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Décisions

Cass. crim., 30 janvier 2008, n° 06-85.646

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Paris, du 15 juin 2006

15 juin 2006

Vu les mémoires produits, en demande, en défense, en réplique et en duplique ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 312-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré André X... coupable de tentative d'extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien, en répression l'a condamné à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que référence faite aux énonciations du jugement déféré, il sera simplement rappelé qu'André X..., responsable "audit" au sein de ce groupement, a adressé au mois d'août 2004, aux dirigeants des établissements bancaires membres du conseil du groupement des cartes bancaires des courriers anonymes aux termes desquels, se présentant comme des salariés de sous-traitants, il réclamait le versement forfaitaire d'une somme de trois millions d'euros sous la menace d'activer trois bombes logiques prétendument programmées et dissimulées dans le nouveau réseau informatique sécurisé de gestion des paiements par cartes bancaires mis en place au sein du groupement ; que dans ce courrier, qui faisait suite à un premier envoi, en avril 2004, à la Banque de France et en mai 2004 à la présidence de la République, André X... précisait que les modalités pratiques de versement seraient communiquées ultérieurement par voie de presse par le biais d'une annonce du "Pacs de Gilles et Yves" à paraître dans le quotidien Libération du 30 septembre ; qu'il a été interpellé Ie 13 octobre 2004 ; que dans l'intervalle aucune annonce n'avait été déposée au journal Libération, qu'après vérifications il est apparu qu'aucune bombe logique n'avait été introduite dans le système ; qu'André X..., qui a reconnu être l'auteur de cette demande de versement soutient que l'infraction reprochée n'est pas constituée dans son élément matériel au motif que les menaces d'activer des bombes logiques n'auraient pas été techniquement crédibles, et ne pouvaient donc pas être de nature à déterminer le consentement du groupement ; mais qu'il suffit que celles-ci aient été considérées comme crédibles par la victime, que tel a été bien le cas comme l'a fait valoir le groupement des cartes bancaires qui, compte tenu de l'importance économique du nouveau système de paiement interbancaire par cartes et du caractère interne de la menace ne pouvait que l'estimer sérieuse ; qu'a ainsi été mise en place une cellule de crise et que la totalité du système a été vérifiée ; qu'André X... ne peut pas davantage arguer du fait qu'il ne se serait agi pour lui que d'une construction intellectuelle destinée à s'assurer d'une plus grande sécurisation du système et soutenir que l'exigence financière n'ayant pour but que de rendre la menace crédible, il n'aurait jamais eu l'intention de se faire remettre les fonds ; qu'en effet, comme l'a dit le tribunal, quel que soit son mobile, il ne pouvait qu'avoir conscience d'exiger, par cette menace, des fonds qu'il n'aurait pu obtenir par un accord librement consenti ; qu'il ne peut pas davantage se prévaloir de la non-parution dans le journal Libération de l'annonce devant préciser les modalités de versement, cet élément étant insuffisant à démontrer l'abandon du projet ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'infraction reprochée était constituée dans ses éléments tant matériel qu'intentionnel ; que le jugement sera confirmé sur la déclaration de culpabilité comme sur la peine, qui a été justement appréciée au regard des faits commis ;

"alors que la contrainte, au sens de l'article 312-1 du code pénal, doit être appréciée concrètement compte tenu de la faculté de résistance de la personne sur laquelle elle s'exerce ; qu'en décidant que la menace de déclenchement d'un programme au sein du système informatique sécurisé de gestion des paiements par cartes bancaires était crédible sur la seule foi de l'affirmation du GIE Cartes Bancaires, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette menace était, eu égard aux compétences du personnel du GIE, spécialisé dans la gestion des risques en matière bancaire, effectivement crédible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'André X..., responsable d'audit au sein du GIE Groupement des cartes bancaires, a été identifié comme étant l'auteur de plusieurs courriers anonymes menaçant d'activer trois bombes logiques, prétendument programmées et dissimulées dans le nouveau réseau informatique sécurisé de gestion des paiements par cartes bancaires mis en place au sein du groupement, si une somme de trois millions d'euros n'était pas versée selon des modalités qui seraient communiquées ultérieurement par voie de presse ; que l'enquête a révélé qu'aucune bombe logique n'avait été introduite dans le système et qu'aucune remise de fonds n'avait été effectuée ; qu'André X... a été mis en examen et renvoyé devant le tribunal correctionnel pour tentative d'extorsion de fonds ;

Attendu que, pour confirmer la déclaration de culpabilité d'André X... et répondre à l'argumentation du prévenu selon laquelle la menace n'était pas crédible, l'arrêt énonce, par motifs propres ou adoptés, qu'il suffit que la menace ait été considérée comme crédible par la victim, ce qui a été le cas en l'espèce, les courriers révèlant que ceux-ci venaient de l'intérieur soit du GIE soit des sous-traitants chargés de mettre en place le nouveau système sécurisé, l'importance de l'enjeu économique exigeant de prendre le risque au sérieux au point d'entraîner la mise en place d'une cellule de crise et de procéder à la vérification de l'ensemble du système ; qu'enfin, les juges relèvent que le prévenu a lui-même reconnu que ses menaces étaient destinées à être prises au sérieux et qu'il s'était assuré de leur crédibilité auprès d'un de ses collègues ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'ou il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 312-1 du code pénal, 2, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, 1382 du code civil, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné André X... à verser au GIE Cartes bancaires la somme de 187 476 euros à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs propres que le jugement sera confirmé dans ses dispositions civiles, les premiers juges ayant exactement apprécié le préjudice direct subi par la partie civile du fait des agissements du prévenu ;

"et aux motifs adoptés que, sur le préjudice matériel, les demandes relatives au coût des travaux supplémentaires facturé par les sociétés Thalès et CSSI sont justifiées par les pièces fournies par la partie civile ; qu'il convient donc de faire droit à sa demande à hauteur de 187 475 euros ; qu'il convient également d'allouer à la partie civile la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice moral ;

"1°) alors qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles le prévenu faisait valoir que les travaux supplémentaires de vérifications de logiciels effectuées par le GIE Cartes bancaires étaient inutiles et sans lien avec les menaces décrites dans les courriers d'André X... (conclusions d'appel, pp. 8-9), ce dont il résultait que le préjudice allégué n'était pas la conséquence directe de l'infraction poursuivie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles le prévenu faisait valoir que les travaux réalisés par le GIE Cartes bancaires pour vérifier ses logiciels et assurer la fiabilité du système interbancaire de paiement par carte constituaient une amélioration du système insusceptible de constituer un préjudice indemnisable, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice subi par la partie civile, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, sans insuffisance ou contradiction et dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 3 000 euros la somme qu'André X... devra payer au GIE Cartes bancaires titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;