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Décisions

CA Limoges, ch. civ., 25 novembre 2010, n° 09/01272

LIMOGES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

E.U.R.L. L.V. CHEMINÉE

Défendeur :

M. DELAGE, GS/PS

CA Limoges n° 09/01272

24 novembre 2010

FAITS et PROCÉDURE

Mme Marie Delage a acquis un insert auprès de l'entreprise LV Cheminée qui le lui a installé le 20 novembre 2004 dans sa maison d'habitation.

L'appareil ne répondant pas à ses attentes, Mme Delage a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Limoges qui, par ordonnance du 5 octobre 2007, a confié une expertise à M. Mallet, lequel a déposé son rapport le 6 décembre 2007.

Mme Delage a assigné l'entreprise LV Cheminée devant la tribunal de grande instance de Limoges pour obtenir l'annulation de la vente pour vice du consentement et l'indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 13 août 2009, le tribunal de grande instance, accueillant la demande de Mme Delage, a prononcé l'annulation de la vente et alloué à cette dernière 2 000 euros de dommages-intérêts.

L'entreprise LV Cheminée a relevé appel de ce jugement.

MOYENS et PRÉTENTIONS

L'entreprise LV Cheminée conclut au rejet des demandes de Mme Delage en soutenant que la performance de l'insert, qui correspond à un appareil de chauffage d'appoint, n'est pas entrée dans le champ contractuel et que l'installation est conforme aux règles de l'art.

Mme Delage conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf à porter à la somme de 20 000 euros le montant de ses dommages-intérêts. Elle expose que la société LV Cheminée, qui avait préalablement visité son habitation, lui a vendu un insert inadapté à ses besoins alors qu'il avait été convenu qu'il devait pouvoir chauffer toute la maison ; que cette entreprise a manqué à ses obligations de renseignement et de conseil ; que la vente de l'insert est affectée d'une erreur commune sur une qualité substantielle de cet appareil.

MOTIFS

Sur l'annulation du contrat.

Attendu que l'action de Mme Delage est fondée sur l'existence d'une erreur ayant vicié son consentement lors de l'achat de l'insert.

Attendu que cet insert a été acquis par Mme Delage afin de remplacer la cuisinière à bois qui assurait auparavant le chauffage de sa maison d'une surface habitable d'environ 50m2 ; que Mme Delage a, dans un premier temps, consulté, pour la rénovation du chauffage de son habitation, l'entreprise N.S.V.M.C. qui lui a proposé une installation électrique pour un montant de 6 484,66 euros suivant devis du 3 février 2004, installation dont l'expert indique dans son rapport (p.5) qu'elle ne correspond pas à un chauffage d'appoint et qu'elle suffit au chauffage de l'habitation ; que le choix de Mme Delage s'est ensuite porté sur l'insert litigieux qu'elle a finalement acquis et fait installer pour un prix de

2 377,64 euros qui lui a été facturé le 20 novembre 2004.

Attendu que M. Lucien Dupuy atteste que la cuisinière à bois qui équipait le logement chauffait efficacement l'ensemble de celui-ci ; que

Mme Delage, qui entendait remplacer cette cuisinière, est fondée à soutenir qu'elle attendait de l'insert des performances similaires en terme de chauffage, ce dont ses parents attestent ; que M. Van Notten, commercial de l'entreprise LV Cheminée, précise dans son attestation que des gaines de réparation d'air chaud ont été installées afin d'assurer le chauffage de l'étage -ce que confirme les constatations de l'expert judiciaire-, ce qui démontre que l'insert était destiné à chauffer l'ensemble de l'habitation.

Attendu qu'il appartenait à l'entreprise LV Cheminée, en sa qualité de professionnel signataire d'une charte de qualité lui rappelant son obligation d'information, de se renseigner avec exactitude sur les attentes de Mme Delage en terme de performance de l'installation de chauffage envisagée, afin de lui conseiller le produit le plus adapté ; que cette entreprise ne justifie pas avoir satisfait aux exigences de cette obligation d'information ; qu'il résulte tant du rapport d'expertise que des attestations de témoins (M Robert Troubat, M. Jean-Michel Gaté) que l'insert n'assure pas un chauffage suffisant de l'habitation (température intérieure très inférieure à 19°), l'expert ajoutant que cet appareil ne peut constituer un mode de chauffage principal mais seulement complémentaire ; que l'expert judiciaire explique (p.5 et 6 de son rapport) les différences techniques opposant le chauffage d'une cuisinière à bois, qui fonctionne sur le principe du rayonnement, alors que le mode de chauffage de l'insert procède de la convection ; que l'entreprise LV Cheminée ne justifie pas avoir expliqué à Mme Delage ces différences techniques et leurs conséquences en terme de performances des appareils en cause.

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement aux allégations de l'entreprise LV Cheminée, la performance de l'installation de chauffage est bien entrée dans le champ contractuel et qu'elle constituait pour Mme Delage une condition substantielle déterminant son consentement ; que cette dernière a acquis l'insert litigieux sur la croyance erronée que cet appareil pouvait constituer un mode de chauffage principal suffisant pour toute sa maison, en sorte que son consentement à l'achat a été vicié par une erreur et que c'est à juste titre que les premier juges ont prononcé l'annulation du contrat d'entreprise liant les parties et les restitutions réciproques de l'insert vendu et du prix de vente.

Sur la demande de dommages-intérêts de Mme Delage.

Attendu que l'erreur dont a été victime Mme Delage aurait pu être évitée si l'entreprise LV Cheminée s'était renseignée de manière plus précise sur les attentes de sa cliente quant aux performances de l'installation de chauffage envisagée, ce que cette entreprise ne justifie pas avoir fait ; que l'insuffisance de chauffage dans l'habitation de Mme Delage a entraîné des problèmes d'humidité et des dégâts matériels affectant les biens mobiliers et les peintures et papiers peints, désordres qui ont été constatés par l'expert qui chiffre le coût de leur réparation au montant de 7 284,98 euros au vu des devis produits.

Attendu, cependant, qu'il s'avère, au vu des photographies jointes au rapport d'expertise que certains des biens mobiliers dégradés ne sont pas irrémédiablement détruits et qu'ils peuvent être réutilisés après nettoyage  ; qu'il sera alloué à Mme Delage une somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice matériel.

Et attendu que Mme Delage, qui est sujette à des crises d'asthme, a dû vivre pendant plus de cinq ans dans une maison humide car insuffisamment chauffée ; qu'il lui sera alloué une somme de 5 000 euros en réparation de son trouble de jouissance.

Qu'il s'ensuit que l'entreprise LV Cheminée sera condamnée à payer à Mme Delage une somme totale de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Limoges le 13 août 2009, sauf à porter à la somme de 8 000 euros le montant des dommages-intérêts que la société LV Cheminée sera condamnée à payer à Mme Marie Delage ;

CONDAMNE la société LV Cheminée à payer à Mme Marie Delage la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la société LV Cheminée aux dépens et accorde à la SCP Debernard Dauriac, avoué, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.