TUE, 1re ch., 7 septembre 2022, n° T-793/19
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Tirreno Power SpA
Défendeur :
Commission européenne, République italienne, EP Produzione SpA, A2A SpA, Edison SpA, Enel Produzione SpA, Elettricità Futura – Unione delle imprese elettriche italiane, Utilitalia, Terna, Alperia Trading Srl
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kanninen
Juges :
M. Jaeger, Mme Półtorak (rapporteure)
Avocats :
Me Clarizia, Me Ferrario, Me Vasari, Me Ziotti, Me Pagliarulo, Me Gullo, Me Bozzo, Me Luciani, Me Roberti, Me Travi, Me Villata, Me Perego, Me Cannizzaro, Me Ventura, Me Caroli, Me Merola, Me Catricalà, Me Lipani, Me Sbrana, Me Cazzato, Me Baglivo, Me Pirozzi, Me Merola, Me Perfetti, Rosi
LE TRIBUNAL (première chambre),
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Tirreno Power SpA, demande l’annulation de la décision C(2019) 4509 final de la Commission, du 14 juin 2019, concernant l’aide d’État SA.53821 (2019/N) – Italie, modification du marché de capacité italien, par laquelle celle-ci a décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre du régime d’aide relatif audit marché de capacité modifié, au motif que ledit régime est compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, et de l’autoriser jusqu’au 31 décembre 2028 (ci-après la « décision attaquée »).
Antécédents du litige
Décision de 2018
2 Par la décision C(2018) 617 final, du 7 février 2018, concernant l’aide d’État SA.42011 (2017/N) – Italie, mécanisme de régulation de la capacité (ci-après la « décision de 2018 »), la Commission européenne a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard du régime d’aide relatif au marché de capacité italien, tel qu’il lui avait été notifié le 24 août 2017, et de l’autoriser pour une durée de dix ans au motif qu’il était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.
3 Le marché de capacité italien consistait en la délivrance d’options de fiabilité négociées lors d’enchères centralisées gérées par le gestionnaire du réseau de transport (ci-après le « GRT »). À travers ces options de fiabilité, l’octroi d’une rémunération fixe sous forme de paiement régulier était garanti aux fournisseurs d’électricité ayant remporté des enchères durant la durée de l’accord de capacité octroyé, en contrepartie de laquelle ils s’engageaient à fournir de l’électricité en période de tension sur le réseau, dans le but de garantir l’adéquation des capacités. À défaut de fournir le volume d’énergie correspondant à leur obligation de capacité, les fournisseurs retenus s’exposent à des pénalités financières.
4 Pour justifier la création du marché de capacité italien, la République italienne avait indiqué que plusieurs défaillances du marché italien de l’électricité, susceptibles d’être aggravées par la part grandissante des énergies renouvelables et intermittentes dont l’augmentation était prévisible dans le futur, risquaient de conduire à une baisse du niveau d’adéquation de la production d’électricité. Or, elle considérait que les réformes envisagées à cet égard n’étaient pas, à elles seules, suffisantes pour pallier ces défaillances. Par ailleurs, elle avait signalé qu’elle entendait évaluer périodiquement les effets de cette réforme et s’est engagée à surveiller annuellement le fonctionnement dudit marché de capacité en vue de réévaluer son efficacité.
5 D’une part, les objectifs poursuivis par le marché de capacité italien, tels que notifiés par la République italienne à la Commission le 24 août 2017, étaient résumés au point 2.3 de la décision de 2018. La Commission y constatait notamment que ce marché visait à remédier aux défaillances résiduelles du marché qui subsistaient après la mise en œuvre d’une série de réformes, en contribuant ainsi à garantir l’adéquation des capacités.
6 Plus précisément, l’objectif d’intérêt commun poursuivi par le marché de capacité italien était défini au point 3.3.1, dans lequel il était notamment indiqué que celui-ci visait principalement à garantir la disponibilité d’une quantité suffisante de capacité électrique pour atteindre la norme de fiabilité, en garantissant ainsi un niveau efficace de sécurité de l’approvisionnement sur le marché italien de l’électricité.
7 D’autre part, en ce qui concerne le fonctionnement du marché de capacité, celui-ci reposait sur la fixation préalable, par le GRT, du volume de capacité nécessaire pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en électricité. Le GRT devait ensuite déterminer la quantité de capacité qu’il convenait de mettre aux enchères. Les opérateurs sélectionnés durant les enchères se voyaient alors proposer un contrat de capacité leur garantissant une prime fixe. En échange de cette prime, les fournisseurs de capacité concernés s’engageaient à mettre de l’électricité à disposition sur les marchés journaliers et sur le marché des services d’appel pour chaque heure de la période de fourniture ainsi qu’à payer la différence entre le prix de référence du marché et un prix d’exercice prédéterminé si le prix de référence était supérieur au prix d’exercice (ci-après l’« obligation de restitution »).
8 Plus spécifiquement, le déroulement des enchères était décrit au point 2.7 de la décision de 2018. Il y était expliqué que le GRT organiserait des enchères descendantes sans dépasser 21 sessions, au cours desquelles tous les participants retenus seraient payés selon la dernière offre acceptée. Ceux-ci devaient ainsi présenter une offre comprenant un montant de prime et un volume de capacité, les capacités offertes lors de la première session ne pouvant être modifiées par la suite et les sessions suivantes servant, en substance, à réduire la prime. Les autorités italiennes étaient tenues de fixer des plafonds au prix des enchères pour protéger les consommateurs du risque d’imprévus, tels que par exemple le manque de participants ou l’exercice d’un pouvoir de marché par un opérateur. Les enchères devaient être divisées en enchère principale et en enchères secondaires. À cet égard, il était prévu que le marché de capacité italien soit mis en œuvre, dans un premier temps, à travers une phase initiale de mise en œuvre pour laquelle le délai d’exécution de l’enchère principale était compris entre quelques mois et trois ans, tandis que la période de livraison de la capacité était d’une année pour les fournisseurs de capacité existants (ci-après les « capacités existantes ») et pouvait aller, sous certaines conditions, jusqu’à quinze années pour les fournisseurs de capacité nouveaux (ci-après les « capacités nouvelles »). Dans un second temps, intervenait une phase de mise en œuvre intégrale, au cours de laquelle l’enchère principale devait avoir un délai d’exécution de quatre ans, tandis que la période de livraison de la capacité était de trois ans pour la capacité existante et, sous certaines conditions, de quinze ans pour la capacité nouvelle.
9 En ce qui concerne la participation au marché de capacité italien, il était souligné que ce dernier était ouvert à l’ensemble des fournisseurs de capacités présents sur le marché de l’électricité, ladite participation s’établissant sur une base volontaire. Les capacités existantes et nouvelles étaient en mesure d’y participer, pour autant qu’elles le souhaitent. À ce sujet, il était précisé que la notion de nouvelle capacité incluait non seulement les capacités qui n’avaient jamais participé au marché du jour d’avant, mais également les installations en cours de rénovation, lorsque ladite rénovation consistait en un projet de rénovation majeure. Plus précisément, les critères d’admissibilité étaient décrits au point 2.6 de la décision de 2018.
10 Dans ce contexte, la Commission a considéré que la mesure notifiée était une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, mais que celle-ci était compatible avec le marché intérieur dans la mesure où elle avait été notifiée par la République italienne avant son exécution et où elle était conforme aux lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 (JO 2014, C 200, p. 1, ci-après les « lignes directrices »), adoptées le 9 avril et entrées en vigueur le 1er juillet 2014. À cet égard, elle a constaté que le marché de capacité visait à garantir la disponibilité d’une quantité suffisante de capacité sur le marché pour répondre à la norme de fiabilité fixée par le GRT. De plus, tous les producteurs pouvaient y participer, tandis que la prime reçue pour les fournisseurs sélectionnés était limitée au montant nécessaire pour atteindre cet objectif. Le marché de capacité italien était, par ailleurs, soumis à diverses clauses de sauvegarde, tandis que son incidence sur le marché des échanges entre États membres et sur la concurrence restait limitée.
11 Enfin, la Commission a indiqué que la décision de 2018 devait être interprétée à la lumière du droit dérivé pertinent, y compris celui n’étant pas encore entré en vigueur lors de son adoption. En particulier, elle mentionnait la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le marché intérieur de l’électricité [COM(2016) 861 final] du 23 février 2017 et évoquait les principes que les mécanismes de capacité devraient intégrer et appliquer même lorsqu’ils avaient déjà été approuvés, parmi lesquels figuraient notamment les exigences relatives aux limites d’émissions de dioxyde de carbone (CO2).
12 La légalité de la décision de 2018 n’a jamais été contestée.
Décision attaquée
13 Le 21 mars 2019, la République italienne a notifié à la Commission son intention d’apporter un certain nombre de modifications au marché de capacité qui avait été autorisé par la décision de 2018, notamment afin de conditionner la participation à celui-ci au respect de limites relatives aux émissions de CO2. Selon elle, ces modifications visaient notamment à anticiper les conséquences de l’entrée en vigueur du règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2019, sur le marché intérieur de l’électricité (JO 2019, L 158, p. 54), dont l’article 22, paragraphe 4, prévoit que les mécanismes de capacité incorporent des exigences en matière de limites d’émissions de CO2.
14 La Commission a demandé des informations supplémentaires à ce sujet à deux reprises, le 4 avril et le 7 juin 2019, et a reçu des observations en provenance de deux parties intéressées, Italia Solare et Elettricità Futura – Unione delle imprese elettriche italiane, aux mois d’avril et de mai 2019. Les autorités italiennes ont fourni des informations supplémentaires et ont présenté leurs observations sur la lettre d’Italia Solare aux mois de mai et de juin 2019.
15 Dans la décision attaquée, la Commission considère que, au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la mesure en cause relative au marché de capacité italien modifié est une aide d’État. Cependant, elle estime que les changements notifiés ne modifient pas les éléments pris en compte pour parvenir à la conclusion formulée dans la décision de 2018, selon laquelle ladite mesure est compatible avec le marché intérieur.
16 Plus précisément, au sujet des modifications qui ont fait l’objet de la nouvelle notification par les autorités italiennes, la Commission a défini l’objectif poursuivi par le marché de capacité italien modifié de la manière suivante :
« Le marché de capacité, tel que modifié par les amendements notifiés […] vise à atteindre le niveau requis de sécurité d’approvisionnement, tout en transmettant les signaux nécessaires à la promotion d’une capacité plus respectueuse de l’environnement, conformément à la nouvelle réglementation sur l’électricité. »
17 Aux points 38 et 39 de la décision attaquée, la Commission résume les principales modifications notifiées par la République italienne, en indiquant qu’elles consistent à fixer des limites en matière d’émissions de CO2 comme condition préalable à la participation au marché de capacité, à fixer un délai d’exécution d’au moins deux ans pour la première enchère ainsi qu’à élargir les conditions d’admissibilité pour les capacités nouvelles. Il est néanmoins constaté que les autres caractéristiques du marché de capacité, telles que décrites aux points 2.4 à 2.12 de la décision de 2018, demeurent inchangées.
18 Aux points 40 à 47 de la décision attaquée, la Commission a décrit plus précisément les principales modifications notifiées par la République italienne, en soulignant notamment que, désormais, la participation aux enchères est possible pour les fournisseurs de capacité qui, au cours de la phase de qualification, ont fait une demande en vue d’obtenir les autorisations administratives nécessaires à une telle participation de leurs unités de production (ci-après les « capacités nouvelles non autorisées »). Dans la décision de 2018, une telle faculté était réservée aux fournisseurs de capacité dont les unités de production avaient déjà obtenu de telles autorisations.
19 Les modifications du marché de capacité italien notifiées par la République italienne sont, par la suite, examinées au point 4 de la décision attaquée. En substance, la Commission constate que l’objectif d’intérêt commun a été partiellement modifié, mais que celui-ci demeure suffisamment bien défini. Elle souligne que les modifications consistant à prolonger le délai d’exécution de la première enchère et à modifier les critères requis pour la participation des capacités nouvelles aux enchères visent à leur permettre de prendre part audit marché de capacité. Dans la mesure où la décision de 2018 avait mis en avant la nécessité de permettre une telle participation et de s’assurer d’une concurrence égalitaire avec les capacités existantes, la Commission constate que ces modifications ne remettent pas en cause l’appréciation de la compatibilité de ce marché de capacité avec les règles de l’Union européenne relatives aux aides d’État. Elle ajoute que l’imposition de limites en matière d’émissions de CO2 aura pour conséquence de réduire la participation des capacités existantes au même marché de capacité, tout en favorisant la réalisation de l’objectif d’intérêt commun précédemment défini. En effet, elle estime que cette participation moindre sera compensée par l’élargissement du cercle des participants potentiels au marché de capacité en question, lequel comprend désormais les capacités nouvelles non autorisées. En outre, elle considère que cet élargissement permettra à de plus petits opérateurs d’intégrer pareil marché de capacité, diminuant ainsi le pouvoir de marché des participants qui, à travers les capacités existantes, disposaient des plus grandes parts de marché. Ces considérations sont notamment étayées par deux graphiques figurant aux pages 12 et 13 de ladite décision.
Conclusions des parties
20 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
21 La Commission, soutenue par la République italienne, EP Produzione SpA, A2A SpA, Edison SpA, Alperia Trading Srl, Elettricità Futura – Unione delle imprese elettriche italiane, Terna – Rete elettrica nazionale SpA et Enel Produzione SpA, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
22 En tant que partie intéressée et afin d’assurer la sauvegarde des droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), la requérante fait valoir en substance dans la requête que la Commission n’a pas suffisamment analysé les modifications apportées au marché de capacité italien tel qu’il avait initialement été autorisé par la décision de 2018. Elle soulève formellement à cet égard deux moyens.
23 Le premier moyen soulevé formellement est tiré d’une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, d’une violation des principes de proportionnalité et de non-discrimination, d’un défaut de motivation, de l’absence d’une évaluation appropriée de l’ouverture du marché de capacité aux nouvelles unités de production non autorisées, et d’un détournement de pouvoir. Selon la requérante, l’élargissement du cercle des participants au marché de capacité italien modifié, la méconnaissance de l’objectif d’intérêt commun poursuivi par ce dernier et l’absence d’évaluation de certaines modifications qui y ont été apportées par rapport à la décision de 2018 auraient dû conduire la Commission à éprouver des doutes quant à la compatibilité dudit marché de capacité avec le marché intérieur.
24 Le second moyen soulevé formellement est tiré d’une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, d’un défaut d’instruction, de l’absence d’examen, de motivation et d’une évaluation appropriée de l’obligation de désignation prioritaire mensuelle prévue à l’article 45.5 de la réglementation notifiée par la Commission, d’un détournement de pouvoir, de contradictions, et d’une violation de l’article 10, paragraphe 4, et de l’article 22, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/943. Selon la requérante, l’introduction d’une obligation imposée aux fournisseurs de capacité possédant plusieurs unités de production d’indiquer, en priorité, celle qui a effectivement produit et vendu l’électricité sur les marchés de l’énergie et des services à l’heure dite (ci-après l’« obligation de désignation prioritaire ») aurait dû provoquer les doutes de la Commission quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur.
25 Par ailleurs, au stade de la réplique, la requérante soutient que la mise en œuvre du marché de capacité italien modifié est illégale, dans la mesure où celui-ci n’était pas encore appliqué le 4 juillet 2019, mais seulement planifié, ce qui ne serait pas conforme aux dispositions du règlement 2019/943, et notamment à son article 22, paragraphe 5.
Sur le contrôle de la légalité de la décision attaquée
26 Il convient de rappeler que la légalité d’une décision, telle que la décision attaquée, de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, dépend de la question de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), de ce règlement (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 38 et jurisprudence citée).
27 Lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, il met en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de l’aide en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant, ce faisant, ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission dispose lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être rapportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 39 et jurisprudence citée).
28 La preuve de l’existence de doutes sur la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide en cause, qui doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de la décision de ne pas soulever d’objections que dans son contenu, doit être rapportée par le demandeur de l’annulation de cette décision, à partir d’un faisceau d’indices concordants (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 40 et jurisprudence citée).
29 En particulier, le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses dans l’appréciation de la mesure en cause, dont la présence oblige celle‑ci à ouvrir la procédure formelle d’examen (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 41 et jurisprudence citée).
30 En outre, la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections prise au terme de la procédure d’examen préliminaire doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction non seulement des éléments d’information dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée, mais aussi des éléments dont elle pouvait disposer (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 42 et jurisprudence citée).
31 Or, les éléments d’information dont la Commission « pouvait disposer » incluent ceux qui apparaissaient pertinents pour l’appréciation à effectuer conformément à la jurisprudence rappelée au point 26 ci-dessus et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 43 et jurisprudence citée).
32 En effet, la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures en cause de manière diligente et impartiale afin de disposer, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 44).
33 Toutefois, si la Cour a jugé que, lors de l’examen de l’existence et de la légalité d’une aide d’État, il peut être nécessaire que la Commission aille, le cas échéant, au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance, il ne saurait être déduit de cette jurisprudence qu’il incombe à la Commission de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie, quand bien même de telles informations se trouveraient dans le domaine public (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 45 et jurisprudence citée).
34 Par ailleurs, il convient d’observer que la décision attaquée a été adoptée seize mois après la décision de 2018, dont la légalité n’a jamais été contestée, ainsi que cela a été souligné au point 12 ci-dessus. Partant, la compatibilité du régime d’aide litigieux avec le marché intérieur avait, à l’exception des modifications introduites postérieurement à l’adoption de cette dernière, déjà fait l’objet d’une analyse et été constatée par la Commission dans la décision de 2018.
35 C’est à la lumière de ces principes jurisprudentiels et de ces considérations qu’il convient d’analyser le bien-fondé du recours.
Sur la motivation de la décision attaquée
36 La requérante invoque une absence de motivation dans les intitulés des deux moyens qu’elle soulève formellement à l’appui de son recours (voir ci-après), sans qu’aucun argument à l’appui d’un tel grief ne soit développé concrètement à travers l’argumentation qui leur est respectivement consacrée.
37 En tout état de cause, selon une jurisprudence constante, le moyen qui vise un défaut ou une insuffisance de motivation constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67 et jurisprudence citée).
38 Par conséquent, il convient de vérifier si la décision attaquée est motivée.
39 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 88, et du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 172).
40 S’agissant, plus particulièrement, comme en l’occurrence, d’une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur et même une motivation succincte de cette décision doit être considérée comme suffisante au regard de l’exigence de motivation que prévoit l’article 296, deuxième alinéa, TFUE si elle fait néanmoins apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de telles difficultés, la question du bien-fondé de cette motivation étant étrangère à cette exigence (arrêts du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 48 ; du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, points 65, 70 et 71, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 111).
41 En l’espèce, à la lecture de la décision attaquée, le Tribunal constate que celle-ci, telle que résumée aux points 13 à 19 ci-dessus, fait apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur.
42 Par conséquent, il convient de rejeter le présent moyen.
Sur l’analyse du marché de capacité italien modifié concernant l’élargissement du cercle de participants audit marché de capacité, l’objectif d’intérêt commun poursuivi par ce dernier et les modifications qui y ont été apportées par rapport à la décision de 2018
43 Dans le cadre du premier moyen soulevé formellement dans la requête, la requérante soulève, en substance, trois griefs. Elle soutient que, premièrement, les conditions de concurrence entre la catégorie des capacités nouvelles, dont font désormais partie les capacités nouvelles non autorisées, et la catégorie des capacités existantes sont discriminatoires et disproportionnées au détriment de ces dernières. Deuxièmement, le marché de capacité italien modifié méconnaîtrait le principe de neutralité technologique prévu par les lignes directrices et constituerait un détournement des finalités propres dudit marché de capacité. Enfin, troisièmement, toutes les modifications apportées à ce dernier n’auraient pas été prises en compte par la Commission dans l’examen qu’elle a réalisé de la mesure contestée.
Sur le premier grief, pris, en substance, d’une situation de concurrence avantageuse pour les capacités nouvelles par rapport aux capacités existantes
44 La requérante reproche, en substance, à la Commission de s’être contentée de prendre acte de l’élargissement du cercle des bénéficiaires du marché de capacité italien modifié, sans pour autant apprécier l’impact concret de cette modification. Plus spécifiquement, elle fait valoir que, compte tenu de la possibilité désormais donnée aux capacités nouvelles non autorisées d’intégrer ledit marché de capacité, en plus des capacités nouvelles autorisées, le nombre global de capacités nouvelles qui participera aux enchères augmentera mécaniquement. Or, dans la mesure où les capacités nouvelles peuvent bénéficier de contrats d’une durée de quinze ans, et compte tenu notamment de l’entrée en vigueur du règlement 2019/943 qui rendra impossible la conclusion de nouveaux contrats de capacité au-delà du 1er janvier 2020, elle considère que les conditions de concurrence ne seront pas équitables pour les capacités existantes. Selon elle, la possibilité pour les capacités nouvelles, dont les capacités nouvelles non autorisées, de conclure des contrats de quinze ans dès l’enchère relative à l’année de livraison 2022 conduira mécaniquement à réduire la capacité attribuable dans le cadre de l’enchère relative à l’année de livraison 2023. Cela pénaliserait les autres participants et mettrait fin à l’exploitation d’un certain nombre de capacités de production existantes qui ne sont, pour leur part, autorisées à conclure des contrats que pour une durée d’un an et ne peuvent donc engager leur capacité que jusqu’à la période de livraison prévue en 2023. Or, la requérante estime qu’il résulte de ce règlement qu’il ne sera plus possible de conclure de nouveaux contrats au-delà du 1er janvier 2020, dans la mesure où l’article 22 dudit règlement prévoit que « [l]es États membres qui appliquent des mécanismes de capacité au 4 juillet 2019 adaptent leurs mécanismes pour se conformer au chapitre 4, sans préjudice des engagements ou des contrats conclus au plus tard le 31 décembre 2019 ». Elle indique, par ailleurs, que l’approbation d’un nouveau mécanisme de capacité pourrait ne pas être nécessaire après l’année de livraison 2023, dans la mesure où il est possible que la capacité fournie dans le cadre des enchères relatives aux années de livraison 2019 à 2037 par la capacité nouvelle non autorisée soit suffisante pour atteindre l’adéquation du système. En outre, elle soutient que la Commission a erronément présumé les effets bénéfiques de l’élargissement du cercle des bénéficiaires de ce marché de capacité pour la concurrence, sans en apporter aucune preuve ni réaliser aucune enquête sur le sujet.
45 La Commission et les intervenantes contestent l’argumentation de la requérante.
46 À titre liminaire, il convient de rappeler, s’agissant des lignes directrices, que, en adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés, la Commission s’autolimite dans l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont elle bénéficie et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 100 et jurisprudence citée).
47 À cet égard, il ressort du paragraphe 226 des lignes directrices, notamment, que « [l]es mesures d’aide devraient être ouvertes et fournir des incitations adéquates aussi bien aux producteurs existants qu’aux producteurs futurs » et qu’elles « devraient dès lors être octroyées au moyen d’un mécanisme permettant des délais de réalisation potentiellement différents, correspondant au temps dont auront besoin les nouveaux producteurs utilisant diverses technologies pour réaliser de nouveaux investissements ». De même, selon le paragraphe 229 de ces lignes directrices, « une procédure de mise en concurrence fondée sur des critères clairs, transparents et non discriminatoires ciblant effectivement l’objectif défini, sera considérée comme engendrant des taux de rendement raisonnables dans des circonstances normales ». Par ailleurs, sous le titre « Prévention des effets négatifs non désirés sur la concurrence et les échanges », au paragraphe 232 desdites lignes directrices, il est énoncé que ces mesures « devraient être conçues de manière que toutes les capacités pouvant contribuer de manière effective à remédier à un problème d’adéquation des capacités de production participent auxdites mesures ». Enfin, au paragraphe 233, sous d), des mêmes lignes directrices, il est spécifié que les mesures d’aide ne devraient pas « renforcer indûment les positions dominantes ».
48 En l’espèce, le premier grief du premier moyen soulevé par la requérante repose sur la conjugaison de plusieurs facteurs qui établit, selon elle, l’existence d’une distorsion de concurrence entre les capacités nouvelles et les capacités existantes, laquelle aurait dû susciter les doutes de la Commission et la conduire à ouvrir la procédure formelle d’examen.
49 En premier lieu, la requérante fait valoir que, compte tenu de l’entrée en vigueur du règlement 2019/943, les enchères organisées au mois de novembre 2019 seront les dernières dans le cadre du marché de capacité italien modifié autorisé par la décision attaquée. Or, elle soutient que cette circonstance, conjuguée à la possibilité donnée aux capacités nouvelles, dont les capacités nouvelles non autorisées, de conclure des contrats de quinze ans, soumettra les capacités existantes à une concurrence inéquitable, au profit desdites capacités nouvelles.
50 Premièrement, il convient de rappeler tout d’abord que la question de la durée des contrats pouvant être conclus par les capacités nouvelles dans le cadre du marché de capacité italien a été examinée par la Commission dans la décision de 2018. En substance, celle-ci y a considéré que, aussi bien en ce qui concernait la phase initiale de mise en œuvre que la phase intégrale de mise en œuvre dudit marché, pour autant que leurs coûts d’investissement atteignent un certain seuil, elles pourraient conclure des contrats de quinze ans. Ces considérations étaient notamment justifiées par le fait que, en assurant la prévisibilité de leurs futurs revenus, de tels contrats permettaient aux projets devant faire face à de lourds coûts d’investissements d’être compétitifs lors des enchères.
51 Ensuite, il y a lieu d’observer que, au point 141 de la décision attaquée, la Commission a rappelé les effets positifs liés à la possibilité donnée aux capacités nouvelles de conclure des contrats de longue durée dans la décision de 2018. Ainsi, il y avait notamment été constaté que de tels contrats permettraient de lutter contre le renforcement de potentielles positions dominantes sur le marché. Or, la durée en question a été maintenue dans le cadre du marché de capacité italien modifié à quinze ans au maximum.
52 Enfin, il a été rappelé au point 46 ci-dessus que le paragraphe 226 des lignes directrices indique expressément que, dans un mécanisme de capacité, des délais de réalisation différents peuvent être prévus pour les producteurs existants et les nouveaux producteurs, afin de permettre à ces derniers de réaliser de nouveaux investissements.
53 Il découle de ce qui précède que, dès lors que la question de la durée des contrats qui peuvent être conclus par les capacités nouvelles avait fait l’objet d’un examen minutieux dans le cadre du marché de capacité autorisé par la décision de 2018, et que ladite durée est demeurée identique dans le cadre du marché de capacité modifié autorisé par la décision attaquée, elle n’était pas de nature à susciter, par elle-même, les doutes de la Commission.
54 Néanmoins, il convient de vérifier si les autres facteurs invoqués par la requérante, et notamment la prochaine entrée en vigueur du règlement 2019/943, auraient dû conduire la Commission à modifier son appréciation à cet égard.
55 Ainsi, deuxièmement, la requérante soutient que, avec l’entrée en vigueur du règlement 2019/943, il deviendra impossible de conclure des contrats de capacités dans le cadre du marché de capacité italien modifié autorisé par la décision attaquée, et que, dans la mesure où l’article 22, paragraphe 5, dudit règlement prévoyait le maintien des contrats de capacité conclus avant le 1er janvier 2020, les contrats de quinze ans qui seraient conclus par les capacités nouvelles lors des enchères de 2019 pénaliseraient de manière disproportionnée les capacités existantes jusqu’au terme desdits contrats. En effet, elle prétend que ledit marché de capacité ne pouvait faire l’objet que d’une application partielle, puisque son autorisation serait révoquée après le 31 décembre 2019, du fait de l’entrée en vigueur de ce règlement.
56 À cet égard, il convient de préciser que le chapitre 4 du règlement 2019/943 est consacré à l’adéquation des ressources dans le marché intérieur de l’électricité. L’article 21 dudit règlement prévoit notamment, en substance, que les États membres qui rencontrent des problèmes pour résoudre des difficultés résiduelles d’adéquation des ressources peuvent introduire des mécanismes de capacité, pour autant que l’évaluation rigoureuse de ces difficultés en ait révélé le besoin impératif, qu’une étude approfondie de leurs effets ait été préalablement réalisée, et que d’autres mesures ne soient pas susceptibles de résoudre lesdites difficultés. En outre, il est prévu qu’aucun nouveau contrat ne puisse être conclu dans le cadre d’un tel mécanisme de capacité tant que des évaluations de l’adéquation des ressources à l’échelle nationale et européenne n’ont pas été réalisées. Par ailleurs, l’article 22, paragraphe 4, de ce règlement prévoit que les mécanismes de capacité sont tenus d’incorporer des exigences en matière de limites d’émissions de CO2.
57 En outre, l’article 22, paragraphe 5, du règlement 2019/943 est rédigé de la manière suivante : « [l]es États membres qui appliquent des mécanismes de capacité au 4 juillet 2019 adaptent leurs mécanismes pour se conformer au chapitre 4, sans préjudice des engagements ou des contrats conclus au plus tard le 31 décembre 2019 ».
58 Premièrement, il en résulte que, lors de l’adoption de la décision attaquée, il était acquis qu’une évaluation de l’adéquation des ressources à l’échelle européenne et qu’une autre à l’échelle nationale devraient être conduites, et que de nouveaux contrats de capacité ne pourraient être conclus que si elles recensaient des difficultés d’adéquation des ressources. Deuxièmement, le marché de capacité italien modifié devrait faire l’objet de modifications pour être adapté au chapitre 4 du règlement 2019/943. Troisièmement, il était constant que les contrats conclus dans le cadre des enchères prévues au mois de novembre 2019 devraient, en revanche, être maintenus au-delà du 31 décembre 2019.
59 Pour autant, contrairement à ce que prétend la requérante, l’exigence d’adapter le marché de capacité italien modifié au chapitre 4 du règlement 2019/943 comme la nécessité d’évaluer l’adéquation des ressources n’impliquent en rien que ledit marché de capacité ne puisse plus fonctionner.
60 En effet, il ressortait déjà des points 106 et 107 de la décision de 2018 que le marché de capacité italien était créé dans une perspective de long terme, pouvant aller jusqu’à dix ans, et que la République italienne s’engageait néanmoins à en réévaluer périodiquement l’efficacité ainsi que la nécessité. Dans ladite décision, la Commission autorisait, d’ailleurs, ledit marché de capacité jusqu’au 31 décembre 2028.
61 Or, ces éléments de la décision de 2018 n’ont pas fait l’objet des modifications apportées par la République italienne au marché de capacité italien autorisé par ladite décision. Au contraire, aux points 22 et 23 de la décision attaquée, la Commission a expressément renvoyé aux considérations exposées au point 60 ci-dessus, et elle a de nouveau conclu, au terme de celle-ci, que le marché de capacité italien modifié était autorisé jusqu’au 31 décembre 2028. Dès lors, et ainsi que la Commission le souligne à juste titre dans ses écrits, la République italienne demeurait libre d’organiser de nouvelles enchères si celles-ci répondaient à un besoin de capacité approuvé conformément aux dispositions du règlement 2019/943.
62 En outre, les exigences du règlement 2019/943, telles que résumées aux points 56 et 57 ci-dessus, ne sauraient être considérées comme une circonstance qui aurait dû conduire la Commission à avoir des doutes et à l’examiner dans le cadre de la procédure formelle d’examen.
63 En effet, ainsi que cela a été rappelé au point 60 ci-dessus, la République italienne s’était engagée à réévaluer annuellement la nécessité du marché de capacité nouvellement créé avant l’adoption de la décision de 2018. De même, il était souligné, en substance, dans la note en bas de page no 50 de ladite décision, que cette décision devait être interprétée à la lumière de la réglementation pertinente, y compris celle qui n’avait pas encore été adoptée. En outre, la Commission y faisait expressément référence à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur le marché intérieur de l’électricité telle que mentionnée au point 11 ci-dessus et aux exigences qu’elle comprenait en matière de limites relatives aux émissions de CO2 que les marchés de capacité devraient intégrer et respecter même s’ils étaient déjà en vigueur.
64 Ces considérations ont été rappelées au point 31 de la décision attaquée.
65 Par conséquent, ni l’exigence de réévaluer régulièrement la nécessité du marché de capacité italien avant de conclure de nouveaux contrats, ni les exigences relatives aux émissions de CO2 qui ont été formalisées par l’article 22, paragraphe 4, du règlement 2019/943 et rappelées aux points 29 et 30 de la décision attaquée ne sauraient être regardées comme des éléments qui auraient dû faire l’objet d’un examen particulier de la part de la Commission dans le cadre de cette dernière et, le cas échéant, susciter ses doutes quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur. En tout état de cause, et comme le fait également justement valoir la Commission, il convient d’observer que s’il n’était pas nécessaire d’organiser de nouvelles enchères à l’avenir, cela signifierait simplement que les défaillances résiduelles du marché de l’électricité italien ont été surmontées et que l’objectif d’adéquation des capacités a été atteint.
66 Troisièmement, la requérante fait valoir que, du fait de l’effet conjugué de la possibilité qui est accordée aux capacités nouvelles non autorisées de conclure des contrats de quinze ans et de l’impossibilité d’organiser de nouvelles enchères sur la base du marché de capacité tel qu’approuvé par la décision attaquée, les capacités existantes seront pénalisées de manière disproportionnée par rapport aux capacités nouvelles. En ce sens, elle produit une étude universitaire dont elle estime qu’elle étaye son argumentation en ce sens.
67 En substance, il ressort de l’étude universitaire invoquée par la requérante que, alors que les capacités nouvelles, dont les capacités nouvelles non autorisées, qui remporteront des enchères lors de la session prévue au mois de novembre 2019 pourront potentiellement bénéficier de contrats jusqu’à l’année 2037, les capacités existantes qui participeront à cette même session ne pourront en bénéficier que jusqu’à la fin de l’année 2022 au maximum. Or, durant la période qui s’étend de la fin des contrats de capacité conclus par les capacités existantes à la fin des contrats de capacité conclus par les capacités nouvelles, les installations existantes ne toucheront plus la prime mais devront continuer à subir les effets du marché de capacité sur le prix de marché de l’énergie électrique et des services d’appel qui plafonne le prix de l’énergie.
68 Toutefois, il convient d’observer que les arguments exposés au point 67 ci-dessus et qui visent à démontrer les aspects prétendument discriminatoires du marché de capacité italien modifié se fondent sur des considérations relatives à l’ensemble des capacités nouvelles et non à l’élargissement du cercle des bénéficiaires dudit marché de capacité aux capacités nouvelles non autorisées.
69 Ainsi, rien dans les considérations qui précèdent n’étaye la thèse soutenue par la requérante. Celle-ci se contente de soutenir, de manière abstraite, que le fait d’autoriser davantage de capacités nouvelles à participer au marché de capacité risque de rompre l’équilibre concurrentiel qui avait été approuvé dans la décision de 2018, sans avancer aucun élément concret susceptible d’étayer son argumentation sur ce point. Les mêmes constatations s’imposent, par ailleurs, en ce qui concerne son argument selon lequel les capacités nouvelles non autorisées participant à l’enchère relative à l’année de livraison 2022 devaient avoir pour conséquence de réduire la capacité visée par l’enchère relative à l’année de livraison 2023.
70 Or, il convient pourtant de constater à cet égard que, d’une part, les conditions dans lesquelles les capacités nouvelles non autorisées peuvent participer aux enchères sont encadrées et limitatives, puisque celles-ci n’ont vocation à y intervenir que dans le cadre d’une 27e session hypothétique, seulement organisée à l’issue de 26 sessions précédentes si l’ensemble de la capacité dont le GRT a estimé qu’elle devrait être attribuée au cours d’une session d’enchères donnée n’a pas été remportée par des capacités existantes ou par des capacités nouvelles autorisées.
71 D’autre part, l’ensemble des capacités nouvelles, dont les capacités nouvelles non autorisées, n’est pas autorisé à conclure des contrats de quinze ans. En effet, l’obtention de contrats de cette durée est subordonnée à la satisfaction d’un certain nombre de critères qui étaient déjà exposés au point 79, sous a), de la décision de 2018 et qui n’ont fait l’objet d’aucune modification dans le cadre de la décision attaquée.
72 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler à ce sujet que, ainsi que cela ressort des points 50 à 53 ci-dessus, la question de la durée des contrats pouvant être conclus par les capacités nouvelles avait déjà fait l’objet d’un examen de la Commission préalablement à l’adoption de la décision de 2018, dont la légalité n’a jamais été contestée. Les modifications du marché de capacité soumises à l’examen de la Commission n’ont pas porté sur la durée desdits contrats, et cette question ne pouvait donc pas influencer son analyse de manière à susciter des doutes quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur.
73 Or, la requérante ne se prononce sur aucun de ces aspects de l’intégration des capacités nouvelles non autorisées au marché de capacité modifié, pas plus qu’elle n’explique concrètement en quoi la distorsion de concurrence qu’elle invoque serait due précisément à leur participation aux enchères plutôt qu’à la concurrence normale que se livrent les capacités existantes et les capacités nouvelles, telle qu’elle était prévue et examinée dans le cadre de la décision de 2018.
74 En second lieu, en ce que la requérante prétend, en substance, que la Commission s’est contentée de prendre acte des effets bénéfiques allégués de l’élargissement du cercle des bénéficiaires du marché de capacité modifié sans les examiner, il convient, d’abord, de rappeler que la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, dépend de la question de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur.
75 Par conséquent, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir démontré, dans la décision attaquée, que les modifications apportées au marché de capacité italien auraient des conséquences favorables pour la concurrence, mais il convient seulement de déterminer si celles-ci ne provoquaient pas de difficultés sérieuses qui auraient dû susciter des doutes quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur, et donc la conduire à ouvrir la procédure formelle d’examen.
76 Par ailleurs, en ce que la requérante soutient que la Commission aurait dû envisager à la fois un scénario comprenant la participation des capacités nouvelles non autorisées au marché de capacité et un scénario excluant celles-ci dans la décision attaquée, il convient de constater les éléments ci-après.
77 Premièrement, comme le fait justement valoir la République italienne dans ses écritures, si la décision attaquée mentionne bien un scénario qui comprend la capacité disponible par opérateur en incluant les centrales thermiques au charbon et un scénario qui comprend la capacité disponible par opérateur en excluant les centrales thermiques au charbon, il convient d’observer que les données sur lesquelles étaient fondés lesdits scénarios étaient connues lors de son adoption. En revanche, deuxièmement, en ce qui concerne les hypothèses que la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir analysées dans ladite décision, à savoir celles résumées au point 76 ci-dessus, force est de constater que les données relatives à la participation des capacités nouvelles non autorisées au marché de capacité italien modifié, ou à son absence, ne pouvaient être connues ni par la République italienne, ni par la Commission lors de l’adoption de la décision attaquée. En effet, une telle participation relève de la stratégie des différents opérateurs concernés et ne pouvait pas être connue au stade de la notification du régime d’aide litigieux.
78 Par conséquent, il convient d’écarter le présent grief.
Sur le deuxième grief, pris, en substance, de ce que la Commission n’a pas apprécié la modification des objectifs poursuivis par le marché de capacité italien et a détourné les finalités propres dudit marché de capacité
79 La requérante fait valoir, en substance, que l’objectif de garantir l’adéquation de la capacité de production poursuivi par le marché de capacité italien approuvé par la décision de 2018 a été remplacé par l’objectif de mettre en œuvre une politique de substitution des capacités existantes par des capacités nouvelles sans que la Commission ait apprécié ce changement. Or, ce dernier objectif ne serait pas conforme aux lignes directrices. Cette substitution, que les autorités italiennes auraient elles-mêmes reconnue, bénéficierait en outre aux opérateurs historiques du marché de l’électricité. Ainsi, la requérante estime que la rapidité avec laquelle la dernière période du processus d’approbation de la décision attaquée a été menée visait à leur permettre de mettre en œuvre des politiques de substitution technologique, en remplaçant les unités de production fonctionnant à partir du charbon, et dont ils étaient les principaux propriétaires, par des installations nouvelles en attente d’autorisation, lesquelles pourraient désormais participer aux enchères dans le cadre du marché de capacité italien modifié. De plus, elle réfute l’argument de la Commission selon lequel l’élargissement aux capacités nouvelles non autorisées des participants à ce dernier marché de capacité vise seulement à compenser l’exclusion des unités de production fonctionnant au charbon. Selon elle, ces dernières opéreront malgré tout sur le marché de l’énergie au moins jusqu’en 2025, année qui marquera la fin des périodes de livraison prévues dans le cadre des enchères organisées au mois de novembre 2019, et contribueront ainsi à l’adéquation du système au cours desdites années, puisqu’elles seront considérées comme capables de répondre à la demande. Elle en déduit que, contrairement à ce qu’affirment la Commission et la République italienne, le but poursuivi par la mise en œuvre dudit marché de capacité n’était pas de garantir l’adéquation des capacités en Italie mais bien d’octroyer des primes pour éliminer les unités de production fonctionnant au charbon. Elle ajoute que, au mois d’août 2019, le GRT a formulé une demande auprès des opérateurs visant à obtenir des renseignements relatifs à la disponibilité des unités de production pour l’année 2019 jusqu’à l’année 2023. Selon elle, puisque les indications données par lesdits opérateurs n’étaient pas contraignantes, elles pouvaient être faites dans le but de créer de l’espace pour de nouvelles capacités et d’obtenir la prime correspondante sans aucune obligation de défaisance. En outre, ces indications n’étant pas transmises aux autres participants aux enchères, elles auraient favorisé les opérateurs qui déclaraient une certaine part de capacité indisponible pour une année de livraison donnée et qui étaient propriétaires de capacités nouvelles non autorisées, car les unités de production au charbon déclarées indisponibles n’étaient cependant pas prises en compte dans la courbe de l’offre. Elle estime que cette pratique a avantagé l’opérateur historique, détenteur de la majorité des unités de production au charbon.
80 Par ailleurs, la requérante considère que l’introduction d’une incitation économique pour les capacités nouvelles non autorisées pourrait avoir pour effet de favoriser la création d’installations en circuit ouvert, moins respectueuses de l’environnement et moins efficaces que les centrales électriques à cycle combiné existantes. Selon elle, le calendrier arrêté fait obstacle à la réalisation de centrales électriques à cycle combiné. Il en résulterait que la finalité de la mesure serait manifestement contraire au principe de neutralité technologique. À l’appui de ces affirmations, la requérante fournit une analyse réalisée à propos de deux de ses propres installations, dont il ressort que les délais d’autorisation et de réalisation seraient incompatibles avec le calendrier prévu par le décret du ministre du Développement économique italien du 28 juin 2019. Elle en tire la conclusion qu’il lui aurait été impossible de concourir sur le marché au moyen de nouvelles installations non autorisées CCGT (turbines à gaz à cycle combiné). Or, le paragraphe 226 des lignes directrices prévoirait que le mécanisme devrait garantir des délais de réalisation correspondant au temps dont auraient besoin les nouveaux producteurs utilisant diverses ressources technologiques pour réaliser de nouveaux investissements. Dès lors, connaissant l’intention de la République italienne de lancer le marché de capacité en 2019, la Commission aurait été tenue de vérifier si la prime en faveur des nouvelles capacités ne favorisait pas certains opérateurs ou certaines technologies.
81 La Commission, soutenue par les intervenantes, conteste l’argumentation de la requérante.
82 En premier lieu, en ce qui concerne l’objectif d’intérêt commun poursuivi par le marché de capacité italien modifié, il convient de relever que celui-ci était décrit aux points 39 et 40 de la décision de 2018 en ces termes :
« (39) La mesure notifiée vise à répondre à l’objectif de maintenir la sécurité de l’approvisionnement, en[, premièrement,] développant ou en maintenant une capacité suffisante, tout en[, deuxièmement,] tenant compte des contraintes de réseau et en fournissant des signaux de localisation pour les investissements.
(40) La mesure est destinée à remédier aux défaillances résiduelles du marché qui subsistent malgré la mise en œuvre d’une série de réformes visant à remédier aux défaillances du marché et de la réglementation (voir [point] 2.1.3 ci-dessus), et à contribuer au maintien de l’adéquation. »
83 Les considérations qui viennent d’être exposées n’ont pas été reprises à l’identique dans la décision attaquée.
84 En effet, l’objectif poursuivi par le marché de capacité italien modifié y est défini sommairement au point 37 de la décision attaquée comme suit :
« Le marché de capacité, tel que modifié par les amendements notifiés (“le mécanisme de capacité modifié”), vise à atteindre le niveau requis de sécurité d’approvisionnement, tout en fournissant les signaux d’investissement pour promouvoir des capacités plus respectueuses de l’environnement, conformément à la nouvelle réglementation sur l’électricité. Les enchères zonales visent également à stimuler ces investissements dans les zones où ils sont le plus nécessaires et à promouvoir un développement coordonné des investissements dans les capacités de transport et de production, de stockage et de réponse à la demande. »
85 En outre, au point 76 de la décision attaquée, il est également indiqué que la République italienne a expliqué, en substance, que la situation en matière d’adéquation des capacités de production risquait de se détériorer du fait de l’abandon progressif des unités de production fonctionnant au charbon, et que le marché de capacité visait donc à stimuler les investissements dans les capacités alternatives plus respectueuses de l’environnement.
86 Ces considérations sont confirmées au point 4.4.1 de la décision attaquée, consacré spécifiquement à l’analyse de l’objectif poursuivi par le marché de capacité italien modifié, tel que décrit par les autorités italiennes. La Commission y constate expressément, aux points 98 et 99 de ladite décision, que l’objectif d’intérêt commun poursuivi par le marché de capacité italien a été partiellement modifié avec l’introduction de limites en matière d’émissions de CO2 et que ledit marché de capacité vise désormais à atteindre le niveau requis de sécurité d’approvisionnement tout en fournissant les signaux d’investissement qui promouvront des capacités plus respectueuses de l’environnement, conformément à la nouvelle réglementation. Elle entérine ensuite, aux points 101 à 103 de cette décision, les conclusions de la décision de 2018 relatives aux problèmes d’adéquation de la production en soulignant que la situation n’a pas changé sur ce plan depuis lors et que les conclusions qui y étaient tirées à ce sujet demeurent donc valides. Par conséquent, elle conclut, aux points 104 et 105 de la décision attaquée, que, au regard du paragraphe 220 des lignes directrices, les modifications apportées au marché de capacité italien par les autorités italiennes contribueront à renforcer l’objectif d’intérêt commun poursuivi, puisqu’elles empêcheront l’octroi de subventions aux capacités les plus nocives pour l’environnement, ce qui est conforme à la réglementation pertinente au sein de l’Union. Elle estime donc que ledit objectif est suffisamment bien défini.
87 Par conséquent, d’une part, il y a lieu de constater que c’est à tort que la requérante soutient que l’objectif d’intérêt commun de l’adéquation des capacités de production a été remplacé par un autre objectif visant à favoriser la transition énergétique sur le marché de l’électricité italien, sans avoir fait l’objet d’aucune appréciation de la part de la Commission. En effet, il ressort de ce qui précède que, d’abord, l’objectif d’intérêt commun de l’adéquation des capacités de production n’a pas été remplacé par un objectif de transition énergétique mais est demeuré intact tout en intégrant ce dernier. Ensuite, la Commission a dûment pris en compte ladite modification, et celle-ci a fait l’objet d’un examen dans le cadre de la décision attaquée.
88 D’autre part, il convient d’observer que le raisonnement de la Commission est conforme aux paragraphes 30 et 219 à 221 des lignes directrices. En effet, le premier de ces paragraphes reconnaît un « objectif général » des aides à l’environnement, y compris dans le secteur énergétique, qui consiste à « augmenter le niveau de protection de l’environnement par rapport à celui qui serait atteint en l’absence d’aide ». Parallèlement, il ressort, en substance, des autres paragraphes susmentionnés que l’objectif principal poursuivi par les marchés de capacité doit être de garantir le respect de la norme de fiabilité, aux fins de s’assurer qu’une quantité suffisante d’électricité demeure disponible pour préserver la sécurité d’approvisionnement, mais également que les mesures visant à garantir l’adéquation des capacités de production, tels les marchés de capacité, peuvent poursuivre différents objectifs.
89 Ainsi, les États membres sont tenus de mettre en balance les objectifs de la sécurité de l’approvisionnement énergétique, d’une part, et ceux de la protection de l’environnement, d’autre part, tout en respectant le principe de proportionnalité, dans le but de réduire l’impact environnemental éventuellement négatif des aides à un strict minimum nécessaire et acceptable. Cette obligation de mise en balance est d’ailleurs conforme à la rédaction de l’article 194, paragraphe 1, TFUE qui prévoit, dans le domaine de l’énergie, un impératif de prise en compte de la préservation et d’amélioration de l’environnement, tout en assurant la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union.
90 Par conséquent, dès lors que l’objectif principal poursuivi par le marché de capacité demeurait de garantir le respect de la norme de fiabilité, aux fins de s’assurer qu’une quantité suffisante d’électricité demeure disponible pour préserver la sécurité d’approvisionnement, l’intégration d’un objectif relatif à la protection de l’environnement, à travers l’envoi de signaux visant à promouvoir les capacités plus respectueuses de celui-ci pour compenser le futur retrait des unités de production fonctionnant au charbon, n’était pas de nature à susciter les doutes de la Commission.
91 C’est d’autant plus vrai que, ainsi que cela a été constaté au point 63 ci-dessus, il ressortait déjà de la décision de 2018 que tant les autorités italiennes que cette dernière connaissaient les conséquences de l’entrée en vigueur du règlement 2019/943, et notamment des exigences que prévoit l’article 21, paragraphe 1, dudit règlement en matière de limites d’émissions de CO2, lesquelles ont d’ailleurs motivé les modifications apportées au marché de capacité italien en ce qui concerne la définition de l’objectif d’intérêt commun poursuivi.
92 Partant, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’a pas apprécié la modification de l’objectif d’intérêt commun poursuivi par le marché de capacité italien.
93 En deuxième lieu, la requérante soutient que le marché de capacité italien modifié n’a pas été adopté afin de réaliser l’objectif d’intérêt commun défini dans la décision attaquée, mais pour favoriser les opérateurs historiques du marché de l’électricité italien.
94 Premièrement, la requérante soutient, en substance, que la « course contre la montre » qui a caractérisé la dernière période du processus d’approbation du marché de capacité modifié n’avait pas pour objectif de garantir l’adéquation de la capacité de production, mais plutôt de permettre aux groupes appartenant aux opérateurs historiques de mettre en œuvre une politique de substitution technologique.
95 Il convient, pour apprécier l’argument tiré de la prétendue précipitation de la Commission dans l’adoption de la décision attaquée, de rappeler le contexte particulier dans lequel est intervenue ladite adoption. Ainsi, il est constant que celle-ci a fait suite à l’adoption de la décision de 2018 dont la légalité n’a jamais été contestée. Dans ce contexte, la Commission était fondée à considérer que l’ensemble des caractéristiques du marché de capacité dont l’examen de la compatibilité avec le marché intérieur faisait l’objet de la décision attaquée et qui avaient été reprises du marché de capacité approuvé par la décision de 2018 n’était pas de nature à susciter de doutes à cet égard, puisqu’elles avaient déjà été analysées au cours de la procédure ayant conduit à l’adoption de cette dernière. En l’espèce, l’examen pouvait donc être cantonné aux points particuliers et précisément identifiés du marché de capacité modifié, étant donné que les principales caractéristiques du marché de capacité avaient été examinées et approuvées par la décision de 2018.
96 À cet égard, force est de constater que la décision de 2018 avait elle-même été adoptée à la suite d’une longue phase de pré-notification, puisque la notification formelle avait été transmise à la Commission au mois d’août 2017, tandis que l’adoption de ladite décision est intervenue le 7 février 2018. Cela implique que la Commission possédait déjà, à ce stade, une connaissance fine des différentes problématiques soulevées par le marché de capacité italien.
97 En outre, il importe d’observer que les modifications apportées au marché de capacité, tel qu’il avait été approuvé en 2018, ont été notifiées à la Commission le 21 mars 2019. Par la suite, la décision attaquée, approuvant lesdites modifications, a été rendue le 14 juin 2019, soit plus de deux mois plus tard. Or, il convient de constater à cet égard que le délai prévu par l’article 4, paragraphe 5, du règlement 2015/1589 pour mener l’examen préliminaire de la notification d’une aide nouvelle par un État membre est précisément de deux mois.
98 Au regard des considérations qui précèdent, et contrairement à ce qu’affirme la requérante, la décision attaquée a été adoptée dans des temps adéquats au contexte particulier caractérisé par de simples modifications apportées à un marché de capacité autorisé seulement seize mois auparavant.
99 Deuxièmement, la requérante soutient, en substance, que l’exclusion des unités de production fonctionnant au charbon, conjuguée à l’ouverture de l’accès au marché de capacité italien aux capacités nouvelles non autorisées, visait à favoriser les opérateurs historiques qui détenaient la majorité desdites unités de production. Elle considère donc que ces modifications ont été apportées audit marché de capacité par les autorités italiennes au terme d’un détournement de pouvoir qui aurait dû susciter les doutes de la Commission quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur.
100 À cet égard, il convient néanmoins de constater que, ainsi que le souligne justement la Commission, il ressortait déjà des points 57 et 58 de la décision de 2018 que la participation au marché de capacité italien était ouverte, sur une base volontaire, à tous les opérateurs qui satisfaisaient aux critères qu’ils énonçaient. La Commission a rappelé ces considérations au point 13 de la décision attaquée.
101 Or, la possibilité donnée aux capacités nouvelles non autorisées de participer aux enchères de capacité n’impliquait aucune modification à cet égard. Ainsi, s’il est vrai que les opérateurs historiques peuvent participer aux enchères en tant que capacité nouvelle non autorisée, cela demeure vrai à propos de n’importe quel opérateur du marché de l’électricité italien, pour autant qu’il satisfasse aux critères énoncés aux points 57 et 58 de la décision de 2018.
102 D’ailleurs, la requérante n’avance aucun élément concret susceptible de justifier son affirmation selon laquelle les opérateurs dont les unités de production fonctionnant au charbon seraient exclues du marché de capacité italien modifié les remplaceraient nécessairement par des unités de production participant au titre de capacité nouvelle non autorisée. Elle n’explique pas non plus en quoi une telle participation devrait être considérée comme discriminatoire par rapport aux autres opérateurs du marché de l’électricité, lesquels bénéficient, en tout état de cause, de la même possibilité de participer aux enchères en tant que capacités nouvelles non autorisées pour autant qu’ils le souhaitent, ainsi que cela ressort des points 100 et 101 ci-dessus.
103 Or, ainsi que cela a en substance été rappelé au point 27 ci-dessus, il incombe à la partie qui demande l’annulation d’une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections d’apporter des éléments de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments disponibles aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de la mesure concernée avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 39).
104 Partant, il convient d’écarter l’argument de la requérante tiré de ce que l’exclusion des unités de production fonctionnant au charbon, conjuguée à l’ouverture de l’accès au marché de capacité aux capacités nouvelles non autorisées, visait à favoriser les opérateurs historiques.
105 Par ailleurs, en ce qui concerne la demande formulée par le GRT pour obtenir des renseignements relatifs à la disponibilité des capacités de production des installations quant aux années 2019 à 2023, il convient de rappeler que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 54 et jurisprudence citée).
106 Or, la demande en cause date d’août 2019.
107 La décision attaquée ayant été adoptée le 14 juin 2019, la requérante ne saurait valablement invoquer cette demande pour démontrer que la Commission aurait dû éprouver des doutes quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur.
108 Par conséquent, il convient de constater que la requérante ne soulève aucun argument de nature à démontrer que la Commission aurait dû éprouver des doutes quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié en raison de ce qu’il poursuivrait l’objectif de favoriser les opérateurs historiques du marché de l’électricité italien.
109 En troisième lieu, en ce qui concerne la compatibilité du marché de capacité italien avec le principe de neutralité technologique consacré par le paragraphe 226 des lignes directrices, il résulte de la jurisprudence exposée au point 105 ci-dessus que la requérante ne saurait valablement invoquer des éléments issus du décret du ministre du Développement économique du 28 juin 2019 pour faire valoir que la Commission aurait dû en tenir compte dans la décision attaquée, adoptée le 14 juin 2019, aux fins de réaliser son appréciation de la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur.
110 Ainsi, la requérante n’avance pas d’indices concordants permettant d’établir que la Commission aurait dû considérer que le marché de capacité italien avait été modifié pour avantager les opérateurs historiques, plutôt qu’aux fins de réaliser l’objectif poursuivi par ledit marché de capacité, rappelé au point 84 ci-dessus. Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir éprouvé de doutes quant à la compatibilité de ce marché de capacité avec le marché intérieur à cet égard.
111 Par conséquent, il convient d’écarter le présent grief.
Sur le troisième grief, pris de l’absence d’examen, par la Commission, de certaines modifications apportées au marché de capacité italien
112 La requérante soutient, en substance, que l’instruction de la Commission n’a pas été menée de manière suffisamment diligente car, dans la décision attaquée, un certain nombre d’éléments relatifs à la conception et au fonctionnement du marché de capacité italien modifié et qui n’avaient pas été notifiés par la République italienne n’y ont pas été analysés. Elle estime que ces éléments ne pouvaient pas être considérés comme n’étant pas essentiels à l’évaluation de la compatibilité du marché de capacité avec le marché intérieur, et que leur absence aurait donc dû susciter les doutes de la Commission. À cet égard, premièrement, elle se réfère aux modalités de participation aux enchères des capacités nouvelles non autorisées. Deuxièmement, elle ajoute, au stade de la réplique, que, contrairement à ce qui avait été prévu par ladite décision, les autorités italiennes ont imposé un plafond absolu concernant la prime pouvant être reconnue aux capacités existantes, y compris pour les enchères dont le délai de préparation est égal ou supérieur à trois ans. Troisièmement, toujours au stade de la réplique, elle souligne que la deliberazione (décision) ARG/elt 98/11, du 21 juillet 2011, qui a fixé les critères et les conditions de la réglementation du marché de capacité, n’a fait l’objet d’aucune modification pour réviser la définition des capacités nouvelles pouvant participer au marché de capacité. Quatrièmement, elle indique que la période de livraison de la capacité qui était de trois ans dans le marché de capacité italien autorisé par la décision de 2018 a été réduite à un an dans le marché de capacité italien modifié approuvé par la décision attaquée, pénalisant ainsi encore davantage les capacités existantes.
113 La Commission et les intervenantes contestent ces allégations.
114 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission ne pouvait pas ne pas éprouver de doutes quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur sans connaître la manière dont les capacités nouvelles non autorisées seraient amenées à participer aux enchères. D’une part, elle estime que l’ajout d’une 27e session d’enchères réservée aux capacités nouvelles non autorisées, conjugué à la modification des articles 26 et 27 de la réglementation relative aux phases initiale et intégrale de mise en œuvre du marché de capacité approuvées par le décret du ministre du Développement économique du 28 juin 2019, aux fins d’inclure les offres présentées par les capacités nouvelles non autorisées à la courbe de l’offre de capacité ainsi qu’à l’algorithme de sélection et d’évaluation des offres, conduira à l’attribution de trois primes différentes pour une même ressource. D’autre part, elle indique que le délai pour obtenir les documents permettant de construire et d’exploiter les installations n’était pas non plus précisé. Or, elle estime que ces éléments contribuaient à caractériser l’architecture globale du système et qu’ils devaient donc nécessairement être notifiés.
115 Premièrement, il convient de constater que la requérante se contente d’affirmer, de manière abstraite, que les éléments résumés au point 114 ci-dessus contribuaient à caractériser l’architecture globale du système, sans démontrer pourquoi la Commission aurait dû éprouver des doutes quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié tant qu’elle n’en avait pas connaissance.
116 Or, en ce qui concerne d’abord le nombre de sessions d’enchères, c’est à juste titre que la Commission souligne que, dans la décision de 2018, ce nombre est seulement évoqué dans la partie consacrée à la description de la mesure, mais qu’il ne fait l’objet d’aucune appréciation proprement dite. En revanche, la modification du nombre de sessions et l’ajout d’une session supplémentaire réservée aux capacités nouvelles non autorisées ne sont susceptibles d’exercer aucune influence sur l’appréciation qui figure au point 175 de ladite décision. Celui-ci est repris au point 126, sous a), de la décision attaquée, selon lequel, en substance, la manière de sélectionner les bénéficiaires de la prime dépend d’une procédure d’enchères transparente, fondée sur des règles claires et dans laquelle les enchères sont communiquées à tous les participants au préalable.
117 Ensuite, en ce qui concerne la détermination de la courbe de l’offre de capacité, et l’algorithme de sélection et d’évaluation des offres, la requérante n’avance aucun argument susceptible de justifier que la non-communication à la Commission de la future modification des articles 26 et 27 de la réglementation relative aux phases initiale et intégrale de mise en œuvre du marché de capacité aurait dû la conduire à éprouver des doutes quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur, ni d’établir que celle-ci ne pouvait pas procéder à une telle appréciation sans en avoir connaissance. De la même manière, elle n’explique pas en quoi ladite modification aurait pu remettre en cause le constat qui figure au point 126, sous b), de la décision attaquée, selon lequel, en substance, la conception de la courbe de l’offre de capacité reflète la situation d’adéquation attendue dans chacune des zones du marché de l’électricité au cours de la période de livraison et garantit que le prix tend automatiquement vers zéro pour les niveaux de capacité correspondant à une perte de charge inférieure à la norme de fiabilité.
118 À cet égard, en ce que la requérante affirme que plusieurs primes pourraient être octroyées pour une seule ressource, il convient de constater que, dans le marché de capacité italien modifié, la prime demeure accordée pour la mise à disposition de la capacité de production par les opérateurs qui remportent des enchères, exactement comme dans le marché de capacité italien autorisé par la décision de 2018 et ainsi que cela ressort des points 159 à 161 de la décision attaquée. Or, la requérante n’explique pas en quoi les modifications évoquées au point 117 ci-dessus devraient être considérées comme susceptibles d’avoir exercé une quelconque influence sur cette appréciation.
119 En outre, si les fournisseurs de capacité participant aux enchères peuvent obtenir une prime pour la capacité existante, la capacité nouvelle, et la capacité nouvelle non autorisée, pour autant qu’ils disposent d’installations qui satisfassent aux critères prévus respectivement pour l’engagement de ces différentes unités de production, cela demeure vrai pour n’importe quel fournisseur. Par ailleurs, seul l’ajout de la capacité nouvelle non autorisée modifie le fonctionnement du marché de capacité italien sur ce point, et la requérante n’avance aucun élément de nature à expliquer en quoi le fait que les fournisseurs de capacité puissent engager trois types d’unités de production différentes au lieu de deux aurait dû susciter les doutes de la Commission quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié.
120 Enfin, en ce qui concerne les délais d’obtention des autorisations et de réalisation des unités de production qui conditionnent la participation aux enchères pour les capacités nouvelles non autorisées, la requérante n’avance aucun argument de nature à établir que la Commission pouvait avoir connaissance d’une éventuelle incompatibilité entre lesdits délais et la participation de certains opérateurs au marché de capacité italien modifié, selon les types d’unités de production utilisées. Il ne saurait, par conséquent, lui être reproché de ne pas avoir éprouvé de doutes à propos de la compatibilité dudit marché de capacité avec le marché intérieur, au regard de cet aspect spécifique du fonctionnement de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 49 et jurisprudence citée).
121 Deuxièmement, pour autant que la requérante soutienne que les modifications en cause auraient dû conduire, par elles-mêmes, la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen, car elles étaient susceptibles de modifier son appréciation quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur, il convient de rappeler que, comme la requérante le souligne par ailleurs elle-même, ces modifications ont été introduites par un décret ministériel et par la réglementation relative aux phases initiale et intégrale de mise en œuvre du marché de capacité, tous deux adoptés le 28 juin 2019, soit après l’adoption de la décision attaquée (voir points 105 à 107 ci-dessus).
122 Par conséquent, il ne saurait être valablement reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte de dispositions réglementaires qui ont été adoptées postérieurement à l’adoption de la décision attaquée aux fins d’apprécier la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur.
123 En deuxième lieu, en ce que la requérante affirme que les autorités italiennes ont imposé un plafond absolu concernant la prime pouvant être reconnue aux capacités existantes, même pour les enchères dont le délai de préparation est égal ou supérieur à trois ans, il suffit de constater que la décision en cause de l’autorité nationale de régulation a été adoptée le 3 septembre 2019, c’est-à-dire près de trois mois après l’adoption de la décision attaquée.
124 Par conséquent, pour les mêmes raisons que celles évoquées aux points 106, 109 et 122 ci-dessus, il ne saurait être valablement reproché à la Commission de ne pas en avoir tenu compte dans la décision attaquée.
125 En troisième lieu, en ce que la requérante indique, en substance, que la République italienne n’a pas procédé aux réformes réglementaires requises pour adapter le marché de capacité italien aux modifications qui ont fait l’objet de l’examen et de l’approbation de la Commission dans la décision attaquée, il convient de constater les éléments ci-après.
126 À la suite de l’approbation du marché de capacité italien modifié par la décision attaquée, la République italienne était tenue de mettre en œuvre un marché de capacité conforme à celui qui avait fait l’objet de la notification adressée à la Commission. Il n’en demeure pas moins logique que le cadre réglementaire relatif audit marché de capacité n’ait pas été adapté en ce sens avant que les modifications notifiées n’aient reçu l’approbation de la Commission.
127 Par conséquent, au moment de l’adoption de la décision attaquée, le fait que la décision ARG/elt 98/11 n’ait pas encore été modifiée pour prendre en compte la nouvelle définition des capacités nouvelles susceptibles de participer aux enchères de capacité ne saurait en aucun cas être considéré comme étant de nature à démontrer que la Commission aurait dû éprouver des doutes quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur.
128 En quatrième lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas examiné la modification apportée à la durée des contrats que peuvent conclure les capacités existantes lors de la phase de mise en œuvre intégrale du marché de capacité, alors que celle-ci contribue à créer des conditions de concurrence qui leur sont défavorables, lesquelles auraient dû susciter les doutes de la Commission quant à la compatibilité du marché de capacité italien modifié avec le marché intérieur.
129 À cet égard, il convient de constater que, en effet, la période de livraison relative aux contrats conclus par les capacités existantes durant la phase de mise en œuvre intégrale du marché de capacité italien modifié a été fixée à un an par l’article 23.1 de la proposition de réglementation dudit marché de capacité, alors qu’elle était fixée à trois ans pour le marché de capacité italien approuvé par la décision de 2018.
130 Néanmoins, d’une part, il y a lieu d’observer que, outre cette modification, d’autres aspects du mécanisme de rémunération des capacités existantes lors de la phase de mise en œuvre intégrale du marché de capacité ont été modifiés. En effet, la République italienne a indiqué à ce sujet que, avec le contrat annuel tel que conçu dans le marché de capacité italien modifié, la prime était reconnue sur le total de la capacité existante qualifiée au cours de l’année de livraison objet de l’enchère. En revanche, dans le marché de capacité italien approuvé par la décision de 2018, seul un tiers de la demande prévue de capacité était attribué lors de chaque enchère principale, trois enchères principales devant donc être organisées pour couvrir les besoins en capacité pour chaque année de livraison.
131 En outre, les modifications évoquées au point 130 ci-dessus ont notamment fait l’objet d’une consultation nationale, au cours de laquelle différents opérateurs du marché de l’électricité italien ont pu présenter des observations.
132 D’autre part, la requérante n’avance aucun argument concret qui soit susceptible de démontrer que la modification de la période de livraison de la capacité par les capacités existantes aurait modifié le fonctionnement du marché de capacité italien approuvé par la décision de 2018 de telle manière que lesdites capacités existantes seraient désormais pénalisées, au point de devoir susciter les doutes de la Commission quant à la proportionnalité de l’aide litigieuse.
133 Or, il convient de rappeler à cet égard que la preuve de l’existence de doutes sur la compatibilité avec le marché intérieur d’une mesure d’aide doit être rapportée, le cas échéant à partir d’un faisceau d’indices concordants, par la partie qui demande l’annulation de la décision de ne pas soulever d’objections (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 40 et jurisprudence citée).
134 L’argument de la requérante tiré de ce que la modification de la durée de la période de livraison pour les capacités existantes aurait dû susciter les doutes de la Commission doit donc être écarté, tout comme le grief dans son ensemble.
Sur l’application du marché de capacité italien modifié lors de l’entrée en vigueur du règlement 2019/943
135 En substance, la requérante soutient, au stade de la réplique, que la mise en œuvre du marché de capacité italien modifié est illégale, dans la mesure où celui-ci n’était pas encore appliqué le 4 juillet 2019, mais seulement planifié, ce qui ne serait pas conforme aux dispositions du règlement 2019/943, et notamment à son article 22, paragraphe 5, dont il ressort, selon elle, que seuls les marchés de capacité qui étaient déjà en cours d’application à cette date pouvaient faire l’objet d’une adaptation pour se conformer au chapitre 4 dudit règlement, et les contrats conclus sous leur empire avant le 31 décembre 2019 être maintenus.
136 La Commission fait valoir qu’il s’agit d’un moyen nouveau par rapport à ceux soulevés dans la requête et, partant, irrecevable.
137 Selon la jurisprudence, la production d’un moyen nouveau en cours d’instance est interdite, à moins que ce moyen ne se fonde sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, comme le prévoit l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. En revanche, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci est recevable (voir arrêt du 9 septembre 2010, British Aggregates e.a./Commission, T‑359/04, EU:T:2010:366, point 87 et jurisprudence citée).
138 Il convient également de rappeler que la notion de moyen couvre tout argument juridique ou factuel susceptible de conduire le juge, s’il l’estime fondé, à faire droit aux conclusions de la partie qui l’invoque (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, EU:T:2010:240, point 60).
139 En l’espèce, l’argument de la requérante tiré de ce que la mise en œuvre du marché de capacité italien modifié est illégale car il n’était pas en cours d’application le 4 juillet 2019 doit donc être considéré comme un moyen nouveau.
140 En effet, il convient de constater qu’aucun des arguments soulevés dans la requête ne tend à faire valoir une mise en œuvre illégale du marché de capacité italien modifié sur ce fondement.
141 Ainsi, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle affirme que le présent moyen est l’ampliation de l’argument, soulevé au stade de la requête, par lequel elle faisait valoir que la Commission avait connaissance de l’intention de la République italienne de maintenir les contrats conclus dans le cadre du marché de capacité italien modifié avant le 31 décembre 2019, en appliquant ce faisant l’article 22, paragraphe 5, du règlement 2019/943. Par cet argument, elle cherchait en effet à contester les effets positifs allégués dudit marché de capacité, et non la prétendue illégalité de la mise en œuvre de ce dernier, car il n’aurait pas été en cours d’application le 4 juillet 2019.
142 En outre, la requérante n’invoque aucun argument de fait ou de droit qui justifierait la production du présent moyen après le premier échange de mémoires.
143 Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que le présent moyen méconnaît les dispositions de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure et doit dès lors être rejeté comme irrecevable.
Sur l’analyse du marché de capacité italien modifié concernant l’introduction de l’obligation de désignation prioritaire
144 Dans le cadre du second moyen soulevé formellement dans la requête, la requérante considère, en substance, que la Commission a omis d’examiner la modification découlant de l’article 45.5 de la réglementation relative aux phases initiale et intégrale de mise en œuvre du marché de capacité et consistant à imposer l’obligation de désignation prioritaire. À cet égard, d’une part, elle fait valoir que cette dernière conduit à prendre en compte le fonctionnement effectif d’une installation, alors qu’un marché de capacité ne devrait rémunérer que la mise à disposition de la capacité et non sa production. D’autre part, elle soutient que, dans la mesure où le prix d’exercice est inférieur au niveau actuel des prix sur le marché des services d’appel (ci-après le « MSA »), l’obligation de désignation prioritaire a pour effet de pénaliser les installations les plus flexibles et les plus efficaces qui sont les mieux à même d’intervenir sur ledit MSA.
145 La Commission, soutenue par les intervenantes, conteste cette argumentation.
146 En premier lieu, en ce que la requérante fait valoir, en substance, que l’obligation de désignation prioritaire prend en compte le fonctionnement effectif des unités de production alors qu’un marché de capacité ne devrait rémunérer que la mise à disposition de la capacité et non sa production, il convient de constater les éléments ci-après.
147 Premièrement, l’article 22, paragraphe 3, sous b), du règlement 2019/943 est rédigé de la manière suivante :
« Outre les exigences prévues au paragraphe 1, les mécanismes de capacité autres que les réserves stratégiques : […]
b) ne rémunèrent les ressources participantes que pour leur disponibilité et garantissent que la rémunération n’influe pas sur les décisions du fournisseur de capacité quant au fait de produire ou pas ; […] »
148 Deuxièmement, l’article 10, paragraphe 4, du règlement 2019/943 est rédigé de la manière suivante :
« Les autorités de régulation ou, lorsqu’un État membre a désigné une autre autorité compétente à cette fin, ces autorités compétentes désignées recensent les politiques et les mesures appliquées sur leur territoire susceptibles de contribuer à restreindre indirectement la formation des prix de gros, en ce compris la limitation des offres liées à l’activation de l’énergie d’équilibrage, les mécanismes de capacité, les mesures prises par les [GRT], les mesures visant à modifier les résultats du marché, ou à empêcher les abus de position dominante ou les zones de dépôt des offres définies de façon inefficiente. »
149 Troisièmement, le paragraphe 225 des lignes directrices est rédigé de la manière suivante :
« Il convient que les aides rétribuent uniquement la disponibilité du service garantie par le producteur, c’est-à-dire son engagement à être en mesure de fournir de l’électricité, ainsi que la rétribution qu’il perçoit à ce titre, par exemple sous la forme d’une rémunération par MW de capacité mis à disposition. Elles ne devraient inclure aucune rétribution pour la vente d’électricité, c’est-à-dire aucune rémunération par MW vendu. »
150 En l’espèce, la modification litigieuse est prévue à l’article 45.5 de la réglementation relative aux phases initiale et intégrale de mise en œuvre du marché de capacité. Elle impose aux opérateurs qui participent au marché de capacité et qui disposent de plusieurs unités de production de désigner prioritairement celles dont l’énergie a déjà été offerte et acceptée sur les marchés de l’énergie et sur le MSA à hauteur de la capacité engagée.
151 Au regard de ce qui précède, il convient de constater que, contrairement à ce que prétend la requérante, l’obligation de désignation prioritaire n’est pas liée à la rémunération de la capacité fournie par l’opérateur concerné, en ce sens que celle-ci n’exerce aucune influence sur le montant de la prime perçue par ce dernier, ni sur le volume de capacité qu’il est tenu de fournir, lesquels demeurent liés au contrat conclu lors des enchères de capacité.
152 Ainsi, il ne saurait être valablement affirmé que l’obligation de désignation prioritaire conduit à rémunérer la production ou la vente de la capacité, puisqu’elle vise seulement à identifier a posteriori l’unité qui a produit et vendu l’électricité sur le marché infrajournalier ou sur le MSA, aux fins de garantir que les opérateurs qui disposent de plusieurs unités de production évitent de se soustraire à l’obligation de restitution. Or, cette obligation a expressément été considérée comme un élément important pour assurer la proportionnalité de l’aide, et donc la compatibilité du marché de capacité italien avec le marché intérieur, dans la décision de 2018, ce qui a par la suite été confirmé dans la décision attaquée.
153 Par conséquent, il convient de constater que la requérante n’avance aucun argument de nature à établir que cet aspect du marché de capacité italien modifié était de nature à susciter les doutes de la Commission, pas plus qu’elle ne justifie ses allégations selon lesquelles l’ajout de l’obligation de désignation prioritaire devrait être regardé comme un détournement de pouvoir ou issu d’une quelconque contradiction.
154 En second lieu, il convient de constater que l’argumentation de la requérante visant à démontrer que certaines unités de production sont pénalisées par l’obligation de désignation prioritaire du fait du prétendu effet préjudiciable du prix de référence sur le MSA n’est pas étayée.
155 En effet, la requérante se contente d’affirmer que l’obligation de désignation prioritaire rend le prix d’exercice extrêmement contraignant sans avancer le moindre élément de preuve susceptible d’établir une corrélation entre ladite obligation et les effets du prix d’exercice sur le MSA.
156 En faisant valoir que les unités de production qui opèrent sur le MSA seront désavantagées car les prix y sont inférieurs à ceux du prix d’exercice, la requérante conteste en réalité les effets du prix d’exercice sur le MSA et ceux de l’obligation de restitution plutôt que ceux de la modification ayant consisté à introduire une obligation de désignation prioritaire, laquelle ne vise qu’à faire respecter ladite obligation.
157 Or, en ce qui concerne la question du prix d’exercice, la Commission fait justement valoir que celle-ci avait été analysée aux points 190 à 194 de la décision attaquée, sans avoir fait l’objet des modifications contestées dans le cadre du présent recours. De la même manière, l’obligation de restitution avait été appréciée favorablement dans la décision de 2018, ainsi que cela a déjà été souligné au point 152 ci-dessus, et il ne saurait donc être considéré que l’ajout d’une disposition visant à en améliorer le fonctionnement était de nature à susciter les doutes de cette dernière.
158 Au regard de ce qui précède, il convient de rejeter le présent moyen et, partant, le recours dans son ensemble.
Sur les dépens
159 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.
160 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dès lors, il y a lieu de décider que la République italienne supporte ses propres dépens.
161 Conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, EP Produzione, A2A, Edison, Alperia Trading, Elettricità Futura – Unione delle imprese elettriche italiane, Terna – Rete elettrica nazionale et Enel Produzione, intervenues au soutien des conclusions de la Commission, supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Tirreno Power SpA est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.
3) La République italienne supportera ses propres dépens.
4) EP Produzione SpA, A2A SpA, Edison SpA, Alperia Trading Srl, Elettricità Futura – Unione delle imprese elettriche italiane, Terna – Rete elettrica nazionale SpA et Enel Produzione SpA supporteront leurs propres dépens.