CA Besançon, 1ere ch. civ. A, 1 avril 2010, n° 08/01809
BESANÇON
Arrêt
Suivant devis en date du 4 décembre 2002, Laurent M. a proposé aux époux B., en vue de l'édification d'un pavillon d'habitation sur un terrain appartenant à la commune de COURCELLES-LES-MONTBÉLIARD, de réaliser pour leur compte les prestations nécessaires à l'obtention du permis de construire et l'appel d'offres des entreprises, moyennant une rémunération fixée forfaitairement à 7 000 € TTC.
Par courrier de leur notaire en date du 10 décembre 2003, les époux B. ont informé Laurent M. de leur intention de ne pas donner suite au projet de construction, et ont sollicité la restitution de la somme de 7 000 €.
Laurent M. ayant refusé de restituer cette somme, les époux B. l'ont fait assigner devant le tribunal d'instance de MONTBÉLIARD, lequel, par jugement en date du 14 novembre 2006, les a déboutés de leur prétentions.
Les époux B. ont régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 29 janvier 2007. Ils ont été déclarés en liquidation judiciaire par jugement du 11 décembre 2007 et la SCP G.-D., désignée en qualité de liquidateur judiciaire, est intervenue à la procédure.
Les appelants sollicitent, à titre principal, l'annulation de la convention du 4 décembre 2002 et la restitution de la somme de 7 000 € versée à titre d'honoraires. A cet effet, ils soutiennent que la convention constituait une vente en état futur d'achèvement et qu'elle est nulle, faute d'avoir été conclue dans les formes légales.
Subsidiairement, les époux B. demandent que soit prononcée la résolution de la convention aux torts de Laurent M., celui-ci n'ayant pas exécuté les prestations promises.
Plus subsidiairement, ils concluent à une réduction de la rémunération de Laurent M. au regard de la piètre qualité des prestations réalisées, et à la restitution du trop-perçu, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.
Les appelants réclament une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Laurent M. conclut à la confirmation du jugement déféré, aux motifs que, ses obligations contractuelles étant limitées à l'obtention du permis de construire et à l'appel d'offres des entreprises, la convention ne peut être qualifiée de vente en état futur d'achèvement. Il prétend avoir intégralement exécuté les prestations à sa charge et entend par conséquent conserver la rémunération perçue. Il sollicite une somme de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux dernières conclusions des appelants déposées le 22 janvier 2009 et à celles de l'intimé déposées le 28 mai 2009.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance en date du 26 janvier 2010.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la validité de la convention
Attendu qu'aux termes de l'article L.261-10, alinéa premier, du code de la construction et de l'habitation, tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d'un immeuble à usage d'habitation et comportant l'obligation pour l'acheteur d'effectuer des versements avant l'achèvement de la construction doit, à peine de nullité, revêtir la forme d'une vente à terme ou d'une vente en l'état futur d'achèvement, telles que prévues aux articles 1601-2 et 1601-3 du code civil ;
Attendu que le même article ajoute (alinéa deux) que celui qui s'oblige à édifier ou à faire édifier un immeuble à usage d'habitation, lorsqu'il procure directement ou indirectement le terrain ou le droit de construire sur le terrain à celui qui contracte l'obligation d'effectuer les versements, doit conclure un contrat conforme aux dispositions de l'alinéa précédent ;
Attendu qu'en l'espèce, le seul écrit matérialisant le contrat conclu entre les parties est le devis de Laurent M. en date du 4 décembre 2002, accepté par les époux B. ;
Attendu que, selon ce devis, les obligations de Laurent M. consistaient à obtenir le permis de construire et réaliser les appels d'offres auprès des entreprises ;
Attendu que, si Laurent M. devait en outre procurer le terrain, puisque c'est lui qui avait proposé ce terrain aux époux B. et qu'il était en pourparlers avec la commune pour son acquisition, il ne s'est pas engagé à construire ou faire construire l'immeuble ;
Attendu que les époux B. conservaient la faculté de faire construire leur maison par tout autre personne de leur choix ;
Attendu que la convention ne peut dès lors pas être qualifiée de vente en état futur d'achèvement ; qu'elle constituait un simple contrat de louage d'ouvrage ayant pour objet des prestations limitées à l'obtention du permis de construire et à l'appel d'offres des entreprises ;
Attendu que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande des époux B. tendant à l'annulation de la convention ;
Sur la résolution de la convention
Attendu que les relations contractuelles entre les parties ont été rompues par les époux B. suite au courrier du 10 décembre 2003 qu'ils ont fait adresser à Laurent M. par leur notaire ;
Attendu qu'ils ne démontrent pas qu'à la date du 10 décembre 2003 Laurent M. était défaillant dans l'exécution de ses obligations ;
Attendu en effet que, si le permis de construire n'avait pas encore été obtenu, la demande avait été déposée dès le 30 mai 2003 et était en cours d'instruction ; qu'il n'est pas démontré que la durée d'instruction de la demande soit imputable à Laurent M. ; qu'au demeurant, aucun délai n'avait été fixé contractuellement pour l'obtention du permis ; que le permis a été délivré le 6 février 2004 ; que, s'il a été établi au nom de Laurent M., le bénéfice pouvait en être transféré aux époux B. ;
Attendu par ailleurs qu'il n'est pas contesté que Laurent M. avait consulté des entreprises et obtenu des devis permettant aux époux B. de chiffrer le coût prévisible de la construction ;
Attendu que, si la qualité des prestations réalisées par Laurent M. est critiquable, ainsi qu'il sera vu ci-après, les manquements qui lui sont imputables ne sont pas d'une gravité suffisante pour entraîner la résolution de la convention ;
Attendu qu'il convient donc de rejeter la demande des époux B. tendant à faire prononcer la résolution de la convention aux torts de Laurent M. ;
Sur le montant de la rémunération de Laurent M.
Attendu que, si les plans établis par Laurent M. ont permis la délivrance du permis de construire, ils apparaissent, au vu des pièces versées aux débats, particulièrement sommaires, ne comportant que quelques quotes générales ;
Attendu que les devis produits sont incomplets ; que, s'ils justifient d'une consultation d'entreprises par Laurent M., celui-ci ne démontre pas avoir établi les documents nécessaires à une mise en concurrence de plusieurs entreprises dans le cadre d'un véritable appel d'offres ;
Attendu qu'il apparaît ainsi que Laurent M. n'a réalisé que des prestations limitées au regard desquelles la rémunération de 7 000 € fixée par la convention est excessive ; qu'il convient de réduire cette rémunération à 3 000 € et d'ordonner la restitution du trop-perçu, à savoir 4 000 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, en date du 26 octobre 2004 ; que le jugement déféré sera réformé en ce sens ;
Sur les frais et dépens
Attendu que Laurent M., qui succombe en plus grande part en cause d'appel, sera condamné aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les appelants, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de l'intimé tendant à être indemnisé de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DÉCLARE l'appel des époux B. recevable et partiellement fondé ;
CONSTATE l'intervention volontaire de la SCP G.-D. en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire des époux B. ;
REFORME le jugement rendu le 14 novembre 2006 par le tribunal d'instance de MONTBÉLIARD, en ce qu'il a débouté les époux B. de leur demande en paiement à l'encontre de Laurent M. ;
Statuant à nouveau sur cette demande,
CONDAMNE Laurent M. à payer à la SCP G.-D., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire des époux B., la somme de 4 000 € (quatre mille euros), avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2004 ;
CONFIRME, pour le surplus, le jugement déféré ;
CONDAMNE Laurent M. à payer à la SCP G.-D., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire des époux B., la somme de 1 000 € (mille euros) au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel ;
REJETTE la demande de Laurent M. fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Laurent M. aux dépens d'appel, avec droit pour la SCP LEROUX, avoué, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.