Cass. com., 24 avril 1990, n° 88-17.218
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Hatoux
Rapporteur :
Mme Loreau
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
SCP Delaporte et Briard, Me Choucroy
Joint les pourvois n°s 88-17.218 et 88-18.004 qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, que Mme Geneviève X..., MM. André et Jean-Pierre X... et la société à responsabilité limitée Trocadéro-Bellevue (les consorts X...), actionnaires minoritaires de la société Rémy Martin, ont demandé l'annulation des délibérations des conseils d'administration des 7 août et 4 septembre 1981 de cette société et de la réunion dudit conseil du 23 mars 1982, pour violation du droit à l'information individuel des administrateurs, avec suppression du procès-verbal se rapportant à la réunion du 23 mars 1982, ainsi que l'annulation de la résolution de l'assemblée générale ordinaire du 25 septembre 1981 nommant administrateurs MM. François et Marc Y..., pour abus du droit des actionnaires majoritaires de la société, et par voie de conséquence, celle de toutes les décisions du conseil d'administration et des assemblées générales postérieures à cette nomination ; que la cour d'appel a annulé les nominations de MM. François et Marc Y... et a rejeté les autres demandes des consorts X... ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi n° 88-17.218, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° 88-18.004 : (sans intérêt) ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi n° 88-17.218, pris en ses trois branches :
Vu l'article 360 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu que pour rejeter la demande des consorts X... tendant, en conséquence de l'annulation des nominations comme administrateurs de MM. François et Marc Y... décidées par l'assemblée générale du 25 septembre 1981, à faire annuler les décisions prises par le conseil d'administration dans sa composition nouvelle, la cour d'appel a retenu que les nominations en cause n'avaient pas exercé d'influence sur les décisions du conseil ainsi constitué dès lors que le groupe Y... y était majoritaire avant même ces nominations ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que du fait des nominations irrégulières de MM. François et Marc Y..., le conseil d'administration de la société Rémy Martin se trouvait irrégulièrement composé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° 88-17.218, pris en ses deux branches :
Vu les articles 98 et 113 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu que pour débouter les consorts X... de leur demande tendant à l'annulation des délibérations du conseil d'administration de la société Rémy Martin en date du 7 août 1981, qui était fondée sur l'absence d'information préalable et dans un délai suffisant de Mme X... en tant qu'administrateur, la cour d'appel a énoncé que celle-ci n'avait pas assisté à la séance en question ; que le conseil avait délibéré sur l'ordre du jour de cette séance au vu du dossier constitué à cet effet et que la société Rémy Martin n'avait pas été contredite lorsqu'elle avait cité un extrait d'une lettre adressée le 15 septembre 1981 par M. Y... à Mme X... lui reprochant de ne jamais avoir pris l'initiative d'une demande d'information complémentaire à celle donnée au cours des conseils d'administration ;
Attendu qu'en statuant par de tels motifs, impropres à déterminer si Mme X... avait, à l'initiative du président du conseil d'administration, reçu l'information préalable à laquelle elle avait droit, soit par un envoi, soit par une mise à disposition, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 88-17.218, pris en ses deux branches :
Vu l'article 360 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu que pour débouter les consorts X... de leur demande tendant à l'annulation des délibérations du conseil d'administration de la société Rémy Martin en date du 4 septembre 1981, qui était fondée sur l'absence d'information préalable de Mme X... en tant qu'administrateur, la cour d'appel a retenu que, pour l'année 1981, à l'exception de Mme X..., les administrateurs appartenaient au groupe majoritaire et que, dès lors, l'irrégularité de la réunion litigieuse tenant au défaut d'information préalable de Mme X... n'avait pas exercé d'influence sur l'approbation du rapport du conseil à l'assemblée générale ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la méconnaissance des droits à l'information préalable d'un membre du conseil d'administration affecte, par elle-même, la régularité de la réunion de cet organe social, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a rejeté les demandes des consorts X... tendant à l'annulation des délibérations des conseils d'administration de la société Rémy Martin des 7 août et 4 septembre 1981 et à celle des décisions prises par le conseil d'administration tel que composé postérieurement à l'assemblée générale du 25 septembre 1981, l'arrêt rendu le 22 juin 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.