Cass. com., 20 novembre 1962, n° 59-11.786
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guillot
Rapporteur :
M. Bourdon
Avocat général :
M. de Bonnefoy des Aulnais
Avocats :
Me Marcilhacy, Me Tetreau
SUR LE PREMIER MOYEN :
ATTENDU QU'IL RESULTE DE L'ARRET ATTAQUE (PARIS, 27 FEVRIER 1959) QUE BOUCHET FUT ENGAGE, PAR CONVENTION DU 19 MARS 1947 DEVANT PRENDRE EFFET LE 1ER MAI SUIVANT, PAR LA SOCIETE DES ETABLISSEMENTS GUILBERT EN QUALITE DE DIRECTEUR ADMINISTRATIF POUR UNE DUREE DE CINQ ANNEES, RENOUVELABLE PAR TACITE RECONDUCTION, ETANT STIPULE QUE LE CONTRAT SERAIT SUSPENDU SI BOUCHET ETAIT APPELE PAR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION AUX FONCTIONS DE PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL DE LA SOCIETE ET QU'AU CAS OU IL CESSERAIT, POUR UNE RAISON QUELCONQUE, LES FONCTIONS DE DIRECTEUR GENERAL, LE CONTRAT REPRENDRAIT EFFET POUR LA DUREE RESTANT A COURIR AU JOUR DE LA SUSPENSION, QUE, DES LE 26 DU MEME MOIS DE MARS 1947, BOUCHET, DEVENU ADMINISTRATEUR, FUT NOMME PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL, FONCTION QU'IL EXERCA JUSQU'A LA DATE DU 22 JUIN 1955, OU LE CONSEIL D'ADMINISTRATION PRONONCA SA REVOCATION IMMEDIATE, QUE BOUCHET, AYANT ALORS EXPRIME L'INTENTION D'ASSUMER LA FONCTION DE DIRECTEUR ADMINISTRATIF, SE HEURTA A UN REFUS ET QU'IL ASSIGNA LES ETABLISSEMENTS GUILBERT POUR OBTENIR DES DOMMAGES-INTERETS EN RAISON, D'ABORD, DU PREJUDICE A LUI CAUSE PAR LA RUPTURE DU CONTRAT DU 19 MARS 1947 ET QUE L'ARRET A FAIT DROIT A CETTE PREMIERE DEMANDE ;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET DE S'ETRE CONTREDIT, DES LORS QU'IL A CONSTATE QUE LE CONTRAT DU 19 MARS 1947 N'A PAS EU D'EFFET ET QU'IL LUI A CEPENDANT FAIT PRODUIRE EFFET, EN LE CONSIDERANT COMME SUSCEPTIBLE DE RUPTURE UNILATERALE SANCTIONNEE PAR DES DOMMAGES-INTERETS ;
MAIS ATTENDU QUE, SI L'ARRET A ENONCE QUE LE CONTRAT N'AVAIT PAS EU D'EFFET PARCE QU'IL AVAIT ETE SUSPENDU AVANT MEME LA DATE FIXEE POUR SON ENTREE EN VIGUEUR, IL N'EN A NULLEMENT DEDUIT QUE LE CONTRAT AIT, PAR SUITE, CESSE D'EXISTER ET QU'IL A, SANS SE CONTREDIRE, DECLARE QUE LE REFUS DE L'EXECUTER, ALORS QUE PLUS RIEN NE S'Y OPPOSAIT, CONSTITUAIT UNE RUPTURE UNILATERALE DE LA CONVENTION ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN EST DENUE DE TOUT FONDEMENT ;
SUR LE SECOND MOYEN :
ATTENDU QUE BOUCHET AYANT, EN OUTRE, DEMANDE DES DOMMAGES-INTERETS POUR LE PREJUDICE RESULTANT DU RETRAIT ABUSIF DE SON MANDAT DE PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL, IL EST REPROCHE A L'ARRET, QUI A FAIT DROIT A CETTE SECONDE DEMANDE, D'AVOIR PRETENDU CONTROLER LES DIFFICULTES DE GESTION SOCIALE QUI ONT ENTRAINE LA REVOCATION DE BOUCHET, DONT L'ARRET DECLARE QU'ELLE ETAIT IMMEDIATE ET IMMERITEE ET QUE LES MOTIFS INVOQUES A SON APPUI N'ETAIENT QU'UN PRETEXTE POUR ELOIGNER BOUCHET, A L'HONNEUR ET A LA REPUTATION DUQUEL IL AURAIT ETE PORTE ATTEINTE, ALORS QUE, S'AGISSANT D'UN MANDAT ESSENTIELLEMENT REVOCABLE A TOUT MOMENT PAR LA SOCIETE, EN VERTU D'UNE REGLE D'ORDRE PUBLIC, L'EXERCICE DE SON DROIT PAR LA SOCIETE NE POUVAIT DONNER LIEU A DES DOMMAGES-INTERETS, SEULES AYANT ETE PRISES PAR AILLEURS DES MESURES LEGITIMES POUR ASSURER L'EFFICACITE DE LA REVOCATION ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL ENONCE QUE SI LE MANDAT DONT BOUCHET ETAIT INVESTI ETAIT REVOCABLE AD NUTUM, CETTE REVOCATION POUVAIT TOUTEFOIS DONNER LIEU A INDEMNITE, SI ELLE ETAIT IMPOSEE DANS DES CIRCONSTANCES DE NATURE A PORTER UNE ATTEINTE INJUSTIFIEE A L'HONORABILITE DU PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL, QU'A CET EGARD, APRES AVOIR CONSTATE QUE LA GESTION DE BOUCHET PENDANT LES HUIT ANNEES PRECEDENTES N'AVAIT DONNE LIEU A AUCUN REPROCHE, L'ARRET ENONCE ENCORE QU'A LA REUNION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DU 22 JUIN 1955, BOUCHET FUT REVOQUE SEANCE TENANTE, PARCE QU'IL DONNAIT UNE IMPORTANCE EXAGEREE AUX EXPORTATIONS, AU DETRIMENT DES VENTES INTERIEURES ET ETAIT EN DESACCORD AVEC LE CONSEIL SUR LA POLITIQUE GENERALE DE LA SOCIETE, QUE CE MOTIF N'ETAIT QU'UN PRETEXTE, LA MEME POLITIQUE AYANT ETE SUIVIE PAR LE SUCCESSEUR DE BOUCHET ET QUE LA REVOCATION A ETE ACCOMPAGNEE DE MENACES LAISSANT SUPPOSER QUE DES INDELICATESSES AURAIENT PU ETRE COMMISES PAR BOUCHET, A L'HONNEUR ET A LA REPUTATION DE QUI IL A ETE PORTE ATTEINTE ;
ATTENDU QUE, PAR CES CONSTATATIONS SOUVERAINES, LA COUR D'APPEL A JUSTIFIE L'EXISTENCE DE L'ABUS DE DROIT COMMIS A L'EGARD DE BOUCHET ET D'UN PREJUDICE MORAL DONT IL LUI ETAIT DU REPARATION ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 27 FEVRIER 1959 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.