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Décisions

CA Rouen, 1re ch., 20 septembre 2006, n° 05/02557

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Madame Valérie LAPOURRE

Défendeur :

Madame Béatrice SASTRE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur BOUCHÉ

Conseillers :

Monsieur PÉRIGNON, Madame HOLMAN

Avoués :

SCP HAMEL FAGOO DUROY, Me Marie-Christine COUPPEY

Avocats :

Me Agnès TRICOIRE, Me Eric LAPORTE

ROUEN, du 22 fév. 2005

22 février 2005

LES FAITS ET LA PROCEDURE :

Entre 1997 et 2001, Mme SASTRE, qui est inscrite au registre des métiers pour une activité de création artistique, a commercialisé dans le magasin de décoration exploité au [...] par Mme LAPOURRE des assiettes de sa fabrication puis en décembre 2001, voulant organiser différemment la distribution de ses produits, elle a refusé d'honorer les commandes de Mme LAPOURRE.

Ayant appris que celle-ci commercialisait des copies du modèle « Rose sur fond d'écritures » qu'elle avait déposé à l'INPI le 18 septembre 2002 ainsi que d'autres modèles créés par elle, les 23 décembre 2002 puis 24 janvier 2003, Mme SASTRE a fait procéder à une saisie-contrefaçon dans le magasin de Mme LAPOURRE.

Par acte du 4 janvier 2003, Mme SASTRE a fait assigner Mme LAPOURRE en contrefaçon et en concurrence déloyale. Outre les mesures habituelles d'interdiction et de publicité, elle sollicitait le paiement des sommes de 19 305 Euros au titre de la contrefaçon, 20 000 Euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et de 5 000 Euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement rendu le 22 février 2005, rectifié par jugement du 9 juin 2005, le tribunal de grande instance de ROUEN a :

- dit que les assiettes décoratives correspondant aux modèles "Instruments de musique et fleurs sur fonds de partition", "Clowns", "Anges", "Chats et instruments de musique", "Papillons", "Enfants en costume marin", "Oiseaux sur fond de partition de musique", " Chromos, animaux habillés en hommes", "Fruits, pommes fruits pommes fleurs", "Chromos, petite fille en fourrure rose tenant un bouquet de roses », « roses couronne", "Décors de femmes et d'enfants divers" fabriquées par Mme LAPOURRE contrefont les droits d'auteur de Mme SASTRE,

- dit que Mme LAPOURRE s'est rendue coupable d'actes d'imitation de ces différents modèles et a commis des actes de concurrence déloyale,

- fait défense à Mme LAPOURRE de fabriquer, vendre, commercialiser sous quelque forme que ce soit ces modèles, sous peine d'astreinte de 300 Euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement,

- condamné Mme LAPOURRE à payer à Mme SASTRE les sommes de :

' 5 000 Euros au titre de la contrefaçon,

' 5 000 Euros au titre de la concurrence déloyale,

- autorisé Mme SASTRE à faire publier la décision dans un journal de son choix aux frais de Mme LAPOURRE, le coût de la publication ne pouvant excéder 1 200 Euros,

- condamné Mme LAPOURRE à payer à Mme SASTRE la somme de 1 000 Euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné Mme LAPOURRE aux dépens, en ce compris le coût des constats établis les 23 décembre 2002 et 24 janvier 2003.

Le 22 juin 2005, Mme LAPOURRE a interjeté appel de cette décision.

*******

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 9 mai 2006, Mme LAPOURRE demande à la cour d'infirmer la décision déférée et de :

- annuler le procès verbal de constat du 17 janvier 2003,

- déclarer Mme SASTRE irrecevable à se prévaloir en appel de concurrence déloyale sur les assiettes clowns, papillons, Germaine Bourret, anges,

- débouter Mme SASTRE de toutes ses demandes,

- dire que Mme SASTRE devra supporter seule tous les frais d'huissier qu'elle a exposés,

- dire que l'enregistrement n°05/5544 du 18 septembre 2002 est nul, en application des dispositions de l'article L 512-4-A du Code de la propriété intellectuelle,

- ordonner l'inscription au registre national des dessins et modèles de la présente décision prononçant la nullité totale de l'enregistrement précité,

- dire que l'enregistrement n°05/5544 du 18 septembre 2002 a été fait dans l'intention de nuire à Mme LAPOURRE,

- condamner Mme SASTRE à payer, de ce chef, en réparation du préjudice subi, la somme de 30 000 Euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

- dire que les modèles :

' instruments de musique sur fond de partition,

' chats et instruments de musique,

' enfants à costumes marin,

' oiseaux sur fond de partition de musique,

' chromos, animaux habillés en homme,

' fruits, pommes fruits et pommes fleurs,

' chromos, petite fille en fourrure rose tenant un bouquet de roses,

' roses sans fond d'écriture et roses couronne,

' décors de femmes et d'enfants divers,

sont des oeuvres originales au sens des articles L 11-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, que Mme LAPOURRE en est l'auteur, et faire interdiction à Mme SASTRE de copier ces modèles sous astreinte de 500 Euros par jour et par infraction à compter du prononcé de l'arrêt,

- condamner Mme SASTRE à payer à Mme LAPOURRE la somme de 30 000 Euros pour rupture abusive du contrat de commande avec exclusivité,

- constater que la rupture de la fourniture exclusive et la fourniture d'un magasin voisin constitue un acte de détournement de clientèle caractérisant la concurrence déloyale,

- condamner Mme SASTRE à payer à Mme LAPOURRE la somme de 30 000 Euros pour concurrence déloyale,

- faire interdiction à Mme SASTRE de poursuivre ses actes de concurrence déloyale en fournissant la boutique « QUESTION DE GOÛT», sise [...], ainsi que toute autre boutique située à Rouen, sous astreinte de 3 000 Euros par jour et par infraction constatée à compter du prononcé de l'arrêt,

- condamner Mme SASTRE à payer à Mme LAPOURRE la somme de 20 000 Euros au titre du préjudice pour procédure abusive, en application des dispositions de l'article 31-1 du NCPC,

- condamner Mme SASTRE à prendre en charge les frais irrépétibles que Mme LAPOURRE a dû engager pour se défendre en première instance et en appel, ainsi que dans le cadre de la requête en rectification d'erreur matérielle qu'elle a dû introduire devant les premiers juges, à la somme de 10 000 Euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner Mme SASTRE aux dépens de première instance et d'appel.

*******

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 6 avril 2006, Mme SASTRE demande à la cour de :

- débouter Mme LAPOURRE de l'ensemble de ses demandes,

- faire droit à son appel incident et dire que les assiettes décoratives au modèle « à la rose sur fond d'écriture » fabriquées et commercialisées par Mme LAPOURRE contrefont les droits d'auteur de Mme SASTRE sur l'annulation du procès-verbal de constat du 24 janvier 2003,, modèle déposé à l'INPI le 18 septembre 2002,

- en conséquence, faire défense à Mme LAPOURRE de fabriquer, vendre, commercialiser, sous quelque forme que ce soit et exploiter le modèle de « rose sur fond d'écriture » fabriqué et commercialisé par Madame SASTRE et ce, sous astreinte de 500 Euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt,

- condamner Mme LAPOURRE à payer à Mme SASTRE, au titre de la contrefaçon, la somme de 20.000 Euros,

- dire que Mme LAPOURRE s'est rendue coupable d'actes d'imitation de différents modèles notamment : clown, papillon, Germaine Bourret, ange, rose sur fond d'écriture, constitutifs d'actes de concurrence déloyale par imitation à l'encontre de Mme SASTRE,

- en conséquence, faire défense à Mme LAPOURRE de fabriquer, vendre, commercialiser, sous quelque forme que ce soit et exploiter les modèles : clown, papillon, Germaine Bourret, ange, et ce sous astreinte de 500 Euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt,

- condamner Mme LAPOURRE à payer à Mme SASTRE, au titre de la concurrence déloyale, la somme de 64.000 Euros,

- autoriser Mme SASTRE à faire publier l'arrêt à intervenir dans cinq journaux périodiques de son choix aux frais de Mme LAPOURRE,

- la condamner à lui payer une somme de 10 000 Euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'huissier et de saisie-contrefaçon.

SUR CE LA COUR :

Vu les conclusions et les pièces :

- Sur la nullité du procès-verbal de constat du 24 janvier 2003 :

Mme LAPOURRE sollicite la nullité du procès-verbal de constat du 24 janvier 2003 en invoquant les dispositions de l'article L 521-1 alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle.

Aux termes de l'article L 521-1 alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle, « la partie lésée peut, même avant la publicité du dépôt, faire procéder par tous huissiers à la description détaillée, avec ou sans saisie, des objets ou instruments incriminés, en vertu d'une ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations devront être effectuées, sur simple requête et production du certificat de dépôt.

« Le président a la faculté d'autoriser le requérant à se faire assister d'un officier de police ou du juge du tribunal d'instance du canton et d'imposer au requérant un cautionnement que celui-ci est tenu de consigner avant de faire procéder à l'opération : ce cautionnement est toujours imposé à l'étranger qui requiert la saisie.

« Copie est laissée aux détenteurs des objets décrits tant de l'ordonnance que de l'acte constatant le dépôt du cautionnement, le tout à peine de nullité et de dommages-intérêts contre l'huissier.

« A défaut par le requérant de s'être pourvu soit par la voie civile, soit par la voie correctionnelle, dans le délai de quinzaine, la description ou saisie est nulle de plein droit, sans préjudice des dommages-intérêts ».

S'agissant d'une nullité de fond, celle-ci peut être invoquée en tout état de cause en vertu des dispositions de l'article 118 du nouveau Code de procédure civile et le moyen tiré par Mme LAPOURRE de cette nullité, soulevé pour la première fois en appel, est donc recevable, Mme SASTRE n'opposant d'ailleurs aucun argument en défense sur ce point.

En l'espèce, il est constant que Mme SASTRE n'a pas délivré à Mme LAPOURRE une assignation dans le délai légal sus-indiqué.

Il sera observé au surplus qu'aux termes de l'ordonnance sur requête du 20 janvier 2003 autorisant l'huissier de justice à procéder à ses constatations, seuls étaient visés, conformément à la requête du 17 janvier 2003, les dessins et modèles suivants :

- poissons,

- papillons,

- pensées,

- jungles,

- chats,

- ours,

- clowns,

- Germaine Bourret,

- anges.

Or le constat du 24 janvier 2003 dépasse très largement l'autorisation du juge, puisqu'il concerne nombre de modèles non visés par la requête et l'ordonnance :

- instruments de musique et fleurs sur fond de partition,

- chats et instruments de musique,

- enfants à costumes marin,

- oiseaux sur fond de partition de musique,

- chromos, animaux habillés en homme,

- fruits, pommes fruits et pommes fleurs,

- chromos,

- petite fille en fourrure rose tenant un bouquet de roses,

- oiseaux tenant un bouquet de fleurs dans le bec,

- oiseaux divers,

- roses sans fond d'écriture et roses couronne,

- carte de v'ux,

- fruits divers,

- décors de femmes et d'enfants divers,

- décors de femmes 1900,

- enfants avec des fleurs,

- décors divers.

Les constatations et photographies réalisées sur des modèles ne figurant pas sur la liste limitative dressée dans la requête et par conséquent, sans l'autorisation du juge, sont constitutives d'une nullité de fond.

Il résulte tant du défaut d'assignation dans le délai légal prévu par l'article L 521-1 alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle que, surabondamment, des irrégularités de fond ci-dessus énoncées, que le procès-verbal de constat dressé le 24 janvier 2003 doit être annulé, seul restant valable le procès-verbal de constat du 23 décembre 2002, suivi d'une assignation régulièrement délivrée à Mme LAPOURRE le 4 janvier 2003.

- Sur l'étendue du litige :

Il sera d'abord observé que le tribunal a fait droit à la demande de Mme SASTRE en incluant dans sa condamnation des modèles pour lesquels celle-ci n'avait formé aucune demande.

Au surplus, en raison de l'annulation du procès-verbal de constat du 24 janvier 2003, le litige ne porte que sur le seul le modèle « rose sur fond d'écriture », ayant fait l'objet du constat régulier du 23 décembre 2003, les demandes formées au titre des autres modèles visés par le procès-verbal de constat annulé devant être dès lors écartées.

- Sur la contrefaçon du modèle « rose sur fond d'écriture » :

- Sur la contrefaçon du modèle :

Le 18 septembre 2002, Mme SASTRE a déposé à l'INPI le motif rose sur fond d'écriture « apposable (sic) sur de la vaisselle » (dépôt n°02 5544).

Aux termes de l'article L 511-2 du Code de la propriété intellectuelle, « seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre ».

L'article L 511-3 dispose qu'un « dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou de la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne différent que par des détails insignifiants ».

En application des dispositions de l'article L 511-6 du Code de la propriété intellectuelle, l'auteur dispose d'un délai de douze mois après divulgation du modèle pour le déposer, ce délai n'étant toutefois pas applicable lorsque la divulgation est intervenue avant le 1er octobre 2001.

En l'espèce, il résulte tant des propres écritures de Mme SASTRE que des pièces versées aux débats qu'elle aurait créé et divulgué dès 1990 le modèle déposé dont elle prétend être l'auteur.

Ainsi que le tribunal l'a justement retenu, cette divulgation, antérieure de plus de 12 mois au dépôt, ruine la nouveauté du modèle déposé qui ne peut dès lors bénéficier de la protection instituée par les articles L 511-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

- Sur la violation du droit d'auteur :

Aux termes de l'article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Cette protection est acquise du seul fait de la création et en dehors de toutes formalités, dépôt, mention ou inscription et il est de principe qu'il n'y a création que dans la mesure ou l'oeuvre présente un caractère original s'entendant comme le reflet de la personnalité ou du talent du créateur.

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que le décor d'assiette « rose sur fond d'écriture » existe depuis 1970 sur de la porcelaine de Limoges.

De plus, il ressort de nombreuses attestations que Mme SASTRE a repris une collection initiée par M. CLAUDE, brocanteur, qui vendait de 1994 à 1997 sur des marchés parisiens et au Mans, des assiettes fabriquées par sa femme suivant la méthode revendiquée par M. SASTRE, à savoir, le collage derrière une assiette transparente d'un modèle prédécoupé (et non pas dessiné de façon originale) obtenu auprès de divers fournisseurs tels que Chromos, Calcadécor ou Céradel .

Les témoins affirment que c'est à la demande de Mme LAPOURRE que Mme SASTRE s'est mise à fabriquer ces assiettes quand Monsieur et Madame CLAUDE ont cessé cette fabrication, et ce, à partir de décembre 1995.

Ainsi que le tribunal l'a justement relevé, les assiettes « Claude » sont donc antérieures à celles fabriquées par Mme SASTRE qui ne peuvent, s'agissant plus particulièrement des assiettes à décor « rose sur fond d'écriture », être dès lors considérées comme une création originale de Mme SASTRE.

Au surplus, les coupures de presse féminine versées aux débats (Marie-Claire, La Maison, etc.), dont certaines remontent à 1994, montrent que le procédé qui consiste à coller des motifs prédécoupés (dont le motif « rose sur fond d'écriture »), vendus sur catalogue par divers fournisseurs français et étrangers, sur le fond d'assiettes en verre puis à vernir le tout, est banal et à la portée de toute personne normalement adroite en ce que, notamment, il ne nécessite ni matériel spécial, ni savoir-faire particulier.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, Mme SASTRE ne justifie pas avoir la qualité d'auteur de l'assiette revendiquée et, par conséquent, elle ne peut se prévaloir d'une contrefaçon par violation du droit d'auteur.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point mais réformé en ce qu'il a retenu ultra petita des faits de contrefaçon concernant des modèles pour lesquels, ainsi qu'elle le reconnaît, Mme SASTRE n'avait formé aucune demande.

- Sur la concurrence déloyale :

L'action en concurrence déloyale et l'action en contrefaçon procèdent de causes distinctes et les faits invoqués à l'appui de la demande en concurrence déloyale doivent être différents des faits de contrefaçon.

En l'espèce, Mme SASTRE considère que, même si la qualité d'auteur ne lui était pas reconnue sur le modèle « rose sur fond d'écriture », il est avéré que Mme LAPOURRE s'est livrée à des actes fautifs de parasitisme, constitutifs de concurrence déloyale, en imitant, fabriquant et vendant ce modèle ainsi que quatre autres modèles : clowns, papillons, Germaine Bourret et anges.

Cependant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme SASTRE n'est pas l'auteur du modèle « rose sur fond d'écriture » ni des autres motifs reproduits qui proviennent de sources diverses, ce qu'elle ne conteste pas. Elle n'est donc nullement fondée à se prévaloir du grief que lui causerait l'imitation servile de modèles dont elle n'est pas l'auteur et sur lesquels elle ne dispose pas de droits privatifs.

Il résulte par ailleurs de l'examen des modèles litigieux que ceux fabriqués et vendus par Mme LAPOURRE se distinguent de ceux fabriqués par Mme SASTRE non seulement par leur aspect général mais également par des signes distinctifs tels que la signature (pour Mme SASTRE) et certaines mentions (poèmes et consignes relatives à leur entretien (pour Mme LAPOURRE). Ces signes sont suffisamment apparents pour exclure tout risque de confusion par les clients.

Enfin, le procédé de fabrication étant banal, à la portée de tout public et ne nécessitant aucune compétence ni savoir-faire particulier, Mme SASTRE ne peut davantage se prévaloir d'une imitation fautive de ce procédé.

Au vu de ces éléments, Mme SASTRE n'apporte pas la preuve d'une fait distinct, constitutif de concurrence déloyale au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil.

Il convient en conséquence de réformer le jugement sur ce point et de la débouter de ses demandes.

- Sur les demandes reconventionnelles de Mme LAPOURRE :

Mme LAPOURRE sollicite des dommages et intérêts à raison du préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait des agissements de Mme SASTRE et, en particulier, de la rupture unilatérale des relations commerciales la privant d'un approvisionnement lui permettant de faire face aux commandes passées par ses clientes.

Cependant, en l'absence de tout élément, Mme LAPOURRE n'apporte pas la preuve du caractère fautif de la rupture des relations commerciales, aucune précision n'étant donnée sur la nature du contrat liant les parties ni sur les circonstances dans lesquelles la rupture est intervenue. Elle ne prouve pas davantage l'existence d'un préjudice, le défaut d'approvisionnement par Mme SASTRE ayant été, au moins en large partie, suppléé par sa propre fabrication des modèles litigieux.

Par ailleurs, au vu de ce qui précède et faute de tout élément démonstratif, Mme LAPOURRE n'apporte pas la preuve de ses allégations quant à sa qualité d'auteur de certains modèles, ceux-ci, ainsi qu'il a été dit, étant d'origines diverses et simplement reproduits tant pas Mme LAPOURRE que par Mme SASTRE.

Mme LAPOURRE sera donc déboutée de ses demandes reconventionnelles formées de ces chefs.

- Sur les demandes annexes :

La seule nécessité d'ester en justice ne constitue pas un chef de préjudice susceptible de donner lieu à dommages intérêts ; en l'absence de tout élément démonstratif d'un quelconque préjudice résultant d'un abus de droit caractérisé, il convient de débouter Mme LAPOURRE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure dilatoire ou abusive.

Il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties qui succombe partiellement, ses propres dépens de première instance et d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais exposés en marge des dépens ; il y a donc lieu de les débouter de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour :

Statuant publiquement et contradictoirement :

Reçoit l'appel en la forme.

Annule le procès-verbal de constat du 24 janvier 2003.

Confirme le jugement en sa seule disposition déboutant Mme SASTRE de ses demandes relative à la contrefaçon du modèle « rose sur fond d'écriture ».

L'infirmant pour le surplus :

Déboute Mme SASTRE de l'ensemble de ses demandes.

Déboute Mme LAPOURRE de ses demandes reconventionnelles.

Déboute Mme LAPOURRE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamne chaque partie à ses propres dépens de première instance et d'appel.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.