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Décisions

Cass. crim., 25 juin 2008, n° 07-88.018

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dulin

Aix-En-Provence, du 25 oct. 2007

25 octobre 2007

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 8 août 2003, la société Eurosurgical, ayant pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation de produits médicaux et d'implants chirurgicaux, a porté plainte et s'est constituée partie civile pour abus de confiance, abus de biens sociaux et divulgation d'informations scientifiques en exposant que Patrick A... aurait déposé des brevets en son nom après avoir contrefait certains des produits qu'elle vendait ; que, dans d'autres plaintes, en date des 2 et 22 novembre 2004, suivies le 25 novembre 2004 de réquisitions supplétives, notamment du chef de faux, la plaignante a, entre autres griefs, fait valoir que la demande d'enregistrement de l'un de ces brevets au profit de Patrick A... était accompagnée d'un pouvoir, daté du 23 août 2001, susceptible de comporter la signature contrefaite d'un salarié de la société ;

En cet état ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 8, 85, 86, 575, alinéa 2, 1°, 3° et 6°, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu entreprise, en déclarant le délit de faux prescrit et l'usage de faux non établi ;

"aux motifs que Jean-Yves B... a attesté et confirmé devant le juge d'instruction qu'il n'était pas le signataire, en qualité de coinventeur, des pouvoirs donnés à avocat le 23 août 2001, annexés à la demande d'enregistrement de brevet déposée le 4 septembre 2001, au nom d'Orthotec LLC, par Williams F. C... ; que Patrick A... n'a pu fournir d'explication sur cette signature a priori contrefaite, tout en précisant que les demandes d'enregistrement de brevet de la société Orthotec étaient déposées par un avocat ; que le délit de faux est prescrit ; que la société Eurosurgical soutient avoir découvert l'existence de ce faux durant l'instruction sans autre précision ; qu'il est vain de rechercher la date du dernier usage de ce document et d'en déterminer l'auteur alors que, à supposer la fausseté confirmée et l'usage non prescrit, aucun élément du dossier ne permet de supposer que cet usage ait été fait en connaissance de cause ; que, de surcroît, cette demande d'enregistrement de brevet, portant sur un système d'assemblage de plaque vertébrale, "spinal assembly plate", il n'est pas établi que le produit concerné ne figure pas au nombre de ceux ou de leurs extensions dont l'exploitation a été concédée par la société Eurosurgical à la société Orthotec ;

"1°) alors que l'arrêt, qui constatait, par ailleurs, le lien de connexité existant entre les différentes infractions dénoncées par la société Eurosurgical, dans ses différentes plaintes, ne pouvait déclarer le délit de faux prescrit, lors même que dans leur première plainte, en date du 8 août 2003, suivie de l'ouverture d'une information judiciaire contre X, le 24 novembre suivant, les parties civiles dénonçaient un ensemble de faits relatifs à l'enregistrement litigieux de brevets, appartenant à la société Eurosurgical, par la société Orthotec LLC et par Patrick A..., mettant ainsi l'action publique en mouvement et interrompant la prescription à l'égard de toutes les infractions, même non expressément visées dans la plainte, qui ont été commises à l'occasion de cette opération ; qu'ainsi, le délit de faux commis à l'occasion de l'enregistrement frauduleux des brevets ne pouvait être prescrit, la plainte avec constitution de partie civile de la société Eurosurgical, en date du 8 août 2003, qui a été suivie d'un réquisitoire introductif, ayant valablement interrompu le délai de prescription des faits de faux et usage de faux relatifs à l'opération concernée ;

"2°) alors que les juridictions d'instruction qui ont le devoir d'instruire sur la plainte avec constitution de partie civile dont elles sont saisies, ne peuvent par le seul examen abstrait de l'inculpation visée par le plaignant, statuer sur un élément de pur fait sans l'avoir vérifié par une information préalable ; qu'ainsi, en déclarant vain de rechercher la date du dernier usage du document argué de faux et d'en déterminer l'auteur parce que les faits seraient insuffisamment établis, sans avoir procédé à aucun acte d'information sur ces faits, la chambre de l'instruction n'a pu justifier sa décision de non-lieu, au regard des textes susvisés" ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, qui avait retenu que la preuve n'était pas rapportée que Patrick A... ait été l'auteur du faux du 23 août 2001, l'arrêt, après avoir constaté que celui-ci "affirmait qu'il n'avait jamais imité la signature" a priori contrefaite et n'avait pu fournir d'explication à ce sujet, relève que le délit est prescrit ;

Attendu que, si c'est à tort que la chambre de l'instruction constate l'extinction de l'action publique par la prescription, celle-ci ayant été interrompue le 8 août 2003 en raison de la connexité entre les faits visés par la première plainte avec constitution de partie civile et ceux susceptibles de caractériser un faux, l'arrêt n'encourt toutefois pas la censure dès lors qu'il résulte de ses énonciations et de celles de l'ordonnance qu'il confirme qu'il n'a pas été possible d'identifier l'auteur de ce faux ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 575, alinéa 2, 6°, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu entreprise ;

"aux motifs que l'information n'a pas permis d'établir que la société Orthotec aurait fait fabriquer en France, par le CRT, en violation des stipulations du contrat de cession du 19 septembre 1998, le produit Zénith, en particulier, et d'une manière plus générale des produits dont l'exploitation ne lui avait pas été expressément concédée, les déclarations du dirigeant de la CRT et les bordereaux de commandes et factures versés au dossier ne permettant pas d'identifier les matériels fabriqués ;

"alors que la chambre de l'instruction n'a pas répondu au chef péremptoire du mémoire de Me Z... faisant valoir que, comme l'admettait le juge d'instruction dans son ordonnance de non-lieu, il était établi, notamment par les constatations effectuées par l'officier de police judiciaire ayant enquêté sur commission rogatoire du juge d'instruction de Grasse que les produits dont Orthotec a commandé la fabrication à CRT sont ceux déposés et brevetés par Eurosurgical ; qu'en se bornant, ainsi, à indiquer que les déclarations du dirigeant de la CRT et les bordereaux de commandes et factures ne permettent pas d'identifier les matériels fabriqués, sans s'expliquer sur les conclusions de l'enquête effectuée sur commission rogatoire qui établissaient que les produits dont s'agit correspondaient bien à ceux déposés et brevetés par Eurosurgical, la chambre de l'instruction a rendu une décision qui ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 du code pénal, 575, alinéa 2, 6°, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu entreprise ;

"aux motifs que, s'agissant des faits constitutifs d'abus de confiance, tels que dénoncés par la société Eurosurgical, l'information n'a pas permis d'établir que Patrick A... ait détourné, en enregistrant à son nom personnel, aux Etats-Unis, des droits qui avaient été concédés par la société Eurosurgical à la société Orthotec, étant observé, d'une part, que les enregistrements litigieux ont été faits à titre transitoire et, d'autre part, que le contrat de cession prévoyait pour la société Orthotec la faculté d'autoriser des tiers à utiliser les marques et de leur en donner sous licence ; qu'il n'a pas non plus été établi que, pendant cette période transitoire, c'est-à-dire avant que les droits n'aient été enregistrés au nom d'Orthotec, Patrick A... les ait détournés à des fins personnelles non contractuellement prévues ; qu'il ne résulte pas de l'information que Patrick A... ait illicitement usé des informations scientifiques dont il disposait à la suite de sa collaboration avec la société Eurosurgical ou en vertu des contrats de cession et de partenariat passés entre celle-ci et la société Orthotec ;

"alors que, sous un chef péremptoire de leur mémoire, les parties civiles faisaient valoir que, lorsque Patrick A... a enregistré en son nom personnel les brevets litigieux, les droits appartenaient toujours à la société Eurosurgical ; que cette société n'a d'ailleurs jamais contracté avec Patrick A..., personnellement, mais avec la société Orthotec et qu'en toute hypothèse, la société Orthotec n'avait pas reçu autorisation d'enregistrer les marques, mais seulement de les utiliser ; qu'en ne répondant pas à ce moyen susceptible d'avoir une incidence sur la solution du litige, puisqu'il démontrait que Patrick A... avait délibérément détourné, dans son intérêt personnel, des marques qui ne pouvaient pas même être enregistrées par la société Orthotec ni, a fortiori, par des tiers, l'arrêt attaqué ne peut satisfaire, en la forme aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 575, alinéa 2, 6°, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu entreprise ;

"aux motifs que les faits constitutifs, selon les plaignants, de menaces et tentatives d'extorsion résultent de courriers adressés les 14, 16 septembre 2001, 11 octobre 2004 et 15 octobre 2004 par les avocats de Patrick A... et de la société Orthotec sous la signature de Patrick A... à l'avocat de la société Eurosurgical et à ses administrateurs Guy X... et Mathieu Y... pour les mettre en demeure de renoncer aux poursuites qu'ils ont engagées à Paris et Grasse sous peine de faire, à leur tour, l'objet de poursuites pénales à Los Angeles en raison des obstacles mis à l'exécution des décisions de la Superior Court Of Los Angeles et de leur remettre, en exécution du jugement du 27 août 2004, les documentations, plans et descriptifs des produits concédés, notamment les produits Claris, Oria Claris et Oria Zenith, sous peine de "contempt or court" ; qu'en signifiant à la société Eurosurgical et à ses dirigeants qu'ils entendaient user de voies de droit légalement admissibles en Californie pour faire respecter ou obtenir l'exécution du jugement rendu par le Superior Court de Los Angeles, Patrick A..., la société Orthotec et leurs avocats n'ont pas commis les menaces, intimidations ou entrave à la justice réprimées par les articles 434-5 et 434-8 du code pénal ni la tentative d'extorsion prévue et réprimée par les articles 312-1 et 312-9 du code pénal ; que, par courriers du 11 octobre 2004, la société Orthotec transmettait à Olivier Carli et Graig Corrance, présidents de Scient'X France et Scient'X USA, une copie du contrat de cession du 16 septembre 1998 et du jugement du 27 août 2004 pour les informer des implications juridiques que pourrait entraîner aux Etats-Unis la commercialisation des produits cédés par la société Eurosurgical à la société Orthotec, "cette dernière étant bien décidée à protéger ses droits de propriété et engager toute action à l'encontre de toute violation de ses droits dans toute l'étendue de ce qui est permis par la loi" ; qu'un tel avertissement, accompagné des copies des contrats et jugement précités, ne saurait revêtir une quelconque qualification pénale ;

"alors que, sous un chef péremptoire de leur mémoire, les parties civiles faisaient valoir que Patrick A... n'indiquait pas qu'il entendait exercer une voie de droit, mais cherchait à influencer le comportement des dirigeants de la société Eurosurgical et à obtenir d'eux qu'ils renoncent à exercer une action en justice, en les sommant de "retirer immédiatement toutes ces poursuites engagées", au plus tard le mardi 15 septembre 2004 à 17 heures, suivi du "retrait immédiat de ces fausses plaintes", sous peine de poursuites pénales à Los Angeles (Californie) ; que la chambre de l'instruction n'a pas recherché, comme elle y était spécialement invitée, si le but poursuivi par Patrick A... et ses avocats n'était pas de déterminer les parties civiles à se rétracter de leur plainte en usant d'un procédé d'intimidation ou d'une menace de procès plutôt que de se borner à les aviser qu'ils entendaient user des voies de droit légalement admissibles, sans condition de retrait de plaintes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre de l'Instruction a, de ce chef, rendu un arrêt qui ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 575, alinéa 2, 6°, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu entreprise ;

"aux motifs qu'il n'a pas été établi que Patrick A... et la société Orthotec se soient frauduleusement prévalus du jugement rendu le 27 août 2004 par la Cour supérieure de l'Etat de Californie pour le comté de Los Angeles afin de s'approprier des produits de la société Eurosurgical qui n'auraient pas été visés dans le contrat de cession du 16 septembre 1998 ; que les éventuelles difficultés d'exécution de cette décision et l'interprétation de sa portée relève des juridictions civiles ou commerciales compétentes auxquelles la chambre de l'instruction ne saurait se substituer ;

"alors que les parties civiles faisaient état de manoeuvres de la société Orthotec LLC et de Patrick A... pour s'approprier les droits sur les produits brevetés d'une société française en se prévalant d'un jugement américain ne concernant pas lesdits produits ; qu'en effet, seuls les produits commercialisés sous les marques "SCS, Claris et Cerfix" avaient fait l'objet d'un contrat avec la société Eurosurgical ; que, cependant, Patrick A... a obtenu de l'administration américaine l'enregistrement d'autres marques en se prévalant du jugement du 27 août 2004 du tribunal de Los Angeles, qui n'a fait aucune référence à ces autres marques ; qu'en se bornant à faire allusion à d'éventuelles difficultés d'exécution de cette décision, sans s'expliquer sur les manoeuvres alléguées consistant à se prévaloir du bénéfice et de l'autorité d'une décision de justice pour obtenir des droits sur des produits qui n'étaient pas du tout l'objet de la décision dont s'agit, la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision" ;

Sur le moyen additionnel de cassation, pris de la violation des articles 85, 86, 575, alinéa 2, 5° et 6°, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de non-lieu entreprise ;

"alors que, les juridictions d'instruction, saisies "in rem", devaient rechercher si les faits dénoncés par la société Eurosurgical ayant abouti à la totale dépossession, sur le marché américain, des droits et brevets dont cette société était titulaire, que Patrick A... et la société Orthotec se sont appropriés contre son gré, en trompant les tiers sur la portée réelle d'un jugement américain du 27 août 2004, qui ne concernait pas tous les produits fabriqués et brevetés par Eurosurgical, mais seulement ceux couverts par un contrat signé le 16 septembre 1998 entre Eurosurgical et Orthotec, objet du litige, ne constituaient pas un délit punissable ; qu'en se bornant à envisager abstraitement l'inculpation sans avoir vérifié les faits allégués, en se refusant notamment à apprécier en fait, la portée du jugement de la Cour suprême de l'Etat de Californie et en s'abstenant de donner toutes les précisions qui auraient permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, la chambre de l'instruction n'a pu justifier légalement sa décision qui ne satisfait donc pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des autres faits dénoncés dans les plaintes et répondu aux articulations essentielles des mémoires produits par les parties civiles appelantes, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis les délits reprochés ;

Que les demandeurs se bornent à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du code de procédure pénale autorise les parties civiles à formuler à l'appui de leur pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;

Que, dès lors, les moyens sont irrecevables ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;