Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 99-44.224
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu que M. X..., dit Jean Y..., et la Compagnie phonographique française Barclay, aux droits de laquelle est venue la société Polygram, puis la société Universal music, ont signé trois contrats d'enregistrement, avec cession des droits, les 1er novembre 1963, 1er mai 1964 et 9 décembre 1966 prenant fin respectivement les 30 avril 1964, 30 octobre 1968 et le 1er novembre 1973 ; que l'artiste a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la résiliation des contrats et la condamnation de la société à réparer son préjudice moral subi du fait de la reproduction, par la société Polygram, de ses enregistrements dans des compilations comportant certaines de ses oeuvres et celles d'autres chanteurs ;
Sur les deux premières branches du moyen unique :
Vu l'article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que l'inaliénabilité du droit au respect de l'oeuvre, principe d'ordre public, s'oppose à ce que l'artiste abandonne au cessionnaire, de façon préalable et générale, l'appréciation exclusive des utilisation, diffusion, adaptation, retrait, adjonction et changement qu'il déciderait de réaliser ;
Attendu que pour débouter M. Jean Y... de sa demande en réparation du préjudice moral subi du fait de la reproduction de ses enregistrements, par la société Polygram, dans des compilations, l'arrêt attaqué retient que par les contrats conclus entre les parties, M. Jean Y... avait consenti une autorisation générale d'exploitation qui impliquait la possibilité de dissocier les oeuvres réunies dans les différents albums, ainsi que de procéder à des compilations, notamment des compilations comportant plusieurs interprètes ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur les troisième et quatrième branches du moyen unique :
Vu l'article 9 du Code civil ;
Attendu que pour débouter M. Jean Y... de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'utilisation par la société d'une photographie dont il n'avait pas autorisé la reproduction, l'arrêt retient qu'il échet de relever que l'artiste acceptait par avance le programme de publicité jugé nécessaire par la maison de production et auquel il aurait le devoir de coopérer, notamment en se prêtant éventuellement à des séances photographiques ; que l'utilisation d'une photographie refusée par M. Jean Y... ou qui ne correspondait pas à l'époque des enregistrements est contestée et ne ressort d'aucun document ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses constatations que la société n'avait pas sollicité et obtenu de M. Jean Y..., ainsi qu'elle en avait l'obligation, l'autorisation de faire figurer sa photographie sur les compilations de ses enregistrements, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mai 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Universal Music, venant aux droits de la société Polygram, et la Société pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille deux.