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Décisions

Cass. com., 7 septembre 2022, n° 20-20.625

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Exalis GmbH

Défendeur :

WSN développement (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Comte

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

SAS Hannotin Avocats, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Cass. com. n° 20-20.625

6 septembre 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 novembre 2019), la société WSN développement, spécialisée dans la création et l'organisation de manifestations et d'événements commerciaux dans le domaine de la mode, qui organise notamment le salon « Who's next » se déroulant chaque année en janvier et juin à Paris, a signé un contrat d'une durée de trois années avec la société Exalis le 10 octobre 2011, confiant à celle-ci sa représentation, la commercialisation et la promotion du salon auprès des sociétés implantées en Allemagne et susceptibles d'y exposer.

2. Par lettre du 8 septembre 2015, la société WSN développement a informé la société Exalis qu'elle mettait fin à leur collaboration à compter du 9 octobre 2015.

3. Contestant la régularité de la résiliation et sollicitant le paiement de l'indemnité compensatrice de résiliation de contrat d'agent commercial ainsi que l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial, la société Exalis a assigné la société WSN développement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. La société Exalis fait grief à l'arrêt de décider qu'elle n'avait pas la qualité d'agent commercial mais celle de mandataire d'intérêt commun et de rejeter ses demandes tendant à la condamnation de la société WSN développement à lui verser des sommes à titre de commissions sur retour d'échantillonnage, d'indemnité de rupture anticipée et d'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat, alors « que, pour bénéficier du statut d'agent commercial, la personne chargée, pour le compte d'un commettant, d'apporter de nouveaux clients ou de développer les opérations avec les clients existants, ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier le contenu des contrats ; qu'en refusant à la mandataire le bénéfice du statut d'agent commercial en ce qu'elle ne disposait pas du pouvoir de modifier le prix ou les autres conditions des contrats souscrits par les participants au salon organisé par la mandante, la cour d'appel a violé l'article L. 134-1 du code de commerce, tel qu'interprété à la lumière des articles 1er, paragraphe 2, et 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 86/653/CEE relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 134-1, alinéa 1er, du code de commerce, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants :

5. Aux termes de ce texte, l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.

6. Il en résulte qu'il n'est pas nécessaire de disposer de la faculté de modifier les conditions des contrats conclus par le commettant pour être agent commercial.

7. Pour qualifier le contrat liant les sociétés WSN développement et Exalis de mandat d'intérêt commun et non d'agent commercial, l'arrêt énonce que cette dernière qualité suppose la capacité de négocier les contrats passés au nom du mandant et de disposer, à cet effet, de réelles marges de manoeuvre par rapport à ce dernier pour influer sur les éléments constitutifs des contrats avant leur conclusion notamment quant aux tarifs pratiqués, puis retient que la société Exalis ne bénéficiait pas d'une marge de manoeuvre pour influer sur les clauses des contrats souscrits par les exposants, les seuls éléments variables du contrat étant la surface du stand et le nombre d'angles, le prix n'étant pas négociable et résultant de l'application d'un barème en fonction de ces éléments, et que si, exceptionnellement, certains clients spéciaux pouvaient obtenir des remises et services supplémentaires, ceux-ci étaient exclusivement accordés par la société WSN développement, la société Exalis se contentant de transmettre l'acceptation ou l'offre de la société WSN développement et ne disposant d'aucun pouvoir sur ces points.

8. En statuant ainsi, en se fondant sur l'impossibilité de la société Exalis de modifier les conditions des contrats, et en particulier les prix, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La société WSN développement fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Exalis la somme de 36 858,53 euros à titre d'indemnité résultant de l'insuffisance du préavis observé, alors « que la qualification d'agence commerciale est exclusive de l'application de l'article L. 442-6, I, 5° devenu L. 442-1 du code de commerce ; que la cassation éventuelle à intervenir du fait du premier moyen de cassation du pourvoi principal entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a accordé une indemnité sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° devenu L. 442-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 134-11 et L. 442-6, I, 5° du code de commerce, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, et l'article 624 du code de procédure civile :

10. Il résulte des deux premiers textes que l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ne s'applique pas lors de la cessation des relations ayant existé entre un agent commercial et son mandant et selon le troisième, la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

11. Il s'ensuit que la cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi principal entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, la société WSN développement à payer à la société Exalis une indemnité pour rupture brutale de la relation commerciale établie, en raison de l'insuffisance du délai de préavis observé, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée