation des marchés qui résulte de la pratique décisionnelle de l'Autorité de la concurrence, inscrite au point 364 de ses lignes directrices relatives au contrôle des concentrations, et qui s'appuie sur des différences objectives entre ces différentes formes de commerce, lesquelles ne répondent pas aux mêmes attentes des consommateurs, notamment en termes de largeur et de profondeur des gammes, de positionnement tarifaire, de services ou d'importance des produits non-alimentaires. La requérante ne fait pas davantage    état de circonstances particulières qui justifieraient d'adapter, en l'espèce, la délimitation des marchés habituellement retenue en la matière. Il s'ensuit qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la délimitation retenue en l'espèce serait entachée d'erreur d'appréciation.

En ce qui concerne l'analyse concurrentielle relative au marché aval de la distribution au détail à dominante alimentaire :

9. Il appartient à l'Autorité de la concurrence saisie d'une opération de concentration, à partir d'une analyse prospective tenant compte de l'ensemble des données pertinentes et se fondant sur un scénario économique plausible, de caractériser les effets anticoncurrentiels de l'opération et d'apprécier si ces effets sont de nature à porter atteinte au maintien d'une concurrence suffisante sur les marchés qu'elle affecte.

10. En l'espèce, l'Autorité de la concurrence a considéré que l'opération était susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché aval de la distribution au détail à dominante alimentaire par le biais d'effets horizontaux, à la fois dans la zone primaire et dans la zone secondaire. En ce qui concerne la zone primaire du marché pertinent, qui comportait, avant le    projet, trois hypermarchés exploités sous les enseignes Super NKT, Carrefour et Hyper U, elle a relevé que l'opération aurait pour effet de réduire de trois à deux le nombre d'enseignes d'hypermarché concurrentes présentes dans la zone, l'enseigne Carrefour disposant après l'opération d'une part de marché, en surface de vente, comprise entre 50 et 60 %, le reste étant détenu par l'enseigne Hyper U, et entraînerait pour le consommateur la perte d'une alternative sur le marché local des hypermarchés, alors que celui-ci était déjà concentré de façon significative, et comportait donc un risque d'appauvrissement de la diversité de l'offre et de baisse de la pression concurrentielle sur le prix. En ce qui concerne la zone secondaire, elle a estimé que l'opération, qui porterait la part de marché de l'enseigne Carrefour entre 40 et 50 %, était susceptible de porter atteinte à la concurrence du seul fait de la disparition d'une enseigne indépendante, Super NKT, sous laquelle l'hypermarché cible était exploité antérieurement, compte tenu des spécificités des marchés de la distribution au détail en Guyane. Elle a retenu en particulier que, dans l'hypothèse de l'exploitation du magasin cible dans le cadre d'un contrat de franchise classique Carrefour, l'opération se traduirait par la disparition d'une enseigne indépendante au profit de   la première enseigne présente en Guyane, de sorte que le consommateur se verrait privé d'une alternative dans un marché caractérisé par un faible nombre d'enseignes.

11. Pour apprécier le pouvoir de marché d'un groupe de distribution, l'Autorité de la concurrence doit prendre en compte tous les magasins adhérents des réseaux, dès lors que leur politique commerciale, au regard des contrats propres aux réseaux en cause, n'est pas suffisamment autonome.

12. En premier lieu, l'absence de prise en compte des supérettes sous enseignes Proxi et 8 à Huit, qui sont des enseignes du groupe Carrefour, pour apprécier les effets de l'opération résulte de la délimitation de la zone secondaire du marché pertinent, exposée au point 7, dont il a été dit au point 8 que la requérante n'était pas fondée à soutenir qu'elle serait entachée d'erreur d'appréciation. Par suite, et sans qu'il soit besoin de déterminer si ces supérettes disposent, au regard des accords conclus, d'une autonomie commerciale suffisante vis-à-vis du groupe Carrefour, le moyen ne peut qu'être écarté.

13. En deuxième lieu, la société requérante fait valoir que presque tous les détaillants de Guyane vendent des produits Carrefour, n'ayant d'autre choix que de s'approvisionner auprès de la société Sofrigu qui s'approvisionne elle-même auprès de la centrale d'achat Carrefour. Cependant, ainsi que le fait valoir l'Autorité de la concurrence, le fait de revendre des produits de marque Carrefour ou de s'approvisionner auprès d'un grossiste-importateur qui s'approvisionne lui-même auprès de la centrale d'achat Carrefour ne suffit pas à démontrer que ces commerces, à supposer même qu'ils soient inclus dans la zone secondaire du marché pertinent en raison d'une surface de vente supérieure à 400 m², disposeraient d'une autonomie commerciale insuffisante vis-à-vis du groupe Carrefour et devraient par suite être inclus dans la part de marché de l'enseigne Carrefour.

14. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, l'Autorité n'a pas retenu, au titre de l'analyse concurrentielle de l'opération, que le nouvel établissement permettrait au consommateur d'avoir accès à des marques de distributeur qui n'étaient pas distribuées par l'ancien magasin Super NKT depuis la rupture de son contrat de franchise avec le groupe Système U, de sorte que le projet aurait un effet positif à cet égard. Il s'ensuit que le moyen manque en fait.

15. En quatrième lieu, la requérante fait valoir que l'opération en cause permettrait à la société SAFO d'acquérir la maîtrise foncière d'un ensemble immobilier situé à l'entrée sud de Cayenne, qui pourrait être aménagé pour recevoir d'autres magasins complémentaires de l'hypermarché cible ou pour augmenter la surface de celui-ci, accroissant ainsi son attractivité et ses parts de marché, tout en empêchant les concurrents de se développer dans un contexte de rareté du foncier commercial disponible. Néanmoins, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existait, à la date de    l'autorisation, un projet d'agrandissement du magasin cible, attesté notamment par une autorisation d'aménagement commercial, de sorte que l'analyse concurrentielle a été, à bon droit, menée au regard de la surface de vente actuelle. L'existence d'un projet d'ensemble commercial sur cette zone n'est pas davantage démontrée. D'autre part, le verrouillage du foncier allégué, à le supposer établi, ne constitue pas un effet propre de l'opération puisque, antérieurement à celle-ci, la société NG Kon Tia, qui exploitait le magasin Super NKT, n'avait elle-même aucune incitation à céder une partie des   terrains situés à proximité immédiate à un opérateur concurrent sur le marché de la distribution au détail à dominante alimentaire.

En ce qui concerne les engagements :

16. Lorsque lui est notifiée une opération de concentration dont la réalisation est soumise à son autorisation, il incombe à l'Autorité de la concurrence d'user des pouvoirs d'interdiction, d'injonction, de prescription ou de subordination de son autorisation à la réalisation effective d'engagements pris devant elle par les parties, qui lui sont conférés par les articles L. 430-6 et suivants du code de commerce, à proportion de ce qu'exige le maintien d'une concurrence suffisante sur les marchés affectés par l'opération. Les engagements qu'elle accepte doivent être suffisamment certains et mesurables pour garantir que les effets anticoncurrentiels qu'ils ont pour finalité de prévenir ne seront pas susceptibles de se produire dans un avenir relativement proche.

S'agissant des engagements relatifs au marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires :

17. Au vu notamment des réponses au test de marché ayant remis en cause de manière précise les parts de marché retenues par les parties, qu'elles avaient évaluées entre 20 et 30 %, en pointant en particulier la création d'un opérateur incontournable dans le domaine des produits frais et surgelés, l'Autorité de la concurrence a estimé qu'il subsistait un risque d'atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution en gros, sur le segment de produits en question.

18. Afin de prévenir les effets horizontaux de l'opération sur le marché de la distribution en gros, le groupe SAFO s'est engagé à céder à un tiers ayant les capacités à reprendre l'activité de manière viable et à animer la concurrence, l'activité de grossiste-importateur de NG Kon Tia, filiale de la société NDIS, et à ne pas réaliser l'opération de concentration tant que l'Autorité de la concurrence n'aurait pas approuvé le repreneur proposé, le contrat de cession et le cas échéant le bail commercial portant sur le dépôt accueillant cette activité.

19. En premier lieu, la société requérante, se prévalant du point 579 des lignes directrices relatives au contrôle des concentrations publiées le 10 juillet 2013, soutient que l'activité cédée ne serait pas viable car les murs de l'établissement de la société NG Kon Tia n'ont pas vocation à être cédés au repreneur, qui se trouverait ainsi placé dans l'incertitude quant au renouvellement de son bail commercial. Elle ajoute que ce bail permettrait à la société SAFO d'avoir accès au chiffre d'affaires du repreneur dans la mesure où le loyer est habituellement indexé sur le chiffre d'affaires réalisé.

20. Il résulte des engagements que le périmètre de l'activité de grossiste-importateur de la société NG Kon Tia faisant l'objet de la cession inclut les immobilisations corporelles attachées au fonds cédé, les contrats, les engagements et les commandes de clients de l'activité cédée, ainsi que les fichiers de clients et les crédits, les stocks détenus par la société NG Kon Tia à la date de l'inventaire contradictoire, le personnel actuellement employé pour le fonctionnement de l'activité cédée et l'agrément octroyé par la douane permettant à la société NG Kon Tia de bénéficier de la qualité d'entrepositaire  agréé de boissons spiritueuses et alcools. Il est prévu qu'un bail commercial soit conclu à la discrétion du repreneur, qui pourrait vouloir reprendre le fonds de commerce sans conclure de bail s'il dispose déjà d'un local, ce bail devant être soumis   à l'approbation préalable de l'Autorité de la concurrence qui pourra s'opposer à toute clause susceptible d'affecter le rétablissement de la concurrence sur le marché en cause. Le périmètre ainsi défini est suffisant pour permettre la cession d'une activité viable, alors au surplus que, postérieurement à la décision attaquée, l'activité a été cédée à la société Sainte- Claire et Cie, agréée par la présidente de l'Autorité de la concurrence le 4 février 2020, sans qu'il ne soit ni allégué ni démontré que cette activité aurait rapidement périclité.

21. En deuxième lieu, la requérante soutient que l'Autorité de la concurrence aurait méconnu les points 581 et 596 de ses lignes directrices au motif que les engagements relatifs à la poursuite de l'activité de la société NG Kon Tia durant la période transitoire, entre l'autorisation de concentration et la cession de l'activité à un tiers, prévoient la nomination d'un gestionnaire de l'activité cédée, issu du personnel employé par la société SAFO et ne présentant pas de garanties suffisantes d'indépendance, et qu'il aurait fallu prévoir, durant cette phase, l'intervention d'un mandataire afin de garantir le maintien de la viabilité économique de cette activité.

22. En l'espèce, les engagements prévoient que, durant la période intermédiaire précitée, la société SAFO préservera la viabilité économique, la valeur marchande et la compétitivité de l'activité cédée, notamment en ne menant aucune action qui produirait un effet négatif significatif sur la valeur, la gestion ou la compétitivité de cette activité ou qui pourrait altérer la nature et le périmètre de l'activité, sa stratégie commerciale ou sa politique d'investissement, et qu'elle laissera à la disposition de l'activité cédée les ressources suffisantes pour son fonctionnement et entreprendra les actions nécessaires afin de conserver le personnel.

23. Pendant cette période intermédiaire, la société SAFO s'engage en outre à assurer la séparation de l'activité devant être cédée des autres activités qu'elle conservera et en particulier à ne pas intervenir dans la gestion de l'activité cédée, notamment auprès du personnel. Il est prévu en particulier que la société SAFO désigne, au sein du personnel de l'activité cédée, un gestionnaire chargé de garantir la séparation et qui sera responsable de la gestion de l'activité cédée. Il devra gérer les activités de façon indépendante et dans le meilleur intérêt de celle-ci en vue de garantir sa viabilité, sa valeur et sa compétitivité.

24. Si le point 596 des lignes directrices prévoit l'intervention d'un mandataire pour suivre la mise en œuvre des  engagements relatifs à la cession durant la période intermédiaire, en vue notamment de préserver la viabilité économique de l'activité cédée, l'engagement pris en l'espèce par la société SAFO, consistant à ne pouvoir réaliser l'opération de concentration qu'après avoir obtenu l'agrément par l'Autorité de la concurrence d'un repreneur ayant les capacités à exercer l'activité de manière viable et à animer la concurrence, incitait fortement les parties à maintenir la viabilité et l'attractivité de l'activité en cause et à rechercher activement un repreneur approprié afin d'obtenir rapidement l'agrément de l'Autorité qui permettrait de réaliser l'opération. Il s'ensuit qu'il existait des circonstances particulières justifiant qu'il ne soit pas prévu l'intervention d'un mandataire pour garantir le maintien de la viabilité économique de l'activité cédée et que, prises    ensemble, les mesures prévues pour gérer la période intermédiaire entre la décision de concentration et la cession de l'activité de la société NG Kon Tia sont suffisantes pour assurer la préservation de l'activité devant être cédée.

25. En troisième lieu, la requérante soutient que l'Autorité de la concurrence aurait méconnu le point 599 de ses lignes directrices au motif que les engagements qu'elle a acceptés auraient dû prévoir la désignation d'un mandataire chargé d'établir un rapport sur la viabilité et la capacité à animer la concurrence de l'acquéreur proposé.

26. Il résulte des engagements que l'acquéreur proposé par les parties est soumis à l'approbation de l'Autorité de la concurrence qui doit s'assurer notamment qu'il possède " les ressources financières, les compétences adéquates confirmées, la motivation nécessaire pour pouvoir préserver et développer de manière viable la capacité de l'activité cédée à  concurrencer activement SAFO et ses filiales sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non alimentaires en Guyane ". Ainsi qu'il a été dit au point 25, la société SAFO était fortement incitée à proposer un acquéreur crédible répondant aux critères prévus par les engagements afin d'obtenir l'approbation de l'Autorité et de pouvoir réaliser l'opération de concentration. Il s'ensuit qu'il existait des circonstances particulières justifiant qu'il ne soit pas prévu l'intervention d'un mandataire chargé d'évaluer la viabilité et la capacité à animer la concurrence de l'acquéreur proposé, les engagements pris étant suffisants pour garantir que l'activité cédée serait reprise par un opérateur approprié.

27. Il résulte de ce qui précède que l'Autorité de la concurrence n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant que l'engagement de céder la totalité de l'activité de grossiste-importateur de la société NG Kon Tia, qui permettait de supprimer tout chevauchement d'activité entre les parties sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires et non-alimentaires, était de nature à parer efficacement au risque d'atteinte à la concurrence résultat des effets horizontaux de l'opération sur ce marché.

S'agissant des engagements relatifs au marché aval de la distribution au détail à dominante alimentaire :

28. Afin de remédier aux effet horizontaux de l'opération sur le marché aval de la distribution au détail à dominante alimentaire, décrits au point 10, la société SAFO s'est engagée, pour une durée de cinq ans à compter de la date de la décision attaquée, à conclure, avec le groupe Carrefour, un " corpus " contractuel spécifique à l'hypermarché cible, comprenant, d'une part, un contrat de licence d'enseigne et, d'autre part, un contrat de prestations de services. Ces deux contrats doivent être communiqués à l'Autorité de la concurrence avant leur mise en œuvre.

29. Ce contrat de licence d'enseigne, conclu pour une durée de cinq ans renouvelable, doit concéder à la société SAFO, moyennant le versement d'une cotisation mensuelle, le droit d'exploiter le magasin cible sous une enseigne du groupe Carrefour ne comportant pas la marque Carrefour, Carrefour Market ou Market ni aucun signe distinctif rappelant ces marques et doit prévoir que cette société assure seule et sous son entière responsabilité les opérations publicitaires et de communication liées au magasin cible. Il pourra prévoir que le groupe Carrefour bénéficiera, sous certaines conditions, d'un droit de préemption en cas de cession du fonds de commerce, pendant toute la durée d'exécution du contrat de licence d'enseigne.

30. Le contrat de prestations de services, conclu pour une durée de cinq ans renouvelable, pourra prévoir que la société SAFO bénéficiera, si elle le souhaite, contre paiement d'une redevance mensuelle, d'une part, d'une assistance et d'une aide dans l'exploitation du magasin cible et, d'autre part, de l'accès aux produits à marques propres et premiers prix du groupe Carrefour. Il est prévu que, tout en demeurant libre de mener le programme commercial de son choix, la société pourra, si elle le souhaite, bénéficier de l'assistance du groupe Carrefour dans l'aspect et la présentation du magasin cible, ainsi que dans la communication d'un programme commercial et des éléments nécessaires à sa mise en œuvre. Le groupe Carrefour mettra également à sa disposition une assistance en matière administrative, fiscale et financière sur la base de documents types, sans que cette assistance puisse aboutir à une immixtion dans la gestion du magasin cible. La société SAFO bénéficiera de tous les produits à marques propres du groupe Carrefour pour l'exploitation du magasin cible, tout en conservant sa liberté d'évaluation de la contribution de ces produits dans le cadre de cette exploitation. Le contrat devra prévoir que la société SAFO est seule responsable de la détermination de sa politique tarifaire, y compris celle qui concerne les produits à marques propres, qu'elle conserve sa liberté de déterminer unilatéralement, au jour le jour, l'assortiment du magasin cible et qu'elle n'est liée par aucun obligation d'approvisionnement auprès du groupe Carrefour pour ce qui concerne le magasin cible.

31. Dans le cadre de cet engagement, la société SAFO s'est engagée à renoncer à toute offre commune de publicité commerciale, d'offre promotionnelle ou de remise fidélisante, quelles que soient leurs formes, entre le magasin cible et tout point de vente exploité sous une enseigne comportant la marque Carrefour.

32. Un engagement alternatif est également prévu, aux termes duquel la société SAFO pourra conclure, après l'agrément par l'Autorité de la concurrence de l'enseigne proposée, un accord avec une autre enseigne nationale que Carrefour, System U et Leader Price, pour l'exploitation du magasin cible.

Quant aux engagements principaux :

33. En premier lieu, la société requérante soutient que, même si le magasin cible ne peut pas utiliser la dénomination Carrefour, ces engagements n'empêcheront pas la disparition d'une enseigne indépendante et un renforcement de la position de l'enseigne Carrefour, notamment au travers de la distribution des marques propres de ce groupe par le magasin cible, et par suite une dégradation de la situation concurrentielle.

34. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 11, les magasins sous franchise ne sont pris en compte pour apprécier le poids du réseau de distribution sur le marché qu'à la condition qu'ils ne disposent pas d'une autonomie suffisante dans la détermination de leur politique commerciale par rapport à la tête du réseau. A l'inverse, lorsque l'examen des clauses des accords conclus avec la tête du réseau de distribution révèle qu'une autonomie suffisante subsiste, les magasins titulaires de tels contrats peuvent être exclus de l'analyse concurrentielle. Lorsqu'un réseau de distribution acquiert, par l'effet d'une opération de concentration, un pouvoir de marché susceptible de porter atteinte à la concurrence, l'Autorité de la concurrence est fondée, le cas échéant, à accepter des engagements comportementaux ayant pour objet de restaurer cette autonomie, sans pour autant rompre tout lien contractuel avec la tête du réseau, lorsqu'il apparaît que ces engagements constituent, au vu des circonstances de l'espèce, des mesures appropriées pour remédier aux effets attendus de l'opération.  Au demeurant, il n'est pas requis que les engagements suppriment intégralement les effets de la concentration mais seulement qu'ils soient de nature à assurer le maintien d'une concurrence suffisante après l'opération.

35. D'autre part, l'engagement d'utiliser une enseigne du groupe Carrefour ne portant pas la dénomination Carrefour est de nature à limiter le renforcement de l'enseigne Carrefour sur le marché en cause, en combinaison avec le dispositif d'engagements de nature contractuelle qui vise à garantir une autonomie commerciale suffisante au profit du magasin cible.

36. Enfin, les engagements prévoient que le contrat de prestations de services ne pourra inclure aucune obligation d'approvisionnement de la société SAFO auprès du groupe Carrefour pour le magasin cible. Ce contrat devra également expressément préciser que cette société conserve sa liberté de déterminer unilatéralement, au jour le jour, l'assortiment de son magasin, pour autant que, de façon générale, une atteinte manifeste ne soit pas portée à l'image de l'enseigne auprès des consommateurs et plus généralement du groupe Carrefour et à la rentabilité économique de l'exploitation, une telle condition devant être interprétée, au regard de l'objectif poursuivi par les engagements, comme préservant la liberté d'approvisionnement et de détermination de l'assortiment du magasin cible. Il s'ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les engagements ne prévoient pas que le magasin cible devra commercialiser des marques propres du groupe Carrefour et, en tout état de cause, que ce magasin distribuera ces marques selon sa propre politique commerciale, sans que cela puisse être regardé comme un renforcement de la position de l'enseigne Carrefour sur le marché de la distribution au détail à dominante alimentaire.

37. En deuxième lieu, la requérante critique les engagements en ce qu'ils prévoient que la société SAFO pourra bénéficier   de l'assistance du groupe Carrefour dans l'exploitation, l'aspect et la présentation du magasin cible et dans la communication d'un programme commercial et des éléments nécessaires à sa mise en œuvre, ainsi qu'en matière administrative, fiscale et financière. Elle souligne que la société SAFO ne sera pas libre de pratiquer des baisses de prix car il est prévu par les engagements que le groupe Carrefour est en droit de cesser l'approvisionnement de ses produits en cas d'atteinte manifeste à l'image de marque qui y est attachée ou de menace sur la réputation du groupe Carrefour. Elle en déduit que la société SAFO ne disposera pas d'une autonomie commerciale suffisante dans la gestion du magasin cible.

38. Cependant, l'assistance administrative, fiscale et financière, dès lors qu'elle ne saurait permettre l'immixtion dans la gestion du magasin, comme le prévoient expressément les engagements, ne suffit pas à caractériser une perte d'autonomie commerciale. En ce qui concerne l'assistance du groupe Carrefour dans l'exploitation du magasin, son aspect, sa présentation et sa communication commerciale, les engagements ne prévoient aucune obligation d'y avoir recours pour la société SAFO et précisent que si la société SAFO décidait d'y avoir recours, cela ne pourrait avoir pour conséquence de limiter l'indépendance du magasin cible, qui reste libre de sa politique commerciale. Par ailleurs, les engagements prévoient que le contrat de prestations de services devra expressément préciser que la société SAFO est seule responsable de la détermination de sa politique tarifaire, y compris pour les marques propres du groupe Carrefour. Des baisses de prix    peuvent par conséquent être pratiquées par le magasin cible dans la limite, pour les seuls produits sous marques propres, de l'absence d'atteinte manifeste à l'image attachée à ces produits ou de menace à la réputation du groupe Carrefour, étant  précisé que ces deux conditions doivent être interprétées, au regard de l'objectif poursuivi par les engagements, comme préservant la possibilité d'une différenciation tarifaire effective dans la commercialisation de ces produits par le magasin cible.

39. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, les notions de notoriété, d'image et de réputation de l'enseigne, du groupe et des produits Carrefour figurant dans les engagements, habituelles dans le droit de la distribution, ne présentent pas un caractère équivoque ou ambigu et ne sauraient au demeurant recevoir une interprétation qui priverait de portée les engagements visant à préserver l'autonomie commerciale de la société SAFO pour l'exploitation du magasin cible.

40. En quatrième lieu, la requérante critique l'engagement de renoncer à toute offre commune de publicité commerciale ou offre promotionnelle entre le magasin cible et tout point de vente exploité sous une enseigne comportant la marque Carrefour, notamment le magasin à l'enseigne Carrefour Market exploité à Remire-Montjoly par la société SAFO. Elle fait valoir que la mise en oeuvre d'actions de publicité ou de promotion commerciale séparée entre les magasins, sur des volumes de produits plus faibles fournis par la centrale d'achat du groupe Carrefour, seraient moins rentable que le recours à des actions communes. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société SAFO serait placée dans l'impossibilité de mettre en œuvre des actions publicitaires et promotionnelles attractives pour le magasin cible. Au demeurant, le magasin exploité par la société NG Kon Tia n'est plus lié à une enseigne de distribution depuis la fin, en 2009, de son contrat de franchise avec le groupe Système U, susceptible de proposer des actions publicitaires et promotionnelles d'ampleur à ses adhérents, de sorte que la circonstance que le magasin cible ne puisse pas participer aux actions de même nature du groupe Carrefour n'entraîne pas une dégradation des conditions de concurrence.

41. En cinquième lieu, la requérante soutient que les engagements pris seraient inefficaces dans la mesure où toute concurrence sur le marché de la distribution au détail à dominante alimentaire serait exclue entre le magasin cible une fois racheté par le groupe SAFO et l'hypermarché exploité sous l'enseigne Carrefour par le groupe GBH dans la zone primaire du marché pertinent dès lors que ces deux groupes s'approvisionneraient auprès de la centrale d'achat Grand Export exploitée par le groupe GBH et auraient des liens d'interdépendance ou une communauté d'intérêts résultant de la mutualisation de certains approvisionnements, de coûts de transport entre la métropole et les Antilles et de bâtiments accueillant leurs filiales. Cependant, la requérante ne produit aucun élément probant permettant de considérer que les groupes SAFO et GBH, qui constituent des entreprises indépendantes, auraient renoncé à se faire concurrence sur le marché en cause.

42. En sixième lieu, si la société SAFO exploite également un supermarché à l'enseigne Carrefour Market dans la zone secondaire de l'hypermarché cible, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient la requérante, que  la société SAFO, alors qu'elle aura réalisé des investissements importants dans le magasin cible, n'aurait aucune incitation à déterminer de manière autonome, comme le lui permettent les engagements pris, la politique tarifaire et commerciale de celui-ci vis-à-vis de l'enseigne Carrefour, et ainsi exercer une pression concurrentielle sur les deux autres hypermarchés de la zone primaire du marché pertinent ainsi que sur les autres commerces de la zone secondaire.

43. En septième lieu, la requérante, invoquant le point 617 des lignes directrices, critique la durée de cinq ans non renouvelable des engagements, étant précisé que les deux contrats devant être conclus avec le groupe Carrefour auront une durée de cinq ans renouvelable. Elle conteste également le droit de préemption dont dispose le groupe Carrefour en cas de cession du fonds de commerce. Toutefois, la durée des engagements comportementaux retenue en l'espèce correspond à la durée minimale prévue, sauf circonstances exceptionnelles, par les lignes directrices, qui ne prévoient qu'une faculté de renouvellement. La requérante n'apporte pas d'élément précis et probant quant à l'existence de circonstances particulières imposant, dans le respect du principe de proportionnalité, que les engagements en cause aient une durée de plus de cinq ans afin de remédier aux effets propres de l'opération sur la concurrence. De plus, le droit de préemption dont bénéficie le   groupe Carrefour jouerait uniquement si la société SAFO venait à céder le magasin cible. L'exercice de ce droit de préemption ne peut être regardé, à la date de la décision attaquée, comme un évènement suffisamment certain dans un avenir relativement proche, de sorte que la requérante ne peut utilement soutenir que la clause qui institue un tel droit conduirait nécessairement à renforcer la position du groupe Carrefour.

44. En huitième lieu, la requérante soutient que l'Autorité de la concurrence a méconnu le point 577 de ses lignes directrices au motif que les engagements ne prévoient pas la désignation d'un mandataire chargé de suivre leur mise en œuvre, ni, selon elle, un contrôle préalable de l'Autorité de la concurrence sur les contrats conclus avec le groupe Carrefour. Cependant, eu égard à la nature des engagements en cause, consistant à conclure deux contrats de licence d'enseigne et de prestations de services relatifs à un seul point de vente et à la circonstance que ces engagements prévoient la notification à l'Autorité de la concurrence des contrats signés avant toute mise en œuvre, ce qui lui laisse la possibilité de procéder à des investigations supplémentaires et le cas échéant d'engager une procédure en cas de manquements aux engagements souscrits, cette dernière n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant qu'il n'était pas nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, de prévoir la désignation d'un mandataire chargé de suivre l'exécution de ces engagements.

Quant à l'engagement alternatif :

45. L'engagement alternatif, qui prévoit la conclusion par la société SAFO, après l'agrément par l'Autorité de la concurrence de l'enseigne proposée, d'un accord avec une autre enseigne nationale que Carrefour, System U et Leader Price, pour l'exploitation du magasin cible, est de nature à remédier aux effets horizontaux de l'opération sur le marché aval de la distribution au détail à dominante alimentaire dès lors qu'il supprime tout chevauchement d'activités au niveau de l'enseignement Carrefour et permet le maintien de trois enseignes d'hypermarché concurrentes.

46. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme le soutient la requérante, des mesures supplémentaires telles que l'interdiction de commercialiser des produits à marques propres Carrefour ou un encadrement spécifique du contenu de cet accord auraient été nécessaires pour que cet engagement alternatif soit apte à assurer le maintien d'une concurrence suffisante.

47. En deuxième lieu, il ne résulte pas des pièces du dossier que la durée de cinq ans de cet engagement alternatif, identique   à celle de l'engagement auquel il est, le cas échéant, appelé à se substituer, serait insuffisante pour remédier aux effets propres de l'opération sur la concurrence.

48. En dernier lieu, eu égard à la nature de l'engagement en cause, consistant, à titre alternatif, à conclure un accord avec une autre enseigne nationale que Carrefour, System U et Leader Price et à la circonstance que cet engagement prévoit que l'enseigne proposée par la société SAFO doit être agréée par l'Autorité de la concurrence avant la conclusion de cet accord, cette dernière n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne prévoyant pas la désignation d'un mandataire chargé de suivre l'exécution de cet engagement.

49. Il résulte de tout ce qui précède que l'Autorité de la concurrence n'a pas commis d'erreur d'appréciation en retenant que les engagements prévus par la décision attaquée permettaient de préserver une concurrence suffisante sur le marché aval de  la distribution au détail à dominante alimentaire par la suppression de tout chevauchement d'activités au niveau de   l'enseigne Carrefour et le maintien de trois enseignes d'hypermarché concurrentes et de la structure concurrentielle du  marché qui prévalait avant l'opération.

50. Par suite, la société SCGR n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision d'autorisation de concentration qu'elle attaque.

Sur la décision d'agrément d'un repreneur :

51. Il résulte de ce qui précède que la société SCGR n'est pas fondée à demander, par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'autorisation de concentration, l'annulation de la décision d'agrément de la société Sainte-Claire et Cie.

Sur les frais liés à l'instance :

52. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société SCGR au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SCGR une somme globale de 3 000 euros à verser à la société SAFO et à la société NDIS au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la société SCGR sont rejetées.

Article 2 : La société SCGR versera à la société SAFO et à la société NDIS la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société commerciale Guyane Ruiling (SCGR), à l'Autorité de la concurrence, à la société antillaise frigorifique (SAFO), à la société NDIS et à la société Sainte-Claire et Cie.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 juillet 2022 où siégeaient : M. Guillaume Goulard, président de chambre, présidant ;

M. Pierre Collin, président de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat ; Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire, M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 22 juillet 2022.

Le président :

Signé : M. Guillaume Goulard Le rapporteur :

Signé : M. Mathieu Le Coq

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin