Livv
Décisions

CA Nîmes, 1er ch., 4 août 2022, n° 21/00802

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Axa France (Sté), Allianz Benelux N.V. (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Toulouse

Conseillers :

Mme Leger, M. Maury

Avocats :

Me Tartanson, Me Sergent, Me Pomies Richaud, Me Pericchi, Me Duzer, Me Schillings

CA Nîmes n° 21/00802

3 août 2022

EXPOSE DU LITIGE

Mme [W] [C] a confié en 2010 à la société [J] et Feu Energie devenue Enairsol la fourniture et l'installation sur sa maison d'habitation d'un kit de panneaux solaires photovoltaïques de 14 modules Scheuten 210 WC permettant une production d'électricité par énergie renouvelable et la revente à EDF.

Le 21 septembre 2010, la société [J] et Feu a chiffré l'installation à 20 379,16 euros.

Le 22 novembre 2010, un devis de réfection de toiture a été parallèlement effectué pour un montant de 12 701,41 euros HT.

Un contrat de louage d'ouvrage a été passé entre les parties le 22 novembre 2010 concernant la pose et l'installation du générateur et réfection de la toiture pour un montant de 13 400 euros.

Le 17 décembre 2010, la facture de l'installation solaire a été établie pour un montant total de 21 500 euros TTC, Mme [C] ayant contracté le 28 avril 2011 un crédit auprès de la Caisse d'épargne, remboursable en 96 mensualités de 278,27 euros.

La société Enairsol était assurée en responsabilité décennale et responsabilité civile professionnelle auprès de la Maaf jusqu'en 2009 puis auprès de la compagnie d'assurance Axa à compter du 1er janvier 2010.

Les travaux débutés en mars 2011 ont été interrompus par l'entreprise en juin 2011, avant la fin du chantier.

À la fin du mois de juillet 2012, un dégât des eaux est intervenu par infiltrations en toiture. De l'expertise réalisée à l'initiative de l'assurance protection juridique de Mme [D] [O], il résultait le constat de nombreux désordres en toiture, tels le manque de tuiles, le défaut de montage du faîtage, des tuiles de rive, et concernant les panneaux photovoltaïques, la présence d'un « pianotage » des panneaux traduisant l'absence de traverses reliant les panneaux et un défaut total généralisé de fixation de ces derniers.

La société Enairsol a reconnu pour sa part de graves difficultés affectant les panneaux avec un risque d'incendie dû au dysfonctionnement des boîtiers électriques.

Par courrier du 7 février 2012, la société Scheuten Solar Holding a informé les installateurs de panneaux photovoltaïques, dont la société Enairsol, que les modules installés et vendus par elle pouvaient présenter un défaut au niveau de la boîte de jonction interne, défaut susceptible de créer un risque d'incendie, leur demandant d'effectuer une inspection des installations.

Confrontée à l'inertie d'Enairsol, Mme [C] a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 29 janvier 2014, a désigné M. [G]. L'expert a déposé son rapport le 30 juin 2014.

Quelques mois auparavant par acte du 1er juillet 2013, la société Enairsol a fait assigner devant le tribunal de commerce d'Avignon la société Scheuten Solar Holding BV, Maître [A] [P], mandataire liquidateur à la faillite de la société Scheuten Solar Holding BV, la compagnie Chartis Europe Limited devenue AIG Europe Limited, assureur RC de la société Scheuten Solar Holding BV, la société Scheuten Solar France, la société Groupe Sofemo devenue Cofidis, ainsi que ses 176 clients concernés par les panneaux Scheuten dont Mme [C], aux fins de :

- voir dire et juger que la société Scheuten Solar Holding BV a reconnu la défectuosité des panneaux solaires photovoltaïques qu'elle a livrés a la société Enairsol ;

- voir dire et juger que la défectuosité averée est particulièrement grave puisqu'elle affecte directement la sécurité des biens et des personnes ;

- voir dire et juger que la société Chartis est l'assureur responsabilité civile de la société Scheuten Solar Holding BV ;

En conséquence,

- condamner solidairement la société Scheuten Solar Holding BV et son assureur, la société Chartis à relever et garantir la société Enairsol de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son endroit au bénéfice de ses clients en raison de la défectuosité des modules de la société Scheuten Solar Holding BV ;

- condamner solidairement la société Scheuten Solar Holding BV et son assureur, la société Chartis à payer à la société Enairsol, la somme de 300 000 euros en raison de son préjudice caractérisé, outre le temps, l'énergie et les moyens matériels et humains qui ont été consacrés à la gestion de la situation de crise générée par la défectuosité des modules de son fournisseur, à son image et à sa réputation commerciale ;

- condamner solidairement la société Scheuten Solar Holding BV et son assureur, la société Chartis à payer a la société Enairsol la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile'.

Par acte du 22 novembre 2013, la société Enairsol a assigné devant la même juridiction, ses propres assureurs, les sociétés Maaf Assurances et Axa Assurances, afin d'obtenir leur garantie de toutes éventuelles condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Les deux instances ont été jointes par jugement du 9 decembre 2013.

Par jugement du 27 janvier 2014, le tribunal de commerce d'Avignon s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance d'Avignon.

Un contredit a été formé à l'encontre de cette décision par la société Enairsol.

Par arrêt du 2 octobre 2014, la cour d'appel de Nîmes a déclaré le contredit irrecevable.

L'affaire a donc été renvoyée devant le tribunal de grande instance d'Avignon.

Par jugement du tribunal de commerce du 9 juillet 2014, la société Enairsol a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, Maître [L] ayant été désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Par acte du 25 septembre 2015, la société AIG Europe Limited a appelé en garantie la société Alrack BV et son assureur responsabilité civile Alliance Benelux NV devant le tribunal de grande instance d'Avignon.

Par ordonnance du 24 mars 2016, la jonction de l'appel en garantie d'AIG Europe avec la procédure principale a été prononcée.

La société Alrack BV a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée par la juridiction néerlandaise le 12 avril 2016 avec désignation de Maître [M] en qualité de liquidateur judiciaire.

La société Scheuten Solar Holding BV a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée par la juridiction néerlandaise le 30 mars 2012 avec désignation de Maître [A] [P], en qualité de liquidateur judiciaire.

Les liquidateurs ont été appelés en cause.

Par ordonnance du 15 novembre 2016, le juge de la mise en état a ordonné la disjonction de l'instance enrôlée sous le numéro de RG 14/3809, les instances opposant :

- d'une part et pour chacune des nouvelles procédures :

la société Enairsol prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître [R] [L], aux fins d'être garantie de toute condamnation à son encontre, faisait assigner :

les sociétés Maaf Assurances et Axa Assurances, Scheuten Solar Holding representée par Maitre [A] [P], Scheuten Solar France, AIG Europe Limited Nederland venant aux droits de la société Chartis Europe Limited Nederland, assureur responsabilité civile de la société Scheuten Solar Holding BV, Alrack BV et son assureur Allianz Benelux NV ;

- et d'autre part en particulier :

Mme [C], la procédure la concernant étant enrôlée sous le numéro de RG 16/3873.

Le 1er décembre 2018, la société AIG Europe Limited a fait l'objet d'une fusion absorption par la société AIG Europe SA, qui est intervenue volontairement à l'instance.

Le tribunal judiciaire d'Avignon, par jugement réputé contradictoire du 18 décembre 2020, a :

- constaté que la société Kostal Industrie Elektrik GmbH, son assureur, HDI Gerling Industrie Versicherung AG, la société TUV Rheinland LGA Products GmbH et son assureur, HDI Gerling Industrie Versicherung AG, ne sont pas parties à la présente instance ;

- mis hors de cause la Maaf ;

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société AIG Europe SA ;

- déclaré recevables les demandes de Mme [D] [O] ;

- fixé la créance de Mme [C] au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Einairsol :

à la somme de 4 800 euros au titre du changement des boîtiers de panneaux solaires ;

à la somme de 23 280 euros au titre des travaux de reprise en toiture (remise en état toiture 20 400 euros + remise en état intérieur suite aux infiltrations 2 880 euros) ;

à la somme de 2 000 euros au titre du manque à gagner de production d'électricité jusqu'au 30 juin 2014, puis à 2 500 euros l'an à compter du 1er juillet 2014 jusqu'au complet paiement des travaux ;

à la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral ;

- déclaré la société Scheuten Solar Holding BV et la société Alrack BV solidairement responsables des préjudices de Mme [D] [O] ci-avant ;

- déclaré le présent jugement opposable à Maître [M] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Alrack BV et à Maître [A] [P], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Scheuten Solar Holding BV ;

- débouté Mme [C] de ses demandes à l'encontre d'Axa France Iard ;

- débouté Mme [C] de ses demandes à l'encontre de la société AIG Europe SA ;

- débouté Mme [C] de ses demandes à l'encontre de la société Allianz Benelux NV (anciennement Allianz Nederland Corporate NV) ;

- condamné Maître [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Enairsol aux dépens distraits au profit de la SCP Delran & Associés et de la SCP Gils Eydoux Peylhard conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- fixé la créance de Mme [C] au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Enairsol à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les société Allianz Benelux NV, Axa France Iard, Maaf et AIG Europe SA de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 25 février 2021, Mme [C] a interjeté appel de cette décision à l'encontre de la compagnie Axa France Iard, AIG Europe SA et Allianz Benelux NV. Moyens

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 mars 2022, Mme [C] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

Déclaré recevables ses demandes ;

Déclaré les société Scheuten Solar et Alrack solidairement responsables des préjudices par elle subis ;

et l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes dirigées à l'encontre des compagnies Axa France Iard, Allianz Benelux et AIG Europe SA.

Elle demande ainsi de juger son action recevable et de condamner les défenderesses sur le fondement de la responsabilité décennale et la responsabilité du fait des produits défectueux et de :

- condamner in solidum les sociétés AIG Europe Limited, Allianz Benelux, la compagnie Axa France Iard aux côtés de leurs assurés condamnés, à lui verser les sommes suivantes :

4 000 euros HT + TVA 20 %, soit 4 800 euros TTC au titre des travaux de changement des circuits imprimés des boîtiers des panneaux solaires ;

17 000 euros HT + TVA 20 % soit 20 400 euros TTC au titre des travaux de remise en état de la toiture ;

2 400 euros HT + TVA 20 % soit 2 880 euros TTC au titre des travaux de remise en état intérieur et embellissements ;

2 000 euros au titre du manque à gagner de production d'électricité depuis l'arrêt du circuit jusqu'au 30 juin 2014 ;

2 500 euros de production électrique par an à compter du 1er juillet 2014 jusqu'au complet paiement des travaux ;

2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Elle demande au surplus de débouter les intimés de leurs demandes de sursis à tout paiement et de les condamner au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'expertise judiciaire à hauteur de 1 860 euros ; enfin, à titre de dommages et intérêts complémentaires, en cas d'exécution forcée de la condamnation, le paiement des sommes correspondant au montant de l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 modifié par le décret n° 2001-212 du 8 mars 2001.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2021, la compagnie Axa demande à la cour de :

À titre principal,

- confirmer en tout point la décision critiquée ;

À titre subsidiaire,

- constater l'absence d'achèvement des travaux ;

- constater l'absence de réception des travaux réalisés par la société Enairsol ;

- constater que le marché travaux n'a pas été intégralement soldé par le maître de l'ouvrage ;

- statuer que le contrat RCD PRO souscrit auprès d'elle n'est pas mobilisable ;

- débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes ;

À titre très subsidiaire,

- constater que les boîtiers de connexion installés chez Mme [D] [O] sont de modèle Solexus, de marque Alrack ;

- constater l'absence de désordre de nature décennale ;

- statuer que le contrat RCD PRO souscrit auprès d'elle n'est pas mobilisable ;

- débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes ;

À titre plus subsidiaire

- statuer que le remplacement des boîtiers concernés, à titre préventif, est la solution la plus adaptée, dont le montant peut être évalué à la somme de 1 250 euros TTC ;

- condamner les sociétés Scheuten et Alrack BV et leurs assureurs respectifs, AIG Europe Limited et Allianz Benelux NV à la relever et garantir de toutes condamnations éventuelles ;

À titre infiniment subsidiaire,

25

CONFIRMER EN TOUT POINT LA DECISION CRITIQUEE.

À titre subsidiaire,

CONSTATER l'absence d'achèvement des travaux,

CONSTATER l'absence de réception des travaux réalisés par la société ENAIRSOL,

CONSTATER que le marché travaux n'a pas été intégralement soldé par le maître de l'ouvrage,

STATUER que le contrat RCD PRO souscrit auprès d'AXA n'est pas mobilisable.

DEBOUTER Madame [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

À titre très subsidiaire,

CONSTATER que les boîtiers de connexion installés chez Madame [D] [O] sont de modèle SOLEXUS, de marque ALRACK ;

CONSTATER l'absence de désordre de nature décennale ;

STATUER que le contrat RCD PRO souscrit auprès d'AXA n'est pas mobilisable.

DEBOUTER Madame [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre plus subsidiaire,

-statuer que le remplacement des boitiers concernés, à titre préventif, est la solution la plus adaptée, dont le montant peut être évalué à la somme de 1250 euros TTC.

-condamner les Sociétés Scheuten et Alrack BV et leurs assureurs respectifs, AIG Europe Limited et Allianz Benelux NV à la relever et garantir de toutes condamnations éventuelles.

A titre infiniment subsidiaire,

Si par impossible la Cour entre en voie de condamnation à son encontre et ne condamne pas les compagnies AIG et ALLIANZ à la relever et garantir de toute condamnation,

-statuer opposable à Madame [D] la franchise contractuelle stipulée dans les conditions particulières à savoir 3 000 euros ;

En toutes hypothèses,

-condamner la partie succombant à lui payer la somme de 3.000 euros au

Titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, distraits au profit de la SCP Delran & Associés sur son affirmation de droit.

 

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 mars 2022, la société AIG Europe SA, venant aux droits de la société AIG Europe Limited, elle-même venant aux droits de AIG Europe Nederland NV, demande à la cour de :

*à titre principal,

- infirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a :

Jugé Mme [C] recevable en ses demandes ;

Jugé les demandes de Mme [C] bien fondées au visa des articles 1792 et suivants du code civil et 1245 et suivants du code civil, dirigées à l'encontre de la compagnie AIG Europe SA ;

Jugé que les sociétés AIG Europe SA et Allianz Benelux NV sont solidairement responsables des préjudices allégués par Mme [D] [O] ;

Et statuant à nouveau,

- juger que Mme [C] n'est pas recevable à formuler des demandes à l'encontre de ses codéfendeurs en application des dispositions de l'article 64 du code de procédure civile ;

- juger Mme [C] mal fondée en ses demandes dirigées à son encontre, fondées sur les articles 1792 et suivants et 1245 et suivants du code civil ;

- juger la société Axa France Iard mal fondée en ses demandes dirigées à son encontre, fondées sur les articles 1245 et suivants du code civil ;

Par conséquent,

- juger irrecevables les demandes de Mme [D] [O] ;

- rejeter les demandes de Mme [D] [O] et de la société Axa France Iard dirigées à son encontre, car mal fondées ;

- la mettre purement et simplement hors de cause ;

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que les garanties de la police AIG n° 70.08.2229 ne sont pas applicables ;

Et, en conséquence,

- juger que la société Scheuten Solar Holding BV a souscrit une police de droit néerlandais auprès de la compagnie AIG Europe (Netherland) NV, dans les droits de laquelle vient désormais la compagnie AIG Europe Limited, prise en son établissement néerlandais sis [Adresse 2], [Localité 3] - Pays-Bas ;

- juger que les conditions et exclusions de la police AIG n°70.08.2229 sont opposables aux tiers, que sont Mme [D] [O] et la société Axa France Iard ;

- juger que la loi applicable la police AIG n° 70.08.2229 est la loi néerlandaise ;

- juger que la police AIG n° 70.08.2229 exclut les frais de montage et d'installation au-delà d'un délai de 2 ans à compter de la livraison des panneaux (article C.9 § 5) et que les frais de dépose des panneaux sont par conséquent exclus ;

- juger que la police AIG n° 70.08.2229 exclut les dommages aux biens livrés par l'assuré ou sous sa responsabilité (article 4.4.1), et par conséquent que le coût de remplacement des cartes électroniques des boitiers de jonction d'un montant de 4 800 euros TTC est exclu ;

- juger que la police AIG Europe n° 70.08.2229 exclut les pertes d'exploitation consécutives à la non-livraison ou la livraison insuffisante d'énergie (articles C.15 et G.24) d'un montant de 4 500 euros ;

Par conséquent :

-confirmer le jugement déféré et, débouter Mme [C] et la société Axa France Iard de leurs demandes en garantie dirigées à l'encontre de la compagnie AIG Europe SA aux titres des postes de préjudices exclus par la police AIG n° 70.08.2229 ;

-rejeter toutes demandes dirigées contre la compagnie AIG Europe SA et mettre purement et simplement hors de cause la compagnie AIG Europe SA.

Plus subsidiairement encore, sur son appel en garantie à l'encontre de la compagnie Allianz Benelux, elle demande à la cour de juger que les défauts affectant les boîtiers Solexus équipant les panneaux photovoltaïques Scheuten de l'installation de Mme [D] [O], engagent la responsabilité exclusive de la société Alrack BV et en conséquence , infirmer le jugement entrepris mais uniquement en ce qu'il a jugé que la responsabilité solidaire des sociétés Scheuten Solar et Alrack BV était engagée et, statuant à nouveau, de condamner la compagnie Allianz Benelux à la relever et garantir de toutes condamnations qui seraient mises à sa charge.

À titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de débouter Mme [C] de ses demandes indemnitaires qui sont exclues par la police AIG n° 70.08.2229 ou non justifiées, ainsi que la société Axa France Iard qui forme un recours en garantie à son encontre.

 

Elle sollicite enfin que soit condamné tout succombant à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Georges Pomies-Richaud, avocat au Barreau de Nîmes.

 

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2022, la société Allianz Benelux NV demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et juger que l'ensemble des demandes dirigées contre elle sont mal fondées, en retenant qu'Alrack n'est pas responsable, ou subsidiairement que la responsabilité de la défectuosité des boîtiers Solexus doit être partagée à parts égales entre Scheuten et Alrack, et en retenant qu'en tout état de cause sa police ne couvre pas le présent sinistre.

Par conséquent, elle demande à la cour de débouter Mme [C] et tous autres demandeurs en garantie, de l'intégralité de leurs demandes contre elle, en sa qualité d'assureur RC d'Alrack.

Subsidiairement, elle sollicte qu'il soit jugé que le droit néerlandais, applicable à la police d'assurance, interdit en l'état tout paiement par elle.

Par conséquent, elle demande à la cour de prononcer le sursis de tout paiement de sa part, dans l'attente de la fixation définitive des réclamations des victimes et demandeurs en garantie éligibles à la couverture de sa police, afin de pouvoir fixer définitivement le montant dû sur une base de prorata.

En tout état de cause, elle demande de condamner Mme [C] et tous autres demandeurs en garantie in solidum à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les frais des expertises judiciaires.  

La clôture de l'instruction a été fixée au 22 mars 2022.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. Motivation

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la recevabilité des demandes de Mme [C]

La société AIG Europe assureur de la société Scheuten fabricant des panneaux photovoltaïques maintient en cause d'appel que Mme [D] [O] est irrecevable dans ses demandes à son encontre en sa qualité de codéfendeur.

Or, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que Mme [C] n'etait pas codéfendeur à l'instance initiale mais seulement simple partie

ayant été appelée en la cause afin que le jugement lui soit declaré commun san qu'aucune demande n'ait été formée à son encontre.

Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile la condition poséeà la recevabilité de la demande reconventionnelle est qu'elle se rattache aux pretentions originaires par un lien suffisant, ce qui est le cas en l'espèce nul ne constestant que les panneaux solaires installés en toiture de Mme [D] [O] et qui n'ont pu fonctionner, aient été fournis par la société Scheuten son assuré.

En consequence, le jugement de première insatnce sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable les demandes de Mme [D] [O] à l'encontre de la socéité AIG Europe.

2- Sur la responsabilité de la société Enairsol

Mme [D] [O] recherche la responsabilité de la société Enairsol, fournisseur et installateur de panneaux photovoltaïques ainsi que locateur d'ouvrage de reprise de la toiture, suivant commandes distinctes, sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

Selon ce texte tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans ses éléments consécutifs ou l'un de ses éléments d'équipement le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Il résulte pour l'essentiel du rapport d'expertise judiciaire, fruit d'un travail sérieux et précis, non contesté par les parties :

- le non-respect des règles de l'art s'agissant de la refection de la toiture avec intégration des panneaux solaires qui n'a pas été terminé (manque des tuiles, faîtage avec bansece de closoir, tules de rives) et n'assurant pas le hors d'eau,

- les panneaux photovoltaïques de marque Scheuten fabriqués de septembre 2009 qui sont équipés de boîtiers de connexion Solexus de la société Alrack ont présenté ou peuvent présenter des défaillances avec risque d'échauffement pouvant conduire à un incendie.

L'expert propose les solutions d'intervention suivantes pour remedier aux dommages :

- le changement de la totalité des circuits imprimés des boitiers des panneaux par du matériel agréé pour un coût de 1 500 euros HT et de 2 500 euros HT pour la réfection de l'intégraltion des panneaux en toiture ;

- la dépose des capteurs et supportage ainsi que de la toiture puis montage des capteurs avec système d'intégration et réalisation d'une nouvelle toiture pour un coût de 17 000 euros HT.

Ainsi l'expert a relevé que l'installation des panneaux photovoltaiques étaient intégrés en toiture. Elle fait donc partie intégrante de la maison de Mme [D] [O] dont elle constitue le clos.

Dès lors, les désordres énoncés par l'expert relèvent de la garantie décennale. Il est en effe retenu que les boîtiers de connexion présentent un risque d'échauffement susceptible de provoquer un incendie, s'agissant d'un défaut sériel qui affectent les boîtiers de connexion Solexus de la société Alrack et que la refection de la toiture inachevée présentent des malfaçons qui n'assure plus l'étancheité. L'impropriété à destination de l'ouvrage est ainsi parfaitement établie, seule sa mise à l'arrêt étant de nature à assurer la protection de l'installation et la dépose et repose de la toiture avec capteurs de nature à supprimer les infiltrations.

Il sera également retenu que bien que tout risque d'incendie ait été écarté par la mise hors service de l'installation par l'expert dès le 3 avril 2014, cette mesure conservatoire n'est pas de nature à priver ce désordre de son caractère décennal, dès lors que la mise en service créé un risque d'incendie, susceptible de se communiquer à l'immeuble.

Par ailleurs, il est de principe que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

Il est également de principe que le vice du matériau qu'il a installé, n'est pas de nature à constituer une cause exonératoire de la responsabilité décennale du constructeur.

Enfin, l'assureur de la société Enairsol la compagnie Axa invoque l'article 1792-7 du code civil qui exclut de la garantie des constructeurs les éléments d'équipements d'un ouvrage dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage.

Or l'incorporation en toiture des panneaux photovoltaiques leur confère une fonction de couvert de l'immeuble avec lequel ils font entièrement corps, de sorte que cette fonction mixte rend sans application ce texte.

S'agissant de la reception de l'ouvrage, il est constant qu'aucun procès-verbal de réception n'a été signé. Seule une réception tacite peut dès lors être envisagée. Toutefois l'assureur Axa s'y oppose et rappelle que le solde de la facture n'a pas été payée et que l'expert a mentionné que la refection de la toiture n'a pas été achevée.

Il résulte cependant des pièces du dossier que l'installation des panneaux en toiture par intégration a été réalisée et a été mise en oeuvre. Ainsi si le solde n'a pas été intégralement payée (solde de 3 600 euros) par le maître de l'ouvrage qui le reconnaît mais indique qu'il était en attente de la dernière facture et non dans un refus de paiement, la mise en service de l'installation a elle bien eu lieu, l'expert ayant lors des opérations expertales décidé de sa mise en arrêt. Cette date de mise en service peut être considérée comme la date de réception tacite de l'ouvrage.

Les désordres étaient cachés à cette date et n'ont été révélés que par les premiers pluies, les infiltrations et enfin, par l'information du vice des boitiers de connexions.

C'est par voie de conséquence avec raisons que le tribunal a déclaré la société Enairsol entièrement responsable des désordres affectant l'installation photovoltaïque et la toiture de Mme [D] [O] sur le fondement de la responsabilité décennale.

3- Sur le montant des dommages subis

Suivant les conclusions de l'expert judiciaire Mme [C] est en droit d'obtenir en premier lieu la réparation matérielle de l'installation en toiture et le remplacement des boîtiers des panneaux, soit la somme de 4 800 euros TTC, retenue par le premier juge.

C'est également à juste titre que le tribunal a fixé à la somme de 23 400 euros, la réparation de la toiture et des embélissements nécessaires suite aux infiltrations.

L'expert rappelle par ailleurs que le manque à gagner lié au fait de ne pouvoir produire de l'électricité à revendre à Erdf s'élève à la somme de 2 000 euros depuis l'arrêt de l'installation jusqu'au 30 juin 2014, puis la perte de revenus subie par Mme [C], en raison de la mise à l'arrêt de l'installation à compter du 1 juillet 2014 est évaluée par l'expert à la somme de 2 500 euros année et jusqu'au paiement des travaux de reprise.

Ces sommes constituent un préjudice indemnisable retenue par le tribunal qui sera confirmé.

Enfin, le tribunal a retenu à juste titre un préjudice moral lié aux tracas rencontrés depuis 8 ans au titre d'une installation défaillante et qui ne lui a procuré aucun revenu alors que parallèlement elle devait s'acquitter du remboursement du crédit réduisant d'autant son budget mensuel.

La décision de première instance sera également confirmée de ce chef.

4 - Sur la garantie la société Axa assureur de la Société Enairsol

La société Axa soutient avoir assuré la société Enairsol à compter du 1er janvier 2010 avec la mise en place de produits spécifiques validés techniquement.

Les conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par la société Enairsol auprès de la société Axa, dans leur version applicable à la date d'installation des panneaux litigieux, c'est à dire en 2011 comme constaté par l'expert judiciaire et non comme injustement soutenu en 2010, stipulent que :

Activités garanties : travaux réalisés dans le domaine du bâtiment dont notamment couverture, installation à énergie solaire par capteurs photovoltaiques hors pose de capteurs intégrès, pose de capteurs solaires intégrés (ouverture).

« Dispositions particulières à l'activité de photovoltaïques »

Les garanties du contrat pour l'activité photovoltaïque sont acquises que pour tous produits ou procédés sous avis technique (ATEC ou ATEX) ou pass innovation (feu vert) en cours de validité à l'exclusion des membranes d'étanchéïté.

La licéité d'une telle clause, conditionnant la garantie de l'assureur à la mise en oeuvre d'un procédé technique validé par l'assuré dans le cadre de son activité professionnelle, n'est pas discutée.

L'article 1353 du code civil précise que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il appartient en conséquence à Mme [C] de rapporter la preuve que l'installation photovoltaïque remplissait les conditions de la garantie stipulée.

Ni le rapport d'expertise amiable, ni celui de l'expert judiciaire n'indiquent qu'avait été obtenu pour le procédé des panneaux Scheuten le « Pass innovation » ou un un avis technique, mentionnés à la police d'assurance.

Le tribunal a donc considéré que la garantie de la compagnie Axa n'était pas mobilisable. Or en cause d'appel Mme [C] produit aux débats la synthèse du Pass-innovation 2011-13 dont la validité s'étend jusqu'au 6 avril 2013 et dont est titulaire la socéité Scheuten Solar.

Ainsi, dès lors qu'il n'est pas contesté que le procédé mis en oeuvre en toiture de Mme [D] [O] est celui de la société Scheuten Solar et qu'il a été retenu plus haut que les travaux constatés par l'expert ont été réalisés de mars à juin 2011 soit postérieurement à l'obtention du Pass innovation qui vaut pour l'année 2011 jusqu'au 6 avril 2013, l'appelante rapporte la preuve que les conditions de garanties étaient remplies au jour de la mise en oeuvre de l'installation litigieuse.

Il s'ensuit que l'assureur Axa France Iard de la société Enairsol était tenu à garantie décennale et c'est avec raison que Mme [C] l'a mobilisée.

Le jugement sera par voie de conséquence infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes à l'encontre de la compagnie Axa France Iard.

S'agissant de l'étendue de sa garantie, la Sa Axa France Iard soutient qu'elle ne peut être tenue à garantir Enairsol que dans les limites du contrat souscrit dont les clauses sont opposables au tiers et conteste devoir une quelconque somme au titre des pertes de revenus d'électricité, s'agissant d'une perte d'exploitation qu'elle ne garantie pas.

Toutefois, il sera rappelé que c'est au titre de la garantie décennale qu'Axa France Iard est condamnée. Elle ne peut dés lors opposer à Mme [C], tiers au contrat d'assurance, la limitation des garanties (plafond et franchise) qu'au titre des dommages immatériels et non au titre des dommages matériels qu'elle doit réparer intégralement.

Enfin, elle ne peut soutenir démontrer une cause étrangère exonératoire de responsabilité, dès lors qu'il a été retenu qu'elle assurait l'activité photovoltaïque pour tous produits ou procédés sous avis technique (ATEC ou ATEX) ou pass innovation (feu vert) en cours de validité dont la société Enairsol disposait en 2011 et jusqu'au 6 avril 2013 pour les produits litigieux fournis par la société Scheuten.

Peu importe au surplus que la société Alrack ait fabriqué des boitiers défaillants pour le compte de la société Scheuten qui cherchait à diminuer le coût de production des boîtiers de connexion.

Ainsi, elle sera condamnée à payer à Mme [D] [O] les sommes suivantes :

la somme de 4 800 euros TTC,

la somme de 23 400 euros, en réparation de la toiture et des embellissements nécessaires suite aux infiltrations.

S'agissant du manque à gagner lié au fait de ne pouvoir produire de l'électricité à revendre à Erdf, il est erroné de prétendre comme le soutient l'assureur Axa que cette activité serait une activité professionnelle donc un acte de commerce qu'elle ne garantie pas au titre de l'assurance décennale.

En effet, Mme [C] ne produit de l'électricité que dans un but de faire baisser le poids financier de sa facture personnelle de consommation d'électricité par compensation. Elle a également à sa charge un crédit de financement (mensualités de 258 euros) de l'installation et ne dégage aucun bénéfice de cette installation.

Par voie de conséquence, ce manque à gagner constitue bien un dommage immatériel consécutif garantie par la responsabilité décennale de la société Enairsol, qui s'élève à la somme de 2 000 euros depuis l'arrêt de l'installation jusqu'au 30 juin 2014, puis à compter du 1er juillet 2014 à la somme de 2 500 euros année et jusqu'au paiement des travaux de reprise.

Ces sommes constituent un dommage immatériel pour lequel Axa france Iard peut opposer le plafond de garantie et la franchise prévue au contrat de 3 000 euros.

Enfin, il en est de même pour le préjudice moral subi.

5- Sur les autres responsabilités recherchés par l'appelante

- Celle de la société Scheuten et de son assureur AIG Europe SA

Sur la loi applicable

Mme [U] et la société Enairsol ne sont pas contractuellement liées à la société Aig Europe Sa.

L'article 4 § 1 du Règlement (CE) n° 864/2007 du parlement européen et du conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles dit Rome II, dispose que sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent.

Aux termes de l'article 18 de ce même règlement, la personne lésée peut agir directement contre l'assureur de la personne qui doit réparation si la loi applicable à l'obligation non contractuelle ou la loi applicable au contrat d'assurance le prévoit.

Il en résulte que le régime légal de l'action directe de Mme [D] [O] relève de la loi française.

L'article L 124-3 du code des assurances prévoit que le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

En revanche, le régime juridique de l'assurance est soumis à la loi du contrat et en l'espèce, à la loi néerlandaise.

L'article 14 des conditions générales du contrat souscrit par la société Scheuten stipule d'ailleurs que : « Le droit des Pays-Bas s'applique à la présente assurance ».

Il convient en l'espèce de rechercher d'une part si la société Scheuten est responsable du dommage subi et si la société Aig Europe Sa est en exécution de ce contrat, tenue envers Mme [C] à garantie.

La société Scheuten est le fabricant des panneaux photovoltaïques dans lequel le boitier litigieux a été incorporé. A ce titre, en sa qualité venderesse de panneaux photovoltaïques dont le boîtier de raccordement est affecté d'un défaut de fabrication non décelable à la livraison et qui n'a pas participé à la réalisation de l'ouvrage, elle peut être recherchée au titre de la garantie des produits défectueux, mais ne saurait comme le soutient Mme [C] être tenue au titre de la responsabilité solidaire du fabricant en application de l'article 1792-4 du code civil, rien ne démontrant que les panneaux aient fait l'objet d'une fabrication spécifique pour satisfaire aux exigences précises et déterminées à l'avance du chantier de Mme [D] [O].

Ainsi, au titre des stipulations contractuelles sur les produits défectueux, l'article C 9 prévoit que la « couverture responsabilité produit élargie (frais de montage et d'installation) et couverture rappel de produit » de la manière suivante :

- 2.1. Par produit défectueux, on entend un produit fabriqué par l'assuré lui-même et qui ne répond pas à la qualité convenue telle que celle-ci a été arrêtée par écrit dans le contrat avec le donneur d'ordre. La livraison défectueuse d'un produit qui est en soi de bonne qualité sera considérée comme équivalant à un produit défectueux.

- 2.2. Définition des produits assurés

La couverture définie dans la présente clause porte sur les produits suivants livrés par l'assuré : modules solaires, systèmes d'énergie solaire.

Les panneaux photovoltaïques installés sur le toit de Mme [D] [O], en ce qu'il a été suffisamment établi par l'expert judiciaire et reconnu par les parties qu'ils sont suceptibles de provoquer un incendie en raison de l'échauffement du boîtier électronique y étant incorporé, sont des produits défectueux au sens du contrat d'assurance.

La responsabilité de la société Scheuten se trouve donc engagée et son assureur lui doit sur le principe, garantie.

Il sera observé que cette société fait l'objet aux Pays-Bas d'une procédure de liquidation judiciaire, qu'aucune demande de fixation de la créance à la procédure collective n'a été présentée, ce qui n'a toutefois pas d'importance puisque que Mme [C] ne demande rien à son encontre agissant seulement contre son assureur.

La compagnie AIG Europe Sa lui oppose cependant plusieurs limites contractuelles de garantie.

Elle dénie en premier lieu, sa garantie en vertu de diverses clauses de la police excluant l'indemnisation du coût de fourniture des panneaux photovoltaïques de remplacement, des frais de main d'oeuvre liés à ces travaux de remplacement, et du gain manqué procédant de l'arrêt de production d'électricité.

En effet, en application de l'article 4.4, et plus spécialement de la, clause 4.4.2.1 des conditions générales du contrat d'assurance, sont exclus de la garantie les dommages à des biens livrés par l'assuré ainsi que 'le remplacement, la correction, la réparation ou le rappel de biens livrés par l'assuré'.

D'autre part, s'il résulte de la clause C.9 des conditions particulières de la police que les frais exposés par des tiers en conséquence des produits défectueux livrés par l'assuré sont garantis, ceux-ci se limitent aux frais de rappel ainsi que de dépose et de montage des produits ou matériaux de remplacement, mais ne s'étend pas aux « produits eux-mêmes devant être à nouveau livrés ». Il n'y a pas dés lors de contradiction du contrat d'assurance.

Par ailleurs, il résulte des mêmes dispositions contractuelles que la garantie des frais de remontage ne concerne que 'l'installation renouvelée des produits de remplacement livrés par l'assuré'.

Enfin, l'article 1.7 des conditions générales ne permet pas d'écarter cette exclusion, le seul moyen de prevenir le risque encouru, en l'espèce la destruction de l'installation et du bâtiment, ne saurait être le remplacement des panneaux et donc pour l'assureur d'en supporter le coût, dés lors qu'il a été largement rappelé par l'expert et par les intervenants que la seule mise à l'arrêt de l'installation fait disparaître le risque. De plus, l'article 1.7.2 précise expressement que ne sont pas compris au titre des frais exposés en vue de prévenir ou de limiter un préjudice, les frais qui ont été exclus de la couverture en un autre endroit de la police (1.7.2.3).

En second lieu, la compagnie AIG Europe invoque une limite de délai de garantie.

En effet, l'article C 9 § 5 intitulé 'Limitation dans le temps du contrat d'assurance' stipule que 'la demande d'indemnisation devra se rapporter à des produits fabriqués et livrés après la date d'entrée en vigueur de la couverture et pour lesquels les frais correspondants ont été exposés dans un délai de deux ans après que ces produits ont été livrés'.

Cette clause ne peut être considérée contraire à l'ordre public international, la limitation de garantie stipulée étant la contrepartie de la prime d'assurance due. Il ne peut dès lors être retenu qu'elle rend sans objet l'assurance souscrite par la société Scheuten, puisque celle-ci est susceptible d'application pendant un délai biennal qui n'est pas négligeable. Elle est par ailleurs opposable aux tiers et donc aux parties à l'instance puisqu’elle ne porte pas sur une garantie obligatoire d'ordre public en France.

Enfin, ce délai ne constitue pas un délai de prescription et ne peut être dés lors suspendu, il est une limitation dans le temps de la garantie. Ainsi, ne sont couverts au titre des produits défectueux les frais mentionnés à la clause C9 qu'à la condition qu'ils aient été exposés dans les deux ans de la livraison des produits par la socéité Scheuten.

En l'espèce, l'installation a été mise en service au plus tard en juin 2011. La livraison des panneaux est donc intervenue avant cette date. Le sinistre est survenu lorsque la société Enairsol saisie de désordres d'infiltration a par ailleurs indiqué la dangerosité des connecteurs.

Il est exact que l'ordonnance de commission d'expert est du 29 janvier 2014 et que les assignations au fond ont été délivrées en 2013 ; enfin que Mme [C] a demandé en appui du rapport d'expertise déposé en juin 2014, l'indemnisation de son préjudice.

Cependant, la date d'une indemnisation de Mme [C] y compris par son propre assureur, n'est toujours pas connue et il apparaît aux termes mêmes de ses demandes qu'aucune indemnisation pour les connecteurs défaillants n'est à ce jour intervenue.

Il en résulte que le délai de deux années stipulées au contrat d'assurance qui avait commencé à courir au plus tard en juin 2011, est expiré. La société AIG n'est dès lors pas tenue à garantie.

Le jugement sera par voie de conséquence confirmé de ce chef.

- Celle de la société Alrack et de son assureur Allianz Benelux NV

Comme pour la société Scheuten Mme [C] ne demande rien à la société Alrack qui fait l'objet également d'une procédure collective et agit sur le fondement de l'action directe contre l'assureur Allianz Benelux NV.

Cette société est l'assureur de la société Alrack, fabricant du boîtier électronique.

La société Allianz ne conteste pas la recevabilité des demandes formées à son encontre, mais leur bien fondé. Elle soutient que la société Alrack ne disposait d'aucune autonomie dans la fabrication des boîtiers, puisque son rôle a été limité à l'exécution des directives de Scheuten Solar, sous la surveillance et la supervision de cette dernière. Elle a ainsi réalisé les boîtiers suivant le modèle de conception des boîtiers Kostal imposé par la societé Scheuten Solar sous la responsabilité de cette dernière ; qu'ayant agi sur la base des plans qui lui ont été remis mais aussi des instructions, ordres et directives de celle-ci, elle ne peut être tenue pour responsable n'étant qu'un exécutant et non le concepteur du bien.

Elle ajoute que le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux sur lequel se fonde Mme [C], ne s'applique pas en l'absence de dommage causé à une personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même. Elle pretend en effet que la police d'assurance dont bénficie la société Alrack est une assurance responsabilité civile limitée aux personnes et aux biens autre que les biens de l'assuré et est inapplicable aux termes du contrat qui s'applique, en l'absence de dommage à des biens autres que les boîtiers Solexus.

En droit français, les dispositions du réglement européen sur la défectuosité des produits ont été reprises par l'article 1386-8 ancien devenu l'article 1245-7 du code civil aux termes duquel en cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables.

La société Scheuten Solar System Bv a, par contrat confié à la société Alrack la réalisation de boîtiers électroniques.

Ces boîtiers fabriqués par la société Alrack se sont révélés défaillants. Et contrairement à ce qu'elle soutient aucun élément des débats ne permet de retenir que ce défaut de fabrication n'est pas imputable à la société Alrack, qui se serait limitée à exécuter des instructions de la société Scheuten Solar. Le boîtier, apte à fonctionner, a été livré à l'issue de sa fabrication à la société Scheuten Solar par la société Alrack Bv qui l'a ainsi mis en circulation.

La société Scheuten l'a après livraison incorporé aux panneaux qu'elle a fabriqués.

Ce boîtier mis en circulation par la société Alrack est un produit défectueux en ce qu'incorporé aux panneaux, il se produit une surchauffe, pouvant provoquer un incendie. Ainsi la responsabilité de la société Alrack peut parfaitement être engagée et c'est à tort que son assureur soutient que par principe elle ne devrait pas garantie.

En effet l'article 2.1 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par la société Alrack à partir du 1er janvier 2007 mentionne qu' « est assurée la responsabilité des assurés pour le dommage subi par des tiers en relation avec un acte ou un manquement, dans le respect des conditions applicables selon la police et les rubriques assurées ».

L'article 1.6 définit le tiers comme étant « tout autre que l'assuré dont la responsabilité est engagée ».

L'article 9 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit par la société Alrack Bv stipule que « le présent contrat est régi par le droit néerlandais ».

L'article 1.7.2 définit comme suit le « Dommage matériel l'endommagement, la destruction ou la perte de biens appartenant à des tiers, y compris le dommage en découlant. Est également considéré comme dommage matériel, la pollution ou la salissure de biens ou la présence de substances étrangères sur, ou dans ces biens ».

Enfin, l'article 3.5 sur les biens livrés/ les prestations fournies, prévoit :

« Non couvertes sont les demandes d'indemnisation de :

(3.5.1.) dommages à des biens livrés par ou sous la responsabilité de l'assuré.

(3.5.2) les frais du rappel, de l'amélioration, du remplacement ou de la réparation de biens livrés et sous la responsabilité de l'assuré, sauf si ces frais peuvent être considérés comme des coûts de mesures de sauvegardes au sens de l'article 1.11 ».

L'article 1.11 'Les coûts des mesures de sauvegarde' stipule que :

« Les coûts de mesures prises par ou au nom du souscripteur ou d'un assuré et lesquelles s'imposent raisonnablement pour éviter tout risque de dommage imminent dont - s'il s'était produit - l'assuré serait responsable et lequel serait couvert par l'assurance, ou pour limiter ce dommage. Est également entendu par les coûts de mesure, le dommage aux biens utilisés pour prendre les mesures visées ici ».

La encore, il n'est pas établi que ces stipulations sont contraires au droit néerlandais, ni à l'ordre public international. Elles ne vident pas de sens le contrat en ce que les dommages causés par le produit, et ceux au produit, sont garantis.

L'expert judiciaire a indiqué que les cartes Solexus ne résistent pas à la température élevée parce que réalisées avec des connexions en cuivre d'épaisseur insuffisante et susceptibles de provoquer des incendies. Cependant en l'espèce, l'installation photovoltaique a ete mise à l'arrêt, avant tout incendie. Comme justement retenu par le tribunal, il n'est pas caracterisé un dommage matériel au sens du contrat d'assurance, en dehors de celui qui affecte les boitiers, exclu de la garantie.

L'expert a indiqué par ailleurs que les panneaux ne présentent pas d'autres désordres, puisque seul le changement des cartes du boîtier apparait devoir être réalisé.

Enfin la prise en charge des mesures de prévention prévues par l'article 1.11 du contrat ne peut fonder la garantie par l'assureur de la société Alrack du remplacement des panneaux.

La mise à l'arrêt de l'installation photovoltaique ayant à elle seule suffi à prevenir tout danger imminent.

Ainsi c'est avec raison que le tribunal a jugé que Mme [C] n'avait subi aucun dommage ni aucune destruction ni aucune perte de son bien et l'a deboutée de ses demandes à l'encontre de la société Allianz Bénélux BV.

6- Sur l'appel en garantie d'Axa France Iard à l'ncontre d'AIG Europe Sa et Allianz Benelux BV

Au regard de ce qui vient d'être jugé à savoir l'absence de garantie due par ces deux sociétés d'assurance, sa demande ne peut être que rejetée.

7- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante principalement, la compagnie d'assurance Axa France Iard Sa supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, en eux compris les frais d'expertise judiciaire.

L'équité commande par ailleurs de faire droit à la demande de Mme [C] au titre des frais irrépétibles et la compagnie d'asssurance Axa France Iard sera condamnée à lui payer de ce chef la somme de 3 500 euros.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas de faire droit au surplus des demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Dispositif PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré dans ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a débouté Mme [W] [C] de ses demandes à l'encontre de Axa France Iard Sa et en ce qu'il a condamné Maître [L] es-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Enairsol aux depens distraits au profit de la SCP Delran et associés ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne Axa France Iard à payer à Mme [D] [O] les sommes suivantes :

La somme de 4 800 euros TTC au titre ,

La somme de 23 400 euros, la réparation de la toiture et des embélissements nécessaires suite aux infiltrations,

La somme de 2 000 euros depuis l'arrêt de l'installation jusqu'au 30 juin 2014 au titre du préjudice financier, puis à compter du 1er juillet 2014 à la somme de 2 500 euros année et jusqu'au paiement des travaux de reprise et enfin la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral, dans la limite du plafond de garantie et de la franchise prévue au contrat de 3 000 euros opposable à Mme [D] [O] ;

Condamne la compagnie Axa France Iard à supporter la charge des dépens de première instance et d'appel, en eux compris les frais d'expertise judiciaire ;

Condamne la compagnie Axa France Iard à payer à Mme [W] [C] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les autres parties des demandes formées de ce chef en cause d'appel ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.