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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 24 janvier 2014, n° 11/16717

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société de droit américain LEGENDE LLC, M. (D) , (E) D. L.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Marie-Christine AIMAR

Conseillers :

Madame Sylvie NEROT, Madame Véronique RENARD

Avocats :

Maître Philippe G., Maître Randy Y.

Paris, du 13 Juin 2007

13 juin 2007

ARRET :

Contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur Truc Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

Alberto D. G., dit K., est l'auteur de la photographie mondialement connue du leader politique cubain d'origine argentine Ernesto G., dit CHE G., intitulée 'le guérillo héroïque' mais communément désignée comme représentant 'le CHE au béret et à l'étoile', prise en 1960 à LA HAVANE.

Selon un accord conclu à La Havane le 25 mai 1995, K. a cédé à titre exclusif à Patrick M., pour une durée de 10 ans et dans le monde entier, le droit de reproduction et de diffusion de la photographie sur tous supports, avec la faculté de concéder des sous licences en vue d'une exploitation commerciale de la dite photographie et de procéder au dépôt, dans tous pays, de cette photographie à titre de marque.

K., décédé le 25 mai 2001, a désigné sa fille, Madame Diana Evangelina D. L., comme légataire universelle de sa succession, et cette dernière indique donc disposer depuis cette date de l'ensemble des droits afférents à la photographie en cause, et a dans ce contexte prorogé de trois ans, soit jusqu'au 25 mai 2008, la licence d'exploitation concédée à Patrick M..

Ce dernier a cédé une licence non exclusive d'utilisation de la photographie à la société de droit américain LEGENDE LLC par contrat du 14 avril 2002, pour une durée d'un an renouvelable par convention tacite pour une même durée.

La société AEDIS a pour activité principale, selon son extrait K-Bis, l'édition de livres et distribue une collection de courts ouvrages destinés à la jeunesse sous le nom 'Petits Guides', et expose avoir conçu en 2000 puis commercialisé, un ouvrage éponyme de 8 pages sur la vie du CHE G. et à visée pédagogique.

Madame D. L., Patrick M. et la société LEGENDE LLC, faisant grief à la société AEDIS d'utiliser, en la dénaturant, sur la couverture et sur une page intérieure de cet ouvrage la photographie de K., ont, après une mise en demeure du 21 octobre 2004 restée infructueuse, fait assigner par acte du 30 novembre 2004 la société AEDIS devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et en contrefaçon de la marque communautaire reproduisant la photographie et déposée par Patrick M. et enregistrée sous le n° 002 550 036.

Par jugement contradictoire du 13 juin 2007, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de PARIS a :

- débouté la société LEGENDE LLC de sa demande au titre de la contrefaçon de ses droits patrimoniaux portant sur la photographie dite du 'Che au béret et à l'étoile' dont K. est l'auteur,

- dit qu'en reproduisant la dite photographie en couverture et à l'intérieur de l'ouvrage de la collection Petit Guide intitulé 'CHE G.', sans mention du nom de K. et en dénaturant l'oeuvre par colorisation et recadrage, la société AEDIS a porté atteinte au droit moral de l'auteur dont Madame D. L. est titulaire,

- débouté Patrick M. de sa demande formée au titre de la contrefaçon de la marque communautaire n° 002 550 036 dont il est propriétaire,

- condamné la société AEDIS à verser à Madame D. L. la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- enjoint à la société AEDIS, dans les éditions à venir de l'ouvrage 'CHE G.' publié dans la collection Petit Guide, de mentionner le nom de K. en qualité d'auteur de la photographie et de restituer à l'œuvre son aspect original,

- condamné la société AEDIS à verser à Madame D. L. la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société AEDIS aux entiers dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier du 21 octobre 2004.

Par déclaration déposée au greffe en date du 26 septembre 2007, Madame D. L., Patrick M., et la société LEGENDE LLC ont formé appel de ce jugement.

Par décision du 10 septembre 2008, la Cour d'appel de Paris (4ème chambre - section A) a confirmé en toutes ses dispositions le jugement de première instance, sauf, au regard de l'évolution du litige et du choix de la société AEDIS de supprimer les reproductions litigieuses, en ce qu'il a enjoint à la société AEDIS de mentionner le nom de K. en qualité d'auteur de la photographie et de restituer à l'œuvre son aspect original dans les éditions à venir de l'ouvrage, a débouté les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile , et a condamné Madame D. L., Patrick M. et la société LEGENDE LLC aux dépens de la procédure d'appel.

Par arrêt du 12 juillet 2011, la Cour de cassation saisie par Madame D. L., Patrick M., et la société LEGENDE LLC, après avoir constaté que Patrick M. étant décédé le 20 août 2007, ses héritiers, Monsieur Jean M., Madame Jacqueline M. et Madame Martine M. (ci-après les consorts M.) sont intervenus à la procédure, a d'une part, constaté que l'action en contrefaçon de la marque communautaire n° 002 550 036 était devenue sans fondement, un arrêt du même jour ayant rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 21 novembre 2008 annulant cette marque, et d'autre part, cassé, au visa de l'article 1134 du code civil , l'arrêt rendu le 10 septembre 2008 mais seulement en ce qu'elle a rejeté la demande formée au titre de l'atteinte aux droits patrimoniaux, aux motifs que la Cour avait dénaturé les termes du contrat passé le 25 mai 1995 entre K. et Patrick M., remis en conséquence remis sur ce point la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et pour être fait droit, a renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.

La cour, autrement composée, a été saisie par Madame D. L., les consorts M. et la société LEGENDE LLC par déclaration de saisine remise au secrétariat du greffe le 11 août 2011.

Par leurs dernières écritures signifiées par voie électronique le 31 octobre 2013, auxquelles il est expressément renvoyé, la société LEGENDE LLC, Madame Angelina D. -L. et les consorts M. demandent à la Cour, au visa de la Convention de Bruxelles de 1968, du Règlement (CE) du 22 décembre 2000, des articles L.121-1 et 122-4 et suivants ainsi que de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle , des articles L.713-1 et suivants et L.716-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle (sic), et de l'article 1382 du code civil, et en ces termes, de :

- les déclarer recevables et bien fondées en leurs demandes d'appel,

- débouter (et en réalité déclarer) irrecevable et mal fondé l'ensemble des moyens, prétentions, demandes, conclusions et pièces de l'intimée,

- confirmer le jugement du 13 juin 2007 en ce qu'il a confirmé l'intérêt et la qualité à agir des appelants et a dit qu'en reproduisant la photographie en couverture et à l'intérieur de l'ouvrage de la collection Petit Guide intitulé 'CHE G.', sans mention du nom de K. et en dénaturant l'œuvre par colorisation et recadrage, la société AEDIS a porté atteinte au droit moral de l'auteur dont Madame D. L. est titulaire,

- infirmer le jugement du 13 juin 2007 en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande formée au titre de la contrefaçon de leurs droits patrimoniaux portant sur la photographie du CHE dont K. est l'auteur,

- dire et juger que Alberto D. G., dit K., est l'auteur de la photographie dite du 'CHE au béret et à l'étoile',

- dire et juger que la société AEDIS a reproduit et dénaturé la PHOTO sur la couverture (avec une décapitation de la tête du CHE) et à l'intérieur du Petit Guide n°77 édité par la société AEDIS,

- dire et juger que la société AEDIS n'a pas respecté l'injonction faite par le Tribunal de grande instance de Paris dans son jugement en date du 13 juin 2008 de : 'dans les éditions à venir de l'ouvrage 'CHE G.' publié dans la collection Petit Guide, mentionner le nom de K. en qualité d'auteur de la photographie et restituer à l'oeuvre son aspect original',

- dire et juger que la société AEDIS a continué d'utiliser les Petits Guides n°77 qui reproduisent en page de couverture la PHOTO dont K. est l'auteur, notamment dans ses documents publicitaires de l'année 2008 afin de présenter ses produits,

- dire et juger que la société AEDIS a continué de commercialiser et de vendre, par le biais de ses distributeurs, les Petits Guides n°77 qui reproduisent en page de couverture la PHOTO dont K. est l'auteur,

- dire et juger que les manœuvres procédurales abusives et les mensonges proférés par la société AEDIS, en manipulant son expert-comptable et les huissiers, sont constitutifs d'un comportement extrêmement fautif et grave, déjà condamné par la Cour de céans (sic),

- dire et juger que l'attestation de l'expert comptable de la société AEDIS est dépourvue de valeur probante,

- dire et juger que le procès-verbal de constat d'huissier en date des 22 et 23 mai 2008 ne respecte pas les mesures techniques préalables requises à tout constat d'huissier sur Internet et est, par conséquent, dépourvu de valeur probante,

- dire et juger que le procès verbal de constat d'huissier en date du 11 octobre 2007 est illisible et incomplet car il ne comporte aucune photographie et aucune copie du produit litigieux à l'appui des affirmations de l'huissier et est irrecevable, dépourvu de valeur probante et doit être écarté des débats,

- dire et juger que l'utilisation dénaturée de la photographie faite par la société AEDIS (avec une tête du CHE décapitée) ne respecte pas la volonté de K., laquelle était de recevoir une contrepartie financière pour l'exploitation commerciale et publicitaire de sa photographie,

- dire et juger que la société AEDIS s'est rendue coupable de contrefaçon des droits portant sur la photographie, portant ainsi atteinte aux droits d'auteur moraux et patrimoniaux, détenus par Madame D. L., la société LEGENDE LLC et les consorts M., héritiers de Monsieur Patrick M., en leur causant des préjudices, rendus considérables par la commercialisation des produits,

- écarter des débats l'attestation de l'expert comptable de la société AEDIS ainsi que les procès-verbaux de constat en date du 11 octobre 2007 et des 22 et 23 mai 2008 produits par l'intimée,

- concernant le préjudice patrimonial, condamner :

* à titre principal, la société AEDIS à payer collectivement aux appelants la somme de 35.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour les préjudices matériels subis,

* à titre subsidiaire, condamner la société AEDIS à payer collectivement aux appelants la somme de 30.079,32 euros, correspondant à la moitié de la marge brute sur le chiffre d'affaire réalisé par la vente de 22.885 exemplaires des ouvrages litigieux, à titre de dommages et intérêts pour les préjudices matériels subis,

* à titre très subsidiaire, condamner la société AEDIS à payer collectivement aux appelants la somme de 25.672,075 euros (sic), correspondant à la moitié de la marge brute sur le chiffre d'affaire réalisé par la vente de 19.385 exemplaires des ouvrages litigieux, à titre de dommages et intérêts pour les préjudices matériels subis,

* à titre infiniment subsidiaire, dans le pire des cas de figures (sic), condamner la société AEDIS à payer collectivement aux appelants la somme de 18.402 euros, correspondant à la marge brute, c'est-à-dire les bénéfices réalisés, sur la vente des 17.385 exemplaires des ouvrages litigieux, à titre de dommages et intérêts pour les préjudices matériels subis,

- concernant le préjudice moral, condamner la société AEDIS à payer à Madame D. L. la somme de 15.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour les préjudices moraux subis,

- faire interdiction à la société AEDIS de reproduire, de publier, d'utiliser et de diffuser, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, la photographie originale du Che prise par K., sous astreinte de 250 euros par jour pour chaque infraction constatée à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société AEDIS à la publication de l'arrêt, à ses frais, dans trois journaux de publication nationale de leur choix, le coût global de ces publications ne pouvant excéder 7.500 euros TTC chacune, et dans un délai de cinq jours pour verser le prix TTC. des publications, sur simple présentation du devis pour lesdites publications,

- condamner la société AEDIS à verser à chacun des appelants la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel ayant donné lieu à l'arrêt cassé du 10 septembre 2008 et 3.000 euros à chacun des appelants dans le cadre de la présente instance d'appel après renvoi par la Cour de cassation,

- condamner la société AEDIS aux entiers dépens de première instance, d'appel et de cassation, notamment au titre des frais des constats d'huissier, des frais de traduction des pièces relatives à cette procédure et des frais d'avoué dus à la présente procédure d'appel, dont le recouvrement direct au profit de leur conseil.

Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 6 novembre 2013, la société AEDIS demande à la Cour, de :

- la recevoir en sa demande et la déclarer bien fondée,

- rejeter toutes les demandes devenues définitives par absence de cassation de ces points par la Cour de Cassation en suite de son arrêt du 12 juillet 2011, à savoir les demandes formées par Madame Diana Evangeline D. L. au titre du non-respect des droits moraux d'auteur et les demandes indemnitaires attachées, les demandes de publication et d'astreinte, les demandes d'article 700 du Code de Procédure Civile et les demandes de condamnation à tous dépens liés notamment aux frais de traduction, etc...(sic),

- concernant le préjudice patrimonial après avoir constaté que :

* la Société AEDIS, maison d'édition provinciale à caractère familial, est un justiciable de bonne foi,

*l'ouvrage en litige n'est pas un produit de grande consommation, qu'il n'est pas commercialisé à grande échelle, que l'illustration en litige n'est pas destinée à promouvoir l'ouvrage, ni la Société AEDIS,

* l'ouvrage est un documentaire spécialement consacré à la mémoire de CHE G. et à l'histoire de Cuba dans la droite ligne de la déontologie de K. qui n'était dès lors, pas opposé à cet usage de la photo,

* cette représentation, à laquelle K. avait de son vivant donné son aval, n'a pas dénaturé la photo revendiquée par les demandeurs,

* le Petit Guide en litige a été entièrement refondu et retiré du circuit de distribution,

* les demandeurs n'ont pas rapporté la preuve d'un quelconque préjudice au plan des droits patrimoniaux qui, en l'occurrence, ne peuvent pas être revendiqués collectivement et concomitamment,

à titre principal :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 13 juin 2007 et donc débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires basées sur le préjudice patrimonial qu'ils évoquent,

à titre subsidiaire,

- limiter la condamnation à la somme de 5.443,00 euros conforme à l'attestation de l'expert-comptable, à défaut d'avoir sollicité une mesure d'expertise mettant à néant cette attestation, et au plus à une somme qui ne pourra excéder 6.000 euros,

en tout état de cause,

- rejeter les demandes de publication de la décision et confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris, le l3 juin 2007,

- rejeter les demandes d'article 700,

- dire et juger définitif le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris, le 13 juin 2007 lequel n'a pas mis à charge de la société AEDIS les frais de constat d'huissier, de traduction de pièces et rejeter les demandes à ce titre des appelants,

- condamner solidairement la société LEGENDE LLC, les héritiers de Patrick M. et Madame Diana Evangeline D. L. à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner solidairement la Société LEGENDE LLC, les héritiers de Patrick M. et Madame Diana Evangeline D. L. aux entiers dépens de Première Instance et d'Appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 novembre 2013.

SUR CE,

Sur l'étendue de la saisine de la cour de renvoi après cassation :

Considérant que selon l'article 638 du code de procédure civile , à la suite d'un arrêt de cassation, 'l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation' ;

Qu'en l'espèce l'arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2011 n'ayant cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 10 septembre 2008 qu'en ce qu'il a rejeté la demande formée au titre de l'atteinte aux droits patrimoniaux, la présente cour statuant en tant que cour de renvoi n'est donc saisie que de cette question atteinte par la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur les autres points pourtant largement développés dans les écritures de chacune des parties, à savoir la protection de la photographie revendiquée par le droit d'auteur français, la titularité des droits d'auteur et l'intérêt à agir de la société LEGENDE LLC, des consorts M. et de Madame Diana Evangeline D. L. ainsi que le droit moral de cette dernière ;

Considérant par ailleurs qu'il convient de rappeler que selon l'article 954, alinéa 2 du code de procédure civile 'la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ' ;

Qu'aucune fin de non recevoir au sens de l'article 122 du Code de Procédure Civile n'étant invoquée, dans le cadre de la saisine de la cour, par les appelants ou contre les appelants aux termes du dispositif des dernières écritures des parties, il n'y a pas lieu non plus de statuer de ces chefs ;

Que pour le même motif il n'y a pas lieu à statuer sur la demande des appelants contenue dans le seul corps de leurs conclusions (page 26) et non reprise dans leur dispositif, et tendant à voir rejeter l'interview versée aux débats par la société défenderesse en pièce n°3 ;

Sur la demande de rejet de pièces :

Considérant qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats l'attestation de l'expert comptable de la société AEDIS ainsi que les procès-verbaux de constat en date du 11 octobre 2007 et des 22 et 23 mai 2008 produits par l'intimée, le caractère lisible, complet ou probant de ces pièces restant soumis à l'appréciation de la cour sans être un motif de rejet desdites pièces des débats ;

Sur l'atteinte aux droits patrimoniaux d'auteur :

Considérant que selon l'article L 335-3 du Code de la propriété intellectuelle , la contrefaçon est caractérisée, indépendamment de toute faute ou mauvaise foi, par toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une œuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi ;

Qu'au titre des droits patrimoniaux, l'article L 122-4 du même Code dispose que 'Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. (...)' ;

Considérant en l'espèce, que les appelants poursuivent l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes fondées sur les droits patrimoniaux de K., au motif que la volonté de l'auteur était de permettre une reproduction libre dès lors que cette reproduction participait à la mémoire de CHE G. et aux idées de K. ; qu'ils font valoir en substance sur ce point que, dans le contrat du 25 mai 1995 passé avec Patrick. M., K. a clairement spécifié que sa volonté était dès lors d'obtenir rémunération en cas d'exploitation de sa photographie et que les premiers juges n'avaient pas, dans ces conditions, la possibilité de d'interpréter le contenu du contrat ni la volonté des parties ;

Qu'au terme d'un grand nombre d'observations, de rappels et de questions restées sans réponse, la société AEDIS invoque sa bonne foi, l'absence de caractère publicitaire ou commercial du visuel figurant sur l'ouvrage en litige, l'absence de commercialisation à grande échelle et le fait que 'le documentaire en litige' n'est pas un produit de grande consommation ;

Que toutefois, étant rappelé que la bonne foi, à la supposer établie, est inopérante en la matière, il est constant que la société d'édition AEDIS a reproduit la photographie en cause en couverture et en page intérieure d'un ouvrage de sa collection Petit Guide consacré à CHE G., publié au premier trimestre 2001 et dont les appelants ont fait l'acquisition les 21 octobre 2004, 23 décembre 2004 et 19 septembre selon le constat d'achat et les tickets de caisse versés aux débats ;

Or considérant que K., après avoir rappelé, dans le contrat du 25 mai 1995, qu'il était l'auteur et unique propriétaire de la photographie en cause et constaté que celle-ci était 'un objet d'utilisation désincarnée, soumis à aucune autorisation ni paiement d'aucun droit, ni à aucun contrôle de qualité', a expressément stipulé que 'pour faire respecter le bon usage de ladite photographie et interdire toute utilisation qui ne correspondrait pas à ses idéaux quant à sa représentation et afin d'en défendre les droits', il cédait à Patrick M. 'les droits d'exploitation, de reproduction et de diffusion' de celle-ci, 'sur tous les supports connus et inconnus à l'heure actuelle' et en particulier pour 'les livres, affiches, cartes postales, papeterie et articles dérivés de papeterie ou tout autre type de support papier', sa part des droits d'exploitation étant fixée à 50 % ;

Que dès lors il ne peut être déduit du contrat de cession que l'auteur a consenti à titre gratuit à toute forme d'exploitation de son œuvre dès lors qu'elle serait respectueuse de son propre engagement au service du leader politique et fidèle aux idéaux de celui-ci ;

Que Patrick M., et à ce jour ses héritiers, sont cessionnaires des droits d'auteur sur la photographie en cause, et la société AEDIS, en exploitant à des fins commerciales ladite photographie sans leur autorisation et sans versement d'une contrepartie financière, a porté atteinte à leurs droits patrimoniaux d'auteur ;

Considérant dès lors qu'il y a lieu d'infirmer le jugement du 13 juin 2007 en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formées de ce chef ;

Considérant en revanche qu'il y a lieu de constater que la société LEGENDE LLC est dépourvue de droits depuis le 14 avril 2004 selon les termes du contrat de licence versé aux débats qui ne contredits par aucun élément du présent dossier, et que Madame Diana Evangelina D. L. est quant à elle titulaire du seul droit moral de l'auteur en sa qualité d'héritière de K. ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la mesure d'interdiction sollicitée, en tant que de besoin et dans les termes indiqués au dispositif de la présente décision, compte tenu des mesures déjà prises par la société AEDIS qui a, dans une nouvelle édition dont le dépôt légal est intervenu au 3ème trimestre 2007, supprimé les photographies litigieuses ;

Considérant qu'il résulte des constatations de la Cour que les ouvrages de la collection 'Petit Guide' qui comporte actuellement 300 titres, se présentent sous la forme d'un dépliant de huit pages comportant des textes et des illustrations sur des sujets de culture générale, en particulier à caractère historique et se proposent d'enseigner aux jeunes, de manière didactique et attractive, l'essentiel des connaissances sur la question abordée ;

Que l'ouvrage incriminé, portant le titre 'CHE G.', montre à deux reprises, y compris sur la couverture, la photographie de K. telle que revendiquée ;

Que les longues observations des parties sur la portée du constat d'huissier du 21 octobre 2004 sont inopérantes dès lors que la société AEDIS ne conteste pas avoir consacré l'un de ses titres à CHE G. 'en illustrant ledit ouvrage de différents portraits de celui-ci', ce dans les conditions sus-indiquées ;

Qu'il résulte de la pièce 11 versée aux débats par l'intimée, certifiée par le cabinet Pascal E., expert comptable à Vichy, que 22.885 exemplaires du Petit Guide 'Che G.' ont été fabriqués, 17.385 ont été vendus, 600 mis au pilon et 4.900 sont restés en stock ; que le prix de vente distributeur est de 1,51 euros HT soit un chiffre d'affaires total HT de 26.251,35 euros, enfin que le coût de revient brut est de 5.979 euros ;

Que le constat d'huissier du 11 octobre 2007 produit également par l'intimée, révèle cependant qu'à cette date était détenus dans la réserve de la société AEDIS 7 cartons affichant chacun 350 exemplaires de la brochure litigieuse ;

Qu'enfin le prix public de l'ouvrage incriminé était de 3,05 euros ;

Qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, qui ne sont contredits par aucun autre probant, les appelants procédant à ce titre par simples affirmations lorsqu'ils indiquent notamment que l'ouvrage est également commercialisé à l'étranger via internet, tout en reconnaissant cependant que le site internet de la société AEDIS n'est pas un site marchand, il sera alloué aux consorts M. la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait des actes de contrefaçon commis à leur encontre ;

Considérant que l'ancienneté des faits et la réparation intégrale du préjudice des appelants par l'octroi des dommages-intérêts, justifient de ne pas faire lieu de droit à la mesure de publication qui est en outre sollicitée ;

Sur les autres demandes :

Considérant que la société AEDIS, partie perdante, doit être condamnée aux entiers dépens qui comprendront notamment ceux de l'arrêt cassé en date du 10 septembre 2008, à l'exclusion toutefois des frais de traduction des pièces dès lors qu'il n'est pas démontré que ces pièces ont été précisément traduites pour la présente instance, et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;

Qu'en outre elle doit être condamnée à payer aux consorts M., ensemble, qui ont dû engager des frais pour faire valoir leurs droits dans le cadre de la présente instance sur renvoi après cassation, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, le surplus des demandes étant rejeté

PAR CES MOTIFS,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 juin 2007 par le Tribunal de Grande Instance de Paris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes formées au titre de la contrefaçon des droits patrimoniaux sur la photographie dite 'le CHE au béret et à l'étoile' dont K. est l'auteur et enjoint à la société AEDIS, dans les éditions à venir de l'ouvrage 'CHE G.' publié dans la collection Petit Guide, de mentionner le nom de K. en qualité d'auteur de la photographie et de restituer à l'œuvre son aspect original,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit qu'en reproduisant la dite photographie en couverture et à l'intérieur de l'ouvrage de la collection Petit Guide intitulé 'CHE G.', sans autorisation, la société AEDIS a porté atteinte au droit patrimoniaux dont les consorts M. sont titulaires.

Interdit en tant que de besoin à la société AEDIS la poursuite de ces agissements, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passée un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision.

Condamne la société AEDIS à payer aux consorts M., ensemble, la somme de 20.000 euros de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon commis à son encontre.

Condamne la société AEDIS à payer à aux consorts M., ensemble, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Condamne la société AEDIS aux dépens qui comprendront notamment ceux de l'arrêt cassé en date du 10 septembre 2008, à l'exclusion toutefois des frais de traduction des pièces, et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile