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Décisions

CJUE, 10e ch., 8 septembre 2022, n° C-507/21 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Puma SE, Puma United Kingdom Ltd, Puma Nordic AB, Austria Puma Dassler GmbH, Puma Italia Srl, Puma France SAS, Puma Denmark A/S, Puma Iberia SL, Puma Retail AG

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Jarukaitis

Juges :

M. Gratsias (rapporteur), M. Csehi

Avocat général :

M. Campos Sánchez-Bordona

Avocats :

Me Cornelis, Me Vermulst

CJUE n° C-507/21 P

7 septembre 2022

LA COUR (dixième chambre),

1 Par leur pourvoi, Puma SE, Puma United Kingdom Ltd, Puma Nordic AB, Austria Puma Dassler GmbH, Puma Italia Srl, Puma France SAS, Puma Denmark A/S, Puma Iberia SL et Puma Retail AG demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 juin 2021, Puma e.a./Commission (T 781/16, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:328), par lequel celui-ci a rejeté leur recours fondé sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation :

– premièrement, du règlement d’exécution (UE) 2016/1395 de la Commission, du 18 août 2016, réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et produites par Buckinghan Shoe Mfg. Co. Ltd, Buildyet Shoes Mfg., DongGuan Elegant Top Shoes Co. Ltd, Dongguan Stella Footwear Co. Ltd, Dongguan Taiway Sports Goods Limited, Foshan City Nanhai Qun Rui Footwear Co., Jianle Footwear Industrial, Sihui Kingo Rubber Shoes Factory, Synfort Shoes Co. Ltd, Taicang Kotoni Shoes Co. Ltd, Wei Hao Shoe Co. Ltd, Wei Hua Shoe Co. Ltd et Win Profile Industries Ltd, et exécutant l’arrêt rendu par la Cour de justice dans les affaires jointes C 659/13 et C 34/14 (JO 2016, L 225, p. 52) ;

– deuxièmement, du règlement d’exécution (UE) 2016/1647 de la Commission, du 13 septembre 2016, réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires du Viêt Nam et produites par Best Royal Co. Ltd, Lac Cuong Footwear Co. Ltd, Lac Ty Co. Ltd, Saoviet Joint Stock Company (Megastar Joint Stock Company), VMC Royal Co. Ltd, Freetrend Industrial Ltd et sa société liée Freetrend Industrial A (Vietnam) Co. Ltd, Fulgent Sun Footwear Co. Ltd, General Shoes Ltd, Golden Star Co. Ltd, Golden Top Company Co. Ltd, Kingmaker Footwear Co. Ltd, Tripos Enterprise Inc. et Vietnam Shoe Majesty Co. Ltd, et exécutant l’arrêt rendu par la Cour de justice dans les affaires jointes C 659/13 et C 34/14 (JO 2016, L 245, p. 16) ;

– troisièmement, du règlement d’exécution (UE) 2016/1731 de la Commission, du 28 septembre 2016, réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam et produites par General Footwear Ltd (Chine), Diamond Vietnam Co. Ltd et Ty Hung Footgearmex/Footwear Co. Ltd, et exécutant l’arrêt rendu par la Cour de justice dans les affaires jointes C 659/13 et C 34/14 (JO 2016, L 262, p. 4) (ci-après, ensemble, les « règlements d’exécution litigieux »).

Le cadre juridique

2 Les faits à l’origine du litige et les règlements d’exécution litigieux sont intervenus au cours d’une période allant du mois de mars 2006 au mois de septembre 2016. Pendant cette période, l’adoption de mesures antidumping au sein de l’Union européenne a été régie successivement, tout d’abord, par le règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1, et rectificatifs JO 1999, L 94, p. 27, et JO 2000, L 263, p. 34), tel que modifié par le règlement (CE) no 461/2004 du Conseil, du 8 mars 2004 (JO 2004, L 77, p. 12) (ci-après le « règlement no 384/96 »), ensuite, par le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, et rectificatifs JO 2010, L 7, p. 22, et JO 2016, L 44, p. 20), ainsi que, enfin, par le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21).

3 L’article 9, paragraphe 4, du règlement no 384/96 disposait :

« Lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits qu’il y a dumping et préjudice en résultant et que l’intérêt de la Communauté [européenne] nécessite une action conformément à l’article 21, un droit antidumping définitif est imposé par le Conseil [de l’Union européenne], statuant sur proposition de la Commission [européenne] présentée après consultation du comité consultatif. La proposition est adoptée par le Conseil à moins qu’il ne décide, en statuant à la majorité simple, de la rejeter dans un délai d’un mois à partir de sa présentation par la Commission. [...] »

4 L’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1225/2009, dans sa version initiale, était libellé en des termes identiques.

5 Aux termes du point 22, sous 5), de l’annexe du règlement (UE) no 37/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 janvier 2014, modifiant certains règlements relatifs à la politique commerciale commune en ce qui concerne les procédures d’adoption de certaines mesures (JO 2014, L 18, p. 1), le texte de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1225/2009 a été remplacé par le texte suivant :

« Lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits qu’il y a dumping et préjudice en résultant et que l’intérêt de l’Union nécessite une action conformément à l’article 21, un droit antidumping définitif est imposé par la Commission, statuant conformément à la procédure d’examen visée à l’article 15, paragraphe 3. [...] »

6 Aux termes de l’article 3 du règlement n° 37/2014 :

« Le présent règlement ne concerne pas les procédures entamées en vue de l’adoption de mesures prévues par les règlements énumérés à l’annexe du présent règlement si, au plus tard lors de l’entrée en vigueur du présent règlement :

a) la Commission a adopté un acte ;

b) un des règlements énumérés à l’annexe exige de procéder à une consultation et cette consultation est en cours ; ou

c) un des règlements énumérés à l’annexe exige d’adopter une proposition et la Commission a adopté cette proposition. »

7 Le règlement n° 1225/2009 a été abrogé en vertu de l’article 24 du règlement 2016/1036. Ce dernier est entré en vigueur, en application de son article 25, le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le 20 juillet 2016.

8 L’article 9, paragraphe 4, du règlement 2016/1036 dispose :

« Lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits qu’il y a dumping et préjudice en résultant et que l’intérêt de l’Union nécessite une action conformément à l’article 21, un droit antidumping définitif est imposé par la Commission, statuant conformément à la procédure d’examen visée à l’article 15, paragraphe 3. [...] »

9 L’article 14, paragraphe 1, du règlement 2016/1036 prévoit, notamment, que les droits antidumping, provisoires ou définitifs, sont imposés par voie de règlement et perçus par les États membres selon la forme, le taux et les autres éléments fixés par le règlement qui les impose.

10 Par ailleurs, l’article 217, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO 2000, L 311, p. 17) (ci-après le « code des douanes »), disposait :

« Tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière [...] doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte). »

11 Aux termes de l’article 221 du code des douanes :

« 1. Le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte.

[...]

3. La communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. Ce délai est suspendu à partir du moment où est introduit un recours au sens de l’article 243 et pendant la durée de la procédure de recours.

[...] »

12 Conformément à l’article 236 du code des douanes :

« 1. Il est procédé au remboursement des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans la mesure où il est établi qu’au moment de son paiement leur montant n’était pas légalement dû ou que le montant a été pris en compte contrairement à l’article 220 paragraphe 2.

[...]

2. Le remboursement ou la remise des droits à l’importation ou des droits à l’exportation est accordé sur demande déposée auprès du bureau de douane concerné avant l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la communication desdits droits au débiteur.

[...] »

Les antécédents du litige

13 Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 27 de l’arrêt attaqué. Aux fins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

14 Le 23 mars 2006, la Commission a adopté le règlement (CE) no 553/2006, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO 2006, L 98, p. 3).

15 Le 5 octobre 2006, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 1472/2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO 2006, L 275, p. 1).

16 L’article 1er, paragraphe 3, du règlement no 1472/2006 a fixé le taux de ce droit à 16,5 % pour les chaussures à dessus en cuir (ci-après les « produits en cause ») fabriquées par toutes les sociétés établies en Chine, à l’exception de celles fabriquées par Foshan City Nanhai Golden Step Industrial Co. Ltd, pour lesquelles le taux était de 9,7 %, et à 10 % pour celles fabriquées par toutes les sociétés établies au Viêt Nam. L’article 3 de ce règlement a prévu que ce dernier entrerait en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, laquelle est intervenue le 6 octobre 2006, et qu’il serait applicable pendant une période de deux ans, à savoir pendant la période allant du 7 octobre 2006 au 6 octobre 2008.

17 Le 29 avril 2008, le Conseil a étendu l’application de ce droit antidumping aux importations expédiées de la région administrative spéciale (RAS) de Macao, en adoptant le règlement (CE) no 388/2008, portant extension des mesures antidumping définitives instituées par le règlement no 1472/2006 sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine aux importations du même produit expédié de la RAS de Macao, qu’il ait ou non été déclaré originaire de la RAS de Macao (JO 2008, L 117, p. 1).

18 Le 22 décembre 2009, un règlement de prolongation a été adopté, à savoir le règlement d’exécution (UE) no 1294/2009 du Conseil, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires du Viêt Nam et de la République populaire de Chine, étendu aux importations de certaines chaussures à dessus en cuir expédiées de la RAS de Macao, qu’elles aient ou non été déclarées originaires de la RAS de Macao, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures mené conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 384/96 (JO 2009, L 352, p. 1).

19 L’article 1er, paragraphes 3 et 4, du règlement d’exécution no 1294/2009 a fixé le taux de ce droit :

– à 16,5 % pour les produits en cause fabriqués par toutes les sociétés établies en Chine, à l’exception de Foshan City Nanhai Golden Step Industrial Co., ainsi que pour ceux expédiés de la RAS de Macao ;

– à 9,7 % pour les produits en cause fabriqués par Foshan City Nanhai Golden Step Industrial Co., et

– à 10 % pour ceux fabriqués par toutes les sociétés établies au Viêt Nam.

20 L’article 2 de ce règlement d’exécution a prévu que ce dernier entrerait en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, laquelle est intervenue le 30 décembre 2009, et qu’il serait applicable pendant une période de quinze mois.

21 Le droit antidumping a expiré le 31 mars 2011, ainsi que cela est indiqué dans l’avis de la Commission publié au Journal officiel de l’Union européenne le 16 mars 2011 (JO 2011, C 82, p. 4).

22 Le règlement no 1472/2006 a fait l’objet d’une procédure devant le Tribunal dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 4 mars 2010, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (T 401/06, EU:T:2010:67), ainsi que du 4 mars 2010, Zhejiang Aokang Shoes et Wenzhou Taima Shoes/Conseil (T 407/06 et T 408/06, EU:T:2010:68), dans lesquelles le Tribunal a rejeté les recours introduits par certaines sociétés, établies en Chine, productrices et exportatrices des produits en cause.

23 Saisie de deux pourvois introduits par cinq sociétés productrices et exportatrices, la Cour a, par les arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C 249/10 P, EU:C:2012:53), et du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C 247/10 P, non publié, EU:C:2012:710), d’une part, annulé les arrêts du 4 mars 2010, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (T 401/06, EU:T:2010:67), ainsi que du 4 mars 2010, Zhejiang Aokang Shoes et Wenzhou Taima Shoes/Conseil (T 407/06 et T 408/06, EU:T:2010:68), et, d’autre part, annulé le règlement no 1472/2006 en tant qu’il concernait ces cinq sociétés.

24 En particulier, la Cour a jugé que le règlement no 1472/2006 était entaché d’une violation de l’obligation faite à la Commission d’examiner les demandes de producteurs-exportateurs qui avaient souhaité obtenir le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché (ci-après le « SEM ») et de se prononcer sur chacune de ces demandes dans un délai de trois mois à compter de l’ouverture de son enquête, conformément au règlement no 384/96.

25 Dès lors, la Commission a adopté, le 19 février 2014, une proposition de règlement d’exécution du Conseil réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et produites par Brosmann Footwear (HK) Ltd, Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd, Lung Pao Footwear (Guangzhou) Ltd, Risen Footwear (HK) Co. Ltd et Zhejiang Aokang Shoes Co. Ltd (COM/2014/087 final), sociétés ayant introduit les pourvois mentionnés au point 23 du présent arrêt. Toutefois, par la décision d’exécution 2014/149/UE, du 18 mars 2014, rejetant la proposition de règlement d’exécution réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et produites par Brosmann Footwear (HK) Ltd, Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd, Lung Pao Footwear (Guangzhou) Ltd, Risen Footwear (HK) Co. Ltd et Zhejiang Aokang Shoes Co. Ltd (JO 2014, L 82, p. 27), le Conseil a décidé de rejeter la proposition de la Commission au motif que les opérateurs concernés avaient acquis la confiance légitime que leur dette serait prescrite et, par conséquent, « éteinte ».

26 Les arrêts du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (C 249/10 P, EU:C:2012:53), et du 15 novembre 2012, Zhejiang Aokang Shoes/Conseil (C 247/10 P, non publié, EU:C:2012:710), ont été invoqués par certains importateurs des produits en cause, dont Puma, pour contester les mesures antidumping pertinentes devant les juridictions nationales compétentes, lesquelles ont, par la suite, saisi la Cour de questions préjudicielles en interprétation et en appréciation de validité, en application de l’article 267 TFUE. Ces affaires ont trouvé leur origine dans des demandes de remboursement des droits antidumping payés, introduites en vertu de l’article 236 du code des douanes.

27 Ainsi, le 13 décembre 2013 et le 24 janvier 2014, le First-tier Tribunal (Tax Chamber) [tribunal de première instance (chambre de la fiscalité), Royaume-Uni] et le Finanzgericht München (tribunal des finances de Munich, Allemagne) ont, respectivement, introduit des demandes de décision préjudicielle devant la Cour, en application de l’article 267 TFUE, portant sur la validité ainsi que l’interprétation du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution no 1294/2009, ainsi que sur l’interprétation de l’article 236 du code des douanes.

28 Ces demandes de décision préjudicielle ont donné lieu à l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C 659/13 et C 34/14, EU:C:2016:74), par lequel la Cour a déclaré le règlement no 1472/2006 et le règlement d’exécution no 1294/2009 invalides, dans la mesure où ce règlement et ce règlement d’exécution violaient l’article 2, paragraphe 7, sous b), et l’article 9, paragraphe 5, du règlement no 384/96.

29 Plus précisément, la Cour a constaté, dans cet arrêt, que ledit règlement et ledit règlement d’exécution avaient été adoptés sans que le Conseil et la Commission aient examiné au préalable les demandes d’obtention du SEM et les demandes de traitement individuel (ci-après le « TI ») qui leur avaient été présentées par les producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens non retenus dans l’échantillon établi dans le cadre de l’enquête ayant conduit à l’adoption de ceux-ci.

30 À la suite du prononcé de l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C 659/13 et C 34/14, EU:C:2016:74), la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2016/223, du 17 février 2016, établissant une procédure d’examen de certaines demandes de statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché et de traitement individuel introduites par des producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens, et exécutant l’arrêt rendu par la Cour de justice dans les affaires jointes C 659/13 et C 34/14 (JO 2016, L 41, p. 3).

31 Il ressort du considérant 16 du règlement d’exécution 2016/223 que la Commission a décidé de reprendre la procédure antidumping au point auquel l’illégalité constatée dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C 659/13 et C 34/14, EU:C:2016:74), était intervenue et d’examiner si les conditions d’une économie de marché prévalaient pour les producteurs-exportateurs au cours de la période allant du 1er avril 2004 au 31 mars 2005. Selon le considérant 17 de ce règlement d’exécution, la Commission envisageait d’examiner, pour les importations de Clark et de Puma, toutes les demandes de SEM et de TI soumises. Dans ce contexte, la Commission a décidé, ainsi qu’il est exposé au considérant 18 dudit règlement d’exécution, de donner consigne aux autorités douanières nationales de ne pas provisoirement rembourser les droits antidumping perçus. La Commission a également entrepris de suivre la même procédure au regard de toute demande de SEM ou de TI soumise par un producteur-exportateur chinois ou vietnamien dont les produits seraient concernés par une demande de remboursement déposée par un importateur dans le délai triennal prévu à cet effet à l’article 236 du code des douanes.

32 Ainsi, l’article 1er du règlement d’exécution 2016/223 prévoit ce qui suit :

« 1. Les autorités douanières nationales qui ont reçu une demande de remboursement, au titre de l’article 236 du code des douanes [...], des droits antidumping institués par le règlement [...] n° 1472/2006 ou le règlement [d’exécution] n° 1294/2009 et perçus par les autorités douanières nationales, fondée sur le fait qu’un producteur-exportateur ne figurant pas dans l’échantillon avait introduit une demande de SEM ou de TI, transmettent cette demande ainsi que toutes les pièces justificatives éventuelles à la Commission.

2. Dans un délai de huit mois à compter de la réception de la demande et des pièces justificatives éventuelles, la Commission vérifie si le producteur-exportateur avait effectivement introduit une demande de SEM et de TI. Dans l’affirmative, la Commission examine cette demande et réinstitue le droit approprié par la voie d’un règlement d’exécution de la Commission, après information des parties [...]

3. Les autorités douanières nationales attendent la publication dudit règlement d’exécution de la Commission réinstituant les droits avant de se prononcer sur la demande de remboursement et de remise des droits antidumping. »

33 Dans le cadre d’un litige relatif à une demande de remboursement de droits antidumping acquittés, porté devant le Finanzgericht Düsseldorf (tribunal des finances de Düsseldorf, Allemagne), ce dernier a, par la décision du 20 avril 2016, saisi la Cour d’une question préjudicielle, en application de l’article 267, premier alinéa, sous b), TFUE, remettant en cause la validité du règlement d’exécution 2016/223. Dans l’arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C 256/16, EU:C:2018:187), la Cour est parvenue à la conclusion que l’examen de cette question n’avait révélé aucun élément de nature à affecter la validité de ce règlement d’exécution.

34 Le 18 août 2016, la Commission a adopté le règlement d’exécution 2016/1395. En vertu de l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de ce règlement d’exécution, la Commission a réinstitué un droit antidumping définitif à un taux de 16,5 % pour les importations de produits en cause fabriqués par treize producteurs-exportateurs chinois pendant la période d’application du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009.

35 Le 13 septembre 2016, la Commission a adopté le règlement d’exécution 2016/1647. En vertu de l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de ce règlement d’exécution, la Commission a réinstitué un droit antidumping définitif à un taux de 10 % pour les importations de produits en cause fabriqués par quatorze producteurs-exportateurs vietnamiens pendant la période d’application du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009.

36 Le 28 septembre 2016, la Commission a adopté le règlement d’exécution 2016/1731. En vertu de l’article 1er, paragraphes 1 et 3, de ce règlement d’exécution, la Commission a réinstitué un droit antidumping définitif à un taux de 16,5 % pour les importations de produits en cause fabriqués par un producteur-exportateur chinois et de 10 % pour celles de deux producteurs-exportateurs vietnamiens, pendant la période d’application du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

37 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 novembre 2016, les requérantes ont introduit le recours mentionné au point 1 du présent arrêt.

38 Par la décision du président de la troisième chambre du Tribunal du 14 mars 2017, la procédure a été suspendue jusqu’à l’intervention des décisions de la Cour mettant fin à l’instance dans les affaires C 256/16, Deichmann, C 612/16, C & J Clark International, et C 631/16, X.

39 À la suite du prononcé de l’arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C 256/16, EU:C:2018:187), et de celui de l’arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International (C 612/16, non publié, EU:C:2019:508), la procédure devant le Tribunal a repris le 19 juin 2019.

40 À l’appui de leur recours, les requérantes ont soulevé cinq moyens, dont trois sont concernés par la présente procédure de pourvoi. Il s’agit du premier moyen, pris de l’incompétence de la Commission pour adopter les règlements d’exécution litigieux, du troisième moyen dans le cadre duquel un grief pris de la violation du principe de proportionnalité a été soulevé, et, du quatrième moyen, pris de la violation du principe de non discrimination.

41 S’agissant du premier moyen du recours, le Tribunal a considéré que la Commission était compétente pour adopter, aux mois d’août et de septembre 2016, les règlements d’exécution litigieux sur le fondement des articles 9 et 14 du règlement 2016/1036, ce dernier ayant pris effet le 20 juillet 2016.

42 S’agissant du grief pris de la violation du principe de proportionnalité, soulevé dans le cadre du troisième moyen, le Tribunal a considéré que les requérantes n’avaient pas précisé les raisons pour lesquelles elles estimaient que les règlements d’exécution litigieux devaient être qualifiés de manifestement inappropriés par rapport à l’objectif poursuivi.

43 Quant au moyen pris de la violation du principe de non-discrimination, le Tribunal a examiné si la situation dans laquelle se trouvaient les requérantes était comparable à celle des importateurs de l’Union qui avaient acheté les produits en cause auprès des cinq producteurs exportateurs concernés par la décision d’exécution 2014/149, en vertu de laquelle le Conseil a décidé de rejeter la proposition de la Commission tendant, notamment, à la réinstitution d’un droit antidumping définitif sur les importations en provenance de ces cinq producteurs-exportateurs.

44 À cet égard, le Tribunal a examiné l’objet des règlements d’exécution litigieux en tenant compte, notamment, des arrêts du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C 659/13 et C 34/14, EU:C:2016:74), et du 15 mars 2018, Deichmann (C 256/16, EU:C:2018:187), ainsi que du règlement d’exécution 2016/223 et a conclu que les requérantes se trouvaient dans des situations juridiques et factuelles différentes de celles des importateurs de l’Union qui avaient acheté les produits en cause auprès des cinq producteurs-exportateurs concernés par la décision d’exécution 2014/149.

Les conclusions des parties

45 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise à la Cour :

– annuler l’arrêt attaqué ;

– annuler les règlements d’exécution litigieux ;

– condamner la Commission aux dépens ou, à titre subsidiaire,

– renvoyer l’affaire devant le Tribunal et, dans ce cas, réserver les dépens.

46 La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

– rejeter le pourvoi et

– condamner les requérantes aux dépens.

Sur le pourvoi

47 À l’appui du pourvoi, les requérantes soulèvent trois moyens. Le premier moyen de pourvoi est tiré du défaut d’examen de l’essence du premier moyen du recours, lequel serait constitutif d’un défaut de motivation. Le deuxième moyen de pourvoi est tiré d’une violation du principe de proportionnalité, le troisième moyen de pourvoi étant tiré d’une violation du règlement d’exécution 2016/223 et du principe selon lequel nul ne peut tirer avantage de sa propre turpitude.

Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de motivation

Argumentation des parties

48 Au soutien du premier moyen de pourvoi, les requérantes exposent que l’article 3 du règlement n° 37/2014 est tout aussi pertinent que l’article 9, paragraphe 4, et l’article 14, paragraphe 1, du règlement 2016/1036 afin de déterminer quelle était l’institution compétente pour adopter les règlements d’exécution litigieux. Or, le Tribunal aurait, aux points 66 à 71 de l’arrêt attaqué, fondé son appréciation à cet égard sur ces seules deux dernières dispositions. Aucun motif, même implicite, ne pouvant être déduit de l’arrêt attaqué s’agissant de l’argument par lequel les requérantes ont invoqué, devant le Tribunal, une violation de l’article 3 du règlement n° 37/2014, cet arrêt serait entaché d’un défaut de motivation.

49 La Commission conteste le bien-fondé du premier moyen de pourvoi.

Appréciation de la Cour

50 Selon une jurisprudence constante, la motivation d’un arrêt doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C 247/11 P et C 253/11 P, EU:C:2014:257, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

51 En l’espèce, il ressort des points 66 à 70 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a écarté le premier moyen du recours, tiré de l’incompétence de la Commission pour adopter les règlements d’exécution litigieux, en faisant référence au principe selon lequel les actes de l’Union doivent être adoptés conformément aux règles de procédure en vigueur à la date de leur adoption, et ce même dans le cadre d’une procédure qui a été engagée avant cette date, mais qui demeure pendante après celle-ci. Ainsi, le Tribunal a considéré que les procédures engagées sur le fondement du règlement n° 384/96 ne pouvaient plus, à compter de l’abrogation de ce dernier par le règlement n° 1225/2009, lui-même abrogé par le règlement 2016/1036, être poursuivies sur ce fondement. Les règlements d’exécution litigieux avaient dès lors pu valablement être adoptés par la Commission compte tenu du fait que ceux-ci avaient été adoptés postérieurement à l’entrée en vigueur du règlement 2016/1036 et que l’article 9, paragraphe 4, et l’article 14, paragraphe 1, de ce dernier règlement habilitent la Commission à imposer et à réinstituer des droits antidumping définitifs par voie de règlement.

52 C’est ainsi que le Tribunal a achevé son analyse en observant, au point 71 de l’arrêt attaqué, que l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’était pas compétente pour l’adoption des règlements d’exécution litigieux, en vertu des règles transitoires prévues à l’article 3 du règlement no 37/2014, était dépourvu de pertinence.

53 Il apparaît que, en écartant, au point 72 de l’arrêt attaqué, le premier moyen du recours sur le fondement des motifs résumés au point 51 du présent arrêt, le Tribunal a exposé de façon claire et non équivoque les motifs pour lesquels il considérait que la Commission était compétente pour adopter les règlements d’exécution litigieux sur le fondement de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 14, paragraphe 1, du règlement 2016/1036.

54 Ces motifs constituent une réponse explicite à l’argument pris de ce que l’organe compétent pour adopter les règlements d’exécution litigieux était le Conseil et non la Commission. Le Tribunal a ainsi exposé de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles il avait considéré que les dispositions transitoires prévues à l’article 3 du règlement no 37/2014 n’étaient pas applicables en l’espèce et que, par conséquent, l’argument que les requérantes avaient tiré de ces dispositions à l’appui du premier moyen du recours était dénué de pertinence.

55 Les requérantes ne sont dès lors pas fondées à soutenir que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation.

56 Au demeurant, dans la mesure où le premier moyen de pourvoi pourrait être compris comme consistant à faire valoir que les appréciations du Tribunal résumées aux points 51 et 52 du présent arrêt sont constitutives d’une violation de l’article 3 du règlement no 37/2014, force est de constater qu’il est tout aussi dénué de fondement.

57 En effet, à l’instar de ce que la Commission soutient, l’article 3 du règlement n° 37/2014 était applicable aussi longtemps que l’imposition de droits antidumping était régie par le règlement n° 1225/2009, que le règlement n° 37/2014 avait modifié. En revanche, à partir du 20 juillet 2016, date d’abrogation du règlement n° 1225/2009 et d’entrée en vigueur du règlement 2016/1036, la compétence pour imposer de tels droits est déterminée en vertu des dispositions de ce dernier règlement.

58 À cet égard, conformément à l’article 25 du règlement 2016/1036, ce dernier est entré en vigueur le 20 juillet 2016, de telle sorte qu’il était en vigueur aux dates d’adoption respectives des règlements d’exécution litigieux, à savoir le 18 août ainsi que les 13 et 28 septembre 2016. En outre, l’article 9, paragraphe 4, du règlement 2016/1036 énonce que, lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits qu’il y a un dumping et un préjudice qui en résulte et que l’intérêt de l’Union nécessite une action, un droit antidumping définitif est imposé par la Commission. L’article 14, paragraphe 1, du règlement 2016/1036 prévoit que les droits antidumping sont imposés par voie de règlement. Ces deux dispositions, lues ensemble, habilitent dès lors la Commission tant à « imposer » qu’à « réinstituer », après annulation ou déclaration d’invalidité pour des motifs auxquels il peut être remédié, des droits antidumping par l’adoption d’un nouveau règlement.

59 Il s’ensuit que, dans la mesure où ils visent l’article 9 et l’article 14 du règlement 2016/1036, les règlements d’exécution litigieux sont fondés sur une base juridique habilitant la Commission à réinstituer les droits antidumping imposés par le règlement no 1472/2006 et le règlement d’exécution n° 1294/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C 612/16, non publié, EU:C:2019:508, points 41 à 44).

60 En écartant le premier moyen sur le fondement des mêmes considérations, le Tribunal n’a dès lors commis aucune erreur de droit.

61 Il convient, par conséquent, d’écarter le premier moyen de pourvoi.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

Argumentation des parties

62 Par le deuxième moyen de pourvoi, les requérantes contestent le bien fondé de l’appréciation du Tribunal,, figurant aux points 116 à 119 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, eu égard aux arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C 256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C 612/16, non publié, EU:C:2019:508), qui ont confirmé la légalité de l’approche de la Commission consistant à réinstituer les droits antidumping imposés par le règlement no 1472/2006 et le règlement d’exécution n° 1294/2009, les requérantes n’ont pas précisé les raisons pour lesquelles elles estimaient que les règlements d’exécution litigieux devaient être qualifiés de manifestement inappropriés.

63 En particulier, selon les requérantes, en estimant que, afin qu’ils puissent être considérés comme étant contraires au principe de proportionnalité, les règlements d’exécution litigieux devraient édicter des mesures manifestement inappropriées par rapport à l’objectif poursuivi, le Tribunal a commis une erreur de droit. Selon elles, l’objectif poursuivi par toute mesure antidumping est de protéger l’industrie de l’Union des importations de produits faisant l’objet d’un dumping, lorsque leur mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice. Or, compte tenu du fait que l’industrie de l’Union a été suffisamment protégée jusqu’au 31 mars 2011, date à laquelle les droits antidumping imposés en l’espèce ont expiré sans être renouvelés, la réinstitution de ces droits n’offrirait aucune protection additionnelle au regard de futures importations dans l’Union. En revanche, cette réinstitution priverait les importateurs concernés de toute protection juridique contre d’éventuelles erreurs de fait et de droit commises par la Commission après une aussi longue période de procédures juridictionnelles et administratives.

64 La Commission conteste le bien-fondé du deuxième moyen de pourvoi.

Appréciation de la Cour

65 Ainsi qu’il a été exposé aux points 31, 32 et 34 à 36 du présent arrêt, les règlements d’exécution litigieux n’ont procédé qu’à la réinstitution des droits antidumping au taux approprié après avoir remédié, conformément à l’article 266 TFUE, aux illégalités constatées dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C 659/13 et C 34/14, EU:C:2016:74). Cette réinstitution frappe exclusivement les importations effectuées pendant la période d’application du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009, à savoir la période allant du 7 octobre 2006 au 31 mars 2011 (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C 612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 66).

66 En particulier, d’une part, afin de se conformer à l’obligation d’exécuter l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C 659/13 et C 34/14, EU:C:2016:74), la Commission pouvait valablement considérer qu’il lui incombait d’effectuer un examen des demandes de SEM ou de TI présentées par les producteurs-exportateurs concernés, en vue de déterminer si les droits antidumping qui leur étaient applicables, en vertu du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009, auraient dû être fixés à des taux inférieurs à ceux prévus par ceux-ci. Par conséquent, le remboursement immédiat et intégral des droits antidumping concernés ne s’imposait pas (arrêts du 15 mars 2018, Deichmann, C 256/16, EU:C:2018:187, points 68 et 70, ainsi que du 19 juin 2019, C & J Clark International, C 612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 49).

67 D’autre part, la reprise de la procédure administrative à la suite du prononcé de l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C 659/13 et C 34/14, EU:C:2016:74), pouvait valablement aboutir à la réinstitution des droits antidumping à l’égard de produits mis en libre pratique pendant la période allant du 7 octobre 2006 au 31 mars 2011, période d’application du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C 256/16, EU:C:2018:187, point 78).

68 Il s’ensuit que cette réinstitution ne fait que créer un obstacle au remboursement des droits antidumping payés par les requérantes au titre des importations effectuées entre le 7 octobre 2006 et le 31 mars 2011, de sorte, précisément, à maintenir, dans la mesure où l’examen au fond des demandes de SEM ou de TI présentées par les producteurs exportateurs concernés l’a justifié, la protection de l’industrie de l’Union pendant la période concernée. Ce faisant, la Commission n’a pas imposé aux importateurs une quelconque obligation qui serait allée au-delà de celles résultant du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009, dépourvus des illégalités constatées dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C 659/13 et C 34/14, EU:C:2016:74).

69 C’est dès lors sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a, au point 119 de l’arrêt attaqué, rejeté le grief des requérantes tiré d’une violation du principe de proportionnalité. En conséquence, le deuxième moyen de pourvoi doit être écarté.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du règlement d’exécution 2016/223 et du principe selon lequel nul ne peut tirer avantage de sa propre turpitude

Argumentation des parties

70 Par le troisième moyen de pourvoi, les requérantes exposent que, en étant exclues du remboursement des droits qu’elles avaient versés en application du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009, elles ont fait l’objet d’un traitement défavorable par rapport à celui réservé aux autres importateurs de l’Union qui avaient acheté les produits en cause auprès des cinq producteurs-exportateurs concernés par la décision d’exécution 2014/149, ces importateurs ayant pu bénéficier d’un tel remboursement. En considérant que l’absence de remboursement des droits versés par les requérantes en application du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009 serait une conséquence du règlement d’exécution 2016/223, le Tribunal aurait, aux points 127 à 141 de l’arrêt attaqué, interprété ce dernier de manière erronée. Ce seraient en réalité les règlements d’exécution litigieux qui, en réinstituant les droits antidumping frappés des illégalités constatées par la Cour, auraient définitivement exclu les requérantes du bénéfice du remboursement des droits précédemment acquittés, le règlement d’exécution 2016/223 n’ayant imposé cette conséquence qu’à titre provisoire. Or, en jugeant que l’adoption du règlement d’exécution 2016/223 a habilité la Commission à exclure les requérantes du remboursement de droits accordé à d’autres importateurs se trouvant dans une situation analogue, le Tribunal aurait en réalité permis à la Commission de tirer avantage de sa propre turpitude.

Appréciation de la Cour

71 Les requérantes ayant fait valoir, par le quatrième moyen du recours, qu’elles avaient fait l’objet d’un traitement discriminatoire non justifié par rapport à celui réservé à d’autres importateurs se trouvant dans une situation analogue à la leur, le Tribunal a, aux points 132 à 136 de l’arrêt attaqué, estimé, en substance, que l’adoption de la décision d’exécution 2014/149, en vertu de laquelle le Conseil a rejeté la proposition de règlement d’exécution réinstituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et produites par cinq producteurs-exportateurs chinois, constitue un élément qui différencie la situation factuelle et juridique des requérantes par rapport à celle des importateurs de chaussures provenant de ces cinq producteurs exportateurs.

72 En outre, aux points 137 à 140 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que l’absence de remboursement des droits antidumping versés par les requérantes au titre des importations effectuées pendant la période allant du 7 octobre 2006 au 31 mars 2011 était imputable au règlement d’exécution 2016/223, qui ne faisait pas partie de l’objet du litige devant lui et qui constituerait un élément pertinent de différenciation factuelle et juridique entre les requérantes et les autres importateurs sur le traitement desquels celles-ci ont pris appui.

73 À cet égard, il convient de relever que les autres importateurs concernés ont invoqué l’annulation, par la Cour, du règlement no 1472/2006 en ce qu’il concernait cinq producteurs-exportateurs, à savoir Brosmann Footwear (HK), Seasonable Footwear (Zhongshan), Lung Pao Footwear (Guangzhou), Risen Footwear (HK) Co. et Zhejiang Aokang Shoes Co., afin de demander le remboursement des droits antidumping qu’ils avaient payés au titre d’importations de chaussures provenant des producteurs-exportateurs susmentionnés, effectuées pendant la période allant du 7 octobre 2006 au 31 mars 2011. Ce remboursement a été effectué, et ce de manière définitive, dès lors que le Conseil a rejeté, lorsqu’il était encore compétent à cet effet, la proposition de la Commission tendant à l’adoption d’un règlement d’exécution réinstituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir provenant de ces producteurs-exportateurs.

74 Les requérantes ont invoqué la déclaration, par la Cour, de l’invalidité du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009 afin de demander le remboursement des droits antidumping qu’elles avaient payés au titre d’importations de chaussures produites par d’autres producteurs-exportateurs, effectuées pendant la période allant du 7 octobre 2006 au 31 mars 2011. Or, les requérantes n’ont pu obtenir ce remboursement, en raison, premièrement, de l’adoption du règlement d’exécution 2016/223, qui a interdit provisoirement aux autorités douanières d’effectuer des remboursements sur le fondement de l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C 659/13 et C 34/14, EU:C:2016:74), ainsi que, deuxièmement, de la réinstitution, en vertu des règlements d’exécution litigieux, des droits antidumping aux mêmes taux que ceux prévus par le règlement no 1472/2006 et le règlement d’exécution no 1294/2009.

75 La différence de traitement qu’invoquent les requérantes résulte par conséquent de la différence d’approche entre celle du Conseil, d’une part, et celle de la Commission, d’autre part, dans la suite qu’il convenait de donner aux appréciations quasi identiques sur le fondement desquelles la Cour avait annulé le règlement no 1472/2006 et déclaré invalides ce dernier règlement et le règlement d’exécution no 1294/2009.

76 Ces approches ont été matérialisées dans la décision d’exécution 2014/149, d’une part, et dans le règlement d’exécution 2016/223 ainsi que dans les règlements d’exécution litigieux, d’autre part. Il est résulté de l’attribution de la compétence d’imposition de droits antidumping définitifs à la Commission à partir du 20 juillet 2016 que certains importateurs ont pu bénéficier de l’approche du Conseil, alors que d’autres ont dû subir les conséquences de l’approche de la Commission.

77 Dans ces conditions, c’est en procédant à un raisonnement circulaire et, partant, impropre à rejeter en droit le moyen invoqué devant lui que le Tribunal a considéré que les instruments juridiques matérialisant le traitement discriminatoire allégué par les requérantes constituaient des éléments générateurs de différences factuelles et juridiques justifiant ce traitement.

78 En particulier, il ressort de l’article 1er du règlement d’exécution 2016/223 que ce règlement d’exécution n’a fait qu’empêcher provisoirement les autorités douanières nationales de procéder au remboursement des droits payés conformément au règlement no 1472/2006 et au règlement d’exécution n° 1294/2009, déclarés invalides par la Cour dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C 659/13 et C 34/14, EU:C:2016:74). En revanche, ce sont les règlements d’exécution litigieux qui, en réinstituant les droits imposés en vertu du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009, ont définitivement exclu tout remboursement au profit des requérantes.

79 En d’autres termes, même si le règlement d’exécution 2016/223 n’avait pas été adopté, les requérantes se seraient trouvées dans une situation quasi identique à celle dans laquelle elles se trouvent aujourd’hui. Dans cette hypothèse, les requérantes auraient probablement bénéficié d’un remboursement des droits payés en vertu du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009, mais auraient été appelées une nouvelle fois à payer les mêmes montants au titre des règlements d’exécution litigieux.

80 Ainsi, contrairement à ce que le Tribunal a jugé, l’adoption du règlement d’exécution 2016/223 était dénuée de pertinence aux fins de l’examen du moyen du recours pris d’une violation du principe de non discrimination.

81 Il y a lieu de rappeler, toutefois, que, si les motifs d’une décision du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que le dispositif de celle-ci apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cette décision et il y a lieu de procéder à une substitution de motifs (arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C 622/16 P à C 624/16 P, EU:C:2018:873, point 48).

82 Tel est le cas en l’espèce.

83 En effet, premièrement, il ressort d’une lecture combinée de l’article 217, paragraphe 1, du code des douanes et de l’article 221, paragraphe 1, de celui-ci que la règle de prescription énoncée à l’article 221, paragraphe 3, de ce code n’est susceptible de faire obstacle ni à ce qu’un règlement instituant ou réinstituant des droits antidumping soit adopté par la Commission ni, à plus forte raison, à ce que la procédure préalable à une telle adoption soit entreprise par celle-ci, chacune de ces opérations intervenant nécessairement avant celles consistant, pour les autorités douanières nationales compétentes, à calculer le montant des droits à percevoir en application du règlement concerné, puis à communiquer ce montant au débiteur (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C 256/16, EU:C:2018:187, point 83).

84 Ainsi, en l’espèce, ce n’est qu’une fois que la Commission a réinstitué, aux taux appropriés, les droits antidumping initialement institués par le règlement no 1472/2006 et par le règlement d’exécution n° 1294/2009, déclarés entre-temps invalides par la Cour, que les autorités douanières nationales pouvaient déterminer les droits correspondants et les communiquer aux débiteurs (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C 256/16, EU:C:2018:187, point 84).

85 Par suite, ni la reprise de la procédure administrative ayant pour objet l’éventuelle réinstitution des droits antidumping concernés ni, par voie de conséquence, la réinstitution effective de ces droits n’est, en tant que telle, contraire à la règle de prescription énoncée à l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes ou à une prétendue confiance qu’auraient pu nourrir les opérateurs concernés dans le fait qu’aucun droit antidumping ne serait réinstitué.

86 Deuxièmement, en vertu de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 384/96, disposition matérielle applicable au moment de l’adoption du règlement no 1472/2006 et du règlement d’exécution n° 1294/2009, lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits qu’il y a un dumping et qu’un préjudice en résulte et que l’intérêt de la Communauté nécessite une action conformément à l’article 21 du règlement n° 384/96, un droit antidumping définitif « est imposé ».

87 Par conséquent, la procédure décrite à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2016/223 ne pouvait aboutir à l’absence de réinstitution des droits antidumping que si la Commission concluait à l’absence de dumping, de préjudice en résultant ou d’intérêt de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C 76/01 P, EU:C:2003:511, point 91).

88 Dans ces conditions, le fait pour le Conseil d’avoir appliqué l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes d’une manière dérogeant à celle exposée aux points 83 à 85 du présent arrêt n’était pas de nature à contraindre la Commission, sur la base du principe d’égalité de traitement, à appliquer cette disposition de la même manière et, ce faisant, à enfreindre également, pour les raisons exposées aux points 86 et 87 du présent arrêt, l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 384/96.

89 En conclusion, s’il ressort de l’analyse effectuée aux points 71 à 77 du présent arrêt que les motifs sur le fondement desquels le Tribunal a écarté le quatrième moyen du recours sont entachés d’une erreur de droit, il n’en demeure pas moins que ce quatrième moyen aurait en tout état de cause dû être écarté par le Tribunal pour les raisons exposées aux points 83 à 87 ci-dessus.

90 Le troisième moyen de pourvoi doit dès lors, lui aussi, être écarté, et, par voie de conséquence, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

91 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

92 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

93 Les requérantes ayant succombé et la Commission ayant conclu à leur condamnation aux dépens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Puma SE, Puma United Kingdom Ltd, Puma Nordic AB, Austria Puma Dassler GmbH, Puma Italia Srl, Puma France SAS, Puma Denmark A/S, Puma Iberia SL et Puma Retail AG sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.