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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 17 janvier 2020, n° 18/20593

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

S.A.S. PUECH HAUT

Défendeur :

M. (P-A) S., Mme (E) S.-H. L.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Anne-Marie GABER

Conseillers :

Mme Laurence LEHMANN, Mme Isabelle DOUILLET

Avocats :

Me Bernard-Claude L., Me Thibault L., Me Alexandra B., Me Christine R.

Paris, du 05 juill. 2018

5 juillet 2018

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire du 5 juillet 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l'appel interjeté le 4 septembre 2018 par la société Puech Haut,

Vu les dernières conclusions (conclusions récapitulatives n°4) remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 13 septembre 2019 par la société appelante,

Vu les dernières conclusions (conclusions récapitulatives) remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 12 juillet 2019 par Mme Eponine S.-H. L. (Mme S.-H.), intimée et incidemment appelante,

Vu les dernières conclusions (conclusions récapitulatives n°3) remises au greffe, et notifiées, par voie électronique, le 20 août 2019 par M. Pierre-Adrien S., intimé et incidemment appelant,

Vu l'ordonnance de clôture du 12 septembre 2019,

SUR CE, LA COUR ,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que M. S. artiste peintre, qui reproduit en particulier des oeuvres célèbres en remplaçant les personnages par la peinture de figurines reprenant la morphologie de celles en plastique connues dans le monde du jouet sous le nom de 'Playmobil', se prévaut de droits d'auteur en particulier sur quatre oeuvres exécutées en 2011, qu'il dénomme respectivement 'Superhéros' (avec un personnage masculin et un personnage féminin), 'Squelette', 'Madame R.' et 'La Joconde' et qui sont ainsi respectivement représentées :

Ayant découvert l'offre en vente sans son autorisation par l'intermédiaire d'un réseau de cavistes d'un tonnelet de vin de la société viticole Puech Haut, qui a demandé à des artistes de peindre des barriques de vin pour sa collection dénommée Bib'Art, reproduisant, selon lui, ses personnages en les associant et en les présentant comme une création d'Eponine S.-H., M. S. a fait diligenter le 5 octobre 2016 par l'Agence pour la Protection des Programmes (APP) un constat sur le site internet puech-haut.fr présentant notamment un tonnelet 'bib'Art Playmobil' comme étant la réplique exacte de la barrique peinte par Eponine S. H..

Il a ensuite mis en demeure la société Puech Haut le 6 octobre 2016 de cesser cette exploitation, de communiquer l'adresse de Mme S.-H. et de réparer le préjudice subi du fait de la reproduction ainsi représentée sur une barrique et des mini barriques de vin :

La société Puech Haut a, suivant courrier en réponse du 5 décembre 2016, rappelé avoir fait appel à une artiste, précisé que la commercialisation en cause avait cessé, et estimé les demandes non fondées, ce dont M. S. s'est étonné le 7 décembre 2016

C'est dans ces circonstances, que ce dernier a fait assigner le 14 décembre 2016 la société Puech Haut devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d'auteur et que cette société a ensuite fait assigner Mme S.-H., artiste peintre, le 10 janvier 2017 en garantie. Les deux instances ont été jointes le 4 mai 2017.

Par jugement dont appel, les premiers juges ont en particulier retenu que la société Puech Haut et Mme S.-H. ont commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur, condamné la société Puech Haut à verser à M. S. 15 000 euros en réparation de son préjudice économique et 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamné in solidum la société Puech Haut et Mme S.-H. à verser à M. S. 5 000 euros en réparation de son atteinte au droit moral, prononcé une mesure d'interdiction de reproduction sur le territoire français des quatre oeuvres sur le tonnelet de vin et une mesure de destruction du stock de tonneaux contrefaisants et débouté la société Puech Haut de sa demande de garantie.

La société Puech Haut, appelante, qui réclame 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soutient que le droit à protection revendiqué par M. S. n'est pas justifié, que Mme S.-H. s'est comportée comme l'auteur des figurines en cause, qu'elle lui doit garantie et que l'indemnité allouée, comme les chiffres avancés par M. S., sont excessifs.

M. S., appelant incident, réitère ses demandes d'interdiction et de destruction sous astreinte, de condamnation solidaire de la société Puech Haut et de Mme S.-H. à lui payer 90 000 euros pour atteintes à ses prérogatives patrimoniales d'auteur, 15 000 euros pour atteintes à ses prérogatives extra patrimoniales, et 15 000 euros pour préjudice moral, subsidiairement 120 000 euros pour concurrence déloyale et parasitisme, ainsi que de condamnation de la société Puech Haut et de Mme S.-H. chacune à lui verser 5 000 euros pour des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire au titre, pour la première, de l'effet de gamme et, pour la seconde, de la participation à des expositions en se présentant comme la créatrice de ses oeuvres. Il reprend également ses demandes de publication judiciaire du dispositif de la décision à intervenir dans 3 journaux ou magazines, et d'une diffusion sous astreinte sur la page d'accueil du site internet de la société Puech Haut et il sollicite la condamnation solidaire de la société Puech Haut et de Mme S.-H. à lui payer 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la condamnation prononcée de ce chef en première instance.

Mme S.-H., appelante incidente, se prévaut à nouveau devant la cour de l'originalité de sa réalisation sur un fond bleu vif qui rappellerait un tonnelet 'Playmobil', contestant l'existence d'un droit d'auteur de M. S. sur les oeuvres revendiquées, toute imitation de ces oeuvres et estimant subsidiairement qu'il n'y a lieu qu'à une indemnisation symbolique. Elle réclame enfin à la société Puech Haut ainsi qu'à M. S., à chacun 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la contrefaçon

Pour combattre le grief de contrefaçon la société Puech Haut et Mme S.-H. maintiennent que les oeuvres revendiquées par M. S. seraient dénuées de l'originalité requise pour prétendre accéder à une protection au titre du droit d'auteur et Mme S.-H. prétend avoir créé une oeuvre originale exclusive de toute contrefaçon.

L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous qui comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Ce droit est conféré à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. Il s'en déduit le principe de la protection d'une oeuvre, sans formalité, du seul fait de la création d'une forme originale ainsi que pertinemment rappelé par les premiers juges.

Il incombe cependant à l'auteur de caractériser l'originalité de la création revendiquée, l'action en contrefaçon étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l'esprit protégeable au sens de la loi, c'est à dire originale.

A cet égard, M. S. soutient, sans prétendre s'approprier un genre, que cette originalité procède de la combinaison pour chacune des oeuvres en cause d'un travail caractéristique essentiel consistant à ré interpréter et revisiter des oeuvres ou personnages connus, par un traitement décalé et espiègle, transposant dans l'univers enfantin de personnages en plastique Playmobil des tableaux classiques tels que celui de La Joconde et de Madame R. des peintres de Vinci et Ingres ou des figures mythiques de superhéros comme Superman et Superwoman, ou encore d'une figurine coupée en deux, tout en conférant une humanité à ces personnages par des choix de technique, présentation, formes, proportions, couleurs, position des membres, ou jeux de lumières qu'il détaille pour chacun d'eux dans ses écritures.

Pour contester l'originalité prétendue de ces créations, tant Mme S.-H. que la société Puech Haut font valoir que M. S. utilise les silhouettes de Playmobil, figurines partiellement mobiles, et reprendrait des oeuvres antérieures d'autres artistes tel que Richard U. ou Jason F. avec de simples modifications de détails ou proportions insusceptibles de révéler une réelle activité créatrice.

Mais il ressort de l'examen auquel la cour s'est livrée que :

- les pièces produites à l'appui de ses assertions par Mme S. H. ne sont pour certaines aucunement datées et sont dès lors dénuées de pertinence dans le cadre du présent litige, et il en est de même de celles qui ne mentionnent aucune date antérieure à la date certaine de création des oeuvres revendiquées telle que résultant des éléments versés au débat par M. S.,

- la représentation de La Joconde réalisée par le photographe Richard U. apparaît ainsi avoir été publiée en 2012 et 2013 postérieurement à celle de M. S. datant de 2011 ainsi qu'il ressort des mentions d'un extrait d'une anthologie Geek-Art de Thomas O., et elle donne, en tout état de cause, à voir de tous autres choix de couleurs, ainsi que de formes tant de la tête que du haut de la robe et des yeux du personnage,

-de même la représentation par M. S. en couleur d'un personnage Playmobil coupé en deux présentant dans un jeu de lumière particulier sur la moitié droite son anatomie par la figuration des os et des principaux organes, comme s'il était soumis à une radiographie partielle, est distincte de celle du dessin en noir et blanc d'une figurine Playmobil, sans aucun jeu de lumière évoquant sa matière plastique et ne montrant sur sa moitié gauche que des os, inséré dans une page publiée en 2013 constituant une réinterprétation par Richard U. d'une note d'un carnet de croquis de Léonard de Vinci. L'oeuvre Squelette de M. S. se distingue tout autant de l'oeuvre d'autres artistes tel que Jason F. présentant une moitié d'anatomie de personnages très différents par leur forme utilisant en particulier les physionomies distinctes d'autres jouets connus telles celles de personnages Lego.

Il en résulte que si divers artistes notamment du courant dit Geek Art ont entendu utiliser dans leurs oeuvres des jouets connus, leurs réalisations produisent des impressions radicalement distinctes y compris pour la représentation de mêmes personnages célèbres ou d'une même idée telle la représentation d'un squelette partiel.

Par ailleurs M. S. produit une facture des portraits de Superman et Wonderwoman de 2011 avec la justification du paiement correspondant, et il n'est nullement démontré que les personnages playmobil comprenaient précédemment ces superhéros dès lors qu'aucune des pièces représentant de tels jouets ne mentionne de date de création, de présentation ou de publication, tandis que la représentation de vêtements traditionnels de ces deux superhéros connus du public apparaît avoir été adaptée à la physionomie particulière de figurines de type Playmobil représentées par M. S. avec des jeux de lumières et reflet particuliers.

Aucune pièce ne rappelle enfin d'une quelconque manière la représentation revendiquée de Madame R. publiée antérieurement aux faits reprochés, et au plus tard en 2013 ainsi qu'il ressort d'un extrait d'une page Facebook produite par M. S. (pièce 15-2). Il sera ajouté que les tableaux de M. S. tant de Madame R. que de La Joconde se distinguent des célèbres tableaux de ces personnes, notamment par la présentation de face et non de trois quarts des visages, d'yeux ronds et des jeux de lumières et reflets particuliers évoquant anachroniquement les personnages en plastique Playmobil tout en conférant à chacune de ces oeuvres une ambiance spécifique.

Force est de constater, au terme de cet examen de l'ensemble des pièces versées au débat, que si certains des éléments qui composent chacune des quatre oeuvres revendiquées sont effectivement connus (utilisation d'éléments rappelant un jouet Playmobil ainsi qu'un tableau classique ou un personnage identifiable préexistant) et que, pris séparément, ils appartiennent au fonds commun de l'univers du détournement d'objets, oeuvres célèbres ou figures cultes, ou s'inscrivent dans un courant dit Geek Art né au début des années 2000 utilisant des références ou symboles populaires et classiques, leur combinaison telle que réalisée pour chacune d'entre elles par M. S., dès lors que l'appréciation de la cour doit s'effectuer de manière globale pour chaque oeuvre en cause, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par l'agencement de ses différents éléments et non par l'examen de chacun d'eux pris individuellement, confère à chacune de ces quatre représentations de personnages, dénommées respectivement Superhéros, Squelette, Madame R. et La Joconde, une physionomie particulière qui la distingue tant des jouets qu'elle évoque que d'autres utilisations de tels jouets ou de créations du même genre et qui traduit un parti-pris esthétique empreint de la personnalité de son auteur.

Par voie de conséquence, les oeuvres telles que revendiquées par M. S. sont dignes d'accéder à la protection instituée au titre du droit d'auteur et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Il n'est pas discuté que ces oeuvres préexistaient à la réalisation contestée de Mme S.-H. figurant sur une barrique de vin de société Puech Haut de la collection 'Bib'art' qui a fait l'objet d'expositions notamment en France dans le cadre d'un événement dénommé meeting Art Objectif et sur les tonnelets de 3 litres que cette société commercialise, représentés sur son site internet.

Les premiers juges ont exactement relevé les ressemblances existants entre les cinq personnages peints par Mme S.-H. sur un fond uni bleu vif et chacune des quatre oeuvres revendiquées de M. S..

Le fond peint par Mme S.-H. pour conforter un renvoi à l'univers Playmobil et la réunion des personnages dans un même visuel n'altèrent aucunement l'impression produite par la reprise de chacune des oeuvres créées par M. S. pas plus que les quelques différences de détail telles une couleur globalement plus claire, une moindre régularité du trait ou de petites modifications de couleurs dont une note plus verdâtre de la partie squelette et plus vive de l'anatomie de ce personnage, une prolongation de la représentation de la partie inférieure du personnage de La Joconde avec l'apposition à sa droite de la signature 'E. S.-H.', ou encore d'infimes modifications telle la dimension du reflet soulignant le bandeau étoilé du personnage féminin de Superhéros.

Il s'infère de la comparaison à laquelle la cour a procédé des oeuvres en cause, que la réalisation faite par Mme S.-H. et commercialisée par la société Puech Haut intitulée 'Bib'Art - S.-H.' donne à voir, à l'instar des créations originales de M. S., les mêmes personnages dans une position, des couleurs et proportions, des habits ou costumes ou présentation d'une moitié anatomique apparaissant identiques ou quasi identiques, montrant les mêmes choix de transposition de figurines Playmobil, dans une même combinaison des caractéristiques essentielles de chacune des quatre oeuvres telles que revendiquées, et, qu'elle produit enfin, au côté de ces dernières, une telle impression de ressemblance que M. S. intimé est fondé à conclure à leurs reproductions quasi serviles.

Il résulte de ces observations que Mme S. H. ne saurait valablement prétendre que sa réalisation pour la société Puech Haut constituerait une oeuvre originale au sens du droit d'auteur. En revanche la contrefaçon, définie à l'article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle, par la représentation, la reproduction ou l'exploitation de l'oeuvre faite sans le consentement de l'auteur est en l'espèce caractérisée à la charge tant de Mme S. H. que de la société Puech Haut et le jugement entrepris mérite confirmation de ce chef.

Sur concurrence déloyale et de parasitaire

Les faits de contrefaçon étant retenus, il n'y a pas lieu d'examiner les demandes formées à titre subsidiaire pour concurrence déloyale et parasitaire.

M. S. forme par contre des demandes distinctes à ce titre invoquant un effet de gamme ou parasitisme du fait de la réunion sur un seul visuel d'oeuvres différentes, et la participation de Mme S.- H. à des salons et expositions en qualité de créatrice.

Toutefois, le fait que soient reproduites les quatre oeuvres Superhéros, Squelette, Mme R. et La Joconde revendiquées sur un même visuel ne constitue pas un acte distinct de la contrefaçon desdites oeuvres.

Par ailleurs le simple fait qu'un article de presse du 22 mai 2015 indique que l'artiste 'Eponine S. -H.' présentera 'ses Bib'Art Playmobil, du domaine de Puech-haut' dans un salon international de collectionneurs Playmobil et qu'un autre indique qu'elle y 'dédicacera ses oeuvres' ne saurait suffire à caractériser à son encontre des actes distincts de la contrefaçon.

M. S. sera dès lors débouté de ses demandes pour des actes de concurrence déloyale et parasitaire distincts et la décision dont appel sera confirmée de ce chef.

Sur les mesures réparatrices

Il ressort du dossier que la société Puech Haut a demandé à Mme S. H. de réaliser le décor d'une barrique et que la contrefaçon ainsi réalisée a été utilisée pour la communication à des fins commerciales de la société Puech Haut et a permis à Mme S.-H. d'être contactée pour le salon précité ainsi qu'il ressort d'un courriel produit par la société Puech-Haut. Cette dernière et Mme S. H. ont ainsi chacun contribué au préjudice subi par M. S. du fait des actes de contrefaçon et doivent dès lors être tenus in solidum d'en assurer la réparation, étant rappelé qu'en matière d'atteintes au droit d'auteur, la fixation des dommages et intérêts est soumise aux dispositions de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle.

Les demandes indemnitaires de M. S. tendent à la réparation d'atteintes patrimoniales et extrapatrimoniales et d'un préjudice moral et ne se fondent pas expressément sur les dispositions alternatives de l'alinéa 2 de l'article précité.

Il convient donc, conformément aux dispositions de l'aliéna 1 de cet article, pour fixer les dommages et intérêts, sans qu'il y ait lieu à condamnations séparées à ce titre, de prendre en considération distinctement dans l'ordre fixé par le législateur les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.

S'agissant de la perte subie, même si Mme S.-H. n'a reçu aucune somme d'argent pour sa réalisation, M. S. est fondé à invoquer des conséquences négatives de l'atteinte à ses droits du fait d'un risque de dévalorisation de ses créations à raison de leur banalisation et de leur large diffusion par la société Puech-Haut pour habiller des contenants aux fins de commercialisation de son vin. Par surcroît, le caractère quasi servile des copies de ses personnages y contribue nécessairement. Il sera toutefois relevé que M. S. n'établit pas l'existence d'une perte particulièrement significative de la valeur patrimoniale de ses oeuvres dès lors qu'il indique que l'attention dont il a fait l'objet en 2015 lui a permis de vendre une simple reproduction pour un prix 2 500 euros ce qui correspond à une facturation du 16 octobre 2017 postérieure aux faits reprochés d'une peinture sur toile précédemment facturée le 8 novembre 2013 pour un prix de 5 000 euros. De même il peut être noté que la facturation de 2011 de chacun des portraits de Superman et Wonderwoman s'établissait à 770 euros et que la facturation du 3 avril 2019 d'une impression sur toile de l'oeuvre Squelette, aussi dénommée Kaws, pour un montant de 800 euros demeure comparable.

M. S. a incontestablement subi un préjudice moral du fait d'une réalisation portant la signature de Mme S.-H. sans référence aucune à son nom portant atteinte à son droit à la paternité. Ses créations sont dénaturées par leur présentation apparaissant moins travaillée et surtout par leur réunion non voulue par lui sur un même support de couleur vive à des fins de vente d'un vin. A cet égard il sera observé que si M. S. a effectivement pu réaliser d'autres oeuvres figurant un champion montrant usuellement outre son trophée une bouteille de champagne ou revisitant un tableau de genre intitulé 'Un bar aux Folies Bergères' présentant des bouteilles d'alcool, il a manifestement entendu privilégier la mise en scène de personnages évoquant des jouets et nullement promouvoir des produits alcoolisés.

Enfin la société Puech Haut a incontestablement économisé l'achat des oeuvres que M. S. commercialise comme leurs produits dérivés, pour décorer une barrique et promouvoir ses produits, et économisé un investissement intellectuel de Mme S. H. qui n'a pas eu à créer les personnages qu'elles a peints sur la barrique et qui a profité de la promotion de cette barrique. Par ailleurs, la société Puech Haut fait état d'un prix moyen de vente d'un tonnelet Bib Art de12,55 euros entre 2008 et 2017 ce qui n'apparaît pas contredit par le tarif unitaire encaissé auprès du détaillant ayant permis l'acquisition faite par M. S. d'un des tonnelets litigieux, mais conforté par une attestation de l'expert comptable du 11 mai 2018 qui précise en outre que le prix de revient moyen d'un Bib'Art est de 8,78 euros HT. La société Puech Haut précise que si elle a fait fabriquer 7328 enveloppes de contenants Bib'Art présentant la reproduction litigieuse pour moins de 5% de sa production de vin, la vente a été arrêtée dès la délivrance de l'assignation. Elle ajoute que la numérotation des tonnelets est indépendante de leur décor, la commande des enveloppes qui présentent les décors étant faite en un seul lot pour trois décorations différentes et le coût facturé étant également indépendant du décor appliqué, ce qui ressort en particulier des éléments traduits émanant du fournisseur des dites enveloppes et d'un constat des enveloppes entreposées, et permet de retenir comme les premiers juges en première instance la vente de 5 809 tonnelets litigieux nonobstant une numérotation supérieure du tonnelet acquis par M. S. portant le numéro 5 835. Il convient également de tenir compte du fait que le réseau de distribution de la société Puech-Haut comprend plus de 800 points de vente et que le tonnelet litigieux a connu du succès du fait de sa décoration. Toutefois, la clientèle de la société viticole Puech Haut attirée par un contenant pouvant constituer un objet de décoration ou de collection procède à son achat à tout le moins également à raison du contenu représentant 3 litres de vin. Il sera par ailleurs observé qu'aucune pièce ne permet de considérer que la marge bénéficiaire de 20% retenue par le tribunal serait inférieure au taux des redevances sur les bénéfices générés qui auraient été dus s'il avait été demandé à M. S. l'autorisation d'utiliser les droits auxquels il a été porté atteinte.

En l'état de ces éléments pris distinctement quant aux conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits pour M. S., au préjudice moral de ce dernier et aux bénéfices, réalisés par la société Puech Haut en ce compris les économies d'investissement auxquelles Mme S.-H. a contribué, la cour estime que les dommages et intérêts doivent être fixés à la somme globale de 20 000 euros laquelle répare entièrement le préjudice subi sans qu'il y ait lieu à mesure de publication à titre de réparation complémentaire.

La mesure d'interdiction et l'injonction de destruction telles que prononcées par les premiers juges sont justifiées dans leur principe et pertinentes dans leurs modalités au regard de la nécessité de prévenir tout éventuel renouvellement des actes illicites et elles seront purement et simplement confirmées, sans qu'il y ait lieu d'y ajouter ni de prononcer d'astreinte.

Sur la demande de garantie et les frais

La société Puech Haut expose que Mme S.-H. connaissait l'usage qui pouvait être fait de son oeuvre et produit à cet égard un bon pour accord signé. Elle ajoute que cette artiste qui a peint les 'customs Playmobil' sur un Bib'Art par elle signé et qui aurait dédicacé sur le fond un certain nombre de mini barriques ne lui a jamais indiqué avoir utilisé les oeuvres d'un autre artiste peintre. Il n'est par ailleurs pas dénié que Mme S.-H. a reçu pour sa réalisation 84 bouteilles de vin d'une valeur totale d'environ 1 250 euros.

Les premiers juges ont toutefois exactement retenu que la société Puech Haut a agi en sa qualité de professionnel du commerce. Force est de constater qu'elle a bénéficié dans ce cadre de la contrefaçon réalisée. Le seul fait qu'elle ait entendu s'adresser à une artiste peintre, sans d'ailleurs accorder de rémunération autre que la remise gracieuse de bouteilles de vin de prestige ni conclure de contrat écrit de cession de droit d'auteur, et que l'artiste ait signé sa peinture contrefaisante, ne saurait dès lors suffire à justifier son recours en garantie à l'encontre de Mme S.-H..

La décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté la société Puech Haut de sa demande de ce chef.

L'équité et la situation économique des deux parties condamnées, telle qu'elle ressort des débats, justifie de mettre à la charge de la seule société Puech Haut le montant déterminé par la cour au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. S., outre les dépens sans qu'il y ait lieu toutefois d'y inclure des frais de constat internet non judiciairement autorisé.

PAR CES MOTIFS ,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en celles relatives aux condamnations à dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Vu l'article L 331-1-3 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle,

Fixe les dommages et intérêts dus à M. S. au titre de la contrefaçon de ses droits d'auteur à la somme de 20 000 euros et condamne in solidum la société Puech Haut et Mme S.-H. L. à lui payer cette somme ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne la société Puech Haut aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Me Thibault L. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser à M. S. une somme complémentaire de 4 000 euros au titre de l'article 700 dudit code pour ses frais irrépétibles d'appel.