Cass. com., 25 septembre 2012, n° 11-23.667
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Baraduc et Duhamel, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Sur le second moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 16 C... 2011), qu'un jugement du 16 janvier 1996 a arrêté le plan de redressement organisant la cession totale des actifs des sociétés STBP 28, C...- D... et C...- X... (les sociétés du groupe C...), en redressement judiciaire, au profit de la société à responsabilité limitée Entreprises Carnutes réunies (la société ECR), créée le 13 janvier 1996 par cinq anciens salariés des sociétés du groupe C..., Mme X..., M. X..., son frère, Mme Y..., veuve Z..., M. A... et M. B..., respectivement titulaires de 48 %, 25 %, 25 %, 1 % et 1 % des 1 000 parts représentant le capital social, d'un montant de 100 000 francs ; qu'en 2002, celui-ci a été porté à 150 000 euros ; qu'après avoir, en 2005, vainement soumis aux associés de la société ECR une proposition de nouvelle augmentation du capital, d'un montant de 230 000 euros, qui lui serait réservée et qu'il souscrirait entièrement, M. C..., ancien représentant légal des sociétés du groupe C..., a fait enregistrer à la recette des impôts, le 8 C... 2006, deux actes portant la date du 25 C... 1997 par lesquels Mme X... et M. X... lui cédaient, chacun pour le prix total d'un franc, respectivement, 500 et 250 parts sociales ; que sur convocation de M. C..., l'assemblée des associés de la société ECR a, le 27 C... 2006, révoqué Mme X... de ses fonctions de gérante et modifié les statuts pour qu'il y soit fait mention que les parts sociales étaient désormais détenues à concurrence de 750 parts par M. C... et de 250 par Mme Y...- Z... ; que Mme X..., M. X..., M. A... et M. B... ont fait assigner M. C... et Mme Y...- Z... (les consorts C...), ainsi que la société ECR, afin que soit prononcée l'annulation des actes de cession de parts datés du 25 C... 1997 et celle des actes subséquents à leur enregistrement et à leur publication, que soient ordonnées les mesures de remises en état consécutives à ces annulations et que M. C... soit condamné au paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que les consorts C... font grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que la fraude s'apprécie au jour de la réalisation de l'acte frauduleux ; qu'en jugeant que l'acte de cession de parts avait été signé " en 1996 ou en 1997 " (arrêt, p. 6), et en évaluant la valeur des parts au mois de C... 1997 (arrêt, p. 7 in fine) pour retenir l'existence d'un prix de cession lésionnaire, tandis que seule une signature des actes de cession en 1996 permettait d'établir l'existence d'une fraude lors de l'adoption du plan de cession du 16 janvier 1996, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-57 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;
2°/ que l'illicéité de l'offre tendant au maintien de l'activité de l'entreprise résultant d'une interposition de personnes contraire à l'article L. 621-57 du code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause, ne peut plus être critiquée une fois le plan de cession adopté et les voies de recours à l'encontre du jugement l'ayant arrêté expirées ; qu'en annulant les actes de cession litigieux aux motifs qu'ils violeraient l'article L. 621-57 du code de commerce, la cour d'appel a violé cette disposition, ensemble l'article L. 623-1 du code de commerce, dans leur rédaction applicable à la cause ;
3°/ qu'en jugeant que la nullité des cessions était également encourue pour absence de prix sérieux, au motif qu'au mois de C... 1997 " l'entreprise, qui avait repris des actifs significatifs, avait prouvé sa viabilité depuis dix-huit mois, la situation au 30 C... 1997 étant d'ailleurs largement bénéficiaire " (arrêt, p. 7 in fine), sans vérifier, comme il lui était demandé, si ce prix ne tenait pas compte de l'absence de remboursement par les consorts X... à M. C... des sommes de 75 000 francs et 4 500 francs qu'il leur avait prêtées pour effectuer leurs apports dans la société ECR lors de la constitution de celle-ci et pour payer ses frais de constitution (conclusions de M. C... et de Mme Y...- Z..., p. 17, antépénultième §), et si ces cessions n'avaient pas été conclues à titre de garantie de remboursement de ces sommes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1583 et 1591 du code civil ;
4°/ qu'en jugeant que la nullité de la cession était également encourue pour absence de prix sérieux, au motif qu'au mois de C... 1997 " l'entreprise, qui avait repris des actifs significatifs, avait prouvé sa viabilité depuis dix-huit mois, la situation au 30 C... 1997 étant d'ailleurs largement bénéficiaire " (arrêt, p. 7 in fine), sans vérifier, comme il lui était demandé, si l'apparente situation bénéficiaire de la société ECR n'était pas démentie par le fait que " la société en difficulté, avait été contrainte de solliciter un découvert de 300 000 francs, qui ne lui a été accordé que grâce au nantissement d'un placement de Mme Y...- Z... " (conclusions de M. C... et de Mme Y...- Z..., p. 18 § 3), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1583 et 1591 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que M. C... a prêté à quatre salariés des entreprises en redressement judiciaire les fonds nécessaires à la constitution de la société ECR et à la souscription des parts sociales par ces salariés ; qu'il constate que cette société s'est portée acquéreur de l'intégralité des actifs de ces entreprises et que dans les quarante huit heures du jugement qui en a ordonné la cession à la société ECR, celle-ci a embauché M. C... en qualité de directeur avec les plus larges pouvoirs ; qu'il relève encore que M. C... s'est fait remettre par Mme X... et par M. X... un acte de cession de parts à son profit ; qu'il ajoute qu'en tant qu'ils permettaient une interposition de personnes prohibée par les dispositions de l'article L. 621-57 du code de commerce, le prêt consenti par M. C... et les cessions de parts sociales, que ce dernier présente lui-même comme une garantie destinée à assurer la bonne fin du prêt, ont été l'instrument d'une fraude à la loi ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que la cause des conventions litigieuses revêtait un caractère illicite en ce que celles-ci étaient des éléments d'une opération tendant à la violation d'une règle d'ordre public, peu important, à cet égard, que les actes de cessions des parts sociales aient été signés par les cédants en 1996 ou 1997et qu'à l'une ou l'autre de ces dates le jugement ayant arrêté le plan de cession des actifs des entreprises en redressement judiciaire fût devenu irrévocable, la cour d'appel a légalement justifié sa décision d'en prononcer la nullité ;
Attendu, en second lieu, que les troisième et quatrième branches critiquent des motifs surabondants ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deux dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.