Cass. com., 7 septembre 2022, n° 21-14.057
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Axce's habitat (SAS)
Défendeur :
Pavillons Jubault (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
M. Regis
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
Me Haas, SCP Waquet, Farge et Hazan
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 février 2021), M. [E] a conclu, à partir de 2011, avec la société Pavillons Jubault puis avec la société Axce's habitat, spécialisées dans la construction de maisons individuelles et appartenant au même groupe, des contrats de sous-traitance de travaux de maçonnerie et de gros-oeuvre. En 2017, la société [E] constructions est venue aux droits de M. [E].
2. Les 8 et 15 décembre 2017, la société Pavillons Jubault et la société Axce's habitat ont respectivement informé la société [E] constructions de la résiliation des contrats de sous-traitance en cours, aux motifs que cette société n'avait pas repris les travaux qu'elle avait interrompus et que certains de ceux-ci étaient affectés de malfaçons.
3. Le 5 février 2018, la société [E] constructions a assigné la société Pavillons Jubault et la société Axce's habitat en responsabilité pour rupture brutale des relations commerciales établies.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société [E] constructions fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes dirigées contre les sociétés Pavillons Jubault et Axce's habitat, alors :
« 1° / qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que seule la force majeure ou un manquement suffisamment grave du cocontractant à ses obligations est de nature à justifier la rupture sans préavis des relations commerciales établies ; que la société [E] constructions faisait valoir que ses factures n'étaient pas payées et qu'elle ne bénéficiait plus de la garantie de paiement qui lui était due en vertu des dispositions de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 et qui avait été rompue à l'initiative des constructeurs et qu'elle avait sollicité en vain le rétablissement de cette garantie de paiement afin de poursuivre les chantiers ; qu'en énonçant que l'abandon des chantiers et les défauts d'exécution non corrigés en dépit d'une mise en demeure constitueraient des fautes d'une gravité suffisante pour justifier la rupture sans préavis des relations commerciales par les sociétés Pavillons Jubault et Axce's habitat, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si le défaut de la garantie de paiement exigée par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 et le défaut de paiement des factures n'étaient pas de nature à exclure ces prétendus manquements et en tous les cas de nature à exclure leur gravité, ce qu'il lui appartenait de faire nonobstant l' existence d'une procédure en nullité des contrats de sous-traitance pour défaut de garantie encore pendante devant la cour d'appel de Rennes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;
2° / qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que seule la force majeure ou un manquement suffisamment grave du cocontractant à ses obligations est de nature à justifier la rupture sans préavis des relations commerciales établies ; qu'en se bornant à rappeler les termes de deux constats d'huissier énonçant une liste de défauts d'exécution et de défauts affectant des ouvrages sur divers chantiers sans aucune précision quant à l'imputabilité de ces défauts, sans constater que ces défauts d'exécution seraient imputables à la société [E] constructions sous-traitante, et sans préciser en quoi ces défauts, dont la société [E] constructions faisait valoir qu'il s'agissait de simples reprises habituelles, auxquels il était remédié en cours de chantier, constituaient un manquement suffisamment grave de cette dernière à ses obligations, justifiant la rupture sans préavis de la relation commerciale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ;
3° / qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que seule la force majeure ou un manquement suffisamment grave du cocontractant à ses obligations est de nature à justifier la rupture sans préavis des relations commerciales établies ; qu'en l'espèce, la société [E] constructions faisait valoir qu'aucun planning des travaux n'avait été établi lors de la conclusion des contrats de nature à démontrer l'existence d'un retard dans l'exécution des travaux ; qu'en se bornant à rappeler les termes de deux constats d'huissier énonçant une liste de travaux qui n'auraient pas encore été exécutés, sans vérifier comme elle y était invitée, si l'existence d'un retard imputable à la société [E] constructions était caractérisée ni en quoi ces éventuels retards constituaient une faute suffisamment grave pour justifier la rupture des relations commerciales sans préavis, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019. »
Réponse de la Cour
5. En premier lieu, après avoir retenu l'existence de relations commerciales établies entre les parties, l'arrêt relève que c'est postérieurement à la rupture de ces relations par les sociétés Pavillons Jubault et Axce's habitat que la société [E] constructions a invoqué la nullité des contrats de sous-traitance, au motif de l'absence des garanties de paiement prévues par l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. De ces constatations, faisant ressortir que tant que la société [E] n'avait pas invoqué la nullité des contrats, elle devait les exécuter et dès lors que cette société s'était bornée, pour soutenir qu'elle avait pu valablement interrompre les travaux dont elle était chargée, à alléguer que certaines de ses factures n'avaient pas été payées, sans toutefois produire d'offres de preuve sur l'identification de ces factures, leur montant, leur échéance et le fait qu'elles avaient été émises au titre des chantiers en cause, la cour d'appel n'avait pas à procéder à la recherche invoquée à la première branche sur l'existence de circonstances de nature à exclure les manquements relevés ou leur gravité, justifiant légalement sa décision.
6. En second lieu, après avoir décrit les constatations effectuées par l'huissier de justice sur les chantiers en cours, postérieurement à l'envoi par les sociétés Axce's habitat et Pavillons Jubault des mises en demeure de reprendre les travaux et malfaçons, l'arrêt relève que la société [E] constructions n'apporte aucun élément technique probant de nature à contredire les constats et rapports versés aux débats par ces sociétés et en déduit que l'abandon des chantiers est démontré, de même que les défauts d'exécution non corrigés en dépit des mises en demeure, constituant des fautes d'une gravité suffisante pour justifier la rupture des relations commerciales sans préavis. En cet état, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'apporter les précisions et d'effectuer les vérifications invoquées par les deuxième et troisième branches, que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi