CA Montpellier, 1ere ch. sect. ao1, 21 novembre 2013, n° 11/07365
MONTPELLIER
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
F. BERMUDES, épouse BERMUDES
Défendeur :
EURL CASTORS AUDOIS
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Madame Anne BESSON
Conseiller :
Monsieur Bruno BERTRAND
Avocats :
SCP AUCHE HEDOU, AUCHE, SCP MELMOUX-PROUZAT-GUERS, SCP Philippe SENMARTIN et associés, SCP SAINTE-CLUQUE BASSET
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Madame Anne BESSON, Président de Chambre, et par Marie-Françoise COMTE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
Les époux BERMUDES ont confié à l'EURL «Les Castors Audois» la construction de leur maison individuelle, dans le [...], le marché s'élevant au montant de 70 200 euros. Il était convenu que les maîtres d'ouvrage prendraient à leur charge une partie des travaux de second oeuvre. Deux avenants au marché étaient signés par les parties relatifs à la fourniture de matériaux pour le poste plâtrerie-isolation et la réalisation de fouilles et de fondations pour la terrasse, les époux BERMUDES refusant de signer un troisième avenant, ainsi que de payer à l'EURL la somme de 11 098 euros et celle de 2 000 euros ( montant d'un prêt personnel ) et de réceptionner l'ouvrage.
Saisi par l'EURL, le juge des référés a désigné un expert.
En lecture du rapport, l'EURL a saisi le tribunal de grande instance de Narbonne au fond qui, par jugement en date du 8 septembre 2011, entre autres dispositions, a:
- fixé la réception au 7 novembre 2008,
- condamné solidairement les époux BERMUDES à payer à l'EURL la somme de 12 206 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 février 2009,
- ordonné l'exécution provisoire.
Les défendeurs ne s'étaient pas constitués.
Ils ont interjeté appel le 26 octobre 2011.
Les débats ont été clôturés le 2 octobre 2013.
Par conclusions reçues le 11 juin 2013, les appelants demandent :
- de réformer la décision en ce qu'elle a prononcé la réception judiciaire des travaux, d'ordonner la démolition de la construction, de dire que les pénalités de retard courront jusqu'à la réception des travaux, de condamner la SARL à leur verser la somme de 71 622,13 euros TTC ( sauf à parfaire ) avec intérêts au taux légal et application de la clause d'anatocisme,
- subsidiairement de condamner à titre provisoire la SARL à leur payer la somme de 23 022,19 euros et de désigner un expert, sollicitent la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- à titre infiniment subsidiaire de dire le contrat de construction nul et de nul effet, de condamner la SARL à leur verser la somme de 30 000 euros HT. au titre des travaux de démolition, 40 017 euros TTC au titre des sommes déjà versées, 10 600,30 euros, 10 320,95 euros, 21 227,21 euros au titre des travaux réalisés et payés soit un total de 118 045,46 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, vu l'article 1382 du code civil de condamner le constructeur à leur verser 36 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- à titre infiniment subsidiaire de désigner un expert avec pour mission de chiffrer les frais de démolition et de reconstruction, chiffrer les préjudices, proposer un apurement des comptes.
Par conclusions reçues par le RPVA le 6 septembre 2012, l'EURL CASTORS AUDOIS conclut au débouté des demandes et à la confirmation du jugement, sollicite la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI:
Sur la réception judiciaire:
Les appelants soutiennent au visa de l'article L.231-6 du code de la construction et de l'habitation, que la réception judiciaire est impossible dans le cadre d'un contrat de construction avec fourniture de plans, dès lors que celle-ci doit être constatée par écrit.
Ce faisant, ils ajoutent au texte des dispositions qu'il ne contient pas, puisque ce dernier vise expressément la garantie d'achèvement, en précisant que la garantie cesse lorsque la réception a été constatée par écrit et non que la réception doit être constatée par écrit.
En l'espèce, les époux BERMUDES n'ayant pas permis la réception amiable, aucun écrit n'a pu être formalisé, le constructeur ayant à juste titre demandé l'application des dispositions de l'article 1792-6 du code civil, qui s'applique en l'espèce et qui dispose qu'à défaut de réception amiable, la réception peut être prononcée judiciairement.
Le moyen est donc infondé. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la réception au 7 novembre 2008, date retenue par l'expert, correspondant à la lettre recommandée avec accusé de réception adressée par le constructeur demandant le paiement du solde et la réception, étant précisé que bien que les époux BERMUDES n'aient pas constitué avocat dans la procédure au fond, il reste qu'ils étaient assistés lors de l'expertise en référé par un conseil.
Sur la demande de démolition-reconstruction :
Sur le vide sanitaire:
Les appelants fondent cette demande sur le non-respect de la hauteur du vide sanitaire, soutenant que cette hauteur devait être de 40 cm. Là encore les époux BERMUDES font dire au contrat ce qu'il ne dit pas. Il est en effet précisé dans la notice descriptive signée par les parties que «'les murs de soubassement sont constitués en moyenne par 2 rangs d'agglomérés de ciment creux de 0,20 cm d'épaisseur hourdées au mortier ( hauteur moyenne à,40 m pour les pièces habitables.»
Sauf à enlever son sens au terme «moyenne», il ne saurait être considéré que la hauteur du vide sanitaire devait s'établir de façon constante à 40 cm. A l'évidence, cette hauteur ne pouvait être qu'une hauteur moyenne pour tenir compte de la pente du terrain, les parties reconnaissant l'existence de cette dernière, qui est importante, ce qui ressort très nettement des photographies annexées au rapport d'expertise. En outre le constat dressé par Maître CAMBON démontre que le vide sanitaire au nord comporte deux rangées de parpaing, soit 40 cm, à l'ouest ( façade arrière ) quatre rangées soit 80 cm., au sud côté garage 4 rangées également. L'huissier relève qu'au pignon extérieur nord, la fondation est découverte et note une rangée de parpaings, la photographie produite en annexé 3 de son contrat étant toutefois peu explicite quant à la hauteur de la dalle de support et quant à l'existence d'une pièce habitable à cet endroit.
Le grief est infondé.
Sur les autres désordres:
Les époux BERMUDES soulèvent la non-conformité des fondations, l'absence de conformité altimétrique du permis de construire, la mauvaise implantation des réseaux de la salle de bains, de la fenêtre des toilettes, l'absence de souche de cheminée, l'absence de film parapluie sous toiture.
L'expert GRANIER n'a pas indiqué dans son rapport que les fondations étaient non conformes et d'ailleurs ce point n'avait pas été soulevé par Monsieur BERMUDES, qui ne l'explicite pas dans ses écritures. S'agissant de l'altimétrie, ce reproche est infondé puisque les parties avaient convenu aux termes de la notice descriptive de tenir compte de la pente, les époux BERMUDES ne soutenant pas d'ailleurs que le certificat de conformité leur aurait été refusé.
Les appelants ne produisent aucun élément précis quant au grief ayant trait à la mauvaise implantation du réseau salle de bains. En outre l'expert mentionne dans son rapport que le maître d'ouvrage a précisé le 13 septembre 2008, «après la mise hors d'eau, nous prenons le reste des travaux à notre charge.», ce qui explique qu'un troisième avenant ait été établi par le constructeur pour la suppression des postes: menuiserie, plomberie-sanitaire, électricité, carrelage, raccordements extérieurs et crépi, ce qui correspondait à la demande exprimée par les époux BERMUDES, qui ne sauraient faire grief au constructeur d'avoir pris en compte leur demande en chiffrant les moins-values, alors qu'il pouvait exiger l'exécution du contrat.
S'agissant de la fenêtre des toilettes, l'appelant reste là encore au stade de l'affirmation, sans apporter la moindre précision technique sur la prétendue non-conformité.
Quant à l'absence de souche de cheminée, l'expert a répondu sur ce point en indiquant que les plans ne la mentionnaient pas et qu'à sa connaissance, il n'existait aucune obligation réglementaire pour le constructeur de maisons individuelles, étant rappelé comme le fait Monsieur GRANIER en page 5 de son rapport, que les travaux ont été arrêtés à la demande du maître d'ouvrage à la mise hors d'eau de la construction, soit une fois la couverture posée.
Pour l'ensemble de ces motifs, la demande de démolition-reconstruction apparaît particulièrement infondée et sera rejetée.
Sera également rejetée la demande d'expertise faite au subsidiaire de cette demande principale de démolition- reconstruction, le rapport GRANIER et le constat d'huissier étant suffisamment explicites sur ce point, et ce d'autant que l'expertise GRANIER a été menée au contradictoire de Monsieur BERMUDES assisté de son conseil et de l'expert mandaté par son expert «Protection Juridique».
Sur le formalisme relatif aux travaux restant à charge dans la notice descriptive :
Les appelants soutiennent que le coût des travaux restant à la charge du maître de l'ouvrage n'aurait pas été indiqué dans la notice descriptive et que la mention manuscrite n'aurait pas été portée, alors que cette notice comporte le montant de 6 700 euros pour les «plafonds, cloisons, contre-cloisons et isolations, 3 380 euros pour les «peintures», 550 euros pour la gaine électrique de raccordement au coffret EDF, le détail de ces postes étant explicité et qu'elle porte la mention manuscrite du maître d'ouvrage reprenant le total de 10 630 euros.
Le grief est là encore infondé.
S'agissant du garage et du porche, il ressort des éléments produits aux débats et notamment des plans signés par les parties, que le garage était indiqué comme non compris dans la construction, ainsi que le porche. Il ne s'agissait donc pas d'une part de travaux que se réservait le maître d'ouvrage au sein de la construction réalisée mais d'une annexe indépendante dont la construction ressortait exclusivement du maître d'ouvrage, qui ne saurait dès lors reprocher au constructeur de ne pas l'avoir chiffrée. D'ailleurs il n'a jamais été soutenu par monsieur BERMUDES lors des opérations d'expertise que le garage et le porche avaient été commandés et n'avaient pas été réalisés par le constructeur.
La demande de prise en compte du coût du garage et de l'auvent dans l'apurement des comptes pour le montant de 10 377,95 euros sera rejetée.
Sur l'apurement des comptes:
L'expert GRANIER s'est livré à un examen très attentif de la moins-value proposée par l'entreprise, du fait des travaux prévus mais non réalisés, en tenant compte à la fois de ce qu'il qualifie de «déboursé sec» représenté par l'ensemble constitué par les fournitures, les matériels et la main d'œuvre en y ajoutant les frais fixes de l'entreprise, pour arriver à un solde restant dû de 16 205,94 euros, diminué du montant des travaux de reprise ( ventilation du vide sanitaire, reprise des rallonges de fermettes, soit 2 000 euros, soit un reliquat de 14 206 euros, précision faite que l'expert a souligné le manque de réalisme du calcul du maître d'ouvrage, qui ne tient pas compte des coûts des entreprises et de leur mode de calcul des prix.
Au cours de l'expertise Monsieur BERMUDES n'a pas contesté avoir reçu du constructeur la somme de 2 000 euros à titre de prêt, ce qui a amené Monsieur GRANIER à inclure ce montant dans le solde restant dû. Au surplus, l'EURL produit la copie du chèque, ainsi que l'attestation de rejet, démontrant que Monsieur et Madame BERMUDES ont établi un chèque de remboursement de 2.000 euros et se sont permis de former opposition pour perte, ce qui constitue manifestement une fausse déclaration et ajoute à leur mauvaise foi dans l'exécution de leurs obligations.
Dès lors que l'EURL n'avait demandé en première instance que la somme de 12 206 euros, au lieu de 14 206 euros, semble-t-il par une erreur de frappe, et qu'ils demandent la confirmation du jugement, il sera fait remarquer aux appelants qu'ils bénéficient de cette erreur à concurrence de 2 000 euros.
Pour l'ensemble de ces motifs le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
Il est équitable d'allouer à l'EURL la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Condamne in solidum François BERMUDES et Christine CHARBONNIER épouse BERMUDES à verser à l'EURL CASTORS AUDOIS la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne François BERMUDES et Christine CHARBONNIER épouse BERMUDES solidairement aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.