Cass. com., 4 décembre 2007, n° 05-19.643
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Rapporteur :
M. Pietton
Avocat général :
Mme Bonhomme
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan Sarano
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, statuant en matière de référé, qu'à la suite du décès de leur père, Mmes Patricia, Florence et Virginie X... sont devenues titulaires indivises d'actions représentant 48,47 % du capital de la Société immobilière et agricole de la Grande Terre (SIAGAT) ; qu'elles ont, avec leur mère, Mme Nicole Y... X... (les consorts X...), assigné la SIAGAT aux fins d'obtenir la désignation d'un expert sur le fondement de l'article L. 225-231 du code de commerce ; que l'un des indivisaires des actions, M. Amédée-Paul X..., ne s'est pas joint à la demande ; que subsidiairement, les consorts X... ont demandé la désignation d'un expert sur le fondement de l'article 145 du nouveau code de procédure civile ;
Sur le second moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance ayant déclaré irrecevable la demande fondée sur l'article 145 du nouveau code de procédure civile alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se bornant à tirer argument du caractère satisfaisant des réponses apportées par la présidente de la SIAGAT pour rejeter la demande fondée sur les dispositions de l'article 145 du nouveau code de procédure civile, la cour d'appel s'est déterminée au vu de la seule absence de preuve des faits que la mesure d'instruction sollicitée avait précisément pour objet d'établir, violant ainsi le texte précité ;
2°/ que les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de des faits dont pourrait dépendre la solution du litige ; qu'en se limitant à relever qu'il n'existait aucun risque de dépérissement des preuves sans rechercher s'il existait ou non un motif légitime d'établir la preuve des faits litigieux et non simplement de la conserver, la cour d'appel a en toute hypothèse privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient que les réponses données par la direction sont circonstanciées, précises et cohérentes, ne prêtent pas à interprétation et démontrent la volonté de celle-ci de corriger certaines erreurs ou dérives et que la lecture des questions et des réponses établit qu'il n'existe aucun risque de dépérissement des preuves, les consorts X... n'articulant rien de précis sur ce point; qu'en l'état de ces appréciations, la cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, procédant à la recherche prétendument omise visée à la seconde branche, fait ressortir qu'il n'existait pas de motif légitime au sens de l'article 145 du nouveau code de procédure civile, d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 815-9 du code civil, ensemble les articles L. 225-231 et L. 228-5 du code de commerce ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, chaque indivisaire peut user des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires ;
Attendu que pour déclarer irrecevable la demande des consorts X..., l'arrêt retient que lorsque les actions d'une société font l'objet d'une indivision, le principe de l'indivisibilité des titres à l'égard de la société posé par l'article L. 228-5 du code de commerce ne permet pas aux co-indivisaires d'agir séparément, l'expertise de gestion ne pouvant en ce cas être demandée que par l'unanimité des co-indivisaires et qu'en l'espèce, Mme Nicole Y... X... est propriétaire en propre de 2 330 actions et chacune des autres appelantes de deux actions de la SIAGAT ; que M. Amédée-Paul X..., en sa qualité d'héritier de Joseph-Amédée X..., est également partie à l'indivision successorale, mais ne s'est pas joint à la demande de Mmes Patricia, Florence et Virginie X... qui, par suite, ne peuvent se prévaloir du capital détenu par l'indivision successorale de leur ancien époux et père ; que ne possédant donc que 1,52 % du capital de la SIAGAT, elles n'atteignent pas le seuil de 5 % requis par l'article L. 225-231 du code de commerce et que leur action est irrecevable de ce chef ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la demande de désignation d'un expert sur le fondement de l'article L. 225-231 du code de commerce peut être présentée par un ou plusieurs actionnaires détenant de manière indivise, au moins 5 % du capital, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de référé ayant déclaré irrecevable la demande de désignation d'un expert sur le fondement de l'article L. 225-231 du code de commerce, l'arrêt rendu le 11 avril 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée.