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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 17 avril 2013, n° 11/04204

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Monsieur Serge M.

Défendeur :

Société d'Exploitation de l'Hebdomadaire 'LE POINT - SEBDO', Monsieur Franz-Olivier G., Monsieur Hervé G.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Benjamin RAJBAUT

Conseillers :

Madame Brigitte CHOKRON, Madame Anne-Marie GABER

Avocats :

Me Rémi P. , Me Thierry L., Me Chantal-rodene B. C. , SCP N. & ASSOCIES

Paris, du 25 juin 2009

25 juin 2009

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Vu l'appel interjeté le 7 mars 2011 par Serge M., du jugement contradictoire rendu le 25 juin 2009 par le tribunal de grande instance de Paris ;

Vu les dernières conclusions de Serge M., appelant, signifiées le 6 juin 2011;

Vu les dernières conclusions de la société d'exploitation de l'hebdomadaire LE POINT-SEBDO, Franz-Olivier G., Hervé G., intimés, signifiées le 8 août 2011;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 20 novembre 2011;

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures, précédemment visées, des parties ;

Qu'il suffit de rappeler que la rédaction de l'hebdomadaire LE POINT a fait publier dans les pages du numéro 1865 daté du 12 juin 2008, sous le titre Comment j'ai tué Nelly C., les extraits d'une confession de Serge M., écrite dans sa cellule de la maison d'arrêt de Fresnes alors qu'il était en détention provisoire dans le cadre d'une information ouverte à son encontre pour assassinat sur la personne de Nelly C. ;

Que Serge M., arguant d'une violation de ses droits d'auteur à raison de la divulgation et de la publication de l'oeuvre sans autorisation ainsi que de sa dénaturation par découpage d'extraits et adjonction d'un titre, a assigné en contrefaçon devant le tribunal de grande instance de Paris, suivant acte du 31 juillet 2008, la société d'exploitation de l'hebdomadaire LE POINT, Franz-Olivier G., directeur de la rédaction et le journaliste Hervé G., auteur de l'article exposant le contexte de la publication litigieuse, et demandé la condamnation 'solidaire' de ces derniers à lui verser à titre de dommages-intérêts la somme de 20.000 euros pour les atteintes au droit moral et la somme de 50.000 euros pour le préjudice patrimonial ;

Que le tribunal, par le jugement dont appel, a retenu, pour dénier au texte, objet de la publication litigieuse, le statut d'oeuvre de l'esprit éligible à la protection par le droit d'auteur et, débouter par voie de conséquence Serge M. de ses demandes, que la narration des faits est chronologique et linéaire et aurait pu être transcrite à l'identique dans le procès-verbal d'un juge d'instruction, que les réactions, les sentiments et les émotions de l'auteur sont certes exprimés, mais la forme par laquelle il en est rendu compte est banale, constituée de phrases du vocabulaire courant qui ne dénotent aucun effort créatif ;

Que les parties maintiennent en cause d'appel les moyens et prétentions précédemment soutenus devant les premiers juges ;

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L 111-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, qui comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial ;

Qu'il se déduit de ces dispositions le principe de la protection de l'oeuvre sans formalités, du seul fait de la création d'une forme originale, portant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;

Considérant qu'en l'espèce, l'appelant, jugé coupable de l'assassinat de Nelly C. par la Cour d'assises de Seine et Marne le 18 juin 2008, revendique la protection instituée au titre du droit d'auteur sur un texte présenté dans l'hebdomadaire LE POINT, qui le publiait le 12 juin 2008, comme une confession rédigée en 2007 par Serge M. dans sa cellule de la prison de Fresnes ;

Qu'il fait valoir que le texte en cause est incontestablement empreint de la personnalité de son auteur puisqu'il s'agit d'une confession, subjective par nature, et revêt un caractère original, quelle que soit sa valeur littéraire, dès lors que l'auteur dévoile ses sentiments intimes au moyen de mots choisis par lui ;

Qu'il fait observer que c'est l'originalité du texte qui a justifié que le magazine LE POINT l'ait reproduit sur deux pages entières après que le journaliste Hervé G. ait souligné, dans l'article d'introduction, la singularité d'un récit dérangeant, écrit par un marginal à la dérive, empreint de violence brute et fait grief au tribunal de s'être livré à un jugement de valeur en retenant la banalité du style et la pauvreté du vocabulaire, alors que l'appréciation de l'originalité doit être indifférente au mérite ;

Considérant qu'il apparaît en effet que le texte revendiqué se présente comme une confession par laquelle l'auteur reconnaît avoir commis le crime dont il est accusé, expose le déroulement des faits, définit précisément son rôle et celui de son acolyte Patrick G., explique comment les menaces de ce dernier et l'effet d'entraînement ont eu raison de ses réticences et fait part de ses regrets ;

Qu'il offre au lecteur une narration qui n'est certes pas exclusivement factuelle car l'auteur exprime aussi les émotions qui l'ont traversé, et revêt, indéniablement, un caractère subjectif puisqu'il rapporte une version des faits qui est celle de l'auteur ;

Or considérant que la protection instituée au titre du droit d'auteur est conférée à une oeuvre de l'esprit qui est le résultat des choix artistiques de l'auteur et traduit un effort créatif et qu'il importe en l'espèce de regarder, ainsi que l'a souligné le tribunal, non pas la teneur du récit mais la forme par laquelle l'auteur en a rendu compte et de rechercher s'il s'agit d'une forme originale portant l'empreinte de la personnalité de son auteur ;

Considérant que la Cour, à l'instar du tribunal, observe, à la lecture du texte, que Serge M. expose le déroulement des faits d'une façon descriptive, obéissant à l'ordre chronologique, avec des phrases banalement construites et des mots du vocabulaire courant et exprime ses sentiments de la manière la plus sommaire, l'ensemble ne portant la moindre trace d'une recherche d'ordre esthétique que ce soit dans le style de la rédaction ou dans le choix des mots ;

Qu'il apparaît que le document s'apparente à une déposition que l'auteur aurait pu faire en des termes identiques devant ses juges et par laquelle il vise exclusivement à s'expliquer sur les faits dont il doit répondre et à présenter ses lignes de défense ;

Qu'il est à cet égard relevé, et l'introduction d'Hervé G. en atteste, que l'hebdomadaire LE POINT a publié la confession de Serge M. pour les faits qui y sont révélés et dans le seul intérêt, légitime, d'une information du public alors que se tenait le procès d'un crime qui avait soulevé une vive émotion et suscité beaucoup d'interrogations ;

Qu'il s'ensuit que c'est vainement que l'appelant s'empare de la reproduction du texte sur deux pages du magazine LE POINT pour justifier de son originalité ;

Considérant que la Cour constate au demeurant que si l'appelant se prévaut d'une création de l'esprit éligible à la protection par le droit d'auteur, il se garde de relever quels sont les éléments caractéristiques qui font preuve, selon lui, de son apport créatif et confèrent à l'écrit revendiqué l'originalité requise pour prétendre à la protection recherchée ;

Considérant qu'il est dès lors mal fondé, lui-même n'étant pas en mesure de caractériser l'originalité du texte dont il est l'auteur, à reprocher au tribunal d'avoir jugé du mérite de l'oeuvre, force étant d'observer que pour lui refuser les droits d'auteur les premiers juges n'ont aucunement retenu la simplicité de l'expression mais le défaut d'originalité de la création invoquée ;

Considérant qu'il découle en définitive des développements qui précèdent que la confession de Serge M. ne constitue pas une oeuvre de l'esprit digne de la protection par le droit d'auteur et que, par voie de conséquence, la reproduction qui en a été faite dans l'hebdomadaire LE POINT le 12 juin 2008 ne saurait encourir le grief de contrefaçon ;

Considérant que le jugement dont appel mérite confirmation en toutes ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris,

Déboute des demandes respectivement formées au fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Serge M. aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.