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Décisions

Cass. 1re civ., 1 février 2000, n° 97-16.662

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Aubert

Avocat général :

M. Roehrich

Avocats :

SCP Ancel et Couturier-Heller, Me Blanc

Paris, du 4 juin 1997

4 juin 1997

 
Attendu que la société Setex, devenue la Compagnie générale de stationnement (CGS), a réalisé pour le compte de la ville de Digne, en qualité de maître de l'ouvrage délégué, des parcs de stationnement dont elle est devenue concessionnaire ; que la réception de l'ouvrage a eu lieu, avec réserves, le 3 novembre 1988 ; qu'un sinistre est survenu le 27 mars 1990 et une déclaration de ce sinistre a été adressée à la compagnie General accident fire & life assurance (General accident) auprès de laquelle la société Setex avait souscrit, le 27 avril 1988, en sa qualité de maître d'ouvrage délégué, une police commune de chantier " génie civil " ; que l'assureur a missionné ses experts et saisi le tribunal administratif pour faire nommer un expert judiciaire, lequel a déposé un rapport, le 10 juin 1993, concluant à la nécessité d'une première phase de travaux urgents pour un montant de 1 328 498 francs ; que, des difficultés étant apparues dans les rapports de la société Setex-CGS avec General accident, cette société a fait savoir à l'assureur, par une lettre du 29 juin 1992, qu'elle se désolidarisait des actions engagées par lui ; qu'elle a ensuite engagé, le 28 décembre 1993, une procédure de référé pour obtenir de l'assureur le paiement de la somme sus-indiquée, demande dont elle a été déboutée par un arrêt du 16 septembre 1994 ; qu'elle a alors, le 8 novembre 1994, assigné au fond la General accident ; que l'arrêt attaqué l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à rembourser à l'assureur la somme de 2 065 427,92 francs avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt ;

 

 

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses quatre branches :

 

 

Attendu que la société CGS fait grief à l'arrêt de l'avoir ainsi condamnée à remboursement, alors que, d'une part, en disant que l'action de l'assuré était prescrite pour ne pas avoir été engagée dans le délai de deux ans sans examiner préalablement la question, soulevée par l'assuré, de la déchéance de l'assureur du droit d'invoquer la prescription de l'action de son assuré faute d'avoir pris position sur sa garantie dans le délai de 60 jours institué par l'article L. 242-1 du Code des assurances, la cour d'appel aurait violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; que, de deuxième part, en disant la prescription biennale acquise sans rechercher préalablement si l'assureur n'avait pas perdu son droit d'invoquer la prescription du fait de son défaut de réponse dans le délai de 60 jours, la cour d'appel n'aurait pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 242-1 du Code des assurances ; alors que, de troisième part, en disant que l'intervention de la ville de Digne le 19 septembre 1994, ne pouvait valoir intervention d'un tiers lésé et interrompre la prescription, la cour d'appel aurait violé l'article L. 114-1, alinéa 3, du Code des assurances ; et alors que, enfin, en disant que l'interruption de la prescription avait été de trois mois de sorte que la prescription biennale était acquise à la date de l'assignation au fond, bien que l'arrêt fût en date du 16 septembre 1994, et non du 24 mars 1994, donc postérieur de cinq mois et vingt-trois jours, de telle manière que l'interruption de la prescription avait été de huit mois et vingt jours et qu'en conséquence, la prescription biennale n'était pas acquise à la date de la saisine au fond, la cour d'appel aurait violé l'article 1134 du Code civil ;

 

 

Mais attendu, d'abord, que la déchéance du droit de contester sa garantie, édictée par l'article L. 242-1, alinéa 3, du Code des assurances, à l'encontre de l'assureur qui ne respecte pas les délais prévus par les deux premiers alinéas de ce même article, n'empêche pas la prescription de courir à compter de l'expiration du délai de 60 jours suivant la réception de la déclaration du sinistre, moment où le droit à garantie est acquis à l'assuré par l'effet de cette déchéance ; que la cour d'appel n'avait donc pas à répondre à un moyen inopérant, ni à procéder à la recherche invoquée par ce moyen ; qu'ensuite, ayant relevé que l'action engagée par la ville de Digne concernait la résiliation de la concession d'exploitation, montrant ainsi que cette action reposait sur une cause différente, la cour d'appel a fait une juste application de l'article L. 114-1, alinéa 3, du Code des assurances, en excluant le caractère interruptif de cette circonstance ; qu'enfin, en vertu de l'article 2247 du Code civil l'interruption de la prescription est regardée comme non avenue si la demande est rejetée ; que, par ce motif de pur droit, substitué, conformément à la suggestion de la défense, à ceux justement critiqués par la quatrième branche du moyen, l'arrêt, qui constate que le délai de prescription avait commencé à courir le 29 juin 1992, que la société CGS avait été déboutée de sa demande en référé par un arrêt du 16 septembre 1994 et que l'assignation au fond était datée du 8 novembre 1994, se trouve, sur ce point, légalement justifié ;

 

 

Mais, sur le second moyen :

 

 

Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ;

 

 

Attendu que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détient en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;

 

 

Attendu que l'arrêt ordonne la restitution des sommes payées par la compagnie General accident et condamne en conséquence la société CGS à lui payer la somme de 2 065 427,92 francs augmentée des intérêts au taux légal " à compter de ce jour " ;

 

 

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

 

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure, en cassant sans renvoi de ce chef, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

 

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi éventuel :

 

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les intérêts légaux de la somme à payer seraient dus à compter de sa date, l'arrêt rendu le 4 juin 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

 

 

DIT n'y avoir lieu à renvoi.