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Décisions

Cass. crim., 8 janvier 1992, n° 90-86.553

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Cayenne, du 02 oct. 1990

2 octobre 1990

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

I-Sur la recevabilité du pourvoi :

Attendu s'il est vrai que l'acte de pourvoi, reprenant en cela l'intitulé incomplet de l'arrêt attaqué, mentionne que ce recours a été formé par " Jean X..., partie civile ", il résulte cependant, tant des pièces de la procédure que des mentions dudit arrêt, que le demandeur a agi en qualité de représentant de la SARL X...dont il est le gérant ; que, dans ces conditions, le pourvoi doit être déclaré recevable ;

II-Sur le fond :

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 379 et 460 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, prescrite pour le compte du demandeur :

" il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir relaxé les salariés de la société X...-Guyane des chefs de vol et de recel ;

" aux motifs que si l'élément matériel de la soustraction de matériaux existe, un doute subsiste sur leur intention réelle, donc sur l'existence de l'élément moral ;

" alors qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que les salariés avaient eu l'intention de garder les matériaux qu'ils savaient ne pas leur appartenir et le prix de leur revente pour se payer, eux-mêmes, une rémunération salariale, en ne reversant qu'un éventuel solde à leur employeur, ce qu'ils n'ont d'ailleurs pas fait ; que ces constatations, qui révèlent la parfaite connaissance des salariés de l'absence de tout droit sur les matériaux et de leur intention de se les approprier ou de s'en approprier le prix, démontrent l'existence de l'élément moral des infractions de vol et de recel, le mobile, qui ne doit pas être confondu avec l'élément moral, n'ayant pas à être pris en considération ; que l'ensemble des éléments constitutifs des infractions était réuni et que la relaxe ne pouvait être prononcée " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que le délit de vol est constitué, quel que soit le mobile qui a inspiré son auteur, dès lors que la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui est constatée ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que les prévenus, ouvriers à l'établissement dirigé par la partie civile, avaient décidé, après une grève de 2 mois, de reprendre leur travail afin de s'assurer une rémunération dont ils étaient privés ; qu'ils avaient, d'un commun accord, procédé au sciage de grumes et à la vente des bois travaillés puis, après avoir encaissé la somme provenant de ces ventes, s'en étaient réparti le montant, ce qui dans leur esprit représentait une rémunération de nature salariale ;

Attendu que, pour entrer en voie de relaxe, les juges du second degré énoncent qu'il ressort du dossier et des débats qu'en décidant de procéder à ces ventes, les ouvriers avaient eu l'intention de reverser à leur employeur, en cas de surplus après paiement de leur rétribution, les sommes restant disponibles ; qu'ils estiment, en conséquence, qu'un doute subsiste sur l'élément moral du délit de vol et corrélativement sur celui de recel ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la soustraction frauduleuse est caractérisée par l'appropriation de la chose d'autrui contre le gré de son propriétaire ou légitime détenteur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Qu'ainsi la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le moyen de cassation relevé d'office pris de la violation de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Vu ledit article ;

Attendu qu'aux termes de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, lorsqu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la partie civile les sommes exposées par elle et non comprises dans les frais et dépens, le juge peut condamner l'auteur de l'infraction à lui payer le montant qu'il détermine ;

Attendu qu'après avoir, par l'arrêt attaqué, renvoyé les prévenus des fins de la poursuite, la cour d'appel a condamné la SARL Jean X..., ès qualités, à leur payer à chacun la somme de 200 francs au titre de l'article 475-1 susvisé ;

Mais attendu qu'en condamnant la partie civile au paiement de ces sommes aux prévenus, la cour d'appel a faussement appliqué les dispositions ci-dessus rappelées ;

D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions concernant l'action civile et la condamnation de la partie civile sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Fort-de-France, siégeant à Cayenne, en date du 2 octobre 1990, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Fort-de-France, siégeant à Cayenne, autrement composée.