Livv
Décisions

Cass. 1re civ., 27 novembre 1985, n° 84-10.899

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ponsard

Rapporteur :

M. Sargos

Avocat général :

M. Rocca

Avocat :

SCP Boré Xavier

Paris, 19e ch. A, du 29 oct. 1980

29 octobre 1980

SUR LES MOYENS FORMES PAR LE B.R.G.M. CONTRE L'ARRET DU 29 OCTOBRE 1980 QUI A RETENU LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS DE L'ORDRE JUDICIAIRE ;

SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QUE LE B.R.G.M. REPROCHE D'ABORD A LA COUR D'APPEL DE S'ETRE BORNEE, DANS SON DISPOSITIF, A STATUER SUR SA COMPETENCE, SANS STATUER EGALEMENT PAR UNE DISPOSITION DISTINCTE SUR LA QUESTION DE FOND DONT DEPENDAIT LA COMPETENCE, DE SORTE QU'AURAIT ETE VIOLE L'ARTICLE 77 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ;

MAIS ATTENDU QU'IL RESULTE DE LA COMBINAISON DES ARTICLES 77, 455 ALINEA 2 ET 458, ALINEA 1° DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, QUE LA FORMALITE PREVUE PAR L'ARTICLE 77, N'EST PAS PRESCRITE A PEINE DE NULLITE ;

QU'AINSI LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI ;

SUR LE DEUXIEME MOYEN PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QUE LE B.R.G.M. FAIT GRIEF A LA COUR D'APPEL D'AVOIR STATUE SUR L'EXCEPTION D'INCOMPETENCE ALORS QUE, D'UNE PART, L'EXISTENCE D'UNE CONTESTATION SERIEUSE SUR LA QUESTION DE FOND DONT DEPENDAIT LA COMPETENCE FERAIT OBSTACLE AU POUVOIR DE STATUER, MEME SUR SA COMPETENCE, DE LA JURIDICTION DES REFERES ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, IL EN SERAIT PARTICULIEREMENT AINSI LORSQUE LA CONTESTATION SERIEUSE MET EN JEU LA SEPARATION DES AUTORITES ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES, ALORS QUE, ENFIN, L'IMPOSSIBILITE POUR LE JUGE DES REFERES DE STATUER SUR SA COMPETENCE EN PRESENCE D'UNE CONTESTATION SERIEUSE S'IMPOSERAIT SPECIALEMENT DANS LE CAS D'UNE DEMANDE DE PROVISION QUI SUPPOSE LA COMPETENCE CERTAINE DU JUGE DES REFERES JUDICIAIRE ;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL ENONCE A BON DROIT QU'IL APPARTIENT A LA JURIDICTION DES REFERES, COMME A TOUTE JURIDICTION, DE VERIFIER SA COMPETENCE ET, MEME LORSQU'ELLE MET EN JEU LA SEPARATION DES POUVOIRS, DE TRANCHER TOUTE CONTESTATION SUR LA QUESTION DE FOND DONT DEPEND LA COMPETENCE, A LA CONDITION QUE CETTE CONTESTATION NE TOUCHE PAS LE FOND DU DROIT ;

QU'AYANT RELEVE QUE, POUR DETERMINER L'ORDRE JURIDICTIONNEL COMPETENT, IL CONVENAIT DE RECHERCHER SI LES CONVENTIONS LIANT LES PARTIES EN CAUSE CONSTITUAIENT DES CONTRATS ADMINISTRATIFS OU DES CONTRATS DE DROIT PRIVE, ET QUE CETTE DIFFICULTE EU EGARD A L'OBJET DE LA DEMANDE, NE PORTAIT PAS SUR L'EXISTENCE DE L'OBLIGATION, SEULE CONDITION REQUISE PAR L'ARTICLE 809, ALINEA 2, DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE POUR L'OCTROI D'UNE PROVISION, LA COUR D'APPEL, STATUANT EN REFERE, EN A JUSTEMENT DEDUIT QU'IL ETAIT EN SON POUVOIR DE TRANCHER CETTE CONTESTATION ET DE STATUER SUR SA COMPETENCE ;

QU'AINSI LE MOYEN N'EST FONDE EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;

SUR LE TROISIEME ET LE QUATRIEME MOYENS REUNIS : ATTENDU QUE LE B.R.G.M. REPROCHE ENCORE A LA COUR D'APPEL, D'UNE PART, D'AVOIR ECARTE L'EXISTENCE DE RELATIONS CONTRACTUELLES ENTRE LA CHAMBRE DE COMMERCE ET LUI-MEME ALORS QU'EN FAISANT ETABLIR A SON NOM LA FACTURE CORRESPONDANT A LA PRESTATION FOURNIE ET EN LA PAYANT, LE MAITRE DE L'OUVRAGE S'EST PERSONNELLEMENT RECONNU DEBITEUR DU MONTANT DE CETTE FACTURE ET CREANCIER DE L'OBLIGATION CORRELATIVE DU B.R.G.M., DE SORTE QU'IL APPARTENAIT A LA CHAMBRE DE COMMERCE OU A SON SUBROGE DE PROUVER QU'IL N'AVAIT REGLE CETTE FACTURE QUE POUR LE COMPTE DE LA SODETEG ET QU'AINSI SEULE CETTE DERNIERE AURAIT ETE CONTRACTUELLEMENT LIEE AU B.R.G.M., DE SORTE QU'AURAIT ETE INVERSEE LA CHARGE DE LA PREUVE ET VIOLE L'ARTICLE 4 DE LA LOI DU 28 PLUVIOSE AN VIII ;

QUE, D'AUTRE PART, LE B.R.G.M. DEMANDE A LA COUR DE CASSATION DE SAISIR LE TRIBUNAL DES CONFLITS DE LA DIFFICULTE SERIEUSE DE COMPETENCE SOULEVEE PAR LE LITIGE EU EGARD AUX INSTANCES EN COURS DEVANT LES JURIDICTIONS JUDICIAIRES ET ADMINISTRATIVES ;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL, SE FONDANT SUR LES DIVERS ELEMENTS SOUMIS A SON APPRECIATION ET NOTAMMENT SUR LA CIRCONSTANCE QUE LA PREMIERE ETUDE ENTREPRISE PAR LE B.R.G.M. EN 1972, A LA DEMANDE DE LA CHAMBRE DE COMMERCE, N'AVAIT AUCUN RAPPORT AVEC LA SECONDE ETUDE, DEMANDEE PAR LA SOCIETE SODETEG EN 1974, ET SUR LE FAIT QUE LE PAIEMENT DE LA FACTURE N'IMPLIQUAIT PAS DE LIEN CONTRACTUEL, A SOUVERAINEMENT RETENU, SANS INVERSER LA CHARGE DE LA PREUVE QU'AUCUN CONTRAT NE LIAIT LE B.R.G.M. A LA CHAMBRE DE COMMERCE ;

QU'AINSI LE TROISIEME MOYEN N'EST PAS FONDE ET QUE LE QUATRIEME MOYEN NE CONSTITUE PAS UN MOYEN DE CASSATION, L'APPRECIATION DE L'OPPORTUNITE DE SURSEOIR A STATUER JUSQU'A DECISION DU TRIBUNAL DES CONFLITS RELEVANT DU POUVOIR SOUVERAIN DE LA COUR DE CASSATION ;

SUR LES MOYENS FORMES PAR LE B.R.G.M. CONTRE L'ARRET DU 22 NOVEMBRE 1983, QUI A ADMIS QUE LA SOCIETE LE LLOYD CONTINENTAL ETAIT BIEN SUBROGEE DANS LES DROITS ET ACTIONS DE LA CHAMBRE DE COMMERCE ET A CONDAMNE LE B.R.G.M. A LUI PAYER UNE PROVISION DE 7.500.000 FRANCS ;

SUR LE CINQUIEME MOYEN PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QUE LA COMPAGNIE D'ASSURANCE LE LLOYD CONTINENTAL AVAIT D'ABORD INVOQUE LA SUBROGATION LEGALE RESULTANT DE L'ARTICLE L. 121-12 DU CODE DES ASSURANCES, PUIS LA SUBROGATION CONVENTIONNELLE FONDEE SUR UNE QUITTANCE SUBROGATIVE QUE LUI AVAIT DONNEE LA CHAMBRE DE COMMERCE LE 25 OCTOBRE 1979, L'ASSUREUR AYANT PAYE, EN PLUSIEURS FOIS, LES ENTREPRENEURS CHARGES DE REALISER LES TRAVAUX DESTINES A EMPECHER L'EFFONDREMENT DU GROS OEUVRE ;

QUE LA COUR D'APPEL A ECARTE L'APPLICATION DE L'ARTICLE PRECITE DU CODE DES ASSURANCES EU EGARD AU FAIT QU'IL SUPPOSAIT UNE INTERPRETATION DU CONTRAT D'ASSURANCE QUI N'ENTRAIT PAS DANS LA COMPETENCE DU JUGE DES REFERES, MAIS QU'ELLE A RETENU QU'IL EXISTAIT UNE SUBROGATION CONVENTIONNELLE FONDEE SUR LA QUITTANCE SUBROGATIVE DE LA CHAMBRE DE COMMERCE ;

ATTENDU QUE LE B.R.G.M. FAIT GRIEF A LA COUR D'APPEL D'AVOIR AINSI ADMIS LA SUBROGATION CONVENTIONNELLE, ALORS QUE, D'UNE PART, LE MAITRE DE L'OUVRAGE N'AYANT PAS RECU DE LA COMPAGNIE D'ASSURANCE LE PAIEMENT D'UNE CREANCE NE POUVAIT PAS LA SUBROGER DANS SES DROITS ET ACTIONS CONTRE UN DEBITEUR INEXISTANT ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, LA SUBROGATION SUPPOSE UN PAIEMENT PREALABLE D'UNE CREANCE ET QUE L'ASSUREUR NE POUVAIT SE PREVALOIR D'UNE TELLE SUBROGATION QUE S'IL AVAIT PREALABLEMENT PAYE AU MAITRE DE L'OUVRAGE UNE CREANCE QUE CELUI-CI POSSEDERAIT SUR LES CONSTRUCTEURS, UNE TELLE CREANCE SUPPOSANT QUE CEUX-CI AIENT ETE DEFINITIVEMENT CONDAMNES A LUI VERSER DES DOMMAGES-INTERETS ;

ALORS QU'ENFIN LA SUBROGATION IMPLIQUANT QU'ELLE SOIT FAITE EN MEME TEMPS QUE LE PAIEMENT, TEL N'ETAIT PAS LE CAS EN L'ESPECE PUISQUE LES PAIEMENTS AVAIENT ETE EFFECTUES PAR L'ASSUREUR ET LA QUITTANCE SUBROGATIVE DELIVREE PAR LE MAITRE DE L'OUVRAGE A DES EPOQUES DIFFERENTES, DE TELLE SORTE QU'AURAIT ETE VIOLE L'ARTICLE 1250, 1°, DU CODE CIVIL ;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A RELEVE QUE LA CHAMBRE DE COMMERCE DISPOSAIT D'UNE CREANCE A L'EGARD DES RESPONSABLES DU SINISTRE ET QUE TOUTES LES SOMMES VERSEES PAR L'ASSUREUR AUX ENTREPRENEURS L'AVAIENT ETE POUR LE COMPTE DE CET ETABLISSEMENT PUBLIC ADMINISTRATIF, DE TELLE SORTE QU'IL ETAIT INDIFFERENT QUE LES PAIEMENTS N'AIENT PAS ETE FAITS ENTRE SES MAINS ;

QU'ENFIN, DES LORS QUE LES DIVERS REGLEMENTS FAITS PAR L'ASSUREUR AUX ENTREPRENEURS POUR LE COMPTE DE LA CHAMBRE DE COMMERCE, L'AVAIENT ETE NON AU TITRE DE CREANCES DISTINCTES, MAIS D'UNE CREANCE GLOBALE NE POUVANT ETRE ESTIMEES ET DETERMINEE QU'A L'ACHEVEMENT DES TRAVAUX, LA COUR D'APPEL EN A JUSTEMENT DEDUIT QUE LA SUBROGATION AVAIT LIEU VALABLEMENT BIEN QU'ELLE SOIT INTERVENUE NON A L'OCCASION DE CHACUN DES REGLEMENTS PARTIELS, MAIS LORS DU REGLEMENT DU SOLDE ;

SUR LE SIXIEME ET LE SEPTIEME MOYENS : ATTENDU QUE LE B.R.G.M. FAIT ENFIN GRIEF A L'ARRET ATTAQUE DE L'AVOIR CONDAMNE A VERSER UNE PROVISION DE SEPT MILLIONS CINQ CENT MILLE FRANCS A L'ASSUREUR AU MOTIF QUE SON OBLIGATION ETAIT INCONTESTABLE DANS SES CONCLUSIONS, LEDIT B.R.G.M. FAISAIT VALOIR QUE SA MISSION ETAIT REDUITE ET QU'EN APPRECIANT L'ETENDUE DE SA MISSION PAR DES MOTIFS DONT IL RESSORTAIT QUE SON OBLIGATION ETAIT SERIEUSEMENT CONTESTABLE, LA COUR D'APPEL AURAIT VIOLE L'ARTICLE 809 ALINEA 2 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, TOUJOURS DANS SES CONCLUSIONS, LE B.R.G.M. FAISAIT VALOIR DIVERS ELEMENTS ETABLISSANT QU'IL N'AVAIT PAS COMMIS D'ERREURS ET QU'EN ADOPTANT LE RAPPORT DE L'EXPERT QUI ETAIT SERIEUSEMENT CONTESTE POUR RETENIR LA RESPONSABILITE DU B.R.G.M., LA COUR D'APPEL AURAIT ENCORE TRANCHE UNE CONTESTATION SERIEUSE ;

ET ALORS DE TROISIEME PART, L'ARRET ATTAQUE N'AURAIT PU APPRECIER LE ROLE CAUSAL DE LA PRETENDUE FAUTE DU B.R.G.M. DANS LE SINISTRE, SANS RECHERCHER QUELLE ETAIT LA PART DE RESPONSABILITE DES AUTRES CONSTRUCTEURS ;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A EXPRESSEMENT PRECISE QU'ELLE TENAIT COMPTE DU CARACTERE LIMITE ET EPISODIQUE DE L'INTERVENTION DU B.R.G.M. ET DE L'ORGANISATION COMPLEXE DE LA MAITRISE D'OEUVRE, AINSI QUE DE LA REALISATION DES PIEUX PAR LA SOCIETE BADE ;

QUE LA JURIDICTION DU SECOND DEGRE A EGALEMENT RETENU QUE LE BATIMENT DE 15 ETAGES A CONSTRUIRE N'ETANT PAS "A L'ECHELLE" DE LA REGION, SES PIEUX DEVAIENT ETRE "DIMENTIONNES" SELON LES RESULTATS D'ESSAIS PORTANT SUR LES SOLS SITUES SOUS LUI, QUE LA CAPACITE PORTANTE VRAIE DES PIEUX NE POUVAIT ETRE EVALUEE AVEC PRECISION QU'A PARTIR D'ESSAIS DE CHARGEMENT ET QU'UNE VERIFICATION S'IMPOSAIT A L'AIDE DE PLUSIEURS ESSAIS EFFECTUES SUR LE SITE CHOISI, LES CALCULS THEORIQUES ETANT INSUFFISANTS ;

QU'AYANT ENSUITE CONSTATE QUE LE B.R.G.M. N'AVAIT MEME PAS DEMANDE QU'IL SOIT PROCEDE A DE TELS ESSAIS, LA COUR D'APPEL, QUI N'ETAIT PAS TENUE D'ENTRER DANS LE DETAIL DE L'ARGUMENTATION DES PARTIES, A PU DEDUIRE DE CES ELEMENTS QUE L'OBLIGATION DUDIT B.R.G.M. N'ETAIT PAS SERIEUSEMENT CONTESTABLE A CONCURRENCE D'UN MONTANT QU'ELLE A SOUVERAINEMENT APPRECIE DANS LA LIMITE DE LA CREANCE DE L'ASSUREUR ;

QUE LES DEUX DERNIERS MOYENS NE PEUVENT DONC ETRE ACCUEILLIS ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI.