CA Colmar, 2e ch. A, 26 août 2022, n° 20/03320
COLMAR
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
JMS Automobile (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Diepenbroek
Conseillers :
Mme Garczynski, Mme Denort
Avocats :
Me Spieser, Me Pradignac, Me Cahn
FAITS ET PROCÉDURE
Le 24 mai 2014, les époux [U] ont acquis de Mme [D], épouse [T] un véhicule d'occasion de marque BMW série X6, mis en circulation le 8 juillet 2009, immatriculé AN 453 XJ, au prix de 36 500 euros avec un kilométrage de 93 256. Cette dernière en était propriétaire depuis le 20 janvier 2014 selon son certificat d'immatriculation.
Le véhicule est tombé en panne le 25 mars 2016 et a été transféré au garage BMW JMS Automobile de [Localité 7] le 1er avril 2016.
Après une première expertise amiable diligentée par l'assureur de M. [U], une expertise automobile a été ordonnée en référé le 27 février 2017, au contradictoire notamment de Mme [T] et de la société JMS Automobile.
Le rapport d'expertise judiciaire de M. [I], en date du 25 septembre 2018, a conclu à la panne de l'injecteur n° 6 (le dysfonctionnement de celui-ci a provoqué une mauvaise combustion du carburant et une élévation du niveau d'huile et gasoil) à l'origine de la destruction du moteur, et imputé cette panne à un défaut d'entretien antérieur à la vente (absence de changement du filtre carburant à l'échéance prévue de 60 000 km) ayant provoqué une usure prématurée de l'injecteur.
Il a indiqué que le moteur devait être remplacé pour un coût de 17 667,76 euros.
L'expert a également mentionné que des documents frauduleux avaient été produits au moment de la transaction : carnet avec de « faux tampons d'entretien » (visant les deux premiers du carnet, au nom de « JMS Automobiles » concessionnaire BMW à [Localité 7]).
Par acte des 8 et 11 février 2019, les époux [U] ont assigné Mme [T] ainsi que la société JMS Automobile [Localité 4] (ci-après JMS) devant le tribunal de grande instance de Colmar, aux fins de voir prononcer l'annulation de la vente pour erreur sur les qualités essentielles du véhicule, subsidiairement sa résolution au titre de la garantie des vices cachés, de juger la société JMS responsable de l'apposition de faux tampons sur le carnet d'entretien du véhicule et de la condamner, in solidum avec la venderesse, au paiement de dommages et intérêts. Mme [D] a contesté la demande et sollicité, en cas de condamnation, la garantie de la société JMS.
Par jugement du 13 août 2020, le tribunal judiciaire a rejeté la demande de nullité, mais prononcé la résolution de la vente, et condamné Mme [T] à en restituer le prix ; il a en revanche rejeté la demande en dommages et intérêts des époux [U], tant à son encontre qu'à l'égard de la société JMS, et débouté Mme [T] de son appel en garantie. Il a condamné cette dernière aux dépens, y compris les frais de signification (345,75 euros) et d'expertise judiciaire (1 000 euros) « mis en compte » par les époux [U], et à payer à ces derniers la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles, rejetant les autres demandes.
Le tribunal a estimé que leur demande principale était insuffisamment étayée aux motifs que :
- Ils n'avaient pas « spécialement et expressément indiqué » à leur cocontractante qu'ils entendaient acquérir un véhicule présentant un état d'entretien régulier et conforme aux préconisations du constructeur BMW, nonobstant son caractère d'occasion,
- Ils n'établissaient pas qu'ils auraient encore pu prétendre, au jour de la cession, à la garantie constructeur alors que la première immatriculation remontait au 8 juillet 2009 et que la garantie conventionnelle couvrait l'ensemble du véhicule sur une période de deux ans à compter de cette première immatriculation.
En revanche, il a considéré, sur la garantie des vices cachés, que :
- La mention « vendu en l'état » apposée sur la carte grise ne pouvait exonérer la venderesse que des vices apparents lors de la vente et non des vices cachés, compte tenu de l'ambiguïté résultant de son libellé général et imprécis et alors que seuls les défauts révélés par le contrôle technique avaient été portés à la connaissance des acquéreurs,
- Le vice existait bien au jour de la vente, à tout le moins en germe, était non décelable pour un profane et suffisamment grave pour l'application de la garantie des vices cachés,
- Il n'était pas établi que Mme [T], non professionnel, avait connaissance du vice, d'autant que les faux tampons avaient été apposés avant sa propre acquisition, de sorte qu'elle ne devait pas de dommages et intérêts conformément à l'article 1645 du code civil.
Sur la responsabilité de la société JMS, il a estimé que la preuve n'était pas rapportée qu'elle était l'auteur des falsifications commises par l'apposition de tampons à son nom aux dates des 13 avril 2011 et 19 janvier 2012, relevant que les factures d'entretien y correspondant, qui selon l'expert ne concernaient pas le véhicule litigieux, n'étaient pas produites et que les déclarations du propriétaire à ces dates (M. [X] [P]) n'avaient pas pu être recueillies.
Le 9 novembre 2020, Mme [T] a interjeté appel de cette décision.
Moyens
Par ses dernières conclusions du 2 août 2021, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de débouter les époux [U] de l'intégralité de leurs demandes, y compris de leur appel incident et provoqué ; subsidiairement, elle sollicite la condamnation de la société JMS à la garantir de toutes condamnations. Elle demande la condamnation des époux [U] in solidum avec la société JMS aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir, sur la nullité pour erreur, qu'il appartient aux époux [U] de démontrer que leur consentement était conditionné par l'entretien du véhicule conforme aux préconisations du constructeur BMW et par un garage BMW, ce qu'ils ne font pas, d'autant qu'ils ne pouvaient bénéficier de la garantie constructeur au regard de l'âge de ce véhicule à la date de la vente (près de 5 ans) ; elle ajoute qu'en l'absence de faute de sa part, n'étant pas à l'origine de la présence « de documents frauduleux », ni d'aucun agissement répréhensible, elle ne pourrait devoir des dommages et intérêts.
Sur la résolution, elle indique avoir acquis le véhicule le 20 janvier 2014, 4 mois avant de le revendre, et avoir parcouru seulement 3 000 km alors que les époux [S] en ont parcouru plus de 43 000 avant la panne ; elle fait valoir que :
- Il ne peut être affirmé que le véhicule n'a pas été correctement entretenu dès lors que son carnet d'entretien a disparu, puisqu'il a été mis en lumière lors des opérations d'expertise que le carnet attribué à ce véhicule, mentionnant deux interventions de la société JMS ne le concernant pas, ne pouvait être le bon,
- En réalité les tampons sont vrais mais le carnet n'est pas celui du véhicule, alors qu'en 2011 et 2012, le véhicule était en Bretagne et la propriété de M. [P],
- La seule explication possible est l'échange effectué au sein de la société JMS avec le carnet d'une autre voiture,
- En tout cas, elle n'en est pas responsable,
- Le défaut n'est pas inhérent à la chose vendue, mais résulte d'un manque d'entretien dont la responsabilité ne lui incombe pas et le dysfonctionnement de l'injecteur n'est pas antérieur à la vente selon l'expert,
- Le fait que le dysfonctionnement résultait d'un défaut antérieur à la vente de sorte que le vice existait au moins en germe, comme retenu par le premier juge, est une supposition non étayée techniquement,
- Le lien de causalité entre l'absence de changement de filtre à 60 000 km et la panne subie n'est pas démontré alors que le filtre avait été changé en mai 2015 à 112 000 km par les époux [U].
Sur l'appel en garantie, elle indique qu'elle n'a jamais eu recours aux services du garage JMS et qu'elle n'a d'autre explication, s'agissant du carnet d'entretien, que celle d'une mauvaise manipulation par la société JMS et de l'interversion de deux carnets ; cette explication serait, selon elle, corroborée par l'absence de mention, sur le carnet, de l'entretien effectué par le précédent propriétaire, M. [P], au garage BMW en Bretagne le 20 octobre 2010, ni du remplacement du liquide de frein et d'un forfait vidange qu'il a également réalisés en août 2011 et en 2013 chez des concessionnaires BMW.
Par leurs dernières conclusions du 14 septembre 2021, les époux [U], formant appel incident, demandent à la cour de prononcer l'annulation de la vente et de condamner en conséquence Mme [T] à :
- Leur restituer le prix de vente de 36 500 euros et reprendre le véhicule à ses frais, après restitution du prix,
- Leur payer, in solidum avec la société JMS, jugée responsable de l'apposition de faux tampons sur le carnet d'entretien du véhicule, les sommes suivantes :
- 700 euros par mois au titre du trouble de jouissance depuis le 1er avril 2016 jusqu'à la date de l'assignation, soit 22 400 euros,
- 700 euros par mois à compter de la date de l'assignation jusqu'à la date du présent arrêt,
- Les frais de signification à hauteur de 345,75 euros,
- Les frais d'expertise judiciaire à hauteur de 1 000 euros,
- Le coût de la dépose de la culasse lors des opérations d'expertise soit 752,35 euros,
- 5 000 euros au titre du préjudice moral.
A titre subsidiaire, ils demandent la confirmation du jugement, en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente, mais son infirmation, en ce qu'il a rejeté leurs demandes en dommages et intérêts ; ils sollicitent la condamnation in solidum de la venderesse et de la société JMS, jugée responsable de l'apposition de faux tampons sur le carnet d'entretien du véhicule, au paiement des sommes précitées.
En tout état de cause, ils concluent au débouté de toutes les demandes adverses dirigées à leur encontre et à la condamnation in solidum de la venderesse et de la société JMS à leur payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel.
Sur leur demande en nullité, ils se fondent sur le fait qu'il leur a été produit un carnet d'entretien avec « de faux tampons » qui les ont induit en erreur sur l'entretien subi par le véhicule ; ils font valoir qu'ils ont « cru acquérir un véhicule ayant fait l'objet d'un entretien régulier et conforme aux préconisations du constructeur, qualité qu'ils considéraient comme essentielle, notamment pour bénéficier de la garantie constructeur et surtout en considération du prix de vente élevé pour un véhicule d'occasion. »
Ils contestent qu'ils auraient dû porter cette qualité à la connaissance de la venderesse alors que tout acheteur de véhicule en attend une telle qualité, ajoutant qu'ils ont demandé et obtenu un carnet d'entretien dûment tamponné et mis à jour et que c'est précisément en raison de l'âge du véhicule qu'il était important que cet entretien soit réalisé, ce qui résultait « du moins sur le papier, du carnet d'entretien fourni ».
Sur la garantie des vices cachés, ils estiment que le vice consistant en l'usure prématurée de l'injecteur est bien antérieur à la vente et rend le véhicule impropre à son utilisation puisqu'il ne peut plus circuler à défaut de remplacement du moteur. Ils se fondent sur le fait que Mme [T] n'a jamais attrait son propre vendeur, bien que son conseil ait indiqué vouloir lui étendre les opérations d'expertise, pour soutenir qu'elle avait connaissance du vice, relevant en outre qu'elle habite près de la concession JMS (à 30 km), contrairement à son propre vendeur qui a fait réaliser les entretiens à [Localité 5] et dans ses environs, et soutenant qu'il y a une connivence entre elle et cette société dans l'apposition des tampons.
Sur la responsabilité de la société JMS, ils déduisent le faux de ce qu'aucune prestation d'entretien n'a effectivement été réalisée par elle et sa faute de ce que la présence des tampons est nécessairement de son fait ou de l'un de ses préposés, ajoutant que, même si ce n'est pas elle qui les a apposés, elle était tenue de les surveiller pour éviter qu'ils ne soient utilisés par des tiers ; ils en déduisent qu'elle doit indemniser leur préjudice puisque le défaut d'entretien à l'origine de la panne a été « couvert » par les faux tampons. Ils contestent devoir démontrer qu'il n'y a pas eu vol des tampons, la preuve du vol éventuel incombant à la société JMS et donc de ce qu'elle a déposé plainte. S'il y a eu interversion de carnets comme soutenu, la responsabilité incomberait aussi à la société JMS.
Par ses dernières conclusions du 25 janvier 2022, la société JMS demande la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté toutes les demandes à son encontre et la condamnation in solidum de la venderesse et des époux [U] à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle conteste toute faute, soutenant que c'est un montage qui a été réalisé à l'extérieur de la société JMS, sans qu'elle n'ait eu un quelconque rôle, et qu'il appartiendrait aux époux [U] de démontrer qu'elle a apposé les tampons alors que Mme [T], qui a le plus intérêt à la mettre en cause, indique qu'elle n'a jamais eu affaire à ses services.
Elle ajoute que si l'entretien avait été un élément déterminant de leur consentement, les époux [U] auraient demandé les factures qui seules valent preuve des entretiens vis à vis du constructeur, le carnet n'étant qu'un guide d'utilisation ou un « pense-bête » permettant de connaître la périodicité des entretiens à réaliser ; elle indique justifier de ce que la demande de prise en charge du véhicule auprès de BMW France n'a pas pu être présentée, faute des deux premiers justificatifs d'entretien. Elle en déduit que la faute alléguée n'a pas pu causer le préjudice dans la mesure où les entretiens n'avaient pas été faits.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 avril 2022.
A l'audience, le conseiller rapporteur a demandé la production de l'original du carnet d'entretien aux époux [U] ou à défaut une note en délibéré ; aucune pièce ni note n'a été déposée.
Motivation
MOTIFS
Le jugement déféré n'est pas critiqué en ce qu'il a déclaré recevables les prétentions des époux [U]. Il sera donc statué dans cette limite.
Sur la demande en nullité du contrat pour erreur.
En application de l'article 1110, ancien, du code civil, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que si elle porte sur la substance même de la chose ou sur les qualités substantielles en considération desquelles les parties ont contracté.
En l'espèce, compte tenu du kilométrage important du véhicule (93 256 km) et de son prix de vente élevé (36 500 euros), l'état d'entretien du véhicule, tel qu'il résultait du carnet d'entretien « BMW Service » remis, apparaît avoir été une qualité substantielle sans laquelle les époux [U] n'auraient pas contracté ou à des conditions substantiellement différentes.
Ils n’ont pas à démontrer avoir spécialement indiqué à Mme [T] que cette qualité était déterminante pour eux, comme l'a retenu le premier juge, dans la mesure où tout acheteur d'un véhicule d'occasion comportant un kilométrage important à un prix élevé est en droit d'attendre qu'il ait été entretenu régulièrement.
Le fait que la garantie conventionnelle BMW standard ne couvre les véhicules BMW que sur une période de deux ans à compter de la date de la première immatriculation selon la documentation produite par Mme [T], de sorte qu'elle aurait été expirée à la date de la vente litigieuse, ne suffit pas à retirer leur importance aux mentions d'entretien résultant du carnet remis ; au surplus, la garantie légale des vices cachés, due par le constructeur pendant 5 ans, était encore en cours au jour de la vente, si bien qu'à ce titre, il importait encore que le véhicule ait été entretenu régulièrement.
S'ils n'ont pas demandé à Mme [T] les factures correspondant aux mentions du carnet, il n'en résulte pas pour autant que ces mentions n'aient pas été déterminantes de leur consentement, d'autant que ces entretiens avaient été faits plusieurs années avant qu'elle ne devienne propriétaire du véhicule. Ils pouvaient légitimement croire pouvoir obtenir ces factures par le propriétaire du véhicule à la date des entretiens mentionnés ou par le garage JMS, concessionnaire BMW de [Localité 7] - dont le cachet avec une signature était apposé -, en cas de problème nécessitant qu'elles soient fournies. D'ailleurs ils ont pu obtenir, en cours de procédure, les factures d'entretien du précédent propriétaire, M. [P], évoquées par le rapport d'expertise judiciaire, lesquelles ne leur avaient pas été remises lors de la vente.
Dès lors, la fausseté des mentions d'entretien en date du 13 avril 2011 pour un kilométrage de 27 690 et du 19 janvier 2012 pour un kilométrage de 59 425 a vicié le consentement des époux [U], leur ayant fait croire que le véhicule avait été révisé à ces dates avec ces kilométrages alors que tel n'était pas le cas.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré, en ce qu'il a rejeté la demande principale en nullité du contrat de vente, et, statuant à nouveau, d'annuler le contrat sur le fondement des dispositions précitées. Le jugement sera par voie de conséquence également infirmé en ce qu'il a, statuant sur la demande subsidiaire au titre de la garantie des vices cachés, prononcé la résolution de la vente, cette demande devenant sans objet.
La nullité du contrat entraînant en revanche son anéantissement rétroactif, il conviendra, comme l'avait fait le premier juge à la suite de la résolution, de condamner Mme [T] à restituer la somme de 36 500 euros, au titre du prix de vente, et à reprendre le véhicule à ses frais, selon les modalités sollicitées par les époux [U] qui ne sont pas critiquées.
Sur la demande en dommages et intérêts à l'encontre de Mme [T].
Comme l'a dit le premier juge, la demande au titre des frais de signification à hauteur de 345,75 euros (liés à la procédure de référé) et des frais d'expertise judiciaire à hauteur de 1 000 euros, que les époux [U] incluent encore en appel dans leurs demandes indemnitaires, sont à examiner dans le cadre des dépens.
Il en sera de même de la demande au titre du coût de dépose de la culasse, s'agissant de frais réglés par M. [U] pour les besoins de l'expertise amiable, selon facture du 30 juin 2016 sur ordre du 29 mars 2016, mais qui étaient aussi nécessaires à l'expert judiciaire, lesquels s'ajoutent donc aux frais d'expertise qu'ils ont dû avancer.
S'agissant des demandes en réparation d'un trouble de jouissance et d'un préjudice moral en revanche, il appartient aux époux [U] de rapporter la preuve d'une faute de Mme [T] de nature à engager sa responsabilité extracontractuelle.
Or en l'espèce, ils ne démontrent pas que Mme [T], qui n'était pas le propriétaire du véhicule à la date des entretiens faussement mentionnés, avait connaissance de ce que ces mentions étaient fausses ou serait l'auteur ou la complice de ce faux ; cette connaissance ou cette implication ne peuvent être déduites du seul fait qu'elle n'a pas assigné son propre vendeur en référé pour lui voir étendre les opérations d'expertise (comme l'avocat qu'elle avait constitué au cours des opérations d'expertise l'avait indiqué à l'expert), ni en garantie à la présente procédure, ce choix pouvant s'expliquer par d'autres raisons.
L'absence de factures correspondant aux entretiens du véhicule mentionnés sur le carnet a été découvert, selon les pièces du dossier, lors de l'expertise amiable contradictoire du cabinet Creativ en date du 17 mai 2016, l'expert évoquant les anomalies des deux entretiens signalés qui « n'apparaissent pas dans l'historique de facturation du réparateur agréé BMW JMS de [Localité 7] ». S'il ressort de l'expertise judiciaire, que la société JMS a présenté des factures portant la même date et un kilométrage similaire (au nom de CH8 Autos à [Localité 6] et de Knispel Christian), elles concernaient un autre véhicule.
Ces éléments ne permettent pas de retenir la responsabilité de Mme [T], même si sa thèse d'un échange de carnet d'entretien entre deux véhicules n'est pas plus démontrée.
Dès lors, il convient de rejeter les demandes en dommages et intérêts au titre d'un trouble de jouissance et d'un préjudice moral.
Sur les demandes à l'encontre de la société JMS.
La demande des époux [U].
La cour constate que l'original du carnet d'entretien n'est pas produit malgré la demande faite à l'audience aux époux [U] par le conseiller rapporteur. Les experts amiable et judiciaire ne précisent pas non plus si le carnet d'entretien qu'ils ont examiné était un original.
Si le carnet remis aux époux [U] n'est qu'une copie, un montage n'est pas à exclure, de sorte que le seul fait que les copies produites comportent les tampons de la société JMS n'est pas suffisant pour retenir une faute de sa part, que ce soit dans la confection d'un faux ou la surveillance des tampons lui appartenant.
Dès lors, la demande en dommages et intérêts des époux [U] à son encontre sera rejetée.
Le recours en garantie de Mme [T].
Aucune faute de la société JMS ne pouvant être retenue à l'origine des fausses mentions du carnet d'entretien remis par Mme [T] aux époux [U] et du vice du consentement dont ils ont été victimes, le recours en garantie de Mme [T] à l'encontre de cette société doit être rejeté.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de l'issue du litige, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [T] à payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile aux époux [U] et aux dépens, y compris les frais de signification à hauteur de 345,75 euros et les frais d'expertise judiciaire à hauteur de 1 000 euros ; il y sera toutefois ajouté les frais de dépose de la culasse à hauteur de 752,35 euros, nécessaire à l'expertise, comme il a été dit supra.
L'appelante, qui succombe, tant à l'égard des époux [U] que de la société JMS, sera condamnée aux entiers dépens d'appel et à payer aux époux [U], d'une part, et à la société JMS, d'autre part, une indemnité de 1 500 euros fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel, elle-même étant déboutée de sa propre demande à ce titre.
La société JMS et les époux [U] seront également déboutés de leur demande réciproques fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, puisque seule Mme [T] supporte les dépens d'appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, conformément à l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement déféré dans la limite de l'appel, sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
PRONONCE la nullité de la vente du véhicule de marque BMW série X6, immatriculé AN 453 XJ, conclue le 24 mai 2014 entre Mme [H] [D], épouse [T], d'une part, et M. [O] [U] ainsi que Mme [A] [Z], épouse [U], d'autre part,
CONDAMNE Mme [H] [D], épouse [T], à restituer à M. [O] [U] et Mme [A] [Z], épouse [U], ensemble, la somme de 36 500 euros, (trente-six mille cinq cents euros) au titre du prix de vente du véhicule, et à reprendre ledit véhicule à ses frais après restitution complète de ce prix,
DEBOUTE M. [O] [U] et Mme [A] [Z], épouse [U], de leur demande en dommages et intérêts à l'encontre de Mme [H] [D], épouse [T], pour trouble de jouissance et préjudice moral,
DEBOUTE M. [O] [U] et Mme [A] [Z], épouse [U], de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires à l'encontre de la société JMS Automobile [Localité 4],
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande subsidiaire des époux [U] en résolution de la vente, devenue sans objet,
DEBOUTE Mme [H] [D], épouse [T], de son recours en garantie à l'encontre de la société JMS Automobile [Localité 4],
CONDAMNE Mme [H] [D] épouse [T] à payer à M. [O] [U] et Mme [A] [Z], épouse [U], ensemble, les frais de dépose de la culasse à hauteur de 752,35 euros, (sept cent cinquante-deux euros et trente-cinq centimes) lesquels doivent être compris dans les dépens de première instance,
CONDAMNE Mme [H] [D] épouse [T] à payer à M. [O] [U] et Mme [A] [Z], épouse [U], ensemble, une indemnité de 1 500 euros (mille cinq cents euros) par application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel,
CONDAMNE Mme [H] [D], épouse [T], à payer à la société JMS Automobile [Localité 4] une indemnité de 1 500 euros (mille cinq cents euros) par application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel,
DEBOUTE la société JMS Automobile [Localité 4] ainsi que M. [O] [U] et Mme [A] [Z], épouse [U] de leurs demandes réciproques fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,
CONDAMNE Mme [H] [D], épouse [T], aux dépens d'appel et la déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.