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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1ere et 8eme ch. réunies, 23 septembre 2021, n° 18/03109

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

AIX EN PROVENCE, du 26 Janv. 2018

26 janvier 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021

Signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Un devis au nom de Monsieur et Madame G. portant sur l'installation d'une piscine coque 'GRECIAN' devant être installée à leur domicile situé [...] a été établi par la SARL DML PISCINES.

Une facture n° FA0013665 a été émise le 22 mai 2017 au nom de Monsieur et Madame G. pour un total de 21.120 laissant apparaître un solde de 7.120 après déduction de deux acomptes de 1.000 et 14.000 .

Par courriers recommandés en date du 4 septembre 2017,  13 septembre 2017 et 2 octobre 2017, la SARL DML PISCINES a mis en demeure Madame Patricia G. de payer la somme due.

Par acte d'huissier en date du 10 novembre 2017, la SARL DML PISCINES a fait assigner Madame Patricia G. et Monsieur G. devant le Tribunal d'instance d’AIX-EN-PROVENCE qui, par jugement en date du 26 janvier 2018, a condamné Madame Patricia G. à payer à la SARL DML PISCINES les sommes de 7 120 ' avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2017, en paiement du solde de la facture FA00013665 et la somme de 700 au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, débouté la SARL DML PISCINES de ses demandes dirigées contre Monsieur G., dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et condamné Madame Patricia G. aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 21 février 2018, Madame Patricia G. a interjeté appel de cette décision. Elle demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SARL DLM PISCINES des demandes dirigées contre Monsieur G. et de juger que la piscine livrée et installée par la société DML PISCINES n'a pas été réceptionnée et présente de nombreuses malfaçons, non-finitions et non-conformités, de juger que la société DML PISCINES n'a pas satisfait à son obligation de délivrance d'une chose conforme, de débouter la société DML PISCINES de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 11 164,85 ' au titre des travaux nécessaires à la remise en état et en conformité de la piscine, à lui verser la somme de 10 000' au titre de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance.

A titre subsidiaire elle demande d'opérer compensation entre les sommes allouées au titre de la remise en état et de l'indemnisation de son préjudice avec toutes sommes qui pourraient être mises à sa charge et en tout état de cause de condamner la société DML PISCINES à lui verser la somme de 4 000 ' en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient dans ses conclusions :

- que ses demandes concernent les malfaçons et le trouble de jouissance et visent à opposer compensation avec le montant réclamé par la DML PISCINES au titre du paiement du solde du chantier et visent également à faire écarter la demande adverse en paiement injustifiée.

- que ses demandes, se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant, sont recevables.

- que l'obligation de délivrance, qui consiste à livrer le bien voulu par l'acheteur, n'a pas été satisfaite.

- qu'elle est fondée à solliciter la condamnation de la société à lui payer le coût des travaux de mise en conformité.

- que la piscine et le terrain autour sont inutilisables, qu'elle subit un préjudice visuel ainsi qu'un préjudice de jouissance.

La Société DML PISCINES conclut à la confirmation du jugement rendu le 26 janvier 2018 par le Tribunal d'instance d'AIX-EN-PROVENCE.

Elle demande à la Cour de juger irrecevable et mal fondé l'appel formé par Madame G., de déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 25 février 2019 en ce qu'elles comportent de nouvelles prétentions, de déclarer irrecevables les demandes de Madame G. tendant à rechercher la responsabilité de la société DML PISCINES et la voir condamnée à prendre en charge les travaux de remise en état ainsi que le préjudice prétendument subi en ce qu'il s'agit de demandes nouvelles en cause d'appel, de dire que Madame G. n'apporte pas la preuve de la matérialité des désordres allégués et de leur imputabilité à la société DML PISCINES, de la débouter de l'ensemble de ses demandes.

Elle sollicite l'allocation de la somme de 3000 ' au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que la condamnation de Madame G. aux dépens.

La société DML PISCINES fait valoir dans ses conclusions :

- que Madame G. se devait de présenter dans ses premières conclusions l'ensemble de ses moyens, conformément au principe de concentration temporelle, alors qu'elle s'est contentée de demander une expertise.

- que les conclusions notifiées le 25 février 2019 sont irrecevables.

- que les demandes visant à la recherche de sa responsabilité, de sa condamnation à prendre en charge les travaux de remise en état à hauteur de 17 976 ' et le préjudice de jouissance sont des prétentions nouvelles irrecevables.

- que Madame G. ne démontre aucune faute de la société DML PISCINES.

- que Madame G. n'apporte aucune preuve de la matérialité des désordres, de leur imputabilité et de la nature des travaux de remise en état nécessaires.

- que le constat d'huissier réalisé plus d’un an après l’achèvement des travaux et 3 mois après la déclaration d’appel ne saurait suffire à retenir sa responsabilité.

- que les désordres allégués ne concernent pas les travaux commandés.

L'ordonnance de clôture a été révoquée afin que soit admis les derniers échanges des parties et la procédure à nouveau clôturée le 21 juin 2021.

MOTIF DE LA DECISION

Attendu que Madame G. ne demandant plus d'expertise, il n'y a plus lieu de statuer sur ce point ;

Attendu qu'en vertu de l'article 910-4 du Code de procédure civile à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ;

Attendu que selon les articles 565 et suivants du même Code les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions si ce n'est, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. (Art. 565 CPC), par ailleurs les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément. Enfin, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel, à condition qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. (Art. 567 CPC) ;

Attendu qu'en l'espèce dans ses conclusions initiales Madame G. demandait notamment à la Cour de réformer le jugement et statuant à nouveau de dire que la piscine livrée et installée par la société DML PISCINES n'a pas été réceptionnée et présente de nombreuses malfaçons et non-finitions et non-conformités, avant dire droit, de désigner un expert ainsi qu'une condamnation de la société DML PISCINES sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens ;

Attendu que dans ses dernières conclusions Madame G. demande également de dire et juger que la société DML PISCINES n'a pas satisfait à son obligation de délivrance d’une chose conforme, de la débouter de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 11 164,85 ' au titre des travaux nécessaires à la remise en état et en conformité de la piscine, de la condamner en outre à lui verser la somme de 10 000' au titre de dommages intérêts en réparation du trouble de jouissance ;

Attendu que les prétentions de Madame G. tendant à constater le manquement de la société à l’obligation de délivrance conforme et à mettre à sa charge les travaux nécessaires de remises en état et en conformité ne sont que des demandes directement liées aux demandes initiales, en ce sens  complémentaires, accessoire et la conséquence de celles-ci tendant à dire et juger «que la piscine livrée et installée par la société DML PISCINES n’a pas été réceptionnée et présente de nombreuses malfaçons et non-finitions et non-conformités», de même que la demande en préjudice de jouissance laquelle est la conséquence directe d'éventuelles malfaçons, que par ailleurs sont recevables les demandes destinées à faire juger les questions nées postérieurement au premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, qu'en l'espèce c'est à la suite de l'ordonnance du conseiller de la mise en état que Madame G. a précisé ses demandes, que de ce fait les conclusions et demandes de Madame G. sont recevables ;

Attendu qu'en application de l'article 12 du Code de procédure civile, le juge a l'obligation de donner ou restituer l'exacte qualification aux faits et actes, indépendamment de celle attribuée par les parties ;

Attendu que Madame G. prétend que la délivrance n'était pas conforme, que toutefois l'obligation de délivrance conforme est applicable aux contrat de vente selon l'article 1604 du Code civil, qu'en l'espèce il s'agit davantage d un contrat d'entreprise traité aux articles 1710 et suivants du même code ;

Attendu que les photos en couleurs versées par Madame G., non datées ne seront pas prises en compte, que toutefois le constat d'huissier intervenu plusieurs mois après le contentieux est recevable ayant pour but de prouver les désordres allégués par les appelants ;

Attendu qu'en vertu de l'article 1710 du Code civil le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles ;

Attendu qu'en l'espèce il n'est pas contesté que Madame G. n a pas versé la totalité du prix et reste débitrice de la somme de 7 120 ;

Attendu qu'il ressort de ces éléments que Madame G. a refusé de payer le solde de la facture, que ce refus démontre sa contestation quant à la prestation réalisée par la société DLM PISCINES, de sorte que Madame G. n'a pas reçu l'ouvrage ;

Attendu qu'en sus, à défaut de procès-verbal de réception, les garanties décennales, biennales ou de parfait achèvement ne peuvent pas être mises en œuvre, seule le droit commun est applicable à l'espèce, c'est-à-dire la responsabilité contractuelle de l'article 1231 du Code civil laquelle nécessite la réunion d'un dommage, d'un fait dommageable et d'un lien de causalité ;

Attendu que lorsque l'obligation est de moyen il est nécessaire de prouver une faute afin d'établir le fait dommageable, en revanche en cas d'obligation de résultat il suffit de prouver que le résultat auquel l'entreprise s'était engagée n'a pas été atteint pour que sa responsabilité soit retenue ;

Attendu qu'eu égard à la prestation convenue entre les parties selon devis accepté, au rôle passif de Madame G. dans la réalisation du contrat, au manque d'aléa et à l'article 1231 du Code civil au titre duquel les entrepreneurs sont soumis à une obligation de résultat, la société DLM PISCINES est tenue à un obligation de résultat ;

Attendu que le constat d'huissier produit au débat démontre que le trou creusé pour la piscine n'est pas assez profond, ayant pour conséquence direct une surélévation de la piscine entre 14 et 34 cm selon les cotés de celle-ci et ce en dépit du gravier déposé, que cet élément est essentiel dans l'installation d'une piscine, objet du bon de commande, que dès lors le constat d'huissier produit au débat prouve que le résultat du contrat d'entreprise n’a pas été atteint et que la société DLM PISCINES a manqué à son obligation contractuelle;

Attendu que le dommage est caractérisé par la prestation mal exécutée, que le fait dommageable est prouvé par l'absence de résultat, qu'enfin eu égard au devis signé entre les parties, au contentieux les opposant quant au paiement du solde de la facture, il est établit que la société DLM PISCINES a réalisé une prestation quant à l'installation d'une piscine sur laquelle des malfaçons ou à tout le moins inexécutions sont constatées par constat d'huissier, que de ce fait le lien de causalité est établi entre le dommage, le fait dommageable et le lien de causalité entre les deux, que la responsabilité de la société DLM PISCINES est engagée ;

Attendu qu'en vertu de l'article 1217 du Code civil la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparation des conséquences de l'inexécution, les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées, des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter ;

Attendu que le créancier de l'obligation peut également choisir de faire exécuter lui-même ladite obligation, ou détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci après mise en demeure et dans un délai et à un coût raisonnable, conformément à l'article 1222 du Code Civil, que le coût de ces opérations peut toujours être mis à la charges du contractant fautif en Justice, soit a priori en demandant une avance, soit a posteriori en demandant un remboursement ;

Attendu que Madame G. produit aux débats (pièce 17 et suivantes) de nombreuses factures afin de justifier de la réalisation de travaux de  remise en état, que néanmoins rien ne certifie à la Cour que les achats réalisés ou les locations de véhicules effectuées aient bien été destinés à la réalisation des travaux de remise en état de la piscine, qu'en conséquence Madame G. sera déboutée de sa demande tendant à faire condamner la société DML PISCINES à lui verser la somme de 11 164,85 au titre des travaux nécessaires à la remise en état et en conformité de la piscine ;

Attendu que l'article 1223 du Code civil prévoit en cas d'inexécution une réduction de prix peut être appliquée a priori, ou a posteriori, selon que le prix a déjà, ou non, été partiellement, ou totalement, versé, qu'en l'espèce Madame G. a de facto appliqué cette sanction en ne versant pas le solde de la facture d’un montant de 7 125 à la société DML PISCINES laquelle a engagé sa responsabilité contractuelle, qu'en conséquence la société DML PISCINES sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation de Madame G. a lui verser la somme de 7 125 au titre du solde dû ;

Attendu que l'article 1231 du Code Civil rappelle que les dommages et intérêts ne sont dus, sauf à ce que l'inexécution ne soit définitive, qu'après une mise en demeure préalable du débiteur de s'exécuter dans un délai raisonnable, que le principe est celui de la réparation intégral du préjudice par l'indemnisation de la perte subie par le créancier de l’obligation et du gain dont il a été privé ;

Attendu que néanmoins si Madame G. n'a pu jouir de son terrain et du subir la vue d’un chantier non terminé, elle a pu en revanche jouir de la piscine pour laquelle elle ne justifie d'aucun dysfonctionnement, que le préjudice de jouissance n'est dès lors pas démontré, qu'elle sera déboutée en ce sens de sa demande en dommages-intérêts d’un montant de 10 000 en réparation du préjudice de jouissance ;

Attendu qu'il convient d'infirmer le jugement rendu le 26 janvier 2018  par le Tribunal d’instance d’AIX-EN-PROVENCE ;

Attendu que, statuant à nouveau, il sera constaté que la société DML PISCINES a exécuté imparfaitement ses obligations contractuelles et engage sa responsabilité contractuelle à ce titre, qu'il y a donc bien lieu d'ordonner la réduction du prix de 7 125 sur un montant total de 21 120 et de débouter la société DML PISCINES de sa demande tendant au remboursement de la somme de 7 125 par Madame Patricia G., les parties étant déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires;

Attendu qu'il sera allouée à Madame G., qui a dû engager des frais irrépétibles pour assurer la défense de ses intérêts en justice, la somme de 1800 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la Société DML PISCINES sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel;

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort par mise à la disposition des parties au greffe de la Cour,

INFIRME le jugement rendu le 26 janvier 2018 par le Tribunal d’instance d’AIX-EN-PROVENCE;

Statuant à nouveau,

CONSTATE que la société DLM PISCINES a exécuté imparfaitement ses obligations contractuelles et engage sa responsabilité contractuelle à ce titre;

ORDONNE la réduction du prix de 7 125 sur un montant total de 21 120 ;

DEBOUTE la société DML PISCINES de sa demande tendant au remboursement de la somme de 7 125 ' par Madame Patricia G.;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

CONDAMNE la société DML PISCINES à verser à Madame Patricia G. la somme de 1800 ' sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

CONDAMNE la société DML PISCINES aux dépens de première instance et d'appel.