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Décisions

CA Bastia, ch. civ. sect. 2, 8 juin 2022, n° 21/00518

BASTIA

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Boulangerie De Mezzavia (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maugendre

Conseillers :

Mme Deltour, Mme Molies

Avocat :

Me Montane

T. com. Ajaccio, du 14 juin 2021, n° 202…

14 juin 2021

EXPOSE DU LITIGE

Un litige oppose la SARL Boulangerie de Mezzavia et son bailleur Mme [T] [P].

Aux termes d'un arrêt en date du 20 septembre 2020, la cour d'appel de Bastia a notamment :

- condamné la SARL Boulangerie de Mezzavia à payer à Mme [P] la somme de 703,44 euros au titre d`un arriéré de loyers ;

- condamné la SARL Boulangerie de Mezzavia à payer à Mme [P] la somme de 4070,03 euros au titre des frais qu'elle a supportés ;

- condamné la SARL Boulangerie de Mezzavia à payer à Mme [P] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SARL Boulangerie de Mezzavia aux dépens de la procédure d`appel.

Par jugement contradictoire du 14 juin 2021, le tribunal de commerce d'Ajaccio a débouté Mme [P], venant aux droits de M [R] [U] [P], d'une demande tendant à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Boulangerie de Mezzavia.

Par déclaration au greffe du 8 juillet 2021, Mme [P] a interjeté appel de cette décision, qui lui a été notifiée le 30 juin 2021.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 août 2021, Mme [P] demande à la cour de :

- réformer purement et simplement le jugement ;

- juger que la SARL Boulangerie de Mezzavia se trouve bien en état de cessation des paiements ;

- en conséquence, ordonner l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Boulangerie de Mezzavia.

Elle fait valoir que la société débitrice ne pouvait faire face à son passif exigible avec son actif disponible, caractérisant ainsi son état de cessation des paiements, et souligne que des mesures d'exécution préalablement mise en oeuvre sont demeurées infructueuses.

Le ministère public, dans son avis écrit du 21 octobre 2021, relève que le simple constat comptable, non actualisé, d'un actif disponible était insuffisant, en regard d'une dette certaine exigible et que dans l'incertitude, une enquête préalable pourrait être confiée à un mandataire sur le fondement de l'article L. 621-1 du code de commerce.

La déclaration d'appel a été signifiée à l'intimée défaillante le 31 août 2021 ; la SARL Boulangerie de Mezzavia, régulièrement intimée, n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance en date du 16 février 2022, fixant l'audience de plaidoiries au 25 mars 2022.

A cette date, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 8 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article R. 631-2 du code de commerce, la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire présentée par un créancier doit contenir tout élément de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements.

La cessation des paiements se définit, aux termes de l'article L. 631-1 du code de commerce comme 'l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible'.

En l'espèce, la créance de Mme [P] résulte d'un arrêt de la cour d'appel de Bastia en date du 20 septembre 2020, signifié à la société Boulangerie de Mezzavia le 31 décembre 2020. Les démarches entreprises par la créancière, et notamment un commandement aux fins de saisie vente, signifié également le 31 décembre 2020, puis une saisie-attribution en date du 31 mars 2021, sont demeurées infructueuses et ne lui ont pas permis de recouvrer ladite créance, qui est certaine et exigible.

L'actif disponible est composé des éléments d'actif figurant au bilan, des liquidités et valeurs immédiatement réalisables ; notamment la trésorerie disponible en caisse, les soldes bancaires créditeurs, les effets de commerce échus ou escomptables ; les créances à recouvrer ne constituent pas, sauf circonstances exceptionnelles, un actif disponible.

Le tribunal de commerce s'est fondé, pour rejeter la demande d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, sur les comptes annuels de l'exercice 2020, produits à l'audience par l'expert-comptable de la société pour considérer que l'actif disponible était de 18'310 euros et le passif exigible de 15061 euros.

En l'absence de toute précision, et alors que deux mesures d'exécution étaient demeurées infructueuses, ce simple constat comptable d'un actif disponible apparaît insuffisant pour établir que la société était en mesure avec celui-ci de faire face à son passif exigible.

Mme [P] se trouvait donc parfaitement fondée à demander l'ouverture d'une procédure collective.

L'état de cessation des paiements doit être apprécié au jour où la cour statue.

En l'espèce, la société débitrice est défaillante et aucun élément n'est rapporté pour justifier d'un actif disponible lui permettant actuellement d'apurer le passif exigible.

Il est ainsi établi que la SARL Boulangerie de Mezzavia se trouvait en état de cessation des paiements au jour de la décision de première instance mais également que cet état perdure, au jour où la cour statue.

Le jugement du tribunal de commerce d'Ajaccio du 14 juin 2021 sera donc réformé ; il y a lieu d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Boulangerie de Mezzavia, de fixer provisoirement la date de cessation des paiements à la date de l'assignation, soit le 14 avril 2021, et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce d'Ajaccio pour désignation des organes de la procédure et poursuite de celle-ci.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, par arrêt réputé contradictoire,

Réforme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Prononce l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Boulangerie de Mezzavia ;

Fixe provisoirement la date de cessation des paiements à la date de l'assignation du créancier, soit le 14 avril 2021 ;

Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce d'Ajaccio pour désignation des organes de la procédure et poursuite de celle-ci ;

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.