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Décisions

Cass. com., 7 septembre 2022, n° 21-13.400

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

ArcelorMittal France, ArcelorMittal Purchasing

Défendeur :

Data Dynamic Systems

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Comte

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Piwnica et Molinié

T. com. Bobigny, du 16 déc. 2014

16 décembre 2014

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2021), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 26 juin 2019, pourvoi n° 17-26.738), la société Data Dynamic Systems (la société DDS) a conclu, le 1er décembre 2010, deux contrats, le premier, avec la société ArcelorMittal Purchasing (la société Arcelor MP) pour une licence, le support et la maintenance sur modules existants et standards de la société DDS, et le second, avec la société ArcelorMittal IT Supply France, aux droits de laquelle est venue la société ArcelorMittal Atlantique et Lorraine puis la société ArcelorMittal France (la société Arcelor France) pour des prestations de services d'installation et de paramétrage, contrats qui seront suivis de deux avenants pour la détermination et la facturation du prix des prestations.

2. Par lettre du 28 août 2012, la société Arcelor France a informé la société DDS de l'arrêt des travaux, à l'exception de tâches de support. Par lettre du 4 décembre 2012, la société Arcelor France a notifié la résiliation des deux contrats.

3. Contestant les conditions de la rupture, la société DDS a assigné les sociétés Arcelor France et Arcelor MP en réparation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. Les sociétés Arcelor MP et Arcelor France font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société DDS la somme de 1 067 450 euros au titre du contrat de licence, avec application du taux d'intérêt légal à compter du 21 décembre 2012 et capitalisation des intérêts par année échue à compter du 10 avril 2014, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la cour d'appel ne statue que sur les demandes figurant au dispositif des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de ses écritures d'appel, la société DDS demandait uniquement la condamnation de la société Arcelor MP à lui payer la somme de 1 067 450 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à la différence entre le minimum garanti et la somme qui lui avait effectivement été réglée ; qu'en condamnant in solidum la société Arcelor MP et la société Arcelor France à payer à la société DDS la somme de 1 067 450 euros au titre du contrat de licence, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

7. Accueillant la demande de la société DDS, l'arrêt condamne la société Arcelor France in solidum avec la société Arcelor MP à lui payer la somme de 1 067 450 euros au titre des inexécutions du contrat de licence.

8. En statuant ainsi, alors qu'au titre de ce chef de prétention, la société DDS demandait la condamnation de la seule société Arcelor MP, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

9. Les sociétés Arcelor MP et Arcelor France font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société DDS la somme de 151 348,50 euros au titre du contrat de maintenance, avec application du taux d'intérêt légal à compter du 21 décembre 2012 et capitalisation des intérêts par année échue à compter du 10 avril 2014, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que la cour d'appel ne statue que sur les demandes figurant au dispositif des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans le dispositif de ses écritures d'appel, la société DDS demandait uniquement la condamnation de la société Arcelor MP à lui payer la somme de 454 045,50 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à la maintenance normalement due si le contrat était arrivé à son terme ; qu'en condamnant in solidum la société Arcelor MP et la société Arcelor France à payer à la société DDS des dommages-intérêts au titre du contrat de maintenance, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

10. Accueillant la demande de la société DDS, l'arrêt condamne la société Arcelor France in solidum avec la société Arcelor MP à lui payer la somme de 151 348,50 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des inexécutions du contrat de maintenance.

11. En statuant ainsi, alors qu'au titre de ce chef de prétention, la société DDS demandait la condamnation de la seule société Arcelor MP, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. Les sociétés Arcelor MP et Arcelor France font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société DDS la somme de 50 000 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, et la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral, avec application du taux d'intérêt légal à compter de l'arrêt et capitalisation des intérêts par année échue, alors « qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; que la relation commerciale établie suppose l'existence, avant la rupture, et quelle qu'en soit la forme juridique, d'une relation économique régulière, stable et significative ; qu'en l'espèce, pour juger que la société DDS avait été victime d'une rupture brutale de relation commerciale établie, la cour d'appel a retenu que "l'ampleur du projet d'implanter six cents licences sur les quarante-deux sites du groupe ArcelorMittal pour une application développée à partir de son logiciel et projetée sur trois, voire cinq années de collaboration permet de déduire la preuve de l'existence d'une relation suivie, stable et dont la société DDS pouvait espérer qu'à raison de la complexité et de l'étendue du déploiement de son application, les contrats pouvaient se poursuive au-delà du terme de trois ou cinq convenu" ; qu'en statuant ainsi, quand l'existence d'une relation commerciale établie supposait caractérisée une relation d'affaires régulière, stable et significative, à la date de la rupture, et ne pouvait se déduire de la durée projetée du contrat résilié ni de la perspective de poursuite des relations entre les parties à l'issue de cette durée, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 :

13. Il résulte de ce texte qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale.

14. Pour considérer la relation commerciale en cause comme établie et condamner les sociétés Arcelor MP et Arcelor France in solidum à payer à la société DDS la somme de 50 000 euros à ce titre et la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral, l'arrêt retient que l'ampleur du projet d'implanter six cents licences sur les quarante-deux sites du groupe ArcelorMittal pour une application développée à partir de son logiciel et projetée sur trois, voire cinq années de collaboration permet de déduire la preuve de l'existence d'une relation suivie, stable et dont la société DDS pouvait espérer qu'à raison de la complexité et de l'étendue du déploiement de son application, les contrats pouvaient se poursuivre au-delà du terme de trois ou cinq ans convenu.

15. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à justifier du caractère établi de la relation commerciale en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

16. Les sociétés Arcelor MP et Arcelor France font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer à la société DDS la somme de 50 000 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, et la somme de 15 000 euros au titre du préjudice moral, avec application du taux d'intérêt légal à compter de l'arrêt et capitalisation des intérêts par année échue, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, aux termes de ses conclusions d'appel, la société DDS invoquait uniquement la rupture brutale du contrat de prestation de services conclu avec la société ArcelorMittal IT Supply France, devenue ArcelorMittal Atlantique et Lorraine puis Arcelor France, et sollicitait la condamnation de la seule société ArcelorMittal Atlantique et Lorraine (Arcelor France) à l'indemniser des préjudices qui seraient résulté de cette rupture brutale, non celle de la société Arcelor MP ; qu'en jugeant que les deux contrats de licence et de prestation de services avaient été rompus de manière brutale, et en condamnant in solidum les sociétés Arcelor MP et Arcelor France à payer à la société DDS les sommes de 50 000 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, et de 15 000 euros au titre du préjudice moral, la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

17. Accueillant la demande de la société DDS en réparation des préjudices causés par la rupture brutale de la relation commerciale établie, l'arrêt condamne la société Arcelor France in solidum avec la société Arcelor MP à lui payer les sommes de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts et de 15 000 euros pour préjudice moral.

18. En statuant ainsi, alors qu'en tout état de cause, au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, la société DDS demandait la condamnation de la seule société Arcelor MP, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

19. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, comme suggéré en défense.

20. La cassation prononcée n'impliquant pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond en ce qui concerne les condamnations contre la société Arcelor France, il sera statué par voie de retranchement sur ces chefs de dispositif.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, d'une part, par voie de retranchement en ce que, infirmant le jugement, il condamne la société ArcelorMittal France in solidum avec la société ArcelorMittal Purchasing à payer à la société Data Dynamic Systems les sommes de 1 067 450 euros au titre du contrat de licence, de 151 348,50 euros au titre du contrat de maintenance avec application du taux d'intérêt légal à compter du 21 décembre 2012 et capitalisation des intérêts par année échue à compter du 10 avril 2014, de 50 000 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie et de 15 000 euros au titre du préjudice moral, avec application du taux d'intérêt légal à compter de l'arrêt et capitalisation des intérêts par année échue, et en ce qu'il condamne la société ArcelorMittal France aux dépens et, in solidum avec la société ArcelorMittal Purchasing, à payer à la société Data Dynamic Systems la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et d'autre part, en ce que, infirmant le jugement, il condamne la société ArcelorMittal Purchasing à payer à la société Data Dynamic Systems les sommes de 50 000 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie et de 15 000 euros au titre du préjudice moral, avec application du taux d'intérêt légal à compter de l'arrêt et capitalisation des intérêts par année échue, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre les sociétés ArcelorMittal Purchasing et Data Dynamic Systems, l'arrêt rendu le 15 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces derniers points, l'affaire et les sociétés Data Dynamic Systems et ArcelorMittal Purchasing dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.