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Décisions

CA Lyon, 3e ch. A, 16 août 2019, n° 19/03758

LYON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Esparbès

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

TGI Lyon, du 21 mai 2019, n° 19/00043

21 mai 2019

EXPOSE DU LITIGE

La S.C.I. Axel a pour activité l'acquisition, la construction, la propriété, l'administration, la gestion et l'exploitation de tous biens immobiliers. M. A... est gérant et associé, possédant 99,60 % des parts sociales, Mme E..., sa compagne, dispose des autres parts.

La société est propriétaire d'un seul immeuble situé à Taluyers comprenant un appartement occupé par M. A... et Mme E... et un local commercial loué à la S.A.S.U. Liselec dont M. A... est le dirigeant.

Pour financier l'acquisition de cet immeuble et des travaux, la S.C.I. Axel a souscrit deux emprunts':

- le 16 juin 2018 pour 170 000' auprès de la S.A. Banque populaire Loire et Lyonnais,

- le 16 juillet 2008 pour 47 870' auprès du Crédit Agricole Centre Est.

Par jugement du 12 février 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon a ordonné, à la requête de la Banque populaire, créancier hypothécaire, la vente forcée de l'immeuble de la S.C.I. Axel.

La vente sur adjudication a été réalisée le 23 mai 2019 sur une mise à prix de 100'000'. L'immeuble a alors été adjugé à 183 000' au profit de la société Promo-Immo. Le 31 mai 2019, une surenchère a été formée et l'audience sur surenchère a été fixée au 19 septembre 2019.

Auparavant et par déclaration de cessation des paiements du 29 avril 2019, la S.C.I. Axel a saisi le tribunal aux fins d'obtenir le prononcé d'un redressement judiciaire.

Par jugement du 21 mai 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a rejeté la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par déclaration reçue le 29 mai 2019, la S.C.I. Axel a relevé appel de ce jugement, intimant le ministère public.

L'affaire a été fixée à l'audience du 4 juillet 2019 en application de l'article 905 du code de procédure civile.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 14 juin 2019, fondées sur les articles L.'631-1, L.'622-21 et L.'631-7 du code de commerce, la S.C.I. Axel demande à la cour de réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau de :

- juger qu'elle n'est pas en mesure de faire face à son passif exigible de 189'907,26' avec son actif disponible, de sorte qu'elle se trouve en état de cessation des paiements, et qu'elle justifie de perspectives de redressement compte tenu de l'exploitation locative de son immeuble,

- constater l'état de cessation des paiements et prononcer l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,

- fixer provisoirement la date de cessation des paiements au 16 février 2018, date de commandement valant saisie immobilière délivrée à la requête de la Banque populaire,

- nommer tel administrateur judiciaire, avec pour mission d'assister le débiteur dans tous les actes concernant la gestion,

- nommer tel mandataire judiciaire, tel commissaire-priseur, tel juge commissaire, et tel juge commissaire suppléant,

- fixer à dix mois à compter de la présente décision le délai dans lequel le mandataire judiciaire devra établir la liste des créances prévue à l'article L 624-1 du code de commerce,

- fixer au 4 janvier 2020 l'expiration de la période d'observation,

- dire que l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire désignés devront, dans le délai d'un mois à compter de la présente décision, établir et remettre à son dirigeant le devis du coût de leur intervention, dont copie sera remise au juge commissaire,

- dire que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure.

Par avis déposé le 18 juin 2019, le ministère public indique que compte tenu de l'état de cessation des paiements constaté, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire s'impose au regard des dispositions du code de commerce.

Par soit-transmis du 5 juillet 2019, la cour a demandé aux parties, au visa de l'article L.'631-7 du code de commerce, de présenter leurs observations en délibéré sur l'existence des conditions de l'article L 640-1 du même code.

Par une note déposée le 8 juillet 2019, la S.C.I. Axel a soutenu que son redressement n'était pas manifestement impossible au regard de l'occupation de ses deux locaux d'habitation et de commerce, la société Liselec étant 'in bonis' et M. A... comme sa compagne étant en capacité de verser un loyer pour l'occupation de leur logement. Elle ajoute qu'un plan de cession est également envisageable dans le cadre d'une période d'observation et qu'aucun passif n'est susceptible d'être créé en cas d'ouverture d'un redressement judiciaire.

MOTIFS

L'article L.631-7 du code de commerce dispose en son alinéa 2 que «Lorsque la situation du débiteur qui a déclaré être en état de cessation des paiements apparaît manifestement insusceptible de redressement, le tribunal invite celui-ci, en l'absence de demande subsidiaire aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, à présenter ses observations sur l'existence des conditions de l'article L. 640-1. Il statue ensuite, dans la même décision, sur la demande de redressement judiciaire et, le cas échéant, sur l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.»

En l'espèce, la S.C.I. Axel en déclarant sa cessation des paiements a uniquement sollicité l'ouverture de son redressement judiciaire, cette limitation ayant conduit les premiers juges à rejeter cette demande en retenant, sans faire application du texte susvisé, l'absence de perspectives de redressement.

La cour a sollicité les observations des parties sur l'éventualité du prononcé d'une liquidation judiciaire pour qu'il soit nécessairement statué sur l'ouverture d'une procédure collective correspondant à la cessation des paiements déclarée par l'appelante.

L'article L. 631-1 du code de commerce dispose que "Il est institué une procédure de redressement
judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans
l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des
paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la
part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est
pas en cessation des paiements.

La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de
l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par
jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers, conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30."

Les premiers juges ne sont pas contestés lorsqu'ils ont tiré de la déclaration de cessation des paiements tous les éléments la caractérisant, la date déclarée par l'appelante au 16 février 2018 étant fixée à titre provisoire en l'absence d'autres éléments d'information.

Il appartient à la société appelante de fournir les éléments nécessaires à éclairer la cour sur ses facultés à présenter un plan et elle est mal fondée à affirmer que les premiers juges étaient dépourvus de la faculté de vérifier ses perspectives de redressement, vérification qui doit en tout état de cause être réalisée avant de déterminer la procédure collective appropriée à sa situation.

La S.C.I. Axel précise ne disposer d'aucun actif disponible, les loyers versés par la S.A.S.U. Liselec qui occupe des locaux commerciaux étant directement payés à la Banque populaire pour couvrir sa dette d'acquisition de l'immeuble sis à Taluyers constituant son seul actif.

Elle relate en outre que son passif exigible est constitué :

- du prêt accordé par la Banque populaire pour 127'067,79' pour l'acquisition de l'immeuble,

- du prêt accordé par le Crédit agricole pour 31'827,37' ayant permis la réalisation de travaux dans cet immeuble,

- de dettes fiscales pour 31'007,20' au titre d'arriérés d'impôts sur les sociétés, de TVA et de CFE,

soit au total 189 896,36.

Il ressort des pièces versées aux débats que la déchéance du terme a été prononcée le 16 février 2018 tant par la Banque populaire que par le Crédit Agricole. La S.C.I. Axel ne dispose actuellement d'aucun compte bancaire et les seuls loyers versés par la S.A.S. Liselec étant directement perçus depuis plusieurs années par la Banque populaire.

L'avis de valeur établi par M. E... le 11 avril 2019 fait état de loyers annuels de 13'186' pour le local d'habitation et de 10'353,42' pour le local commercial composant l'immeuble de Taluyers. Ce bien a été acquis le 18 juin 2008 pour un prix de 233'626,24' et est estimé par cet expert immobilier à 435'000'.

Le bail signé avec la S.A.S. Liselec prévoit un loyer mensuel de 600' largement inférieur à sa valeur locative.

La S.C.I. Axel ne justifie pas des raisons qui l'ont conduite particulièrement depuis cette déchéance du terme remontant à plus d'une année à ne pas réclamer des occupants de la partie habitation de son immeuble le versement de loyers en contrepartie de cette mise à disposition, motivant un manque à gagner mensuel de plus de 1'000'.

Pour avoir affirmé dans sa note de présentation jointe à sa déclaration de cessation des paiements du 29 avril 2019 qu'elle prévoit la signature d'un bail avec M. A... et Mme E... qui détiennent respectivement 2'490 et 10 de ses parts, elle n'établit pas plus qu'en première instance que ce contrat a été signé et que ces occupants disposent de ressources pour couvrir les loyers. Les premiers juges avaient d'ailleurs déjà relevé cette carence comme l'absence, toujours effective devant la cour, de tout renseignement sur les capacités financières personnelles de M. A... et de Mme E....

La seule perspective de redressement ouverte à l'appelante serait un plan de continuation par apurement du passif, la solution du plan de cession du seul élément d'actif n'étant applicable que dans le cadre d'une liquidation judiciaire du fait de l'absence d'autres éléments permettant le maintien de l'activité de la S.C.I. dont l'objet social actuel est de gérer l'immeuble de Taluyers.

Le bilan de l'année 2018 de la S.A.S.U. Liselec, dirigée par M. A..., fait état d'un faible exercice bénéficiaire avec un résultat net de 1'979' faisant suite à une perte de 13'781' au cours de l'année 2017. Ces chiffres ne laissent pas supposer que la société Liselec est en mesure de supporter un loyer conforme à la valeur locative des lieux loués à la S.C.I. Axel.

L'insuffisance du loyer commercial comme l'ignorance totale d'une faculté des consorts A...-E... de supporter un loyer mensuel de près de 1'100', conforme à l'estimation immobilière produite, ne permettent pas d'envisager un apurement du passif dans le délai maximal de dix années prévu par les textes, nécessitant de dégager des résultats annuels de 19'000'.

Les loyers mensuels tels qu'existant ou susceptible d'être fixés à la charge des consorts A...-E... ne peuvent couvrir les charges courantes et une annuité de 19'000'.

L'ouverture d'une période d'observation n'est pas envisageable en l'état de cette absence de trésorerie, nécessaire pour faire face notamment aux impositions assujettissant la propriété immobilière et les loyers versés par la ou les locataires.

Il convient en conséquence de retenir que le redressement de la S.C.I. Axel est manifestement impossible et de rejeter par confirmation du jugement entrepris sa demande de redressement judiciaire.

Au regard des éléments précités, une liquidation judiciaire doit être prononcée.

Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire formée par la S.C.I. Axel,

Y ajoutant,

Constate l'état de cessation des paiements et prononce la liquidation judiciaire de la S.C.I. Axel, dont le siège social est situé Lieu-dit de la Ronze à Taluyers (69440)

Fixe provisoirement au 16 février 2018 la date de cessation des paiements,

Désigne Mme B... F..., vice-présidente au tribunal de grande instance de Lyon, en qualité de juge-commissaire, et à défaut Ie président du tribunal de grande instance de Lyon,

Désigne la SELARL Jérôme Allais, représentée par Me Jérôme Allais, 90 rue Paul Bert à LYON (69003), en qualité de liquidateur judiciaire,

Désigne la SCP Bremens et Belleville, commissaire-priseur, pour procéder à l'inventaire et à la prisée prévus par l'article L.'622-6 du code de commerce,

Fixe à 2 ans le délai au terme duquel la clôture de la liquidation judiciaire devra être examinée,

Rappelle que le délai pour produire les créances est de DEUX MOIS à compter de la publication par le greffe du tribunal de grande instance du présent arrêt au BODACC, ce dernier délai étant augmenté de deux mois pour les créanciers domiciliés hors de la France métropolitaine,

Fixe à DIX MOIS le délai prévu par l'article L.'624-1 du code de commerce pour établir la liste des créanciers,

Renvoie le dossier devant le tribunal de grande instance de Lyon pour la poursuite de la procédure,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.