CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 30 juin 2022, n° 19/15717
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Laboratoire Saint Hugon (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prigent
Conseillers :
Mme Renard, Mme Soudry
Avocats :
Me Ohana, Me Villemagne, Me Tixier-Vignancour
FAITS ET PROCÉDURE
La société Laboratoire Saint-Hugon fabrique et commercialise, sous la marque SCARSI, des dispositifs médicaux pour le traitement de cicatrices.
Mme [L] [N], qui a exercé la profession de visiteuse médicale puis de responsable commerciale pour une entreprise pharmaceutique, a développé une activité de prestation de services puis d'agent commercial auprès de la société Laboratoire Saint-Hugon sous le régime de l'auto-entreprenariat.
C'est ainsi que le 30 mars 2010 puis le 1er avril 2011, la société Laboratoire Saint Hugon et Mme [N] ont conclu un contrat de prestations de services, d'abord pour une durée d'un an puis pour une durée indéterminée, par lequel le laboratoire a confié à Mme [N] la mission de développer son chiffre d'affaires et la vente de ses produits par la prospection de professionnels de santé.
Le 17 février 2012, les parties ont substitué à ce contrat un contrat d'agent commercial prévoyant une exclusivité de commercialisation sur les départements 75, 78, 91, 92, 93, 94 et 95, une clause d'objectifs à atteindre et une commission de 25% du chiffre d'affaires hors taxes.
Des désaccords sont nés entre les parties sur l'exécution du contrat d'agent commercial, notamment sur la clause d'exclusivité.
Par acte d'huissier de justice du 1er juillet 2014, Mme [N] a assigné le Laboratoire Saint-Hugon devant le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de :
- décider de l'existence de manoeuvre tendant au harcèlement de l'agent commercial ;
- décider une application déloyale de la convention par le laboratoire ;
- demander au président de faire suspendre le trouble manifestement illicite ;
- condamner le laboratoire à verser à la requérante une provision égale au montant de 40 000 euros pour préjudice moral, pécuniaire et sur la santé de celle-ci en attendant la décision au fond.
Par ordonnance du 8 septembre 2014, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé.
Le 8 mars 2016, les parties ont conclu un nouveau contrat d'agent commercial et ont substitué à l'exclusivité liée au territoire géographique une liste de professionnels de santé pour la commercialisation des produits.
Les désaccords entre les parties sur l'exécution du contrat d'agent commercial se sont poursuivis.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 décembre 2016, la société Laboratoire Saint-Hugon a reproché à Mme [N] différents manquements contractuels : baisse importante du chiffre d'affaires réalisé, non-exploitation d'une partie de la liste des professionnels de santé, manque de loyauté.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 10 février 2017, la société Laboratoire Saint-Hugon a notifié à Mme [N] la rupture du contrat d'agent commercial pour faute grave avec un préavis de trois mois.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 février 2017, Mme [N] pris acte de la rupture et en a contesté les motifs.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 15 avril 2017, Mme [N] a, par l'intermédiaire de son conseil, contesté les motifs invoqués pour justifier la rupture du contrat d'agence commerciale et a sollicité le paiement par la société Laboratoire Saint-Hugon d'une somme de 44 246,85 euros au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agent commercial.
Par acte du 5 septembre 2017, Mme [L] [N] a assigné la société Laboratoire Saint-Hugon devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de la voir condamner à lui verser les sommes suivantes':
- 44 246,85 euros hors taxes à titre d'indemnité pour la rupture de son contrat d'agent commercial, avec intérêt au taux légal à compter du 15 avril 2017,
- 10 000 euros en réparation du préjudice causé par le comportement déloyal du Laboratoire Saint-Hugon dans l'exécution de leurs relations commerciales.
Par jugement du 25 juin 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :
- Condamné la société Laboratoire Saint-Hugon à payer à Mme [L] [N] une indemnité de rupture d'un montant de 33 185,13 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2017,
- Débouté Mme [L] [N] du surplus de ses demandes et de sa demande de dommages et intérêts complémentaires,
- Débouté la société Laboratoire Saint-Hugon de sa demande reconventionnelle,
- Condamné la société Laboratoire Saint-Hugon à payer à Mme [L] [N] la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Laboratoire Saint-Hugon aux dépens,
- Prononcé l'exécution provisoire à hauteur de 50 % des condamnations.
Par déclaration du 29 juillet 2019, la société Laboratoire Saint-Hugon a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- Condamné la société Laboratoire Saint-Hugon à payer à Mme [L] [N] une indemnité de rupture d'un montant de 33 185,13 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2017 ;
- Débouté la société Laboratoire Saint-Hugon de sa demande reconventionnelle ;
- Condamné la société Laboratoire Saint-Hugon à payer à Mme [L] [N] la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Laboratoire Saint-Hugon aux dépens.
Par jugement du 15 octobre 2019, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Laboratoire Saint-Hugon et a désigné Me [P] en qualité de mandataire judiciaire.
Le 28 octobre 2019, Mme [N] a déclaré une créance de 59.459,21 euros à titre chirographaire à la procédure collective de la société Laboratoire Saint-Hugon.
Par ordonnance sur incident du 28 novembre 2019, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation de l'affaire formée par Mme [N].
Par jugement du 13 juillet 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a adopté le plan de redressement de la société Laboratoire Saint-Hugon.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par le RPVA le 1er décembre 2021, la société Laboratoire Saint-Hugon et Me [P] en sa qualité de mandataire de ladite société demandent à la cour de :
Vu les articles L 134-1 et suivants du code de commerce,
- Constater que depuis le 17 février 2012 et jusqu'à la date de la rupture du contrat Mme [N] n'exploite pas l'intégralité du secteur et du potentiel de prospect qui lui est confié,
- Constater que du 8 mars 2016 jusqu'au 31 décembre 2016, Mme [N] n'a jamais visité :
les Docteurs [X], [E], [Z], [C], [K], [S], [B], [HE], [HG]';
L'hôpital Tarnier Cochin et l'hôpital Des Peupliers';
La pharmacie des Cliniques, la Pharmacie de la Madeleine, la Pharmacie Cuvier, la Pharmacie Beaujon, la Pharmacie Basire, la Pharmacie Charles Michel.
- Constater que Mme [N] n'a pas accompli de démarches suffisantes pour dynamiser son secteur commercial,
- Constater que Mme [N] a donné de fausses informations concernant le docteur [J] et [O] notamment par soucis de commodité personnelle,
- Constater que Mme [V] la remplaçante de Mme [N] a pu rencontrer le docteur [T] le 2 novembre 2017, alors que Mme [N] indiquait par e-mail en date du 10 décembre 2016 qu'il avait arrêté son activité,
- Constater que pendant la période contractuelle la liant à la société Laboratoire Saint-Hugon, Mme [N] a également commercialisé des produits pour le compte de la société Dermeden et de la société Aesthetic Group qui sont des concurrents directs.
En conséquence,
- Réformer la décision dont appel.
Et statuant à nouveau,
- Dire que ces faits constituent une faute grave en ce qu'ils portent atteinte au mandat d'intérêt commun justifiant l'impossibilité de maintenir le lien contractuel,
- Dire que la société Laboratoire Saint-Hugon n'a commis aucun manquement à l'obligation de loyauté,
- Dire que les faits reprochés à Mme [N] constituent un manquement à l'obligation de loyauté,
En conséquence,
- Dire que Mme [N] ne peut prétendre à aucune indemnité de rupture du contrat d'intérêt commun.
Subsidiairement,
- Réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité de rupture éventuellement accordée.
En tout état de cause,
- Condamner Mme [N] à payer à la société Laboratoire Saint-Hugon les sommes suivantes :
30 000 euros à titre de dommage et intérêts pour manquement à l'exécution loyale du contrat d'agent commercial et manquement à l'obligation de non-concurrence, 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Laisser les entiers dépens de l'instance à la charge de Mme [N].
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 17 décembre 2021, Mme [N] demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et suivants (anciens) du code civil,
Vu les articles L.134-1 et suivants du code de commerce,
- Déclarer Mme [L] [N] recevable et bien fondée en ses demandes,
Et y faisant droit,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Laboratoire Saint-Hugon à payer à Mme [L] [N] une indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial, la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance,
- Fixer la créance de Mme [L] [N] au passif de la société SARL Laboratoire Saint Hugon aux sommes suivantes :
44 246,85 euros hors taxes à titre d'indemnité pour la rupture de son contrat d'agent commercial, avec intérêt légal à compter du 15 avril 2017 ;
10 000 euros en réparation du préjudice causé à Mme [L] [N] par le comportement déloyal de la SARL Laboratoire Saint Hugon dans l'exécution de leurs relations commerciales,
4 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés au titre de la procédure de première instance outre 212,36 euros au titre des dépens de première instance.
- Débouter la SARL Laboratoire Saint Hugon et Me [U] [P], mandataire judiciaire représentant des créanciers de la société SARL Laboratoire Saint Hugon de l'intégralité de leurs demandes ;
- Condamner la SARL Laboratoire Saint Hugon et Me [U] [P], mandataire judiciaire représentant des créanciers de la SARL Laboratoire Saint Hugon à payer à Mme [L] [N] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- Les condamner en tous les dépens de l'instance.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 janvier 2022.
MOTIFS
Sur la faute grave de l'agent
Mme [N] revendique le paiement par la société Laboratoire Saint Hugon d'une indemnité de 44 246,85 euros HT au titre de la rupture de son contrat d'agence commercial.
La société Laboratoire Saint-Hugon allègue l'existence de fautes graves imputables à Mme [N] dans le cadre de l'exercice de sa mission d'agent commercial pour s'opposer au paiement d'une indemnité de rupture.
Selon les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce, l'agent commercial a droit à une indemnité de rupture sauf si le contrat prend fin en raison de sa faute grave.
La faute grave se définit comme celle portant atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rendant impossible le maintien du lien contractuel. Il appartient au mandant de rapporter la preuve d'une telle faute.
Sur la sous-exploitation de la liste des prospects
La société Laboratoire Saint Hugon reproche tout d'abord à Mme [N] d'avoir sous-exploité de manière constante le secteur qui lui était confié en exclusivité ; d'abord en n'exerçant aucune activité de prospection dans les départements 78,91 et 93 qui lui étaient confiés par le contrat du 17 février 2012, puis en ne visitant pas l'ensemble des prospects contenus dans la liste annexée au contrat du 8 mars 2016.
Ainsi la société Laboratoire Saint Hugon reproche à Mme [N] de ne jamais avoir visité, du 8/03/2016 au 31/12/2016 :
- les Docteurs [X], [E], [Z], [C], [K], [S],
[B], [HE], [HG],
- L'hôpital TARNIER COCHIN et l'Hôpital DES PEUPLIERS,
- La pharmacie des Cliniques, la Pharmacie de la Madeleine, la Pharmacie Cuvier, la
Pharmacie Beaujon, la Pharmacie Basire, la Pharmacie Charles Michel.
Elle lui fait encore grief du 8/03/2016 à fin octobre 2016 :
- de n'avoir jamais visité 15 clients figurant dans sa liste (soit 12% de la liste)
- de n'avoir visité qu'une seule fois 31 clients figurant dans sa liste (soit 22% de la liste).
Il sera tout d'abord relevé que dans la mesure où l'indemnité réclamée par Mme [N] l'est sur le fondement du contrat du 8 mars 2016, qui stipule que : « D'un commun accord, il est convenu que le présent contrat annule et remplace les contrats précédemment signés entre les Parties. » et où la société Laboratoire Saint Hugon reconnaît, dans ses écritures, avoir renoncé à se prévaloir des manquements allégués au titre du contrat précédent pour « accorder une seconde chance à Mme [N] en lui permettant de sortir du lien contractuel qu'elle ne pouvait manifestement pas respecter pour négocier (') un contrat plus conforme à sa pratique », il n'y a pas lieu d'examiner ni de retenir les griefs invoqués à l'encontre de l'agent commercial au titre du contrat du 17 février 2012.
Ensuite, le contrat du 8 mars 2016 prévoit que :
Article 1 « Objet du contrat »
Le Mandant désigne l'Agent pour être son représentant exclusif pour une liste de clients limitativement énumérés figurant en annexe 2, ci-après dénommée « La Liste » constituée des professionnels de santé, ci-après dénommés « les Professionnels », en vue de promouvoir la prescription et la vente des produits listés en Annexe 1, ci-après dénommés «' les Produits »
(...)
Article 2 - Missions de l'Agent
L'Agent a pour mandat de promouvoir, au nom et pour le compte du Mandant, l'achat direct ou la prescription des Produits par les Professionnels de La Liste.
(...)
Les parties conviennent de procéder à une révision trimestrielle de la liste de professionnels afin de remplacer le départ d'un client par un autre client afin de permettre pour l'Agent le maintien d'un pool de clients constant.
Il est à ce titre convenu, qu'en cas de départ de l'un des clients de la liste pour cause de retraite ou cessation d'activité, son successeur serait automatiquement attribué à l'Agent.
L'Agent effectuera pour le Mandant une prestation permettant de développer le chiffre d'affaires du Mandant.
L'Agent reste libre de l'organisation de son travail et de la gestion de ses contacts
Article 3 ' Exclusivité des ventes
Le Mandant accorde à l'Agent l'exclusivité de la promotion et de la vente des Produits sur une liste de clients limitativement énumérés figurant en annexe 2.
(...)
Article 4 ' Conditions d'exercice du mandat
(...)
L'Agent devra joindre à sa facture mensuelle un rapport des visites effectuées pendant le mois écoulé, comprenant pour chaque visite les items suivants :
Le Nom du Professionnel visité,
La circonstance de la visite (A l'extérieur, Au cabinet, Chu, Clinique, Staff)
Engagement de prescription : oui /non
Remise d'échantillons : nature, quantité
Commentaire succinct, concernant notamment l'évolution du Professionnel dans son appréciation des Produits
(…)
Article 5 ' Obligations de l'Agent
Dans le cadre de son mandat, l'Agent s'oblige à :
(...)
- Dès lors que les agendas et directives des praticiens concernés le permettent et sauf en cas de force majeure, l'agent s'engage à visiter aussi régulièrement que possible et au minimum trimestriellement, l'ensemble des clients définis dans l'annexe et pour lesquels sont mentionnées les adresses de visites et leurs coordonnées téléphoniques.
(...) »
Par ailleurs, est annexée au contrat une liste de 138 professionnels de santé (chirurgiens plastiques, hôpitaux, pharmacies).
Il ressort de l'article 5 précité que l'obligation de l'agent de visiter trimestriellement l'ensemble des clients définis dans l'annexe était conditionnée au respect des agendas et des directives des praticiens concernés.
Or en l'espèce, il ressort de différents échanges de courriels de Mme [N] avec son mandant que sous peine de se voir refuser l'accès aux cabinets des médecins concernés, elle avait suivi leurs directives concernant le nombre de visites acceptées. En ce qui concerne les hôpitaux et pharmacies non visités, Mme [N] explique qu'elle n'a pas pu en visiter quelques uns à défaut de pouvoir se prévaloir de praticiens prescrivant les produits représentés et exerçant en leur sein ou à proximité. Aucune inexécution contractuelle n'est donc caractérisée de ces chefs à l'encontre de Mme [N].
Il sera au surplus observé que l'inexploitation partielle reprochée ne porte que sur 12% de la liste annexée au contrat, ce qui ne saurait être constitutif d'une faute grave justifiant la résiliation du contrat sans indemnité.
Sur le manque de dynamisme de l'agent commercial et la baisse du chiffre d'affaires
La société Laboratoire Saint Hugon fait encore grief à Mme [N] de ne pas avoir effectué d'opération promotionnelle auprès des prospects, de ne pas s'être investie dans des congrès pour nouer de nouveaux contacts et de ne pas avoir engagé de sous-agents pour l'assister dans sa mission de prospection.
Pourtant, ainsi qu'il a été rappelé dans le contrat litigieux, l'agent commercial est un professionnel indépendant dans la conduite de son activité. Mme [N] avait ainsi toute latitude pour organiser son activité, effectuer des opérations promotionnelles et engager des sous-agents. Aucun grief ne peut lui être fait de ces chefs.
Par ailleurs, la société Laboratoire Saint Hugon impute au manque de dynamisme de Mme [N] une chute de son chiffre d'affaires. Toutefois elle ne produit aucun élément comptable de nature à vérifier cette affirmation. Il sera à cet égard observé que le secteur confié à Mme [N] a été modifié par le contrat du 8 mars 2016 par rapport au contrat précédent, ce qui peut expliquer une réduction du chiffre d'affaires réalisé par Mme [N]. En outre, il sera relevé que le contrat du 8 mars 2016 a supprimé la clause d'objectif de chiffre d'affaires à laquelle Mme [N] était précédemment astreinte.
En conséquence, aucune faute grave ne peut être retenue de ces chefs à l'encontre de Mme [N].
Sur le manquement à l'obligation de loyauté
Sur la délivrance de fausses informations
La société Laboratoire Saint Hugon reproche à Mme [N] un comportement déloyal pour lui avoir délivré de fausses informations dans le cadre de l'exécution de son mandat.
Elle affirme ainsi que Mme [N] a sollicité la suppression de la liste des prospects des docteurs [O] et [J] aux motifs, qui se seraient révélés faux, d'un départ à la retraite du premier et d'un transfert d'activité à l'étranger du second.
Toutefois, Mme [N] verse aux débats une attestation du 21 mars 2017 du Dr [D] [J], chirurgien plasticien, certifiant avoir déplacé son activité chirurgicale à l'étranger et ne conserver qu'une activité réduite en France.
Par ailleurs, la société Laboratoire Saint Hugon, à laquelle incombe la charge de la preuve des manquements qu'elle invoque, ne démontre pas que le docteur [O] aurait conservé une activité professionnelle. Cette preuve ne saurait en effet résulter d'une seule impression d'écran d'une page Google mentionnant le nom et l'adresse du docteur [O].
Dès lors, aucune mauvaise foi ne peut être retenue à l'encontre de Mme [N] pour avoir sollicité le retrait de ces deux praticiens de la liste des prospects en vue de les voir remplacer par d'autres prospects conformément aux stipulations contractuelles.
En outre, ainsi qu'il a été énoncé ci-dessus, aucun grief ne peut être retenu à l'encontre de Mme [N] pour des faits antérieurs au contrat du 8 mars 2016 de sorte qu'il ne peut pas lui être reproché d'avoir indiqué, prétendument à tort, que les docteurs [F], [I], [Y], [H], [R], [W] et [G] ne recevaient plus de visites.
Enfin il ne peut pas davantage être retenu à l'encontre de Mme [N] d'avoir indiqué que le Dr [T] avait « cessé son activité lors de la fermeture du service de chirurgie plastique de la clinique du Dôme ». En effet, la seule attestation de Mme [V], qui est employée de la société Laboratoire Saint Hugon, indiquant qu'elle avait pu visiter le docteur [T] le 2 novembre 2017, sans plus de précision, n'apparaît pas suffisamment probante pour justifier de fausses déclarations de la part de Mme [N].
Sur la violation de l'obligation de non-concurrence
L'agent commercial est tenu d'une obligation de loyauté, qui implique une obligation de non-concurrence pendant l'exécution du mandat, sans qu'aucune clause ne soit nécessaire.
L'article L. 134-3 du code de commerce prévoit en effet que l'agent « ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans l'accord de ce dernier ».
L'article L. 134-4 indique par ailleurs que « Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties. Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information ».
Le manquement par l'agent à son obligation de loyauté et de non-concurrence peut constituer une faute grave privant l'agent du droit d'obtenir une indemnité en cas de résiliation et donc autorisant le mandant à révoquer le contrat sans indemnité.
En vertu des dispositions précitées, il incombe aux juges de rechercher si les produits du mandant et ceux du nouveau mandant sont identiques et concurrents ou si les deux entreprises exercent des activités distinctes.
Contrairement à ce que prétend Mme [N], il importe peu que les faits reprochés par la société Laboratoire Saint Hugon aient été découverts postérieurement à la résiliation du contrat d'agence commerciale dès lors qu'ils ont été commis antérieurement.
Il sera tout d'abord rappelé que le contrat d'agence commerciale entre la société Laboratoire Saint Hugon et Mme [N] portait sur la vente de bandes, de pansements et de mamo-kits, en silicone, de marque SCARSI, destinés à traiter les cicatrices opératoires.
Par ailleurs, l'article 12 du contrat du 8 mars 2016, intitulé « Clause de non concurrence » prévoit que : « L'Agent s'engage à ne pas promouvoir, pendant la durée de son contrat et pendant une durée de deux ans suivant son terme, d'autres produits de traitements des cicatrices ou des produits issus de technologies équivalentes à celles commercialisées par le Mandant. »
La société Laboratoire Saint Hugon reproche tout d'abord à Mme [N] d'avoir commercialisé des produits de la société Dermeden qu'elle estime concurrents des siens.
Pourtant le produit commercialisé par la société Dermeden est une crème cosmétique, « soin réparateur - peaux lésées et irritées ». Ce produit est recommandé par le fabricant pour « les altérations cutanées faisant suite à un acte de dermo-esthétique (peeling, laser, injection) ou une agression extérieure (coupure, gerçure, irritation). Il est également indiqué par le fabricant : « Le « plus produit » : l'acide Dioïque qui prévient l'hyperpigmentation de la cicatrice. »
Il ressort de ces éléments que ce produit n'entre pas dans le champ de la clause de non-concurrence prévue au contrat puisqu'il s'agit de produits distincts (pansements dans un cas et crème dans l'autre cas), que leur composition diffère (silicone dans un cas et acide dioïque dans l'autre cas) et enfin que leur indication est différente (traitement de cicatrices opératoires, réparation d'un acte dermo-esthétique).
Aucune violation de l'obligation de non-concurrence n'est caractérisée de ce chef.
Ensuite la société Laboratoire Saint Hugon fait grief à Mme [N] d'avoir représenté des produits de la société Aesthetic group qui est une concurrente directe puisqu'elle commercialise des pansements auto-adhésifs siliconés pour le traitement des cicatrices.
Mme [N] reconnaît avoir travaillé comme agent commercial de la société Aesthetic group du 29 septembre 2015 au 29 décembre 2016. Toutefois il sera relevé que cette société fabrique et commercialise de nombreux dispositifs médicaux dans les domaines de la médecine et de la chirurgie esthétique et non exclusivement des pansements siliconés pour le traitement des cicatrices. En outre, Mme [N] produit une attestation de M. [A] [M], directeur général de la société Aesthetic group, de laquelle il ressort que les produits concurrents de la société Laboratoire Saint Hugon, soit les pansements siliconés correspondant aux références TGS15, IN57 et IN530, n'ont pas été commercialisés par Mme [N] pendant son contrat d'agence commerciale et que les produits de la gamme Silicare, pansements cicatrisants, n'ont pas davantage pu faire l'objet d'une commercialisation par Mme [N] dans la mesure où ils étaient à l'époque en cours de développement.
Dès lors, aucun manquement de Mme [N] à son obligation de non-concurrence ou à son devoir de loyauté n'est établi.
Sur l'indemnité de rupture
En l'absence de faute grave de Mme [N] dans le cadre de l'exécution de son contrat d'agence commerciale, celle-ci a droit à une indemnité compensatrice en application de l'article L. 134-12 précité.
L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause.
Il sera relevé que la mission d'agence commerciale confiée par la société Laboratoire Saint Hugon à Mme [N] a duré cinq années et que Mme [N], par son travail de prospection en région parisienne, a permis le développement de la société Laboratoire Saint Hugon dès l'origine de la commercialisation de ses produits.
Eu égard à l'ancienneté relativement modérée des relations d'agence commerciale et aux efforts déployés par Mme [N], les premiers juges lui ont justement alloué une somme de 33 185,13 euros représentant 18 mois de commissions HT perdues calculés sur la moyenne des commissions réalisées au cours des trois dernières années d'exécution du mandat.
Il convient en conséquence de fixer la créance de Mme [N] à la procédure collective dont fait l'objet la société Laboratoire Saint Hugon à la somme de 33 185,13 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2017.
Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement au devoir de loyauté
Mme [N] reproche à son mandant un manquement à son devoir de loyauté pour la contraindre à accepter une modification des termes du contrat d'agence commerciale initial puis pour limiter son secteur en refusant de modifier la liste des prospects dans le but de réduire son droit à commission. Elle lui fait encore grief d'avoir voulu lui imposer des clauses limitant son indépendance dans l'organisation de son activité.
Toutefois aucune mauvaise foi ou déloyauté de la part de la société Laboratoire Saint Hugon n'est caractérisée. Le désaccord des parties sur l'exécution du mandat ou l'interprétation du contrat ne saurait être constitutif d'un quelconque manquement contractuel.
La demande d'indemnisation de ce chef sera rejetée et le jugement entrepris confirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté et pour violation de l'obligation de non-concurrence
Ainsi qu'il a été jugé ci-dessus, aucun manquement de Mme [N] à son devoir de loyauté ni aucune violation de son obligation de non-concurrence ne sont caractérisés. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Laboratoire Saint Hugon de ces chefs.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Laboratoire Saint Hugon succombe à l'instance. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles seront confirmées. Il y a lieu de fixer la créance des dépens d'appel à la procédure collective de la société Laboratoire Saint Hugon. Il n'apparaît pas équitable de faire application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
DIT qu'aucune faute grave ne peut être reprochée à Mme [L] [N] dans le cadre de l'exécution du contrat d'agence commerciale conclu le 8 mars 2016 avec la société Laboratoire Saint Hugon ;
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société Laboratoire Saint-Hugon à payer à Mme [L] [N] une indemnité de rupture d'un montant de 33 185,13 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2017 ;
FIXE à 33 185,13 euros la créance de Mme [L] [N] à la procédure collective dont fait l'objet la société Laboratoire Saint Hugon au titre de l'indemnité de rupture, avec intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2017 ;
DIT n'y avoir lieu de faire application, en appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
FIXE la créance au titre des dépens d'appel à la procédure collective de la société Laboratoire Saint Hugon.