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Décisions

Cass. 1re civ., 17 mars 1987, n° 85-16.484

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fabre

Rapporteur :

M. Barat

Avocat général :

Mme Flipo

Avocats :

SCP Martin-Martinière et Ricard, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde

Papeete, du 21 mars 1985

21 mars 1985

Sur les deux moyens réunis :

Vu les articles 893 et 1130 du Code civil ;

Attendu que, suivant le premier de ces textes, on ne peut disposer de ses biens à titre gratuit que par donation entre vifs ou par testament dans les formes prévues par la loi et qu'aux termes du second on ne peut renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit ;

Attendu qu'une terre dénommée Paepaeroaitearaiava sise à Teavaro en Polynésie française était, en 1930, la propriété indivise, dans la proportion d'un tiers pour chacun d'eux de Mahuraï Tauhiro, de Vahinetua Rerehaore et de Teahu Mano et que les héritiers de cette dernière ont cédé, le 31 août 1930, leurs droits indivis à A... Chao ; que celui-ci est décédé le 18 juin 1936, laissant ses deux fils A... Yune Wa et A... Yene Wa, alias Yenfa, alias Gustave X..., et après avoir rédigé, le 20 mars 1936, un acte aux termes duquel il disposait que " les sommes dues par les clients indigènes, les meubles et le terrain " seront attribués à son fils aîné Yune Wa, à charge par lui de payer ses dettes et de l'entretenir jusqu'à la fin de sa vie et que son autre fils Yene Wa recevra une somme de 6 000 francs ; que Yune Wa et Yene Wa sont eux-mêmes décédés respectivement le 21 mars 1956 et le 15 octobre 1967 et qu'aux droits du premier sont aujourd'hui Mme Z..., Mme Y... et les consorts A... Noa et aux droits du second les consorts X... ; qu'en 1982, les consorts A... Noa ont formé une demande de partage en nature en trois lots égaux de la terre Paepaeroaitearaiava, dirigée seulement contre les représentants actuels des deux autres indivisaires de 1930 ; que les consorts X..., appelés en la cause sur l'injonction du tribunal, ont revendiqué sur cette terre les droits indivis qu'ils prétendaient tenir de leur auteur Gustave X... pour les avoir lui-même recueillis dans la succession de A... Chao, son père ; que les consorts A... Noa ont opposé que Gustave X... avait été rempli de ses droits dans cette succession par l'attribution de la somme de 6 000 francs prévue par l'acte précité du 20 mars 1936 et que les consorts X... ont répliqué que cet acte était nul comme constituant un pacte sur succession future ; que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté la revendication des consorts X..., a ordonné le partage de la terre indivise en trois lots égaux devant être attribués, deux d'entre eux aux représentants des autres indivisaires de l'origine et le troisième aux consorts A... Noa et a commis un expert pour composer ces lots ;

Attendu que pour décider que l'acte du 20 mars 1936 ne constitue pas un pacte sur succession future, la cour d'appel a retenu, d'une part, que cet acte avait un caractère unilatéral et, d'autre part, qu'il n'avait ni pour effet, ni pour objet de modifier au détriment de l'auteur des consorts X... les règles normales de la dévolution successorale, et qu'il ne portait pas atteinte à la réserve ;

Attendu qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que l'acte litigieux n'a pas été fait selon les formes prévues par la loi pour les donations ou les testaments et qu'il contient des stipulations attribuant aux futurs héritiers et avec leur accord des biens qui dépendaient d'une succession non ouverte ; qu'en statuant comme elle a fait, alors que la prohibition légale peut s'appliquer à un acte unilatéral et frappe toute stipulation faite sur une succession future, même si celle-ci ne porte pas atteinte à la réserve, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 21 mars 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete autrement composée.