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Décisions

Cass. com., 25 avril 2006, n° 05-12.734

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Caen, ch. réunies, du 13 janv. 2005

13 janvier 2005

Donne acte à la Compagnie européenne d'opérations immobilières BIE de son désistement envers MM. X... et Y... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 13 janvier 2005) , rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 9 octobre 2001, pourvoi n° 98-20.978) que la Banque hypothécaire européenne, aux droits de laquelle vient la Compagnie européenne d'opérations immobilières BIE (la banque) a consenti un prêt à M. et Mme Z..., dont le remboursement était garanti par un cautionnement hypothécaire souscrit par la société à responsabilité limitée établissements Jean Z... (la société); qu'à la suite du décès de son mari, Mme Z... a cédé la totalité des parts qu'elle détenait dans le capital de la société ; que celle-ci a fait l'objet d'un plan de cession dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire ; que Mme Z... ne réglant pas les échéances de remboursement du prêt, la banque l'a assignée en paiement d'une certaine somme ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli l'exception de nullité du contrat de prêt soulevée par Mme Z... alors, selon le moyen :

1 / que l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ; qu'un prêt doit être regardé comme ayant reçu un commencement d'exécution lorsque le prêteur à mis les fonds à disposition de l'emprunteur ; qu'en énonçant que Mme Z... était recevable à solliciter par voie d'exception l'annulation du contrat de prêt dès lors que les échéances avaient été remboursées non par elle mais par la SARL Z..., sans avoir égard au fait non contesté, et expressément invoqué dans les conclusions de la BIE, que le prêteur avait entièrement reçu les fonds faisant l'objet du prêt, ce qui faisait obstacle au jeu de l'exception de nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304 du Code civil ;

2 / que le remboursement des échéances d'un prêt constitue l'exécution de l'obligation née de la remise des fonds et prive le débiteur de la possibilité d'invoquer par voie d'exception la nullité du prêt, peu important que ce remboursement émane directement dudit débiteur ou d'un tiers qu'il se serait substitué ; qu'en retenant que Mme Z... était recevable à solliciter par voie d'exception l'annulation du contrat de prêt dès lors que les échéances avaient été remboursées non par elle mais par la SARL Z..., la cour d'appel a statué par un moyen inopérant en violation de l'article 1304 du Code civil ;

Mais attendu que la nullité fondée sur les dispositions de l'article 51 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 223-21 du Code de commerce, est une nullité absolue qui, soulevée par voie d'exception pendant le délai de la prescription trentenaire, est recevable nonobstant l'exécution du contrat de prêt ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à Mme Z... une certaine somme alors, selon le moyen :

1 / que même lorsque le cautionnement constitue une condition du prêt, cette condition est stipulée exclusivement en faveur du prêteur et n'est déterminante que de son propre consentement, en sorte que l'emprunteur ne saurait se prévaloir de la nullité du cautionnement pour conclure, au prétexte d'indivisibilité de l'opération, à la nullité du prêt ;

en sorte qu'en autorisant Mme Z... à se prévaloir contre la banque de la nullité du prêt ensuite de la nullité du cautionnement, au motif que le prêt "dépendait" de ladite sûreté, la cour d'appel a violé les articles 1131, 1134 et 1172 du Code civil ;

2 / que la nullité, prévue par l'article L. 223-21 du Code de commerce, du cautionnement donné par une société en garantie des engagements personnels de son gérant, est destinée à protéger la société contre les engagements inconsidérés et contraires à l'intérêt social que le gérant lui ferait souscrire ; que cette nullité, relevant de l'ordre public de protection présente un caractère relatif et ne peut donc être invoquée que par la partie qu'elle protège ; qu'en autorisant néanmoins Mme Z..., emprunteur, à se prévaloir de la nullité de l'opération en cause prononcée en raison de la violation de la règle interdisant à une société de se porter caution des engagements de ses dirigeants, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les articles 1131 et 1134 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt énonce que la nullité résultant de la violation de l'interdiction faite aux gérants et associés de faire garantir leurs engagements par la société, prévue à l'article 51 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l'article L. 223-21 du Code de commerce, est d'ordre public et sanctionnée par une nullité absolue ; qu'il retient que la banque avait en réalité consenti le prêt sous condition du cautionnement, clause déterminante du contrat de prêt et que ce dernier dépendait, au sens de, l'article 1172 du Code civil, de la garantie expressément prohibée par la loi ; qu'il en déduit que la banque avait ainsi mis en place une opération dont les éléments étaient indissociables et dont l'économie était contraire à l'ordre public et illicite ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à Mme Z... une certaine somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1 / qu'en condamnant la banque à verser à Mme Z... 10 000 euros de dommages-intérêts, sans faire ressortir l'existence d'une faute de la banque à l'égard de Mme Z... ni caractériser le préjudice que celle-ci aurait subi du fait de l'inefficacité de la sûreté qui avait été consentie en garantie du prêt qu'elle avait elle-même souscrit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

2 / que prive sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil la cour d'appel qui condamne la banque à verser des dommages-intérêts à l'égard de l'emprunteur sans caractériser l'abus de la banque dans l'exercice de son droit d'obtenir, au besoin par l'exercice d'une action judiciaire, le recouvrement des sommes qu'elle avait prêtées ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la banque, professionnel du crédit et ne pouvant en ignorer les règles, a mis en place une opération contraire à l'ordre public et illicite et que ces fautes ainsi caractérisées ont entraîné pour Mme Z... pendant plusieurs années, des peines et soins divers et perte de temps, la cour d'appel, appréciant souverainement l'existence du préjudice, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.