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Décisions

Cass. 1re civ., 17 février 2010, n° 08-12.749

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pluyette

Rapporteur :

Mme Pascal

Avocat général :

M. Domingo

Avocats :

Me Balat, SCP Bachellier et Potier de la Varde, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Paris, du 14 nov. 2007

14 novembre 2007

Joints les pourvois enrôlés sous les n°s W 08-15.024 et Y 08-12.749 ;

Sur les moyens uniques des deux pourvois en leurs diverses branches :

Attendu que l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA), établissement de droit public international dont le siège social est à Dakar et le siège administratif à Paris assure les services de contrôle aérien au-dessus du continent africain puis en facture le coût aux compagnies aériennes dont les avions survolent ce secteur, parmi lesquelles la société congolaise Hewa Bora Airways ; que la société Belge Demavia se dit l'agent de cette compagnie aérienne ; que l'ASECNA a assigné les deux sociétés en paiement de factures devant le tribunal de commerce de Paris ; que les défenderesses ont contesté la clause attributive de juridiction au tribunal de commerce ;

Attendu que les sociétés Hewa Bora Airways et Demavia font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 14 novembre 2007) d'avoir rejeté leurs contredits et dit le tribunal de commerce de Paris compétent, alors, selon les moyens :

1°/ qu'il résulte des règles internes de compétence transposées à l'ordre international qu'une clause attributive de juridiction n'est opposable à une partie que si elle est stipulée dans un document contractuel ou dans des conditions générales auxquelles ce document se réfère ; que la cour d'appel, en retenant, pour déclarer opposable à la société Hewa Bora la clause attributive de juridiction contenue dans un document agréé OACI, sur l'affichage de ce document dans les aéroports et sa communication aux compagnies dans des conditions non précisées, a violé les règles précitées et l'article 48 du code de procédure civile ;

2°/ que selon l'article 48 du code de procédure civile transposé à l'ordre international une clause attributive de juridiction n'est opposable à une partie que si elle a été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de celle-ci ; qu'ainsi, la cour d'appel, en déclarant opposable à Hewa Bora la clause attributive de juridiction aux tribunaux de Paris, mentionnée dans les factures émises par l'ASECNA, sans rechercher si cette clause satisfaisait aux exigences de forme précitées, a privé son arrêt de base légale au regard dudit texte ;

3°/ qu'une clause attributive de juridiction ne peut être opposée à un plaideur qu'à la condition que ce dernier l'ait acceptée par écrit, ou verbalement avec confirmation écrite, ou sous une forme répondant aux exigences de l'article 23 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ; que le simple paiement de factures par un mandataire, pour le compte de son mandant, ne rend pas ce mandataire partie à la convention en vertu de laquelle ont été émises ces factures, et n'emporte pas acceptation, par ce mandant, de la clause attributive de juridiction figurant au bas de ces mêmes factures ; qu'en se déterminant aux motifs inopérants que les versements partiels effectués par la société Demavia en règlement des factures émises par l'ASECNA, au titre de prestations fournies à la société Hewa Bora Airways, ne permettaient plus à la société Demavia de contester la compétence du tribunal de commerce de Paris, sans répondre au moyen de la société Demavia pris de ce que celle-ci avait procédé aux versements litigieux en qualité de mandataire de la société Hewa Bora Airways la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'à défaut d'acceptation écrite ou verbale confirmée par écrit, une clause attributive de juridiction doit avoir été conclue sous une forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou à défaut, conforme à un usage du commerce international connu et régulièrement observé dans le type de commerce en cause ; qu'en se bornant à se fonder sur "l'ancienneté" des relations de l'ASECNA avec les sociétés Hewa Bora Airways et Demavia, ainsi que sur le "nombre de factures" réglées par cette dernière, sans constater l'acceptation de la clause attributive de juridiction litigieuse par la société Demavia selon l'une des formes prévues à l'article 23 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, la cour d'appel a violé cette disposition ;

5°/ que l'insuffisance de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en affirmant que la société Demavia affrétait régulièrement des avions à la société Hewa Bora Airways, sans préciser concrètement sur quels éléments elle fondait cette appréciation ni procéder à aucune analyse, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt relève, d'abord, par motifs propres et adoptés, que l'ASECNA est chargée, par les Etats contractants, d'assurer la sécurité du trafic aérien sur la zone, obligation lui étant faite de prendre en charge tout avion la survolant ; puis, qu'il incombe aux compagnies aériennes opérant dans ce secteur, qui souscrivent un contrat d'adhésion, de prendre connaissance des conditions écrites de la convention, en particulier de la clause attributive de juridiction, ces conditions étant affichées dans les aéroports de la zone et régulièrement adressées aux sociétés dont Hewa Bora Airways et Demavia ; que la cour d'appel a, d'une part, estimé souverainement, par motifs propres et adoptés, que la société Demavia, qui se prétendait simple agent de la société Hewa Bora Airways, affrétait en fait des avions de cette société ; qu'elle a, d'autre part retenu que, compte tenu de l'ancienneté de leurs relations d'affaires avec la société de contrôle aérien, les deux sociétés ne pouvaient soutenir ignorer la clause attributive de juridiction, reproduite sur chacune des factures de l'ASECNA, dont une partie a été payée par la société Demavia ; qu'elle a pu en déduire, par une décision motivée et sans encourir les griefs de violation des articles 48 du code de procédure civile et 23 du règlement CE du 22 décembre 2000, que la clause était opposable aux deux sociétés et que le tribunal de commerce de Paris était compétent ;

D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.