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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 19 septembre 2013, n° 13/01535

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

NDRP Conseil (Sté)

Défendeur :

Legras de Grandcourt (ès qual.), ARL NDRP Conseil (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Besse

Conseillers :

Mme Beauvois, Mme Vaissette

Avocats :

Me Picard, Me Collard, Me Minault, Me Quenault

T. com. Nanterre, du 30 janv. 2013, n° …

30 janvier 2013

Sur déclaration de cessation des paiements du 9 septembre 2009, par jugement en date du 17 septembre 2009, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NDRP conseil et nommé Maître Patrick Legras de Grandcourt en qualité de liquidateur, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 18 mars 2008.

Madame Nathalie d'Amico était gérante de la société NDRP conseil.

Par assignation du 1er octobre 2012, Maître de Grandcourt a saisi le tribunal de commerce de Nanterre et demandé l'annulation, sur le fondement de l'article L. 632-1 du code de commerce des retraits d'espèces effectués par Madame d'Amico en période suspecte pour un montant de 31.790 €, sur le fondement de l'article L. 632-2 du code de commerce, des virements bancaires effectués entre le 18 mars 2008 et le 31 août 2009 réalisés à son profit pour un montant de 20.500 €, sur le fondement de l'article L. 632-3 du code de commerce des chèques émis entre le 18 mars 2008 et le 31 août 2009 à son bénéfice pour un montant de 100.000€.

Par jugement en date du 30 janvier 2013, le tribunal a fait droit aux demandes de Me Legras de Grandcourt et condamné en conséquence Madame Nathalie d'Amico à lui payer ès qualités la somme de 152.290 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2009, outre une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rappelant que l'exécution provisoire était de droit.

Mme d'Amico a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 3 avril 2013, Mme d'Amico demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

- débouter Me Legras de Grandcourt ès qualités de toutes ses demandes,

- dire que la rémunération qui lui a été versée au titre de son activité au sein de la société n'est pas excessive eu égard au chiffre d'affaires réalisé,

A défaut ;

- dire que l'état de cessation des paiements n'est caractérisé qu'au 31 mai 2009,

- dire que la rémunération de 22.886,13 euros versée au titre des derniers mois d'activité de mai, juin, et juillet 2009, soit une rémunération moyenne mensuelle de 7.628,71 euros, n'est pas excessive eu égard au chiffre d'affaires encaissé sur cette période ;

- dire qu'en tant que dirigeante de la société et ayant une famille à charge, elle avait droit à une rémunération,

- dire que la rémunération versée du 18 mars 2008 au 3 août 2009 n'apparaît pas disproportionnée eu égard à la nature des fonctions exercées et au chiffre d'affaires développé ;

- dire que le montant de la condamnation de 152.290 euros prononcé en première instance ne correspond ni aux demandes figurant dans le par ces motifs de l'acte introductif d'instance ou les conclusions récapitulatives,

- dire que l'importance du passif à apurer est moindre du fait qu'elle a procédé au licenciement économique de son époux, associé égalitaire, le 24 juin 2009, n'a pas procédé à la déclaration de créances de la somme de 6.723,15 euros au titre du compte courant d'associé, a été condamnée en sa qualité de caution, au paiement de la somme de 7.622,45 euros en principal, en remboursement partiel du solde débiteur du compte courant de la société liquidée auprès de Fortis ;

- condamner Me Legras de Grandcourt ès qualités ès qualités à payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme d'Amico soutient en substance à l'appui de son appel que :

- le tribunal a fait une mauvaise appréciation des faits de l'espèce et n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations en lui déniant tout droit à rémunération adéquate par rapport à sa fonction, au chiffre d'affaires, au nombre de salariés et en lui déniant en réalité tout droit à rémunération,

- le tribunal l'a condamnée à payer la somme de 152.290 € alors que le mandataire judiciaire ne demandait l'annulation que de trois montants qui additionnés ne peuvent pas donner ce total,

- le jugement de liquidation judiciaire du 17 septembre 2009 a seulement fixé provisoirement au 18 mars 2008 la cessation des paiements et le tribunal ne pouvait pas ne pas se prononcer sur la date de cessation des paiements définitive avant de statuer sur la nullité des opérations accomplies en période suspecte,

- l'état de cessation des paiements n'est caractérisé qu'au 31 mai 2009 lorsque la société NDRP conseil a été dans l'incapacité de verser au trésor public la mensualité prévue dans le moratoire négocié et mis en place en juin 2008,

- le mandataire judiciaire a utilisé cette procédure pour échapper à la prescription de l'action des actions ouvertes pour engager la responsabilité du dirigeant et les faire sanctionner, il s'agit d'un détournement de procédure,

- s'agissant de dettes échues, la nullité encourue est relative et la cour dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation ;

Sur les sommes visées

- la somme de 152.290 € correspond pour 86.780 € à sa rémunération comme gérante associée versée du 18 mars 2008 au 31 décembre 2008, pour 57.487,13 € à sa rémunération du 1er janvier au 3 août 2009, pour 8.000 € à des indemnités kilométriques, outre 22,87 € non justifiés comptablement en 2008,

- l'état de cessation des paiements n'étant caractérisé qu'au 31 mai 2009, la rémunération versée à Mme d'Amico sur la période du 1er juin au 17 septembre 2009 ne s'élève qu'à 22.886,13 € ce qui constitue une rémunération moyenne de 5.721,53 €,

Sur les circonstances de fait de nature à ne pas remettre en cause le bien fondé des paiements

- le passif échu définitif de la société NDRP conseil s'élève à 116.572,89 euros, l'importance du passif à apurer est moindre du fait qu'elle a procédé au licenciement économique de son époux, associé égalitaire, le 24 juin 2009, n'a pas procédé à la déclaration de créances de la somme de 6.723,15 euros au titre du compte courant d'associé et a été condamnée en sa qualité de caution, au paiement de la somme de 7.622,45 euros en principal, en remboursement partiel du solde débiteur du compte courant de la société,

- la somme de 152.290 euros dont l'annulation est sollicitée est constituée essentiellement de sa rémunération laquelle a été décroissante, les sommes à caractère de salaires ont été régulièrement déclarées et soumises à imposition sur le revenu, elle était l'animatrice de la société et source essentielle du chiffre d'affaires développé, sa rémunération a été autorisée par les assemblées générales ordinaires en date des 19 décembre 2008 et 16 juin 2009 ;

- aucune rémunération ne lui a été versée entre le 4 août et le 19 septembre 2009, la rémunération de 22.886,13 euros versée au titre des derniers mois d'activité de mai, juin, et juillet 2009, n'est pas excessive eu égard au chiffre d'affaires réalisé sur cette période.

Par dernières conclusions signifiées le 6 mai 2013 comportant rectification d'erreur matérielle et aux fins de confirmation comportant demande additionnelle, Me Legras de Grandcourt ès qualités demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme d'Amico à lui payer la somme de 152.290 € outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement en ce qu'il a annulé les retraits d'espèces effectués par Mme d'Amico pendant la période suspecte pour un montant de 14.010 € au lieu de 31.790 €, débouter Mme d'Amico de toutes ses demandes et la condamner à lui payer ès qualités la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Me Legras de Grandcourt ès qualités fait valoir essentiellement en réponse que :

- Mme d'Amico est irrecevable dans le cadre d'une procédure en nullité de période suspecte à contester la date de cessation des paiements telle que fixée provisoirement dans le jugement d'ouverture et c'est donc en vain qu'elle tente de contester que la société NRDP conseil se soit trouvée en état de cessation des paiements au 18 mars 2008, sa demande tendant au report de celle-ci au 31 mai 2009 est irrecevable,

- il était libre d'introduire cumulativement ou alternativement une action en comblement de passif ou en nullité de période suspecte, la procédure engagée permet de désintéresser l'intégralité des créanciers,

Sur la nullité des retraits d'espèces

- ceux-ci se sont élevés à 31.790 € (17.780 € en 2008 et 14.010 € en 2009), c'est à la suite d'une simple erreur de plume que dans le dispositif de ses écritures il a indiqué 14.010 € au lieu de 31.790 € et le jugement sera rectifié sur ce point,

- compte tenu du mode de versement qui ne correspond pas à une pratique usuelle et au caractère irrégulier de ces prélèvements, la cause avancée par Mme d'Amico selon laquelle ces retraits correspondraient au versement de sa rémunération ne saurait convaincre la cour,

- ces retraits seront annulés sur le fondement de l'article L. 632-1, subsidiairement sur le fondement de l'article L. 632-2 à considérer ces opérations relatives au versement de la rémunération de la dirigeante ;

Sur les virements (20.500 €) et les chèques (100.000 €) dont Mme d'Amico a été bénéficiaire

- les virements effectués au profit de Mme d'Amico encourent la nullité sur le fondement de l'article L. 632-2 dès lors que la gérante qui détenait la moitié du capital social et qui établissait les comptes et les approuvait, avait parfaitement connaissance de l'état de cessation des paiements de la société,

- le liquidateur est fondé à exercer l'action en rapport contre Mme d'Amico bénéficiaire des chèques sur le fondement de l'article L. 632-3 dès lors qu'il est établi qu'elle avait connaissance de la date de cessation des paiements,

- l'intégralité des opérations a été enregistrée en comptabilité comme salaires de Mme d'Amico et portés au compte 641 alors que la société n'était plus en mesure d'honorer son passif exigible,

- Mme d'Amico a, ainsi en cours de période suspecte bénéficié de très nombreux versements dans un intérêt personnel, alors que le compte bancaire de la société était débiteur et la TVA, les cotisations sociales et les salaires n'étaient pas payés, pour un montant proche du chiffre d'affaires de la société NDRP conseil et supérieur au passif déclaré à la procédure,

- la rémunération de Mme d'Amico était manifestement excessive et cette dernière n'a pas diminué sa rémunération en rapport de la baisse du chiffre d'affaires divisé par deux entre 2007 et 2009, elle ne peut se prévaloir des procès-verbaux d'assemblée générale autorisant sa rémunération alors que la société était détenue par elle et son époux,

- Mme d'Amico est mal fondée à se prévaloir d'une prétendue réduction du passif.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

DISCUSSION :

La date de cessation des paiements a été provisoirement fixée au 18 mars 2008 par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire en date du 17 septembre 2009.

La société NDRP conseil n'a pas interjeté appel de ce jugement et Mme d'Amico n'a pas formé tierce opposition pour contester la date de cessation des paiements ainsi fixée. La date de cessation des paiements fixée même provisoirement par le jugement d'ouverture qui a été publié au Bodacc et qui n'a pas fait l'objet d'une décision de report ultérieure s'impose à tous et ne peut plus être contestée par Mme d'Amico à l'occasion de la présente instance en nullité d'actes en période suspecte.

Le liquidateur qui peut exercer tant l'action en contribution à l'insuffisance d'actif que les actions en nullité et en rapport prévues par les articles L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-3 du code de commerce est libre de les exercer alternativement ou cumulativement à l'encontre d'un dirigeant de droit dès lors que les conditions en sont remplies et ne peut se voir reprocher ce choix par Mme d'Amico et aucun détournement de procédure ne peut être reproché à Me Legras de Grandcourt ès qualités du fait du choix opéré.

Me Legras de Grandcourt sollicite la nullité des opérations intervenues postérieurement au 18 mars 2008 :

- des retraits d'espèces effectués à hauteur de 31.790 €, soit 17.780 € en 2008 et 14.010 € en 2009, sur le fondement de l'article L. 632-1 du code de commerce, subsidiairement sur celui de l'article L. 632-2,

- des virements à hauteur de 20.500 €, sur le fondement de l'article L. 632-2,

et exerce l'action en rapport contre Mme d'Amico bénéficiaire de chèques à hauteur de 100.000 € sur le fondement de l'article L. 632-3.

Ces actions tendent à la reconstitution de l'actif de la société NDRP conseil.

Il n'est pas discuté que le passif de la société déclaré entre les mains du liquidateur s'élève à la somme de 116.572,89 €.

Sur les retraits d'espèces

Il résulte en effet du grand livre et des relevés de compte bancaire de la société NDRP conseil que de très nombreux retraits d'espèces ont été opérés au bénéfice de Mme d'Amico, sur le compte ouvert au nom de la société et avec un moyen de paiement (carte bancaire) de la société, entre le 18 mars 2008 et le 27 juillet 2009, d'un montant variable, fréquemment à raison de plusieurs fois par semaine, parfois même plusieurs fois dans la même journée, pour exemples, huit retraits le 31 juillet 2008 pour un total de 2.200 €, cinq retraits le 11 mai 2009 pour un total de 1.500 €, huit retraits le 17 juillet 2009 pour un total de 2.130 €.

En vertu de l'article L. 632-1 du code de commerce sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ou tout paiement, quel qu'en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement.

A l'appui de son appel et pour s'opposer à la nullité prononcée par le tribunal, Mme d'Amico soutient que ces retraits correspondraient au paiement de sa rémunération.

Le circonstance que ces retraits d'espèces ont été portés en comptabilité au débit du compte 641 comme des salaires du gérant en 2008 et 2009 n'est pas suffisante à justifier que ces montants correspondent effectivement au paiement de rémunérations et qu'il s'agirait donc comme le prétend Mme d'Amico du paiement de dettes échues de la société.

A cet égard, il doit être relevé que le paiement du salaire est soumis à des règles de périodicité et de mode de paiement, excluant en principe le paiement en espèces, sauf pour certains emplois qui ne concernent pas la situation de Mme d'Amico, gérante salariée, ou certaines rémunérations très largement inférieures à celles perçues par l'intéressée, et les retraits en espèces effectués, qui ne respectent pas ces exigences, ne peuvent pas correspondre au paiement du salaire de Mme d'Amico.

Pour que, comme le prétend Mme d'Amico, les sommes ainsi retirées en espèces avec une carte bancaire dans des distributeurs automatiques de billets correspondent à des éléments de sa rémunération et à ce titre soient susceptibles de s'analyser en paiement de dettes de la société, encore faudrait-il que Mme d'Amico établisse qu'ils figurent sur ses bulletins de salaire mensuels et qu'ils aient été déclarés en tant que tels pour le calcul des cotisations sociales, ce qu'elle ne fait pas.

En outre, le tableau de ces retraits d'espèces prouve que ceux-ci étaient opérés à la simple discrétion de Mme d'Amico, non en considération et en relation avec l'exercice de son activité de gérante mais plutôt en fonction de ses charges personnelles et familiales.

Mme d'Amico ne prétend pas que ces retraits seraient relatifs à des frais professionnels exposés pour son activité et en tout cas ne justifie pas par les pièces produites de la réalité de frais engagés pour ces montants, notamment au titre de déplacements ouvrant droit le cas échéant à des indemnités kilométriques.

En définitive, il n'est pas établi que ces retraits d'espèces correspondent au paiement d'une dette échue de la société envers la gérante au titre de sa rémunération et faute de prouver même que ces retraits trouveraient leur cause dans une dette de la société envers Mme d'Amico, ceux-ci doivent être considérés comme des actes à titre gratuit transmettant à Mme d'Amico une partie du patrimoine mobilier de la société, appauvrissant la société débitrice sans contrepartie, intervenus en période suspecte, qui seront en conséquence annulés sur le fondement de l'article L. 632-1 du code de commerce.

La ratification par l'assemblée générale ordinaire annuelle du 19 décembre 2008 et par celle du 16 juin 2009 du montant de la rémunération du gérant pour les années 2008 et 2009, adoptée par les deux associés à parts égales de la société, à savoir Mme d'Amico bénéficiaire de ces retraits d'espèces litigieux et son époux, ne saurait faire échapper ces actes aux prévisions de l'article L. 632-1.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a décidé d'annuler les retraits d'espèces sauf à rectifier l'erreur matérielle relevée affectant le montant de ces retraits s'élevant à une somme de 31.790 € et non 14.010 € seulement, le total de la condamnation prononcée au dispositif du jugement démontrant que le tribunal a bien au moins implicitement pris en compte la somme de 31.790 €.

Sur les chèques et les virements

Il résulte du grand livre et des relevés de compte bancaire de la société NDRP conseil que pendant la période suspecte ont été effectués des virements du compte bancaire de la société au profit de Mme d'Amico pour un montant de 20.500 € et que cette dernière a été bénéficiaire de chèques pour un montant de 100.000 €.

Au regard des articles L. 632-2 et L. 632-3 du code de commerce, les motifs de l'émission de ces virements ou de ces chèques sont sans emport sur l'application de ces dispositions et l'argumentation de Mme d'Amico selon laquelle ces sommes correspondraient à ces rémunérations ne fait pas obstacle à l'application des textes précités.

Il suffit qu'il soit établi que ces actes ont été effectués à son profit alors qu'elle avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société.

Or, Mme d'Amico qui était gérante et associée porteuse de la moitié des parts de la société, était donc informée du chiffre d'affaires réalisé, des dettes de l'entreprise. Elle établissait les comptes annuels et selon ses propres écritures, elle était l'animatrice de la société et source essentielle du chiffre d'affaires développé. Elle était, en conséquence la mieux à même d'apprécier la situation économique et financière de la société.

Il est ainsi établi que Mme d'Amico savait que la société avait perdu dès 2007 une collaboration lui rapportant un chiffre d'affaires de 3.000 € HT par mois, qu'en avril 2008, lors de de la finalisation des comptes 2007 avec le cabinet d'expertise comptable de la société, Mme d'Amico a eu connaissance des dettes envers le trésor public qui avaient fait l'objet d'inscription de privilèges, qu'en juillet 2008, elle a été informée de la perte d'un autre contrat représentant un chiffre d'affaires de 5.000 € HT par mois.

Mme d'Amico a d'ailleurs reconnu dans son courrier du 27 novembre 2009 adressé à Me Legras de Grandcourt ès qualités que c'est à partir de juillet 2008 qu'elle avait eu conscience des difficultés qui avaient commencé, que les événements s'étaient enchaînés liés à la crise, et que la société avait perdu des clients sans avoir la possibilité de les remplacer, et selon son expression « ce fut la douche froide en vingt ans de métier ».

En dépit de la négociation d'un moratoire en juin 2008 avec le trésor public qui a pu lui laisser espérer au cours du 2ème trimestre 2008 la possibilité de poursuivre l'activité sans aggraver la situation de la société, il est ainsi démontré, au vu de l'ensemble des éléments dont elle disposait sur la situation financière de la société et en considération de la cessation unilatérale et brutale de la collaboration avec NRJ qui a représenté la perte de 30 % de son chiffre d'affaires, que Mme d'Amico gérante et associée a eu une connaissance claire de l'état de cessation des paiements de la société au 31 juillet 2008.

Ce sont donc les virements effectués en faveur de Mme d'Amico à compter du 31 juillet 2008 et les paiements par chèque dont Mme d'Amico a été bénéficiaire à compter de cette même date que la cour peut annuler ou rapporter pour l'application des articles L. 632-2 et L. 632-3, soit pour des montants respectifs de 12.500 € et 84.000 €.

La cour dispose d'un pouvoir d'appréciation tant sur l'annulation des virements que sur l'action en rapport des chèques dont Mme d'Amico a bénéficié.

Il est établi que ces opérations ont grevé de façon importante le patrimoine de la société NDRP conseil puisque leur montant cumulé est inférieur de peu au montant du passif déclaré, supérieur si l'on y ajoute les retraits d'espèces qui sont annulés.

Mme d'Amico demande à la cour de faire usage de son pouvoir d'appréciation et de ne pas annuler ces opérations en faisant valoir que la cour ne peut la priver de toute rémunération et que la rémunération qui lui a été versée n'était pas excessive.

Il apparaît au contraire que la rémunération nette de 126.310 € annuels sur l'année 2008 revendiquée par Mme d'Amico (soit plus de 10.000 € mensuels) - à peine inférieure à celle de 2007 s'élevant à 132.874 € - à laquelle s'ajoutent les cotisations sociales afférentes pour 62.775 €, qu'elle a proposée à la ratification de l'assemblée générale ordinaire du 19 décembre 2008, représentant la moitié du chiffre d'affaires annuel réalisé alors que Mme d'Amico avait connaissance à tout le moins à compter de fin juillet de l'état de cessation des paiements de la société NDRP conseil, des graves difficultés de la société et de la baisse importante des résultats de l'entreprise, est manifestement excessive.

Sur l'année 2009, l'intéressée se prévaut elle-même de l'assemblée générale ordinaire du 16 juin 2009 dans laquelle elle a proposé de ratifier et voté le maintien de sa rémunération au même niveau qu'en 2008, ce qui ne démontre pas une volonté de prendre en considération la situation réelle de la société. Il est avéré qu'entre le 6 avril et le 3 août 2009, au titre des seuls chèques dont Mme d'Amico a été bénéficiaire, elle a perçu la somme de 36.000 €, outre un virement de 3.500 €, représentant une moyenne mensuelle de 9.875 €, et sur les deux seuls dernier mois entre le 1er juin et le 3 août 2009, encore 20.500 €, alors que Mme d'Amico prétend elle-même voir fixer la date de cessation des paiements au 31 mai 2009.

Les sommes payées à Mme d'Amico ont donc été en 2009 très excessives au regard de la situation de la société sur cette période.

Mme d'Amico a attendu le 24 juin 2009 pour procéder au licenciement économique de son mari, à peine un peu plus de deux mois avant la déclaration de cessation des paiements et Me Legras de Grandcourt ès qualités, ce qui ne peut être considéré comme une décision ayant amélioré le sort de la société.

Elle ne justifie pas avoir honoré l'engagement de caution qu'elle aurait souscrit.

En définitive au regard des circonstances de l'espèce, il y a lieu d'annuler l'ensemble des virements et d'ordonner le rapport de l'ensemble des chèques à compter du 31 juillet 2008.

Les paiement nuls en espèces et en virements et le rapport des chèques dont Mme d'Amico a été bénéficiaire l'obligent à restitution des sommes correspondantes.

Mme d'Amico sera donc condamnée à payer à Me Legras de Grandcourt ès qualités la somme de 128.290 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2009 sur la somme de 27.500 € visée dans la mise en demeure de cette date et à compter de l'assignation pour le surplus.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Chaque partie succombant partiellement en ses prétentions conservera la charge des dépens et des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel, sans qu'il y ait lieu d'ajouter une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile à celle prononcée par les premiers juges.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 30 janvier 2013 en ce qu'il a annulé les retraits d'espèces opérés à compter du 18 mars 2008 sauf à rectifier l'erreur matérielle affectant le montant de ces retraits s'élevant à 31.790 € et non 14.010 €.

Dit que Mme Nathalie d'Amico a eu connaissance de l'état de cessation des paiements au 31 juillet 2008.

Confirme ce jugement en ce qu'il a annulé les virements effectués à compter du 31 juillet 2008 pour la somme 12.500 € et en ce qu'il a fait droit à l'action en rapport des chèques dont Mme Nathalie d'Amico a été bénéficiaire à compter du 31 juillet 2008 pour la somme de 84.000 €.

Infirme le jugement en ce qu'il a annulé les virements effectués et les chèques dont Mme Nathalie d'Amico a été bénéficiaire avant le 31 juillet 2008 et en ce qu'il a condamné Mme Nathalie d'Amico à payer à Me Legras de Grandcourt ès qualités la somme de 152.290 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2009.

Statuant à nouveau,

Condamne Mme Nathalie d'Amico à payer à Me Legras de Grandcourt ès qualités la somme de 128.290 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2009 sur la somme de 27.500 € et à compter du 1er octobre 2012 pour le surplus.

Déboute Me Legras de Grandcourt ès qualités du surplus de ses demandes.

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné Mme Nathalie d'Amico aux dépens de première instance et à une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Laisse à chaque partie la charge des dépens et des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.