Cass. com., 15 janvier 2013, n° 11-28.510
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
M. Le Dauphin
Avocat général :
Mme Batut
Avocat :
SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. Antoine et François X... sont associés et cogérants de la société civile d'exploitation agricole Domaine du Preuilh (la SCEA), dont leurs parents, M. Serge X... et Mme Brigitte X..., sont également associés ; que la SCEA, ainsi que les sociétés Proland et Belinum ont fait l'objet d'une procédure commune de redressement judiciaire qui a donné lieu à l'adoption d'un plan de continuation par jugement du 12 décembre 2006 ; que, faisant valoir qu'il résultait des stipulations d'un protocole d'accord conclu le 23 novembre 2006, conformément aux engagements pris lors d'une assemblée des associés de la SCEA du 16 janvier 2006, que M. Antoine X... s'était engagé à lui céder ses parts de la SCEA et des sociétés Proland, Belinum, Autricum et Benazet, ainsi que ses parts dans l'indivision Prieur, en contrepartie du remboursement d'un tiers du montant des soldes débiteurs de ses comptes courants d'associé, M. François X... l'a fait assigner afin que la vente soit déclarée parfaite ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. François X... fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes du protocole d'accord du 23 novembre 2006, M. Antoine X... s'était engagé à céder à M. François X... «l'ensemble des parts sociales qu'il détient dans la SCEA Domaine du Preuilh, l'ensemble des parts qu'il détient dans la société Proland, l'ensemble des parts qu'il détient dans la société Belinum, l'ensemble des parts qu'il détient dans la société Autricum, l'ensemble des parts qu'il détient dans le groupement foncier Benazet, l'ensemble des parts sociales qu'il détient dans l'indivision Prieur» (protocole p.3) ; qu'en considérant que l'objet de la vente était imprécis en ce que le nombre des parts visées n'était pas précisé, quand le protocole mentionnait qu'était concerné «l'ensemble» des parts détenues par M. Antoine X... dans le capital des différentes sociétés, la cour d'appel a méconnu la convention des parties et a violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le protocole prévoyait encore que le transfert des parts de M. Antoine X... à M. François X... avait pour contrepartie «le remboursement d'un tiers du solde débiteur du compte courant de M. Antoine X... soit la somme de 226 921,52 euros» (protocole p. 3) ; qu'en retenant, en l'état de cette disposition claire et précise sur la contrepartie financière de la cession, que le prix n'était ni déterminé ni déterminable, quand il l'était au centime près, la cour d'appel a méconnu de ce chef encore la convention des parties et a violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que pour retenir que l'engagement de M. Antoine X... était dépourvu de contrepartie, la cour d'appel par motifs adoptés des premiers juges a retenu que la «contrepartie était incertaine» dès lors que M. François X... ne justifiait pas avoir remboursé son propre compte courant d'associé ; qu'en se prononçant par un motif radicalement inopérant au regard de la cession litigieuse, qui avait pour contrepartie le paiement du prix de 226 921,52 euros par l'effet de la prise en charge par M. François X... du découvert de M. Antoine X... à concurrence de cette somme, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ que pour décider que l'engagement de M. Antoine X... était dépourvu de contrepartie, la cour d'appel a encore retenu par motifs adoptés des premiers juges que la cession «reviendrait à faire financer l'acquisition des parts sociales de son frère par les créanciers» ; que cette circonstance, fausse, puisque le transfert du débit du compte courant d'associé de M. Antoine X... à M. François X... par l'effet de la cession de créance litigieuse était sans effet sur les créanciers, le passif de la société ne s'en trouvant ni augmenté ni réduit, n'était en tout état de cause pas de nature à priver de contrepartie la cession; qu'en se prononçant par un tel motif, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs adoptés et non critiqués, qu'au vu des sommes importantes que M. François X... devait à la SCEA lors de l'assemblée des associés du 16 janvier 2006 et lors de la signature de l'acte du 23 novembre 2006, il apparaît qu'il n'était pas en mesure de régler ses dettes, à la date à laquelle il s'est obligé ; qu'il ajoute que le plan de continuation de la SCEA interdit la distribution de bénéfices, de sorte que les comptes ne seront pas crédités de dividendes; que l'arrêt en déduit que l'engagement de M. Antoine X... se trouve privé de contrepartie ; que de ces seules constatations et appréciations, faisant ressortir que l'obligation du vendeur était dépourvue de cause, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, la cour d'appel a exactement déduit qu'il y avait lieu de rejeter la demande de M. François X... tendant à voir déclarer la vente parfaite ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1851, alinéa 2, du code civil ;
Attendu que selon ce texte, le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé ;
Attendu que pour déclarer M. François X... irrecevable en sa demande tendant à la révocation de M. Antoine X... de ses fonctions de gérant de la SCEA, l'arrêt, après avoir retenu que tous les associés doivent être mis en cause pour qu'ils puissent faire valoir leurs observations éventuelles, constate que tel n'est pas le cas, M. Serge X... et Mme Brigitte X... n'ayant pas été appelés à l'instance ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré M. François X... irrecevable en sa demande tendant à la révocation de M. Antoine X... de ses fonctions de gérant de la société Domaine du Preuilh, l'arrêt rendu entre les parties, le 17 octobre 2011, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, sur ce point, la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.