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Décisions

Cass. 1re civ., 12 décembre 2006, n° 04-20.663

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ancel

Rapporteur :

M. Trassoudaine

Avocats :

SCP Gatineau, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Colmar, du 22 sept. 2004

22 septembre 2004

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 septembre 2004), qu'à la suite du divorce, le 25 février 2000, des époux X... qui s'étaient mariés le 1er juin 1973 sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, des difficultés sont survenues quant à la liquidation de ce régime ; que la SARL Electricité Y..., créée le 30 mars 1972 sous la forme de 200 parts sociales d'un montant nominal de 100 francs réparties par moitié entre M. Y... et sa mère, Mme Marie Y..., a, aux termes d'une assemblée générale extraordinaire des associés du 18 juillet 1988, vu son capital porté à 300 000 francs par incorporation de réserves, soit une somme de 280 000 francs prélevée sur le compte "report à nouveau", et création de 2 800 parts nouvelles également réparties entre M. Y... et sa mère ; que celle-ci a transféré 1 495 parts sociales à son fils, lequel en a fait entrer 500 en indivision avec Mme Z..., avant de révoquer cette libéralité par un acte notarié du 21 novembre 1998 ; que la SARL Electricité Y... a été transformée en société anonyme le 29 juillet 1988, chaque part sociale devenant une action de même valeur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à dire qu'en tant qu'ex-épouse commune en biens de M. Y..., elle est en droit de revendiquer la propriété de la moitié des parts émises par la SARL Y... le 18 juillet 1988 et attribuées à M. Y..., soit 700 parts devenues 700 actions, et à condamner ce dernier à une restitution en nature de ces actions, avec les dividendes y attachés, alors, selon le moyen :

1 / qu'en cas d'augmentation de capital d'une SARL par incorporation des réserves, les parts gratuites distribuées aux associés mariés sous un régime de communauté constituent des acquêts de communauté quand bien même les parts détenues initialement par chacun d'eux seraient des biens propres ; qu'en décidant au contraire que ces parts gratuites nouvelles constituent des biens propres, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1406 du code civil et, par refus d'application, les articles 1401 et 1403 dudit code ;

2 / qu'à supposer même que les parts gratuites attribuées à un associé dans le cadre d'une augmentation de capital d'une SARL par incorporation des réserves constituent des biens propres, ces parts nouvelles provenant des économies réalisées sur les revenus de biens propres ouvrent droit à récompense au profit de la communauté ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1406 du code civil ainsi que les articles 1401 et 1403 dudit code ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient, d'abord, que les bénéfices réalisés par une société ne deviennent des fruits ou des revenus de biens propres, susceptibles de constituer des acquêts de communauté, que lorsqu'ils sont attribués sous forme de dividendes, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ; que les bénéfices distribuables inscrits au compte de report à nouveau de la SARL Y... ont servi à réaliser une augmentation de capital, sans nouveaux apports et donc à titre gratuit, ce qui a ouvert aux associés un droit d'attribution ;

que, dans ces conditions, M. Y..., qui détenait en propre 100 parts sociales initiales, s'est vu attribuer gratuitement, après incorporation de réserves, 1 400 des parts nouvelles créées le 18 juillet 1988, lesquelles constituent des accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres ayant eux-mêmes, par application de l'article 1406, alinéa 1er, du code civil, la nature de biens propres de M. Y... ; et, ensuite, que la communauté, qui n'a pas financé l'acquisition des 1 400 parts nouvelles attribuées gratuitement à M. Y... en conséquence de l'incorporation de réserves, qui ne sont pas des biens de la communauté, ne peut prétendre à récompense du fait de l'augmentation du capital social, aucun prélèvement sur des fonds communs n'ayant été opéré à cette occasion ;

Que, par ces constatations et énonciations, la cour d'appel, loin de violer les textes visés au moyen, en a fait l'exacte application ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis, tels que reproduits en annexe :

Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée d'une part de sa demande tendant à dire qu'en tant qu'ex-épouse commune en biens de M. Y..., elle est en droit de revendiquer la propriété de la moitié des parts transférées par Mme Marie Y... entre le 18 juillet et le 28 juillet 1988, soit 1 495 parts sociales, devenues 1 495 actions de la société anonyme Y... et à condamner M. Y... à une restitution en nature de ces actions, avec les dividendes y attachés, et d'autre part de sa demande tendant à dire que M. Y... ne lui a pas fait donation de la moitié indivise de 500 parts sociales, devenues 500 actions de la SA Y..., à déclarer nulle et de nul effet la révocation par M. Y... d'une donation inexistante et condamner ce dernier à lui restituer les actions en cause en nature et leurs fruits à déterminer par voie d'expertise ;

Attendu, d'abord, que les griefs de dénaturation des conclusions, qui visent un motif surabondant, sont inopérants ;

qu'ensuite, c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve, tenant non seulement aux statuts de la société anonyme et à l'assemblée générale extraordinaire les ayant adoptés, mais aussi à l'attestation établie devant notaire par Mme Y..., que, sans encourir les autres griefs du moyen, les juges du fond ont pu retenir l'existence des donations indirectes contestées par Mme Z... ; qu'enfin, la cour d'appel qui a jugé que l'intention libérale était établie, n'avait ni à procéder à la recherche, que cette constatation rendait inutile, du caractère rémunératoire de la mutation des 500 parts sociales au bénéfice de l'indivision, ni à répondre à une simple allégation de ce chef, dénuée de toute offre de preuve ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.