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Décisions

CA Toulouse, 2eme ch. sect. 1, 14 janvier 2009, n° 07/02355

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

SARL ALLARD ET CREATION

Défendeur :

SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

C. BELIERES

Conseillers :

C. COLENO, V. SALMERON

Avoués :

SCP BOYER LESCAT MERLE, Me Bernard DE LAMY

Avocats :

SCP BORDES-GOUGH-GALINIE-LAPORTE, Me Eric DARDENNE

Toulouse, du 12 mars 2007

12 mars 2007

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BELIERES, président, et par A. THOMAS, greffier de chambre.

EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE

En mai 2004 la SARL ALLARD CREATION, qui exerce une activité de conseil en communication et marketing, a réalisé pour l'ENSEEIHT école membre de l'Institut National Polytechnique de Toulouse (INPT) une plaquette de présentation des activités avec pour contrainte de respecter le principe du quadrillage de la page de présentation conformément à la charte graphique de l'INPT.

En juin 2004 l'ENSIACET, autre école membre du groupe, a sollicité auprès de cette même société la création d'une plaquette aux mêmes fins qui a fait l'objet d'un devis en date du 29 juin 2004 puis, celui-ci étant estimé trop onéreux, d'un nouveau devis en date du 12 octobre 2004 qui a été refusé en novembre 2004, le client ayant finalement confié sa réalisation à un autre prestataire, la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION.

Par acte du 20 avril 2006 la SARL ALLARD CREATION a fait assigner la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION devant le tribunal de commerce de Toulouse en contrefaçon, concurrence déloyale et réparation des préjudices subis et la défenderesse a présenté une demande reconventionnelle en indemnisation.

Par jugement du 12 mars 2007 cette juridiction a

- débouté les parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions

- condamné la SARL ALLARD CREATION à payer à la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- laissé les entiers dépens à sa charge.

Par acte du 23 avril 2007, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SARL ALLARD CREATION a formé appel général de cette décision et par conclusions du 13 février 2008 la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION a formé appel incident.

MOYENS DES PARTIES

La SARL ALLARD CREATION conclut dans ses dernières écritures du 9 août 2007 à l'infirmation du jugement déféré et demande de

- dire que la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION a commis des actes de contrefaçon à son encontre

- la condamner à lui verser la somme de 72.461,60 € à titre de dommages et intérêts

- dire que la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION a commis des actes de concurrence déloyale à son encontre

- la condamner à lui verser la somme de 72.461,60 € à titre de dommages et intérêts

- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil

- condamner la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- mettre les entiers dépens la charge de cette dernière.

Elle indique agir à la fois en contrefaçon et en concurrence déloyale.

Elle souligne que son action en contrefaçon est fondée sur l'article L 112-2 du code de la propriété intellectuelle relatif au droit d'auteur et soutient que la plaquette litigieuse est une oeuvre de l'esprit, une création originale reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur et protégée par la disposition susvisée.

Elle prétend que le choix des couleurs, de la mise en page, des petits carreaux, des textes, des cadres, des bordures, des titres, des logos, des photos, des rabats pour maintenir les pages, des schémas en font un produit innovant et parfaitement distinctif des autres, et notamment de la plaquette précédente et du projet antérieur réalisé par la société LPS EDITO.

Elle soutient que la plaquette réalisée par la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION reprend les mêmes modes de présentation et de conception que ceux de la plaquette ENSEEIHT réalisée par ses soins et fait aux pages 6 à 10 de ses conclusions une analyse détaillée des éléments estimés copiés.

Elle chiffre le préjudice subi au temps passé pour la création et la conception de la plaquette et à la perte de marché de l'ENSIACET à la somme de 14.600 € HT soit 17.461,60 € TTC outre la perte d'une clientèle potentielle soit 40.000 € et l'atteinte portée à son image de marque soit 15.000 €, ce qui donne un dommage global de 72.461,60 €.

Elle estime être, également, bien fondée à agir en concurrence déloyale sur la base des articles 1382 et 1383 du code civil puisque la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION a profité sans bourse déliée des efforts de création et des investissements d'autrui pour obtenir un avantage concurrentiel qui se traduit par une économie de recherche et donc une réalisation à moindre coût.

Elle affirme que l'utilisation par cette société d'éléments semblables à ceux figurant sur sa plaquette n'est pas fortuite mais traduit sa volonté d'offrir un produit qui s'inscrit dans le sillage de celui proposé par elle et d'en tirer profit sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir faire.

Elle considère que le cumul des économies sur la recherche et la création et la sous-évaluation du coût de l'impression ont permis à la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION de présenter de façon particulièrement déloyale un devis bien inférieur au sien.

La SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION demande de

- constater que les articles L 111.1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ne sont pas applicables faute de dépôt de la plaquette en cause et débouter la SARL ALLARD CREATION de ses demandes sur ce fondement juridique.

Vu les articles 1382 et 1383 du code civil

- constater que la plaquette réalisée par cette société pour l'école ENSEEIHT reprend la charte graphique de l'INPT dont elle est une simple déclinaison, ces spécifications ayant été imposées par le donneur d'ordre membre du groupe

- constater que sa plaquette pour l'ENSIACET n'est pas une copie servile de celle établie pour l'ENSEEIHT et n'est qu'une déclinaison de la charte originelle de l'INPT imposée dans le cadre de l'homogénéité de la communication de ce groupe

- dire en conséquence que la SARL ALLARD CREATION ne justifie pas du caractère original de l'oeuvre établie dont elle n'est pas le seul créateur pour avoir été réalisée avec les membres du service de communication concernés, les couleurs, compositions, photos et mises en page étant totalement différentes

- la débouter de toutes ses demandes

Subsidiairement, s'il était admis que la SARL ALLARD CREATION peut se prévaloir d'une oeuvre originale

- constater que l'action en concurrence déloyale suppose par essence que l'une souhaite capter la clientèle de l'autre au moyen de différents procédés

- constater que les deux prestataires avaient le même donneur d'ordre le groupe INPT avec des spécifications imposées

- dire qu'elle ne pouvait capter la prétendue clientèle de la SARL ALLARD CREATION alors que son devis a été immédiatement accepté sans que la plaquette soit établie

- dire que la SARL ALLARD CREATION ne démontre nullement le lien causal entre une prétendue faute de sa part et un quelconque préjudice

- dire que le préjudice ne peut être constitué que par le manque à gagner sur la prestation en cause

- débouter la SARL ALLARD CREATION de son action

En toute hypothèse,

- la condamner reconventionnellement à lui payer une indemnité de

* 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et économique causés pour cette procédure injustifiée

* 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la SARL ALLARD CREATION ne rapporte pas la preuve que le modèle serait original et lui appartiendrait et que la plaquette litigieuse en serait une copie.

Elle indique que ces plaquettes ne sont que la déclinaison de la charte graphique de l'INP qui fédère ces grandes écoles et leur impose une plaquette de présentation identique avec des logos et couleurs d'ores et déjà établis dans un souci légitime d'homogénéité de la communication du groupe.

Elle prétend que la SARL ALLARD CREATION a simplement remanié l'ancienne plaquette ENSEEIHT réalisée par la société LSP EDITO pour l'actualiser, qu'elle a au surplus été largement corrigée par les représentants de l'école, qu'il s'agit d'une plaquette extrêmement classique, de format A4 destinée à loger des fiches qui présentent chaque activité ou laboratoire de l'école et dont les textes sont établis par les responsables concernés au regard de la technicité requise.

Elle ajoute que la comparaison de la plaquette ENSEEIHT et de la plaquette ENSIACET ne révèle rien de commun si ce n'est la répartition des pages exigée par le groupe INP.

Elle ajoute qu'elle n'est que le prestataire de cette école qui a commandé et dirigé l'établissement de la plaquette de sorte que l'action devait être dirigée contre ce donneur d'ordre qui seul dispose éventuellement d'un recours contre elle-même.

Elle estime que l'action en concurrence déloyale est tout aussi mal fondée, en l'absence de faute démontrée, de volonté délibérée de capter la clientèle et de risque de confusion sciemment crée pour désorganiser l'entreprise puisque le donneur d'ordre est identique comme appartenant au même groupe et a accepté son devis sans maquette préalable, et en l'absence de tout préjudice hormis la perte de marge brute qu'elle aurait réalisée si elle avait effectué ladite plaquette soit 3.180 € HT.

Elle souligne que la SARL ALLARD CREATION a donné une forte publicité au sein de l'INP à l'action engagée contre elle à seule fin de tenter de lui nuire et d'obtenir la réalisation des plaquettes des autres écoles du groupe, ce qui est source de préjudice moral pour elle et justifie l'octroi de dommages et intérêts de ce chef.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'action en contrefaçon

sur le cadre juridique

L'absence de dépôt par la SARL ALLARD CREATION de la plaquette ENSEEIHT est juridiquement indifférente au sort du litige dès lors que l'accomplissement de cette formalité préalable n'est exigée que pour bénéficier de la protection du Livre V du code de la propriété intellectuelle relatif aux dessins et modèles.

Or cette société n'invoque pas ces dispositions mais exclusivement celle des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle relatifs à la propriété littéraire et artistique.

Et, sur le fondement juridique du droit d'auteur, la protection est acquise du seul fait de la création d'une oeuvre de l'esprit, en dehors de toute formalité de dépôt.

L'action en contrefaçon est, en effet, définie comme toute atteinte portée sciemment aux droits de l'auteur garantis par la loi.

Elle est régulièrement exercée par la SARL ALLARD CREATION contre la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION qui a créé, réalisé et fait imprimer la plaquette prétendument contrefaisante, tous chefs de prestations qu'elle a facturés à sa cliente.

Sur le caratère protégeable de la plaquette ENSEEIHT

Aux termes des articles L 111-1, L 112-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit, qu'elle qu'en soit le genre, la forme, l'expression, le mérite ou la destination jouit sur cette oeuvre du seul fait de sa création d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Pour bénéficier de cette protection l'oeuvre doit présenter un caractère d'originalité exprimant la personnalité de son auteur et révélant un effort de création.

Un modèle de plaquette de présentation relève de ces textes puisque l'article L 112-2 8°) vise, notamment, les oeuvres graphiques et typographiques.

La plaquette ENSEEIHT réalisée par la SARL ALLARD CREATION doit être déclarée protégeable à ce titre.

L'oeuvre comprend une chemise cartonnée décomposée en 3 feuillets d'un seul tenant de format A4 (210 x 297 mm) pour chacun d'eux dont l'un est replié à l'intérieur.

Chacune de ces feuilles est imprimée recto/verso.

Sur la page de couverture, les pavés de marge et du haut comportent une fine bordure blanche et une couleur d'ensemble dominante (vert/bleu).

La page extérieure au verso porte le plan d'accès à l'école, son adresse, les noms et coordonnées de son directeur, son coordonnateur recherche et son responsable de communication, ainsi que les logos et adresses des unités de recherche associées (CNRS, INPT, UPS).

Deux pages intérieures latérales et la page extérieure repliée sont respectivement intitulées

'la RECHERCHE A L'ENSEEIHT, avec une présentation sous forme de carrés colorés et fléchés contenant les noms des labos et leur objet et en sous-titre 'une recherche interdisciplinaire au service des partenaires industriels' avec deux photos et du texte

' la RECHERCHE à l'ENSEEIHT ET SES VALEURS' avec une présentation sous forme de carrés fléchés et en sous-titre 'un partenariat industriel important' avec deux photos et du texte

' le CONTEXTE DE LA RECHERCHE' avec dans un encadrement et sur fond coloré les logos, noms, patronymes des directeurs et coordonnées de ses 4 laboratoires.

Chacun des premiers mots majuscules des titres principaux est encadré, dispositif qui se retrouve à l'identique sur le titre des fiches accompagné de deux autres carrés de taille plus modeste dont l'un (vide) chevauche le coin supérieur gauche du grand encadré et l'autre (plein) est positionné juste au-dessous du coin inférieur gauche de ce dernier.

Les deux pages latérales intérieures contiennent au tiers inférieur une lettre V renversée qui se retrouve au coin supérieur gauche de la page intérieure centrale et en bas à gauche de chacune des fiches.

La dernière page intérieure sur laquelle reposent les fiches se présente dans sa partie supérieure avec quatre photos scientifiques de format carré, intégrées dans un quadrillage plus vaste aux cases colorées ou continuant le dessin de fond du haut de la page précédente.

La marge qui sur la couverture est présente à gauche sous forme de pavé de dimension moindre que les autres, se retrouve au verso de cette même page et au verso de la feuille repliée sous forme de bande située à droite avec photo, titre et texte.

Ce mode de présentation avec marges est aussi présent sur les fiches, tant sur la première page formant deux colonnes en partie supérieure dont l'une est occupée par une image et trois colonnes en partie inférieure dont celle de droite contient un encadré avec le nom du directeur, le nombre de catégories de personnel, le budget décomposé en pourcentage selon sa provenance repris au-dessous sous forme de graphique, que sur la double page intérieure où de part et d'autre d'un texte central encadré figure un autre texte.

L'ensemble de ces pages comporte en partie inférieure une trame de fond constituée de tous petits carreaux qui se retrouve sur deux des pavés colorés de couverture, sur l'un des pavés colorés de la page intérieure centrale ainsi qu'au bas de chacune des fiches.

Le sigle N7 occupe la quasi totalité des deux feuilles intérieures (page de support des fiches et page de recto du rabat) séparant chacune d'elles en deux parties.

Il est présent sur la première page de chacune des fiches, de couleur différente mais à même hauteur et de même dimension, dans une même continuité visuelle lors de l'ouverture de la chemise et de la prise des fiches, avec un prolongement sur la première page intérieure de gauche de la plaquette.

Il figure aussi sur l'un des pavés colorés de la couverture.

Peu importe que certains des éléments constituant la plaquette, pris isolément, aient pu être antérieurement connus et employés.

Leur combinaison particulière confère à ce modèle une singularité d'ensemble qui le distingue d'autres objets de même type, un aspect nouveau et personnel qui doit être tenu pour original comme résultant d'un processus intellectuel qui porte l'empreinte de la personnalité de son créateur, dès lors qu'il n'est pas démontré qu'un tel assemblage ait été déjà réalisé .

Cette oeuvre ne peut, contrairement, aux dires de la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION, être considérée comme la reproduction de la plaquette de l'INPT.

Seule la présentation de la première page de la chemise est imposée par le cahier des normes graphiques de cet établissement, à savoir des pavés de couleur respectant les proportions du logotype INP.

Tout le reste est différent.

Dans la charte les autres feuilles sont sur fond blanc et les deux feuilles intérieures sont vierges ; il n'y a pas de troisième feuillet mais deux rabats de taille strictement nécessairement au maintien des fiches de texte que la chemise est destinée à accueillir.

Cette oeuvre ne peut davantage être assimilée à une imitation de la précédente plaquette de l'INSEEIHT, versée aux débats par la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION, de conception radicalement différente puisqu'il s'agit d'un véritable fascicule de format 200 x 300 mm de 28 pages agrafées dont moitié d'entre elles de demi format vertical, avec une page de couverture différente de la charte graphique INPT.

Elle ne ressemble pas davantage au projet de refonte de la plaquette proposé par une tierce entreprise avant l'intervention de la SARL ALLARD CREATION que celle-ci verse aux débats qui adopte un fond uni avec une photo de la ville de Toulouse en pleine page sur la feuille destinée à recevoir les fiches et une série de petites images scientifiques ou photographies placées côte à côte au 2/3 de chaque page pour séparer des schémas en partie supérieure et du texte en partie inférieure.

Les différences sont réelles avec ces trois types de documents ; seule la plaquette de la SARL ALLARD CREATION insère à la fois textes, schémas, photographies, trames de fond, sigle, marges et ce, de façon très particulière et étudiée.

Le fait que le donneur d'ordre ait imposé les normes graphiques de la première page et le texte est indifférent en droit ; il ne constitue qu'un matériau brut à partir duquel l'auteur conserve la maîtrise intégrale de son art pour donner libre cours à son interprétation subjective, déterminer les expressions, les volumes, les positionnements dans l'espace, les couleurs.. ; la protection légale est réservée aux formes extérieures précises et déterminées sous lesquelles le concept est exprimé et réalisé, comme rappelé aux articles L 112-1, L 111-2 du code de la propriété intellectuelle.

La plaquette ENSEEIHT réalisée par la SARL ALLARD CREATION est donc susceptible de protection comme toute oeuvre originale en application des titres I et III du code de la propriété intellectuelle.

Sur l'existence d'actes de contrefaçon

La contrefaçon au sens de l'article 335-2 du code de la propriété intellectuelle s'apprécie par les ressemblances et non par les différences, étant souligné qu'elles doivent porter sur les caractères constituant la nouveauté du modèle et non sur les éléments procédant d'une inspiration commune relevant du domaine public, puisque la protection légale se trouve limitée à la combinaison originale retenue.

La comparaison entre la plaquette ENSEEIHT de la SARL ALLARD CREATION et la plaquette ENSIACET de la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION permet de caractériser la contrefaçon.

De très nombreuses ressemblances peuvent être relevées puisque peuvent être notées pour les deux modèles : la séparation des pavés de couleur de la couverture par une bordure blanche, l'impression en recto verso, l'insertion dans les textes de schémas et photographies, la présence d'une marge, d'une bande séparative, d'une trame sous forme de petits carreaux, du sigle en couleur de l'école (A7 ou N7), d'encadrés.

Le traitement de ces éléments n'est pas interprété différemment dans les deux plaquettes.

Dans la plaquette ENSIACET incriminée, la couverture comporte également une couleur dominante, même si elle est différente (ici le bleu foncé)

Le fond à petits carreaux est présent aux mêmes pages, selon des proportions similaires ou voisines, soit la partie inférieure pour les pages intérieures, deux pavés colorés pour la couverture de la chemise ainsi que sur les fiches.

Le sigle de l'école se détache également du fond en pleine page sur le recto de la feuille qui sert de rabat et figure aussi dans le coin supérieur droit sur la page qui constitue le verso de la plaquette et aux mêmes endroits.

Cette dernière page fait identiquement figurer dans son coin supérieur gauche les logos et coordonnées des laboratoires associés dans des cases allongées et colorées.

Sur les deux pages intérieures latérales les marges sont positionnées de façon similaire pour accueillir textes et images, avec les mêmes alternances de couleur claires, blanches ou foncées.

Elles se retrouvent également à l'identique sur les fiches pour accueillir les données équivalentes.

Le V renversé est présent aux mêmes endroits tant sur la plaquette elle-même que sur les fiches.

Une bande séparative parcours les deux premières pages intérieures à peu près au même niveau dans un même mouvement ascendant commencé à la page précédente ainsi que sur les fiches.

Le premier mot du titre des pages est encadré de la même façon ; il en va de même sur les fiches où il est aussi accompagné du même double encadré.

Le fond supérieur de la première page intérieure de la plaquette est également de couleur bleu foncée avec une image en filigrane et se poursuit en marge en couleur bleu clair.

Le haut de la page centrale alterne de façon identique carres d'images scientifiques et de dessins en filigrane.

Les schémas sont identiquement positionnés

Tous ces éléments (graphisme, mise en page, fond, marges, couleur, composition, positionnement les uns par rapport aux autres et dans l'espace.....), dont la description n'est pas exhaustive, figuraient déjà selon ces mêmes dispositions spécifiques et distinctives dans la plaquette ENSEEIHT

Ainsi, la plaquette ENSIACET reproduit les associations et combinaisons de la plaquette ENSEEIHTqui font sa particularité et son originalité, dont les éléments caractéristiques se retrouvent tels quels ; elle présente le même aspect extérieur, dégage la même impression d'ensemble.

Les ressemblances portent non sur des caractères communs mais sur les parties originales.

La contrefaçon qui se définit comme toute atteinte portée aux droits de l'auteur garantis par la loi est, ainsi, caractérisée à l'encontre de la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION, étant souligné que le seul constat de la violation du droit subjectif suffit à engager sa responsabilité civile.

Sur le préjudice

Cette atteinte est nécessairement source de préjudice pour la SARL ALLARD CREATION que la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION contrefacteur, est tenu d'indemniser intégralement.

Celle-ci consiste tout d'abord dans le gain manqué, c'est-à-dire le profit que la victime de la contrefaçon aurait réalisé s'il n'y avait pas eu contrefaçon et la perte subie c'est-à-dire l'appauvrissement qui découle pour elle de la contrefaçon.

Elle a été privée du bénéfice espéré sur la réalisation de la plaquette incriminée alors qu'elle avait exposé des coûts de conception et de création pour la plaquette contrefaite.

Elle avait en effet été initialement sollicitée à deux reprises par l'ENSIACET et avait présenté un premier devis en juin 2004 de 16.900 € HT puis un autre à la baisse en octobre 2004 de 14.600 € HT dont 8.600 € HT pour la création, la mise en page et la réalisation et 6.000 € HT pour l'impression.

Le 2ème devis de la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION, contrefaisante, en date du 3 décembre 2004 a été accepté le 7 janvier 2005 au prix de 10.665 € HT soit 1.995 € HT de création et mise en page de la chemise et des fiches, 546 € HT de frais de suivi et de gestion, 78 € HT d'honoraires et frais d'agence, 8.046 € HT d'impression et facturé en août 7.879,60 € HT soit 795 € HT de création maquette et mise en page, 249,60 € HT d'honoraires et frais d'agence sans frais de suivi et de gestion et 6.835 € HT de frais d'impression.

La SARL ALLARD CREATION a subi un autre chef de dommage né de l'absence de maîtrise de son oeuvre et de l'atteinte à son image qui se trouve nécessairement dépréciée et qui est susceptible de la priver d'une clientèle potentielle.

La plaquette sur laquelle figure le seul nom de la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION fait, en effet, l'objet d'une large diffusion puisqu'il ressort d'un échange de courrier électronique d'avril 2004 qu'elle est destinée à être utilisée par les labos, mais également par l'école pour communiquer auprès des classes préparatoires, des industriels, des centres de recherche, des écoles d'ingénieur.

Au vu de l'ensemble de ces données, le dommage indemnisable de la SARL ALLARD CREATION, tous chefs de préjudice confondus, sera intégralement réparé par l'octroi de la somme de 30.000 € qui, conformément à l'article 1153-1 du code civil porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

Sur l'action en concurrence déloyale

La SARL ALLARD CREATION agit également en concurrence déloyale sur le fondement du droit commun des articles 1382 et 1383 du code civil qui sanctionnent un usage excessif de la liberté du commerce.

Une telle action procède de causes différentes et ne tend pas aux mêmes fins que l'action en contrefaçon ; elle n'est ni l'accessoire ni la conséquence ou le complément de la première ; elle peut être exercée cumulativement ou mise en oeuvre de manière indépendante ; mais elle exige une faute et doit s'appuyer sur des faits distincts de ceux portant atteinte au droit privatif.

La SARL ALLARD CREATION qui n'invoque pas des actes distincts de ceux portant atteinte à ses droits d'auteur mais vise seulement un fondement et une qualification juridiques différents doit être déboutée de son action pour concurrence déloyale exercée à l'encontre de la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION.

L'utilisation par cette dernière dans la plaquette réalisée par ses soins d'éléments semblables ou inspirés de ceux figurant dans celle précédemment réalisée par la première société constitue les faits eux-mêmes de contrefaçon illicite.

Les avantages économiques qui en découlent pour l'une et les préjudices induits pour l'autre ont d'ailleurs conduit la SARL ALLARD CREATION à formuler dans l'un et l'autre cas des demandes d'indemnisation identiques tant dans leur contenu que leur chiffrage.

Sur les demandes annexes

La SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION qui succombe doit être débouté de sa demande en dommages et intérêts pour procédure 'injustifiée' ; elle supportera également la charge des entiers dépens de première instance et d'appel ; elle ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de la SARL ALLARD CREATION la totalité des frais exposés pour agir, se défendre et/ou assurer sa représentation en justice en justice tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi de la somme globale de 1.500 € à ce titre, comme demandé.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement déféré

hormis en ce qu'il a rejeté les demandes de la SARL ALLARD CREATION au titre de la concurrence déloyale et la demande reconventionnelle de la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION en dommages et intérêts.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Dit que la plaquette réalisée par la SARL ALLARD CREATION pour l'ENSEEIHT est protégeable au sens des dispositions des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle.

- Dit que la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION a commis des actes de contrefaçon.

- Condamne la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION à payer à la SARL ALLARD CREATION les sommes de

* 30.000 € en réparation des préjudices subis avec intérêts au taux légal à compter de ce jour avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

* 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Déboute la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

- Condamne la SA ANOUK DEQUE COMMUNICATION aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- Dit qu'ils seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile au profit de la SCP BOYER, LESCAT, MERLE, avoués.